Procédé de fabrication de fil d'armure en acier plaqué pour conduite tubulaire flexible de transport d'hydrocarbures, et conduite ainsi armée
La présente invention concerne le domaine des conduites tabulaires flexibles pour le transport d'hydrocarbures, notamment les conduites non liées ("unbonded flexible pipes"). Ces conduites sont définies dans les recommandations API 17J et 17B de l'American Petroleum Institute et comportent des couches métalliques et des couches polymériques séparées, c'est-à-dire non liées entre elles de manière à autoriser un certain déplacement relatif entre les couches.
Plus précisément, une conduite non liée du type visé dans l'invention comprend généralement, de l'intérieur vers l'extérieur :
- une gaine d'étanchéité interne, réalisée en matière plastique généralement polymère, résistant à l'action chimique du fluide à transporter ;
- éventuellement une voûte de pression résistant principalement à la pression développée par le fluide dans la gaine d'étanchéité et constituée par l'enroulement en hélice à pas court (c'est-à-dire avec un angle d'enroulement voisin de 90° par rapport à l'axe de la conduite) autour de la gaine interne, d'un ou plusieurs fils métalliques de forme agrafés (auto- agrafables ou non) ; les fils de forme ont une section en Z ou en T ou leurs dérivés (teta ou zêta), en U, ou en I ;
- au moins une nappe (et généralement au moins deux nappes croisées) de fils d'armure de traction enroulés à pas long ; l'angle d'armage mesuré sur l'axe longitudinal de la conduite est par exemple sensiblement égal à 55°.; et
- Eventuellement une gaine de protection et d'étanchéité externe en polymère.
Une telle conduite peut être à passage interne lisse quand le passage est directement formé par la gaine d'étanchéité (elle est alors dite "smooth bore") ou à passage non-lisse ("rough bore") quand on prévoit en outre à l'intérieur de la gaine d'étanchéité interne une carcasse constituée d'un feuillard agrafé enroulé à pas court qui sert à empêcher l'écrasement de la conduite sous la pression externe. Lorsqu'on utilise une carcasse, il est possible pour certaines applications de se passer de la voûte de pression.
La conduite peut éventuellement comprendre en plus de ces couches, d'autres couches particulières, une frette métallique (enroulée à pas court) et faisant partie de la voûte de pression, des gaines polymériques intermédiaires, etc. La constitution exacte, le nombre et l'arrangement des diverses couches sont soigneusement choisis en fonction des applications et des conditions d'utilisation de la conduite, mais on retrouve dans toutes les conduites des couches réalisées par des enroulements de fils dits de renforcement ou d'armure, en acier. Pour les applications en grande profondeur, qui sont les applications principalement visées selon l'invention, la conduite comprend généralement à la fois une carcasse, une gaine d'étanchéité, une voûte de pression, des nappes d'armures de traction, et une gaine d'étanchéité externe.
Au sens de la présente invention, les fils d'armure considérés sont les fils d'armure de traction des nappes d'armure croisées ou bien éventuellement les fils de forme ou les fils de frette de la voûte de pression, qu'on appellera fils d'armure de pression. Par extension, on entendra également par fil d'armure un fil de forme obtenu selon le procédé de l'invention et qui serait destiné à être utilisé pour la fabrication d'une carcasse.
Lorsque les conduites sont destinées à un milieu corrosif acide (notamment en raison de l'H2S contenu dans les effluents transportés), souvent appelé dans le jargon pétrolier un milieu "sour", il convient d'adopter des mesures spéciales pour garantir la résistance des armures (de traction et de pression) à la corrosion. Ces mesures et les qualités des aciers qui conviennent sont définies dans la norme MRO 1-75 de la NACE (National Association of Coπυsion Engineers) régissant la résistance des aciers et alliages à la corrosion en milieu acide.
Le plus souvent, les aciers permettant une bonne résistance à la corrosion H2S ont des qualités mécaniques relativement faibles (Rm < 850 Mpa). Or, si on envisage des conditions d'utilisation à la fois corrosives et en grande profondeur, il convient de conserver les qualités mécaniques des fils métalliques, notamment des fils d'armure, qui seront soumis à la fois à la corrosion et aux efforts de traction élevés rencontrés (pour une conduite de transport en fonds marin "flowline", ces efforts de traction élevés ne
surviennent peut-être pas lors de la vie de la conduite une fois posée, mais au moins au moment de la pose de la conduite). Si l'acier n'a pas de très bonnes qualités mécaniques, on est obligé d'augmenter les épaisseurs d'acier utilisées, ce qui augmente le poids des conduites, la taille des équipements d'enroulement et de pose et donc le coût de revient des conduites.
