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La présente invention concerne un procédé de préparation de pièces ouvrées mettant en oeuvre un liant cryogénique.
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La fabrication de pièces ouvrées, notamment de pièces en céramiques, métaux ou produits carbonés, peut se faire par mise en forme de particules, par exemple par filage, injection dans un moule, pressage ou extrusion.
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Les procédés utilisés jusquà présent pour fabriquer ces pièces consistent, en un premier temps, à mélanger des particules, sous forme de poudres et/ou de fibres, avec un corps thermoplastique tels la paraffine, des cires, du polystyrène et, éventuellement, certains adjuvants. Le corps thermoplastique joue le rôle d'un liant, et a pour but de conférer une tenue mécanique aux particules, de sorte à permettre leur manipulation en vue de leur mise en forme. Après mise en forme, la pièce obtenue doit subir un traitement destiné à éliminer le corps thermosplastique. Ensuite, la pièce peut être traitée thermiquement, par exemple, elle peut être frittée.
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Ces procédés classiques de fabrication de pièces, mettant en oeuvre un corps thermoplastique en tant que liant, présentent de nombreux inconvénients. Ainsi, en raison des mauvaises qualités dispersantes des corps thermoplastiques, il est difficile de réaliser un mélange parfaitement homogène entre ce type de liant et les particules. Ces dernières, en particulier quand elle se présentent sous forme de poudres, doivent être parfaitement désagglomérées.
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L'élimination du corps thermoplastique, ou déliantage, doit se faire par un traitement thermique très long, qui peut prendre jusquà 72 heures, ce qui bien entendu nuit grandement à la productivité du procédé. Une telle durée est cependant nécessaire si l'on veut éviter la déformation de la pièce sous l'action des contraintes associées aux tensions interfaciales liquide/gaz du corps thermoplastique, induisant l'apparition de fissures.
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L'élimination du corps thermoplastique peut entraîner la formation de résidus de décomposition, notamment des goudrons. Ces derniers peuvent entraîner une migration des additifs de frittage vers la surface de la pièce, ce qui nuit au frittage proprement dit de la pièce. Pour éviter cet inconvénient, on peut généralement procéder à l'élimination du corps thermoplastique sous atmosphères oxydantes. Toutefois, de telles atmosphères empêchent l'utilisation de particules craignant l'oxygène. Enfin, les corps thermoplastiques ne peuvent en aucun cas être recyclés en vue de leur réutilisation comme liant. Par ailleurs, les demandes de brevet WO 8200015 et GB 1.537.471 décrivent des procédés de fabrication de moules de fonderie selon lesquels on lie temporairement un matériau particulaire avec un liant gelé, tels de la neige, de la glace pilée ou un mélange de dioxyde de carbone liquide et de glace. Ces liants présentent une viscosité faible et ont pour but principal de conférer une certaine cohésion audit matériau particulaire pendant une opération de coulée d'un métal fondu dans le moule.
Une fois cette opération terminée, le moule perd totalement sa cohésion et s'effrite.
On peut ainsi récuperer le métal préalablement coulé et dont les surfaces se sont solidifiées, sans avoir à recourir à des moyens mécaniques d'extraction du moule. Ces procédés ne permettent donc que l'obtention d'un moule dont la durée de vie est trés brève et en aucun cas l'obtention dune pièce ouvrée présentant une bonne cohésion et mécaniquement stable dans le temps, même à des températures supérieures à l'ambiante.
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La présente invention concerne un procédé de fabrication de pièces ouvrées,mécaniquement stables dans le temps, obviant aux inconvénients des procédés classiques . Plus particulièrement, l'invention permet d'éliminer très rapidement le liant auquel sont mélangées les particules, sans crainte de déformations ou de fissures de la pièce, n'entraîne par la formation de résidus de décompositions dans la pièce, ne nécesssite pas une désagglomération poussée des particules, et permet éventuellement de recycler le liant en vue d'opérations de fabrication ultérieures.
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L'invention concerne un procédé de fabrication de pièces ouvrées caractérisées en ce qu'on mélange des particules avec un liant cryogénique, on met en forme le mélange obtenu, on traite thermiquement ledit mélange dont on a préalablement éliminé au moins partiellement ledit liant cryogénique et on récupère la pièce ouvrée.
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Dans le cadre de la présente invention, lesdites particules sont principalement des poudres, des fibres ou des mélanges de poudres ou de fibres.
