CROISSANCE CATALYTIQUE ET DIRECTIONNELLE DE NANOTUBES DE CARBONE INDIVIDUELS, APPLICATION À DES SOURCES FROIDES D 'ÉLECTRONS. La présente invention a pour objet un procédé de croissance directive de nanotubes de carbone individuels sur un substrat, permettant d'optimiser les caractéristiques des nanotubes en termes de hauteur, positionnement et direction de croissance. Les nanotubes obtenus de cette façon conviennent particulièrement à leur utilisation comme source froide d'électrons. Les fibrilles, puis ensuite les nanotubes, de carbone ont été identifiés dès les années 1970 comme un matériau prometteur pour un grand nombre d'applications, dont les sources froides d'électrons. Les fibrilles de carbone de nature graphitique sont des dépôts de carbone fibreux d'un diamètre typiquement inférieur au micromètre. Elles ont été observées depuis très longtemps. Ces fibrilles ont été fabriquées par décomposition catalytique de différents gaz contenant du carbone sur des surfaces métalliques. On trouvera des études approfondies de ces fibrilles dans la publication de Baker et Harris, Chemistry and Physics of Carbon, Walker and Thrower éd., Vol. 14, 1978, p. 83, et dans celle de Rodriguez, N.- Journal of Materials Research, Vol. 8, p. 3233 (1993). Il est apparu que ces fibrilles de carbone provenaient d'une particule de catalyseur métallique qui, en présence d'un gaz contenant un hydrocarbure, devenait saturée en carbone. Il en résultait la croissance d'un noyau de graphite ordonné cylindriquement mais recouvert immédiatement d'une couche externe de carbone amorphe déposé par pyrolyse (Oberlin, A. and Endo, M., Journal of Crystal Growth, 32:335-349(1976)). Tibbets C.,( Applied Physics Letters Vol. 42(8) p. 666 , 1983) a décrit un procédé pour faire croître des fibres de carbone droites par pyrolyse du gaz naturel à des températures de 950 à 1075 degrés centigrade. Ce procédé est long et coûteux et de plus, ne permet pas d'éviter la gangue de carbone amorphe pyrolitique. En 1984, Tennent, décrit dans le brevet U.S. No. 4,663,230 un procédé de croissance catalytique en présence de gaz contenant du carbone permettant
de faire croître des noyaux de graphite ordonnés cylindriquement non contaminés par du carbone pyrolitique. Il obtint ainsi des fibrilles d'un diamètre inférieur à 100 nanomètres. Il est maintenant généralement admis que les fibrilles de carbone sans gangue obtenues catalytiquement par Tennent sont de nature similaire aux microtubules ou nanotubes de carbone obtenues par lijima au moyen d'un arc électrique entre des électrodes de graphite (S lijima, "Helical microtubules of graphitic carbon", Nature, vol. 354, No. 6348, pp. 56-58 , 1991 ). Depuis, de nombreux procédés de fabrication de nanotubes de carbone ont été proposés essentiellement selon des variantes des deux premières méthodes mises en œuvre : Dans une des méthodes, la croissance catalytique en phase vapeur, on utilise une source de carbone provenant de composés d'hydrocarbure gazeux et on réalise une croissance catalytique en phase vapeur, le gaz hydrocarbure étant dissocié par effet thermique, associé ou non à une pré-ionisation formant un plasma. Dans l'autre méthode, on utilise une source de carbone solide, typiquement du graphite, dissociée par décharge d'arc ou par ablation laser. Seule la croissance catalytique en phase vapeur permet d'obtenir des nanotubes perpendiculaires au substrat et localisés aux endroits voulus définis par la présence de catalyseurs, comme il est souhaité dans les applications visées par la présente invention, notamment l'utilisation des nanotubes de carbone comme source froide d'émission d'électrons. Parmi les améliorations qui ont été décrites pour obtenir les nanotubes souhaités, il a ainsi été proposé par plusieurs auteurs d'une part de réaliser des plots disjoints de catalyseur métallique, et d'autre part, d'ajouter et de contrôler un champ électrique dans le réacteur de croissance et au niveau du substrat pour améliorer la directivité des nanotubes. Une des propositions les plus récentes dans ce sens est décrite dans la demande US No 20030064169 par Chae Ok Kim et al. qui décrit un procédé de croissance des nanotubes en phase vapeur utilisant un plasma pour dissocier le gaz contenant du carbone et utilisant une grille de polarisation insérée entre le substrat et l'électrode haute de polarisation du plasma. Cette grille de polarisation permet d'appliquer un champ électrique perpendiculaire