Selon le document FR 2 775 050 qui concerne une conduite flexible non liée destinée à une utilisation statique en ambiance corrosive, on utilise un acier résistant à la corrosion H2S mais à caractéristiques mécaniques moyennes pour les fils d'armure de la voûte de pression, et un acier à hautes caractéristiques mécaniques mais ne résistant pas à la corrosion acide pour les nappes d'armure de traction. Ce compromis paraît acceptable si la corrosion H2S ne peut atteindre les nappes d'armures de traction ; à cet effet, une gaine intermédiaire de confinement d'H2S sépare la voûte de pression qui sera soumise à la corrosion H2S et les nappes d'armures de traction, qui ne seront en principe pas soumises à cette corrosion. Cependant la sécurité n'est pas garantie à cause des risques de perçage de la gaine intermédiaire. D'autre part, les mauvaises caractéristiques mécaniques de l'acier utilisé pour la voûte de pression entraînent l'obligation de la surdimensionner.
Dans le domaine des conduites liées ("bonded pipes"), on connaît par le document FR 2 569 461 un tuyau souple en caoutchouc destiné au transport d'effluents corrosifs et incorporant à cet effet des renforcements constitués de couches de câbles métalliques noyés, les câbles étant constitués de fils d'acier revêtus d'aluminium plaqué (c'est-à-dire en liaison intime avec l'acier, obtenue sous forte pression d'application, par exemple par co-extrusion). Ce tuyau, fabriqué selon la technologie des conduites liées, est donc d'une constitution différente de celle des conduites non liées' principalement envisagées selon l'invention et qui sont soumises à des contraintes de traction inenvisageables avec cette technologie des conduites liées. Si l'on cherche à retenir l'idée intéressante consistant à utiliser des armures plaquées dans des conduites du type plus particulièrement considéré dans la présente invention, on est amené à envisager le plaquage de fil métallique à hautes caractéristiques mécaniques (Rm supérieur à 1000 MPa et de préférence à 1400 MPa) par un revêtement résistant à la
corrosion. Toutefois, l'utilisation de tels fils métalliques à hautes caractéristiques mécaniques revêtus d'un placage anti-corrosion ne donne pas entière satisfaction notamment en raison d'une difficulté tenant au fait que la liaison intime du revêtement avec l'acier est fragile et ne supporte pas les contraintes liées à la fabrication même des conduites.
Le but de l'invention est de permettre le renforcement des conduites flexibles, notamment des conduites non liées, par des fils d'armure résistants à la corrosion mais également dotés de bonnes qualités mécaniques pour permettre l'utilisation des conduites en grande profondeur. Plus précisément, le but de l'invention est de trouver un procédé de revêtement intime ou placage de l'acier des fils d'armure, compatible avec les exigences d'une utilisation pour une conduite du type précité utilisée en milieu acide et en grande profondeur.
L'invention atteint son but grâce à un procédé de fabrication de fils d'armure en acier plaqué destinés au renforcement de conduites tabulaires flexibles, notamment non liées, pour le transport d'hydrocarbures, procédé du type selon lequel un revêtement de placage est associé intimement, par forte pression, à une âme en acier, caractérisé en ce que l'acier de l'âme est choisi avec des caractéristiques mécaniques moyennes et est trempàble, en ce que le revêtement est appliqué sur l'âme et associé intimement, puis en ce que le fil plaqué obtenu subit une trempe rapide à haute température suivie d'un revenu, de manière à augmenter les caractéristiques mécaniques du fil plaqué.
Les caractéristiques de l'acier et du revêtement de placage, ainsi que la température et le temps de la trempe sont choisies de manière liée de façon à élever les caractéristiques mécaniques du fil trempé sans détruire la solidité de la liaison de placage. Un des facteurs clefs de l'invention est la rapidité du traitement thermique à haute température qui, en liaison avec les autres paramètres, permet de minimiser les contraintes au niveau de la liaison entre l'acier et le revêtement, notamment en évitant la migration du carbone et du fer.de l'acier dans la liaison et le revêtement.
