Procédé de fabrication d'une bande d'acier laminée à froid pour emboutissage profond.
Domaine technique
La présente invention concerne un procédé de fabrication d'une bande d'acier laminée à froid pour emboutissage profond.
Etat de la technique. A l'heure actuelle, les bandes d'acier destinées à des opérations d'emboutissage sont généralement des bandes d'acier laminées à froid, qui présentent des propriétés très favorables à cet égard. La fabrication de ces bandes à froid comporte cependant diverses opérations de réduction d'épaisseur et de traitement thermique qui en augmentent le coût.
L'utilisation de bandes d'acier laminées à chaud pour des opérations d'emboutissage, en remplacement des bandes laminées à froid traditionnelles, suscite de ce fait un intérêt croissant, aussi bien au niveau de la fabrication que chez les utilisateurs.
II est bien connu que les aciers destinés à l'emboutissage profond sont des aciers doux, c'est-à-dire des aciers dont la teneur en carbone est comprise entre 0,02 et 0,08 % en poids et celle en manganèse entre 0, 1 et 0,4 % en poids.
Selon la pratique habituelle, les aciers doux sont laminés à chaud dans le domaine austénitique et la température de fin de laminage est supérieure à la température de transformation Ar3, c'est-à-dire une température comprise en général entre 820°C et 880°C. Les possibilités d'emploi de ces bandes à chaud conventionnelles sont cependant très limitées, en raison de leur texture aléatoire et de leur mauvaise aptitude à l'emboutissage. En outre, il est impossible en pratique de fabriquer des bandes minces laminées à chaud par cette méthode conventionnelle. En effet, la faible épaisseur des bandes entraîne un refroidissement rapide de celles-ci, même en cours de laminage à chaud, de sorte qu'il n'est pas possible d'effectuer le laminage de finition dans le domaine austénitique afin d'obtenir une microstructure favorable aux opérations ultérieures de mise à forme par emboutissage profond.
Méthode classique utilisée actuellement
A l'heure actuelle, les aciers pour emboutissage profond du type FeP01 et FeP03, les désignations étant relatives à la norme européenne EN 101 30, mettent en œuvre des aciers à bas carbone (0,02 < C < 0,08 % en poids), bas manganèse (0, 1 < Mn < 0,4 % en poids), lesquels subissent un laminage à chaud dans la région austénitique et sont bobiné à haute température (680°C < T < 750°C) . Ces bandes d'acier sont ensuite laminées à froid avec un taux de réduction compris entre 65 et 80 % et subissent un recuit en continu.
Le tableau 1 indique les propriétés mécaniques minimales requises dans le cadre des deux types d'acier commerciaux pour emboutissage profond FeP01 et FeP03.
Tableau 1 : Propriétés mécaniques garanties pour des aciers commerciaux pour emboutissage profond.
FeP01 et FeP03 sont les types d'aciers tels définis dans la norme européenne EN 101 30 relative aux qualités d'aciers commerciaux pour emboutissage profond; YS (MPa) est la limite élastique exprimée en mégapascals; TS (MPa) est la charge de rupture exprimée en mégapascals; Eltot (%) est l'allongement total à la rupture exprimé en %; R90 est le paramètre de Lankford mesuré à 90° par rapport à la direction de laminage.
Lors du laminage à chaud précité, le bobinage de la bande d'acier à une température élevée, c'est-à-dire comprise 680°C et 750°C est opéré en vue d'obtenir dans la bande à chaud la précipitation totale du N sous forme de nitrures grossiers, condition favorisant le contrôle de la texture de la bande lors du recuit de recπstallisation.