au substrat, favorisant la croissance perpendiculaire des nanotubes à une température de substrat peu élevée, entre 350 et 550 degrés centigrades. Une telle configuration du réacteur de croissance, dans laquelle le substrat sert d'électrode de polarisation du plasma, est difficile à optimiser puisque d'une part la grille interfère avec le plasma et que d'autre part, le plasma est en contact avec le substrat, dont notamment il va modifier la température. Un équilibre délicat entre croissance des nanotubes et gravure de ces derniers par le plasma doit être trouvé. L'objet de la présente invention est de proposer un procédé de croissance dirigée des nanotubes de carbone dans lequel la génération des ions de produits carbonés et la croissance des nanotubes sont dissociés et optimisables de façons largement indépendantes. Suivant l'objet de la présente invention, les nanotubes sont réalisés par croissance directe sur un substrat en accélérant par un champ électrique ou électromagnétique des ions provenant d'une source d'ions de produits carbonés. La présente invention décrit un procédé permettant la croissance catalytique de nanotubes de carbone individuels et orientés essentiellement perpendiculairement au substrat (14) caractérisé par l'utilisation d'une première chambre (11) constituant une source d'ions de produits carbonés (13), d'une deuxième chambre (12) de croissance dans laquelle est placé ledit substrat (14) sur un support chauffant (15), lesdits ions (13) étant accélérés vers ledit substrat (14) par un optique électronique (16,17,18) dirigeant lesdits ions essentiellement perpendiculairement à la surface dudit substrat (14). Selon un des modes de réalisation préférentiel de la présente invention, les ions de produits carbonés sont obtenus dans la source par dissociation d'un gaz d'hydrocarbure au moyen d'un champ électrique continu ou d'un rayonnement électromagnétique à haute fréquence pour former un plasma. De préférence, le gaz d'hydrocarbure est choisi parmi le méthane, l'éthane ou l'acétylène.
De façon avantageuse, une couche mince de métal catalyseur, tel que le nickel, le chrome, le cobalt ou le fer, est déposée sur le substrat pour engendrer la croissance des nanotubes. Selon un des modes de réalisation de la présente invention, le métal catalyseur est organisé en plots isolés, de taille comprise entre 10 et 100 nanomètres, avec une densité moyenne de 0,01 à 10 plots par micron carré de surface de substrat. De façon avantageuse, une phase d'activation du catalyseur est effectuée avant la croissance des nanotubes, par exemple en soumettant le substrat à un mélange gazeux riche en hydrogène ou ammoniac. Selon un des modes de réalisation de la présente invention, l'optique électronique comporte une ou plusieurs grilles (17) insérées entre les deux chambres et une plaque de répulsion (18), la combinaison des polarisations appliquées à ladite grille ou au système de grilles (17), à ladite plaque de répulsion (18) et au substrat (14) créant electrostatiquement l'accélération nécessaire aux ions. Selon un des modes de réalisation préférentiel de la présente invention, le substrat (14) est une feuille, une tige ou un tube métallique, par exemple en tantale. De préférence, le substrat est placé dans la chambre de façon à ce que les nanotubes croissent sur la tranche ou l'extrémité dudit substrat, le catalyseur éventuel ayant été déposé au moins sur cette tranche ou cette extrémité, de façon à bénéficier d'un effet d'amplification du champ électrique lors de l'utilisation desdits nanotubes comme source froide d'émission électronique. Avantageusement, la tranche ou l'extrémité dudit substrat sont usinées par exemple en créant un biseau ou des chanfreins, pour augmenter l'effet d'amplification du champ électrique. De façon avantageuse, un grand nombre de substrats sont juxtaposés sur le porte-substrat (15) de façon à être traités en parallèle lors de la croissance des nanotubes.