Selon l'invention, on utilise pour l'âme du fil d'armure un acier de résistance moyenne, c'est-à-dire dont la résistance Rm est comprise entre
500 et 1000 MPa, avantageusement entre 800 et 900 MPa. Il doit s'agir d'un acier "trempàble" (capable de subir une trempe améliorant ses
caractéristiques mécaniques, la trempe consistant, comme on sait, en un durcissement par traitement thermique : austénisation + refroidissement) au carbone, allié ou faiblement allié.
Le revêtement anti-corrosif est par exemple en titane ou alliages de titane, acier inoxydable, nickel ou alliages de nickel.
Le placage est réalisé mécaniquement à froid après une préparation adéquate (désoxydation mécanique ou chimique des surfaces),, selon une technique permettant une liaison intime par pression (par exemple co- extrusion ou colaminage). - A la suite de cette opération, on obtient un assemblage caractérisé par une liaison base/placage encore fragile et par des caractéristiques mécaniques dégradées par la déformation plastique (allongement faible). Un tel produit, à ce stade, ne serait pas compatible avec une mise en forme pour servir d'armure à une conduite du type considéré dans l'invention. Selon l'invention, on soumet l'acier ainsi revêtu à un traitement thermique comportant une trempe courte à haute température et un revenu réalisés de manière à minimiser les contraintes au niveau de la liaison entre l'acier et le revêtement.
Le traitement thermique conforme à l'invention permet d'améliorer les caractéristiques de la liaison, de restaurer les caractéristiques de ductilité du placage et d'obtenir les hautes caractéristiques mécaniques du métal de base nécessaires dans les applications envisagées pour ce type de produit.
Ce traitement thermique est caractérisé par un cycle thermique à haute température (900 °C à 1100°C) court (quelques secondes à quelques dizaines de secondes) suivi d'un refroidissement rapide et d'un traitement de revenu à une température de l'ordre de 400°C à 700°C et qui est ajustée en fonction des caractéristiques mécaniques recherchées, le revenu s'effectuant sur une durée de quelques minutes, avantageusement entre 10 et 20 minutes. Ce traitement thermique a les effets suivants, différents selon les constituants de l'armure :
Pour le placage, le traitement restaure la ductilité sans conduire à des précipitations préjudiciables à la tenue à la conosion.
Pour la liaison, il permet une amélioration de la résistance par relaxation des contraintes de laminage ou d'extrusion et diffusion
métallique. Le revenu permet aussi une amélioration complémentaire de la ductilité par la relaxation des contraintes différentielles liées à la trempe.
Pour le métal de base, le traitement thermique va permettre d'obtenir une structure trempée revenue associant de très hautes caractéristiques mécaniques (Rm supérieure à 1000 MPa et de préférence à 1400 MPa au moins) et une ductilité suffisante pour les applications visées (environ 5% d'allongement).
L'invention concerne aussi une conduite tubulaire flexible pour le transport d'hydrocarbures, incorporant au moins certains fils d'armure fabriqués selon le procédé de fabrication précité. Plus précisément, l'invention concerne une conduite tubulaire flexible pour le transport d'hydrocarbures, du type comportant des couches polymériques et des couches métalliques non liées, les couches métalliques comportant des fils d'armures enroulés, caractérisée en ce qu'au moins certains des fils d'armure sont fabriqués selon le procédé des revendications précédentes. L'invention vise notamment une conduite du type comportant au moins une carcasse, une gaine intérieure, une voûte de pression comportant des fils d'armure de pression, des nappes constituées de fils d'armure de traction et une gaine extérieure, caractérisée en ce qu'au moins certains des fils d'armure sont fabriqués selon le procédé de l'invention.
D'autres avantages et caractéristiques seront mis en évidence à la lecture de la description qui suit, en référence aux dessins schématiques annexés sur lesquels :
La figure 1 est une vue en perspective d'une conduite de type "rough bore", à laquelle s'applique l'invention,
La figure 2 est une vue schématique illustrant le procédé de fabrication de l'armure plaquée conformément à l'invention.