Après laminage à froid, la bande subit un recuit en continu comportant un chauffage à une vitesse de l'ordre de 10°C/s jusqu'à une température de recuit située dans la région ferπtique, c'est-à-dire inférieure ou égale à 720°C et un maintien à cette température pendant environ 1 minute, suivi d'un refroidissement à une vitesse
comprise entre 10 et 20°C/s jusqu'à la température de survieillissement. Ce traitement de survieillissement est nécessaire pour obtenir une bande dont la microstructure comporte une quantité suffisamment basse de carbone soluble afin de présenter un indice de vieillissement (Al = Aging Index) réduit. En général, le temps de maintien à une température de survieillissement comprise entre 350°C et 500°C indispensable afin d'obtenir une précipitation de carbures adéquate est de plusieurs minutes.
Inconvénients de la méthode classique précitée.
• Une température de recuit relativement basse ( < 720°C ) qui donne lieu à une microstructure à grains assez fins et favorise de la sorte la présence de sites de nucléation pour le Fe3C pendant le refroidissement lent primaire c'est-à-dire depuis la température de recuit jusqu'à la température de survieillissement. Les valeurs classiques des vitesses de refroidissement dans le cas de bandes d'acier d'une épaisseur de 0,8 mm soumises à un refroidissement classique par jets de gaz sont comprises entre 5 et 1 5 °C/s. Par conséquent, une quantité non négligeable de C est déjà précipitée au début du traitement de survieillissement et il en résulte un effet néfaste de sursaturation plus faible et donc une cinétique de la précipitation des carbures plus lente à la température de survieillissement.
• Une obligation d'un maintien à la température de survieillissement relativement long de l'ordre de 3 à 5 minutes qui est la conséquence de la remarque précédente mais nécessaire afin de réduire la quantité de carbone interstitiel présente dans le produit final en dessous d'une valeur suffisamment basse pour éviter tout vieillissement ultérieur.
• Après un traitement de survieillissement classique, c'est-à-dire avec maintien à 400°C pendant 3 à 5 minutes, dans une ligne de recuit en continu mettant en œuvre la technique classique du refroidissement par jets de gaz, l'indice de vieillissement du produit obtenu est de l'ordre de 50-60 Mpa. Etant donné que l'on définit un produit comme étant non sensible au vieillissement (ageing-free) quand son indice de vieillissement est inférieur à 30 Mpa (Voir suivant : K. Ushioda et al., Metallurgical investigation for producing non-ageing deep-drawable LC AK-steel sheets by continuous annealing, Developments in the annealing of sheet steels, éd. by R. Pradhan and I. Gupta, 1 992, pg. 261 -285), ce qui correspond à une absence de palier d'écoulement (Luders strain) dans une simulation de vieillissement sous forme d'un maintien à 1 00°C pendant 1 heure. L'opération précitée de maintien à 100°C pendant 1 heure est représentative d'une opération de stockage de 3 mois
à 30°C effectuée habituellement dans la réalité par le producteur de tôles avant expédition vers l'utilisateur. Cela signifie que les produits ainsi obtenus, et donc aussi les types commerciaux FeP01 et FeP03 pour emboutissage profond ainsi obtenus, sont sensibles au vieillissement après déformation (strain ageing).
Présentation de l'invention
Pour éviter les inconvénients précités, la présente invention propose un procédé de fabrication d'une bande d'acier laminée à chaud pour emboutissage profond du type FeP01 et FeP03.
Conformément à l'invention, un procédé de fabrication d'une bande d'acier laminée à froid pour emboutissage profond, d'une épaisseur comprise entre 0,3 mm et 1 mm, d'application à des aciers à bas carbone (0,02 < C < 0,08 % en poids), bas manganèse (0, 1 < Mn < 0,4 % en poids), S < 0,01 5 % en poids, Si < 0, 1 % en poids, P < 0,08 % en poids, Al < 0,05 % en poids, Nb < 0,02 % en poids et Ti <
0,03 % en poids, dans lequel on soumet une brame d'acier du type précité à un laminage à chaud dans la région austénitique avec bobinage en fin de laminage à chaud à haute température (680°C < T < 750°C), ladite bande laminée à chaud étant ultérieurement soumise à un laminage à froid avec un taux de réduction compris entre 65 et 80 %, et subissant finalement un traitement thermique de recuit et de survieillissement, est essentiellement caractérisé en ce qu'on chauffe la bande d'acier à une vitesse de chauffage Vh comprise entre 1 50°C/s et 1000°C/s jusqu'à la température de recuit Ta comprise entre 650°C et 750°C, en ce qu'on maintient ladite bande à la température de recuit pendant un temps ta compris entre 1 et 20 secondes, en ce qu'on refroidit ladite bande à une vitesse de refroidissement Vc comprise entre
100°C/s et 500°C/s jusqu'à une température de survieillissement Toa comprise entre
1 50°C et 450°C.