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Ces particules sont généralement de nature minérale métallique ou non métallique. Selon la nature de la pièce à fabriquer, ces particules peuvent être des pigments, comme l'oxyde de titane, des matières céramiques comme les alumines, les aluminates, les silices, les silicates, les aluminosilicates telles les argiles, des métaux comme le fer, le cerium, les terres rares, ou les métaux de transition tels le cobalt, le nickel, de la ferrite, des nitrures tel le nitrure de silicium, du carbone ou du graphite, ou des carbures tels les carbures de bore ou de silicium.
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La taille des particules doit être suffisamment petite pour être facilement agglomérées. Si les particules se présentent sous forme de poudre, leur granulométrie est de préférence inférieure à 100 µm , plus préférentiellement comprise entre 0,1 et 10 µm.
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Si les particules se présentent sous forme de fibres, leur longueur est de préférence comprise entre 10 µm et à 0,5 mm, plus préférentiellement entre 10 µm et 0,1 mm, et leur diamètre est compris de préférence entre 1 µm et 0,1 mm, plus préférentiellement entre 1 µm et 50 µm.
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Dans le cadre de la présente invention, on entend par liant cryogénique un produit ou un mélange de produits, dont la viscosité est suffisante pour lier ou agglomérer entre elles les particules telles que définies ci-dessus, et dont l'un au moins des constituants est un gaz solide et/ou liquide. Dans le cadre de la présente invention, on entend par gaz solide et/ou liquide un corps qui est sous forme gazeuse à des températures et pressions normales (10-30°C et pression atmosphérique ou voisine de la pression atmosphérique) et sous forme solide ou liquide dans les conditions de température et de pression mises en oeuvre. Habituellement ladite température est inférieure à - 20° C, de préférence inférieure à - 50° C et plus préférentiellement comprise entre - 70° C et - 196° C. Ladite pression est généralement la pression atmosphérique ou une pression voisine de celle-ci, mais elle peut dans certains cas être supérieure à la pression atmosphérique, par exemple de l'ordre de 10⁶, voire 10⁷ Pa. Généralement un liant cryogénique selon l'invention, présente une viscosité supérieure à 100 mPa.s, de référence comprise entre 300 et 1000 mPa.s à la température et la pression mises en oeuvre.
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A titre de liant cryogénique, on peut citer les laits cryogéniques, constitués par un mélange entre un corps liquide de même nature ou de nature différente et qui, dans des conditions de température et de pression normales, sont à l'état gazeux. Un lait cryogénique convenable peut être constitué par un mélange de neige carbonique et d'un gaz liquéfié, de préférence l'azote liquide. La rhéologie d'un tel lait cryogénique peut être contrôlée par le rapport pondéral entre la neige carbonique et le gaz liquéfié. On peut également citer le slush d'hydrogène constitué par un mélange d'hydrogène solide et d'hydrogène liquide.
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Un liant cryogénique préféré selon l'invention est constitué par un mélange de dioxyde de carbone solide et d'au moins un solvant organique. Le dioxyde de carbone peut se présenter sous forme de neige carbonique ou de glace carbonique pilée. Le solvant organique présente avantageusement dune part, un point de fusion inférieur ou égal au point de sublimation du dioxyde de carbone, et d'autre part, un point de liquéfaction supérieur au point de sublimation du dioxyde de carbone, ceci dans les conditions de mise en oeuvre du procédé de l'invention.
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A titre de solvant organique, on peut citer les éthers, de préférence le diéthyle éther, les cétones, de préférence l'acétone, les alcools et les esters.
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Selon la viscosité que l'on veut obtenir, on fait varier la proportion entre le dioxyde de carbone solide et le solvant organique. Généralement, on utilise de 10 à 50 % en poids de solvant par rapport au poids total du liant cryogénique. Un tel liant cryogénique est préparé par simple mélange du dioxyde de carbone solide et du solvant organique, dont la température est préalablement portée à une valeur comprise entre le point de fusion dudit solvant et la température de sublimation du dioxyde de carbone, dans les conditions de pressions mises en oeuvre. Habituellement, la pression utilisée est la pression atmosphérique.
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Le mélange entre le liant cryogénique et les particules peut se faire par tout moyen conventionnel, par exemple par simple mélange avec une spatule ou dans un malaxeur. Ce mélange se fait généralement à une température inférieure ou égale à celle dudit liant cryogénique. Avantageusement, on réalise le mélange après avoir préalablement refroidi à la température de mélange, les particules et le dispositif dans lequel se fait le mélange. Il a été constaté, que, dune manière très avantageuse, le mélange entre le liant cryogénique et les particules, en particulier quand les particules sont de natures différentes, est très homogène.
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Le rapport pondéral entre le liant cryogénique et les particules est fonction de la nature des produits mis en oeuvre. Généralement, ce rapport est compris entre 85/15 et 15/85, de préférence entre 70/30 et 30/70.