La figure 3 illustre schématiquement diverses sections possibles d'armures plaquées. La figure 1 montre une conduite de type "rough bore" qui comprend de l'intérieur vers l'extérieur : une carcasse métallique 1, généralement réalisée par un feuillard agrafé enroulé à pas court et destinée à la résistance à l'écrasement sous pression externe ; une gaine d'étanchéité interne polymérique 2, une voûte de pression métallique, constituée ici de manière traditionnelle par l'enroulement en hélice à pas court (angle d'enroulement
généralement voisin de 90° par rapport à l'axe de la conduite) d'un fil métallique de forme agrafé 3 doublé par l'enroulement en hélice à pas court d'un fil de frette 4, une armure 5 résistant à la traction axiale dans le sens longitudinal de la conduite et classiquement constituée d'une paire de nappes croisées de fils d'armure de traction 6,7 d'enroulement à pas long (typiquement moins de 55° par rapport à l'axe de la conduite), et d'une gaine d'étanchéité externe polymérique 8. D'autres couches telles qu'une autre armure 9 et une gaine intermédiaire 10 peuvent être prévues selon le type et la destination de la conduite. L'invention vise le placage des fils d'armures de traction 6,7 aussi bien que des fils d'armures de pression 3, 4 (le cas échéant), selon un traitement qui est illustré sur la figure 2.
Le fil 20 de départ est constitué d'une âme 21 en métal de base à caractéristiques mécaniques moyennes (par exemple Rm de 800 à 900 MPa) et d'un revêtement 22 en métal de placage. Le métal de base peut être, par exemple, un acier de base type chrome silicium (55SiCr V) à l'état globulisé de manière à permettre le placage. Le métal de placage peut être par exemple une base nickel (NiCrMo série 6x selon l'AISI) ou un alliage nickel (série 8x). Le fil de départ 20 passe dans une filière de co-extrusion 23, dont il ressort en ayant le revêtement 22 intimement lié à l'âme 21. Le fil ainsi plaqué passe dans un poste 24 de traitement thermique à haute température, typiquement au moins 800 °C et de préférence à 1100 °C, par exemple par un chauffage du fil par induction. Ce traitement est rapide (de quelques secondes à quelques minutes tout au plus). Il s'y produit une austénitisation de l'acier de base. Ce traitement est suivi d'une trempe rapide dans un poste 25 de trempe (par exemple par air, eau ou huile) qui s'accompagne d'une transformation martensitique contrôlée et permet donc l'obtention de hautes caractéristiques mécaniques, avec une Rm de l'ordre de 2Ô00 MPa. Mais la rapidité du traitement pennet de ne pas laisser diffuser des éléments néfastes (fer, carbone) dans la liaison qui dégraderait la qualité de celle-ci et dégraderait la résistance à la corrosion du placage.
Le chauffage par induction est avantageux non seulement pour sa rapidité mais aussi parce qu'il permet de s'affranchir des problèmes liés à l'éventuelle réflexion du revêtement.
Le fil ainsi obtenu traverse ensuite un poste 26 de revenu thermique, à une température de l'ordre de 450 °C pour une quinzaine de minutes.
Il est possible, après le placage par co-laminage ou co-extrusion du poste 23 et avant le traitement thermique du poste 24, de prévoir un traitement intermédiaire de type revenu par exemple permettant de restaurer la ductilité et la qualité de la liaison.
Il est avantageux de veiller à l'adéquation entre les caractéristiques mécaniques de l'âme 21 et du revêtement 22, que l'on choisira relativement proches. Leur matériaux constitutifs seront préférentiellement choisis de manière que la différence entre leurs caractéristiques respectives de résistance mécanique Rm ne soit pas supérieure à 200 MPa. En maintenant relativement faible cette différence entre le fil et le revêtement, on améliore la régularité de la répartition des épaisseurs du revêtement et on améliore également la qualité de la liaison obtenue. II est possible de prévoir plusieurs couches de placage. L'épaisseur du placage est généralement de l'ordre de 200 μm à 500 μm ; elle doit être suffisamment épaisse pour résister aux agressions mécaniques et à la corrosion. Elle représente en section moins d'environ 10% de la section totale du fil. La figure 3 illustre, à titre d'exemples, quatre types de sections possibles pour les fils d'armures plaqués. La forme ronde 30 est la plus simple, mais on peut aussi envisager une forme rectangulaire 31 ou une forme en "zêta" 32 ou en "teta" 33, ces formes étant en soi classiques pour constituer des fils de renforcement de conduite.