Suivant une modalité de mise en œuvre du procédé, objet de la présente invention, on effectue le chauffage de la bande d'acier, jusqu'à atteindre la température de recuit Ta, par induction, de préférence en créant un flux induit longitudinal.
Cette manière de chauffer la bande d'acier présente l'avantage d'une grande flexibilité dans le choix de la température Ta, ainsi que la faisabilité au niveau de vitesses de
chauffage Vh très élevées. En outre, ce type de chauffage par induction améliore la productivité du procédé et étend son domaine d'application pratique.
Suivant une autre modalité de mise en œuvre du procédé, objet de la présente invention, le refroidissement de la bande depuis la température de recuit Ta jusqu'à la température de survieillissement Toa comporte au moins une pulvérisation de liquide ou une projection de gaz refroidisseur sur la bande ou une mise en contact de celle-ci avec un rouleau refroidisseur.
La procédure de refroidissement est particulièrement intéressante si l'on veut atteindre une vitesse de refroidissement suffisamment élevée pour que la mise en œuvre de l'ensemble du procédé puisse se faire dans des lignes compactes avec une productivité élevée.
Suivant une modalité de mise en œuvre du procédé, objet de la présente invention, après le recuit, on opère un traitement de survieillissement en continu en refroidissant ladite bande jusqu'à une température de survieillissement Toa comprise entre 350°C et 450°C et en maintenant la bande à la température de survieillissement Toa pendant une durée comprise entre 40 secondes et 2 minutes et en la refroidissant finalement à une température inférieure à 100°C.
Suivant une autre modalité de mise en œuvre du procédé, objet de la présente invention, après le recuit, on refroidit ladite bande jusqu'à une température de survieillissement comprise entre 1 50°C et 250°C, on enroule ladite bande pour former des bobines, lesquelles sont introduites, à une température comprise entre 1 30°C et 230°C, dans un four tunnel sous atmosphère protectrice pour éviter l'oxydation desdites bobines et on maintient lesdites bobines dans ledit four tunnel jusqu'à refroidissement de ces dernières à une température inférieure à 100°C.
La modalité précédente permet de remplacer le traitement de survieillissement classique opéré en continu, c'est-à-dire avec maintien isotherme de la bande en mouvement pendant 40 secondes à 2 minutes à une température comprise entre 350°C et 450°C, par un traitement alternatif non isotherme de la bande sous forme de bobine placée dans un four tunnel avec une atmosphère protectrice non oxydante dans lequel elle
subit un refroidissement lent jusqu'à la température inférieure à 100°C au cours duquel le carbone soluble précipite comme carbure.
Suivant une autre modalité, après le refroidissement qui suit l'opération respectivement soit de survieillissement avec maintien à la température Toa, soit le passage sous forme de bobines dans un four tunnel, on soumet la bande à une opération de laminage dite skin pass avec un taux de réduction compris entre 0,5 % et 2,5 %.
Description de l'exemple. L'exemple ci-dessous présente une comparaison entre les propriétés mécaniques obtenues dans le cas d'une bande en acier qui a subi d'une part un traitement de recuit continu conventionnel et d'autre part un traitement de recuit en continu ultra court USA (USA = Ultra Short Annealing) conforme au procédé de la présente invention. La bande est en acier ELC, calmé à l'aluminium et comportant un pourcentage total en carbone de 0,032 %. Ladite bande a subi d'abord un laminage à chaud, ensuite un laminage à froid avec un taux de réduction de 75 %, et enfin un recuit en continu suivi d'un survieillissement.