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Outre le liant cryogénique et les particules, le mélange peut contenir des additifs classiques, adaptés à la nature et aux qualités requises de la pièce à fabriquer . A titre d'exemple, si la pièce à fabriquer est une pièce céramique, on peut ajouter au dit mélange des polymères pseudoplastiques et/ou des latex destinés à renforcer ses propriétés mécaniques.
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Le mélange obtenu, on peut alors le mettre en forme par des procédés classiques, parmi lesquels on peut citer l'extrusion, le pressage, le filage ou le moulage, notamment par injection.
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La mise en forme du mélange se fait à une température de préférence inférieure ou égale à celle du liant cryogénique. Une fois le mélange mis en forme de pièce, on peut procéder à l'élimination au moins partielle du liant cryogénique. Cette élimination peut se faire en amenant la température du mélange mis en forme à une valeur supérieure à la température du liant cryogénique. Généralement, on amène la température du mélange à une valeur supérieure à 0°C, plus généralement comprise entre 10° et 30°C. Cette remontée en température se fait de préférence en régime d'évaporation lente plutôt qu'en régime d'ébullition. Il est particulièrement avantageux de recueillir le mélange mis en forme sur un matériau isolant thermique ou sur un lit de neige carbonique. De préférence, le matériau isolant thermique présente une structure poreuse, tels la pierre ponce ou des articles en céramique poreux. Cette structure poreuse permet, notamment quand le liant cryogénique est constitué par un mélange de dioxyde de carbone solide et de solvant organique, de drainer ledit solvant organique. Au cours de l'élimination, le liant cryogénique peut être récupéré, au moins partiellement, par tout moyen en vue de sa réutilisation pour la fabrication dune pièce ouvrée selon le procédé de la présente invention.
En particulier, lorsqu'on recueille le mélange mis en forme sur un matériau isolant thermique présentant une structure poreuse, on peut, le cas échéant, récupérer le solvant organique à sa sortie de la structure poreuse. Une fois le liant cryogénique éliminé, au moins partiellement, on peut traiter thermiquement la pièce, par exemple la fritter dans des conditions classiques.
On récupère alors une pièce ouvrée présentant une excellente cohésion et qui est mécaniquement stable dans le temps.
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L'invention est à présent illustrée par les exemples suivants :
Exemple 1
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On introduit dans un mélangeur préalablement refroidi à une température de - 80°C de la neige carbonique et de l'acétone également à - 80°C. On mélange pendant environ deux minutes jusquà obtention dune composition homogène et lisse. La vitesse de mélange est d'environ 1 tour/seconde . Puis on introduit dans la composition ainsi obtenue de la poudre d'alumine refroidie à - 80°C de sorte à obtenir un mélange comportant (en poids) :
- acétone | : 11,1 % |
- neige carbonique | : 44,5 % |
- alumine | : 44,4 % |
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On mélange à 1 tour/seconde pendant environ 25 minutes, jusquà obtention de granulés d'environ 5 mm de diamètre. Ces derniers sont filés sur une presse verticale de force de 50 tonnes, dans un outillage refroidi au préalable à -85°C. On obtient des tubes dont le diamètre interne est de 6 mm et le diamètre externe de 8 mm, que l'on recueille dans un lit de neige carbonique. Après remontée lente à température ambiante, ces tubes sont frittés pendant 8 heures à 1500°C.
Exemple
2
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On introduit dans un mélangeur préalablement refroidi à - 84° C de la neige carbonique et de l'acétone également à - 84° C. On mélange à 1 tour/seconde pendant environ deux minutes jusquà obtention dune composition homogène et lisse.
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Puis on introduit dans cette composition de la poudre de ferrite de strontium 6H comportant des adjuvants de frittage du type bentonite, dont la granulométrie est de 0,8 µ Fisher (société Ugimag). On obtient alors un mélange comportant (en poids) :
- acétone | : 10 % |
- neige carbonique | : 41 % |
- ferrite | : 49 % |
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On mélange à 1 tour/seconde pendant 15 minutes de manière à obtenir une composition homogène, d'aspect pâteux, que l'on file sur une presse identique à celle de l'exemple 1, dont l'outillage est refroidi à - 85° C.
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On obtient alors des barres de 8 mm que l'on recueille dans un lit de neige carbonique. Les barres sont frittées, à l'air ventilé, dans les conditions suivantes :
- montée | : 100° C/h jusqu'à 100°C |
- palier | : 2 h à 100° C |
- montée | : 185° C/h jusqu'à 1250°C |
- palier | : 1 h 30 à 1250°C |