L'invention sera mieux comprise, et d'autres buts, avantages et caractéristiques de celle-ci apparaîtront plus clairement à la lecture de la description qui suit de modes préférés de réalisation donnés à titre non limitatif et à laquelle une planche de dessins est annexée sur laquelle :
Les figures 1 , 3 et 4 sont des représentations schématiques de certains modes de réalisation suivant la présente invention, la figure 2 étant une p h o t o g r a p h i e d e n a n o t u b e s obtenus. La figure 1 illustre schématiquement l'appareillage utilisé pour réaliser la croissance dirigée des nanotubes. Une première chambre (11) constitue la source d'ions positifs (13) et est dotée de moyens pour ioniser le mélange gazeux introduit en (22), par exemple en réalisant un plasma (21 ) au moyen d'un champ de radiofréquences appliqué par des antennes adaptées (24). Une deuxième chambre (12), la chambre de croissance, comporte le porte-substrat chauffant (15) sur lequel est monté le substrat (14) sur la surface duquel on désire réaliser la croissance des nanotubes. Le pompage du mélange gazeux s'effectue par la tubulure (23) située, par exemple, dans la chambre de croissance. Une régulation de la pression dans la chambre et du débit du mélange gazeux introduit par la tubulure (22) permet le renouvellement du gaz tout en assurant la reproductibilité du procédé.
Les ions positifs (13) sont dirigés et accélérés vers le substrat (14) au moyen d'une optique électronique (16,17,18) comportant des moyens classiques de génération des champs électriques et magnétiques souhaités : un ensemble d'électrodes planes ou annulaires, de grilles et de bobinages sera donc disposé pour obtenir un flux d'ions uniforme et dirigé vers le substrat. Dans une configuration particulière : - Les ions positifs sont repoussés vers la chambre (12) par le potentiel positif appliqué par la connexion (19) à l'électrode supérieure (18). " Un système d'optique électronique (17) est constitué d'une ou de plusieurs grilles portées à un potentiel globalement négatif par rapport à
l'électrode (18). La distribution de potentiel entre les différentes grilles de ce système est ajustée de manière à réguler le flux d'ions positifs entre la chambre de production (11) et la chambre de croissance (12). Le substrat (14), par l'intermédiaire de la connexion (20), est polarisé négativement par rapport à la dernière électrode du système d'optique électronique située en vis-à-vis du substrat. Une telle configuration a été utilisée avec succès par les déposants pour réaliser des nanotubes de très bonnes performances. Le procédé utilisé est décrit ci-après à titre non limitatif d'un mode de réalisation de la présente invention. Le substrat utilisé est un tube de tantale de 1 mm de diamètre, d'épaisseur de parois 0,1 mm. Sur son extrémité polie sont déposées des nanoparticules de nickel avec une densité assurant que ces nanoparticules sont dispersées et non jointives. Le substrat est alors inséré dans la chambre (12), et la croissance directionnelle de nanotubes de carbone individuels s'effectue suivant le processus suivant : (1 ) Traitement thermique en présence d'hydrogène dans un vide d'environ 1 mTorr et avec une température du substrat égale à 700°C. (2) Traitement thermique à 700°C et bombardement ionique de composés provenant d'un plasma à une pression de 50 mTorr obtenu par une excitation radiofréquence (100 MHz). Les tensions appliquées sur les différentes électrodes sont telles que le courant mesuré sur le substrat est alors de l'ordre de 1 mA/cm2 (3) Traitement thermique à 650°C et bombardement ionique de composés provenant d'un plasma obtenu par excitation radiofréquence d'un mélange acétylène (1/3) et ammoniac (2/3) à une pression d'environ 150 mTorr. Les tensions appliquées sur les différentes électrodes sont telles que le courant mesuré sur le substrat est de l'ordre de 10 μA/cm2. On obtient des nanotubes hauts d'environ 2 _m après 10 minutes de croissance .