Le tableau 2 résume les données caractérisant chacun des recuits, à savoir le recuit en continu conventionnel et le recuit en continu ultra court USA (USA = Ultra Short Annealing) suivant l'invention.
Tableau 2 : Données caractérisantes du recuit en continu.
USA = Ultra Short Annealing
Vh = Vitesse de chauffage exprimée en°C/s
Ta = Température de recuit exprimée en°C ta = temps de maintien à la température de recuit exprimé en secondes
Vc = Vitesse de refroidissement après recuit exprimée en°C/s
oa = Température de survieillissement exprimée en°C toa = temps de maintien à la température de survieillissement exprimé en secondes
Le tableau 3 ci-dessous donne les propriétés mécaniques que présente la bande d'acier après traitement.
Tableau 3 : Propriétés mécaniques de la bande d'acier après recuit et survieillissement
USA = Ultra Short Annealing
YSI = lower yield strength = limite inférieure d'élasticité exprimée en mégapascals
TS = Tensile Strength = charge de rupture exprimée en mégapascals
YPel = Yield Point elongation = longueur du palier plastique exprimée en %
Elto = total Elongation = allongement total à la rupture exprimé en % R90 = le paramètre de Lankford mesuré à 90° par rapport à la direction de laminage
GS = Grain Size = grandeur grain exprimée en micromètres
Ci = interstitial Carbon content = quantité de carbone interstitiel exprimée en ppm
Il ressort des valeurs présentées dans le tableau 3 que le recuit USA ultra court suivant l'invention est plus doux et il s'en suit que la bande, après recuit ultra court, présente des valeurs plus basses pour le YSI (YSI = lower yield strength = limite inférieure d'élasticité) et le TS (TS = Tensile Strength = charge de rupture) que dans le cas d'un traitement de recuit classique. Il en découle que la bande traitée par recuit USA répond aux normes de qualité FeP03 en matière d'aptitude à l'emboutissage, alors que celle traitée par le recuit classique satisfait à peine aux normes de la qualité inférieure FePOl dans le même contexte. La bande d'acier traitée par le recuit ultra court USA suivant le procédé de la présente invention est donc mieux appropriée à subir les opérations d'emboutissage profond.
En outre, signalons que le contenu en carbone interstitiel est plus faible dans la bande traitée par le recuit USA ce qui assure un indice de vieillissement plus faible, ce qui est
un avantage lors de l'utilisation de ladite bande d'acier. Cette amélioration du indice de vieillissement est liée à une vitesse de refroidissement depuis la température de recuit dans le cas USA beaucoup plus rapide que dans un recuit conventionnel, avec pour effet qu'une plus grande quantité de carbone est précipitée pendant les 40 secondes 5 de maintien lors du survieillissement alors qu'un refroidissement plus doux dans le recuit conventionnel conduit à une quantité de carbone précipitée plus faible même si la durée de maintien lors du survieillissement est sensiblement plus longue, ici 1 80 secondes.
o Conclusions.
Le procédé de l'invention permet de fabriquer des bandes d'acier pour emboutissage profond qui satisfont aux critères requis pour être aptes aux opérations d'emboutissage dans la qualité commerciale FeP03, avec en plus les avantages suivants:
• La bande d'acier présente un coefficient de vieillissement plus faible que lors de la5 mise en œuvre de procédés de recuit continu conventionnels;
• Les durées de traitement aussi bien en recuit qu'en survieiliissement sont plus courtes ce qui constitue un avantage économique non négligeable dans le contexte du dimensionnement des installations industrielles. 0 En outre, on peut améliorer tant la rationalisation que la flexibilité des opérations de survieillissement, car on peut séparer physiquement ces dernières du procédé continu incluant le recuit et traiter simultanément plusieurs bobines dans un même four tunnel.