La figure 2 présente une photographie par microscopie électronique à balayage de nanotubes réalisés suivant la présente invention et suivant les conditions décrites ci-dessus. On observe ici des nanotubes d'environ 150
nanomètres de diamètre et 4 _m de hauteur. Le substrat est incliné à 45 degrés donc les nanotubes apparaissent 1 ,4 fois plus courts. On notera l'alignement des nanotubes et l'espacement entre eux permettant d'optimiser leur émission d'électrons par effet de champ. L'état de surface du substrat provient du polissage mécanique effectué. La figure 3 illustre schématiquement un microtube cathodique (31), un exemple parmi d'autres d'application des nanotubes réalisés suivant la présente invention. Il s'agit de tubes à vide miniatures (32), typiquement en verre, de diamètre typiquement compris entre 0,5 et 5 mm. Le microtube comprend une anode recouverte de luminophores (33), une source froide d'électrons (34) constituée préférentiellement de nanotubes de carbone alignés verticalement, et par exemple, d'une électrode (35), dite de grille, contrôlant le champ électrique à proximité de la source (34) et donc contrôlant l'émission de champ de cette source. On ajuste les potentiels appliqués sur les 3 électrodes externes (36,37,38) pour polariser respectivement l'anode (33), la source (34) et la grille (35) de façon à générer autour des nanotubes de la source un champ électrique suffisant pour extraire des électrons et les accélérer vers les luminophores de l'anode, qui vont émettre de la lumière. Un tel microtube cathodique constitue une dispositif lumineux élémentaire aux performances avantageuses notamment pour la réalisation d'écrans d'affichage, par assemblage de ces microtubes sur un support approprié, qui sera avantageusement choisi flexible. La Figure 4 illustre schématiquement 2 exemples de croissance des nanotubes de carbone suivant la présente invention qui sont particulièrement bien adaptés à la réalisation de sources froides d'électrons par exemple pour utilisation dans les microtubes cathodiques décrits ci-dessus. Dans ces exemples, les nanotubes (41) ont été préférentiellement réalisés sur la tranche d'un substrat métallique ayant soit la forme d'un tube (42) soit la forme d'une lame (43). On comprend donc que, par exemple, de tels substrats pourront être aisément insérés, par soudure, rivetage, scellement ou autre procédé, dans le microtube cathodique décrit précédemment de façon à ce que les nanotubes soient dirigés vers l'anode. De plus, le substrat tubulaire
(42) peut servir de tube d'évacuation et de scellement de l'enveloppe à vide du microtube. La localisation des nanotubes sur la tranche du substrat présente deux avantages : - le substrat étant métallique sera équipotentiel. Dans le vide, aux alentours de la tranche du substrat, les lignes de potentiel électrique seront donc courbées pour suivre les contours du substrat. Il en résultera donc une augmentation locale du champ électrique. Cette augmentation locale du champ a lieu à une échelle de quelques dizaines à quelques centaines de microns, suivant la forme de la tranche. Cette première augmentation s'ajoute à l'augmentation du champ par effet de pointe autour du nanotube de carbone, résultant dans l'émission d'électrons dans le vide par émission froide de type Fowler-Nordheim. De plus, des chanfreins tel que ceux (44) de la lame (43) renforcent cette augmentation du champ électrique. Donc la géométrie particulière du substrat utilisé permet un émission d'électrons plus importante, pour des conditions de polarisation données, que l'émission de nanotubes équivalents réalisés sur un substrat plan.
- Un très grand nombre de substrats élémentaires pourra être traité en parallèle durant le procédé de croissance des nanotubes objet de la présente invention. Ceci permet de diminuer très significativement le coût de fabrication des nanotubes et donc des dispositifs les utilisants. Par exemple, les lames (43) pourront être aboutées de façon très compacte. Si l'on utilise des lames carrées de 1 mm et d'épaisseur 0,1 mm, on pourra en monter 900 000 sur un porte substrat de 300 x 300 mm.
La réalisation, selon l'invention, de nanotubes de carbone par accélération d'ions de produits carbonés sur un substrat doté d'un catalyseur métallique apporte un grand nombre d'avantages dont une partie est décrite ci- après : - On obtient des nanotubes orientés perpendiculairement à la surface du substrat, ce qui améliore très sensiblement leur émission de champ.
- Les nanotubes sont localisés sur les plots de matériau catalyseur. En dimensionnant correctement ces plots, on obtient des nanotubes individuels sur chaque plot. En distribuant correctement ces plots, on obtient l'espacement idéal moyen entre les nanotubes, typiquement égal à plusieurs fois la hauteur moyenne des dits nanotubes.
- Les paramètres du procédé sont optimisables de façons largement indépendantes. Notamment les paramètres de fonctionnement de la source d'ions (mode d'ionisation, configuration de la chambre, puissance RF utilisée, nature du mélange gazeux utilisé comme source, ..) peuvent être optimisés sans remettre en cause fondamentalement les paramètres de croissance (nature du substrat et du catalyseur, température du substrat, tensions de polarisation,..). La pression utilisée lors de la croissance est par contre un paramètre commun aux deux chambres, puisqu'elles communiquent largement entre elles. On pourra ainsi rechercher avec efficacité le procédé optimum pour une application donnée, en termes de performances des nanotubes, de reproductivité et de productivité. - Le procédé mis en œuvre est aisément adaptable à des tailles de substrats diverses. Il peut facilement s'insérer dans une chaîne de fabrication automatisée, en le couplant à des dispositifs connus de manipulation et de contrôle.
Le positionnement des divers éléments constitutifs donne à l'objet de l'invention un maximum d'effets utiles qui n'avaient pas été, à ce jour, obtenus par des dispositifs similaires.