PATE A PAPIER MECANIQUE BLANCHIE ET SON PROCEDE DE FABRICATION
La présente invention concerne le domaine technique de la papeterie et, plus particulièrement, du papier et de la pâte à papier. En particulier, la présente invention a pour objet une nouvelle pâte à papier mécanique blanchie, un procédé pour sa fabrication, ainsi que le papier obtenu à partir d'une telle pâte.
La pâte provenant du bois utilisée dans la fabrication du papier peut être, soit de la pâte mécanique, soit de la pâte chimique.
La pâte mécanique, obtenue directement à partir des rondins de bois préalablement écorcés ou des déchets de scierie ou de débitage, conserve tous les constituants présents dans le bois original et, en particulier, la cellulose, les hémicelluloses et la lignine.
Par pâtes mécaniques, on entend les pâtes produites à partir du bois, par un procédé mécanique de type broyage et/ou raffinage, ce procédé pouvant être accompagné de traitements chimiques, physiques ou thermiques séparés ou simultanés, une des caractéristiques de telles pâtes étant qu'elles contiennent la majeure partie de la lignine présente au départ dans le bois.
Un traitement chimique préalable est souvent effectué avant le broyage. Par exemple, les copeaux de bois peuvent être imprégnés d'eau oxygénée, combinée avec de la soude caustique (procédé APMP, de l'anglais "Alkaline Peroxide Mechanical Pulp") ou de sulfite de sodium (procédé CTMP, de l'anglais "Chemo Thermo Mechanical Pulp"). Ces traitements chimiques permettent d'ouvrir la structure compacte des fibres et de réduire la consommation d'énergie pendant l'étape de broyage. De par le broyage et le raffinage mis en œuvre dans la production des pâtes mécaniques, ces pâtes possèdent en général un degré d'égouttage SCHOPPER RIEGLER (SR) supérieur à 22.
En outre, le procédé de raffinage utilisé génère une large distribution de taille de fibres à cause de l'arrachage et de la délamination qui se produit le long des parois de la fibre, ainsi que des phénomènes de coupe de fibres. Les fragments de fibres, les fibrilles et les fibres fibrillées donnent aux pâtes BCTMP, (de l'anglais "Bleached
Chemi Thermo Mechanical Pulp", soit Pâtes Chimico Thermo Mécaniques
Blanchies, en fiançais), une surface spécifique bien plus élevée que les pâtes chimiques (E. Cannell et R. Cockram, PPI, May 2000, p 51-61).
La pâte chimique, quant à elle, est produite par des procédés tendant à séparer les fibres de cellulose avec le minimum de dégradation. Le principe est d'éliminer la majeure partie de la lignine et une partie des hémicelluloses liées à la lignine par dilution dans un milieu aqueux contenant des réactifs appropriés, par exemple :
- Procédé au sulfite acide : H2SO3 (SO2) / NaHSO3,
- Procédé au sulfite neutre : Na2SO3 (NaHSO3) / NaHCO3 (Na2CO3),
- Procédé au sulfate (Kraft) : NaOH, Na2S (NaHS) / Na2CO3, - Procédé à la soude : NaOH / Na2CO3.
Pour la fabrication de papiers blancs notamment, il est également nécessaire de blanchir les pâtes chimiques ou mécaniques. Ce blanchiment est obtenu à l'aide de produits chimiques dont le rôle est, soit de dissoudre et extraire une partie de la lignine, soit de la décolorer. Parmi ces produits chimiques, on peut citer, pour les pâtes chimiques, le dioxyde de chlore, le peroxyde d'hydrogène, l'ozone et, pour les pâtes mécaniques, le peroxyde d'hydrogène. Le taux de lignine résiduelle dans les pâtes mécaniques blanchies est bien supérieur à celui des pâtes chimiques blanchies, car la plupart de la lignine reste dans les fibres (E. Cannell et R. Cockram, PPI, May 2000, p 51-61). Ces pâtes à papier sont utilisées pour la fabrication de papiers qui peuvent subir, lors de leur élaboration, des traitements particuliers leur conférant des caractéristiques spécifiques. Par exemple, l'ajout de charges minérales, comme le kaolin, l'oxyde de titane, le talc, le carbonate de calcium, améliorent, entre autres, Fimprimabilité, l'opacité et la stabilité dimensiormelle des papiers. Par rapport aux pâtes chimiques, les pâtes mécaniques offrent notamment les avantages suivants (E. Cannell et R. Cockram, PPI, May 2000, p 51-61) :
- un plus faible coût d'investissement,
- un haut rendement par rapport au bois (85 à 95 % contre de 42 à 52 % dans le cas des pâtes chimiques), et par conséquent elles sont obtenues à plus faible coût,
- une amélioration de certaines propriétés physiques des papiers obtenues avec ces pâtes, telles le bouffant, l'opacité et la rigidité,
- un impact environnemental réduit au niveau des rejets. Cependant, un des obstacles majeurs à l'utilisation des pâtes mécaniques est leur tendance au photo-jaunissement. Il est généralement accepté que la principale réactivité photo-chimique soit associée à la teneur en lignine élevée des pâtes mécaniques. En effet, la lignine a tendance à s'oxyder en produits colorés. Les pâtes BCTMP (pâtes chimico thermo mécaniques blanchies), par exemple, sont principalement utilisées pour la production de papiers à faible valeur ajoutée et à courte durée de vie, du fait de leur jaunissement à la lumière (Nordic Pulp and Paper Research Journal, 1998, 13(3), 198-205). Aussi, les applications commerciales futures des pâtes mécaniques dépendent grandement du développement de nouvelles technologies économiques permettant d'améliorer la stabilité à la lumière de ces pâtes mécaniques, et ainsi de limiter leur jaunissement. Pour limiter le photo-jaunissement des papiers fabriqués à partir de pâtes mécaniques, des agents protecteurs, tels que des absorbeurs d'UV et des agents antioxydants sont, par exemple, employés en surface du papier. Ces additifs, dont les plus efficaces sont les dérivés de la benzophénone, du benzotriazole ou du diamino stilbène, permettent de retarder le photojaunissement, mais ne résolvent pas complètement ce problème (C. Li et AJ. Ragauskas, Journal of Pulp and Paper Science, Vol. 27, N°6, June 2001, p 202), (S. Bourgoing, E. Leclerc, P. Martin and S. Robert, Journal of Pulp and Paper Science, Vol. 27, N°7, July 2001 , p 240) .
En outre, ces additifs présentent un coût élevé et ont un effet négatif sur l'opacité des papiers ainsi que sur leur couleur. De plus, ces additifs se dégradent au cours du temps, conduisant à une perte progressive d'efficacité dans le temps.
Une autre approche, qui a été envisagée pour résoudre ce problème de photojaunissement des pâtes mécaniques, a consisté à déposer en couchage, de chaque côté du papier, au moins 5 g/m2 d'une composition pigmentaire contenant au moins 10 % d'oxyde de titane de structure rutile (R.W. Johnson, Tappi Journal, May 1991, 209). Là encore cette solution proposée n'a pas connu de grand développement industriel à cause de ses limitations liées au coût élevé de l'oxyde de titane, à une application limitée aux machines à papier possédant un outil de couchage adéquat et par le fait qu'elle ne constitue qu'une solution limitée à l'obtention de papiers couchés, donc inapplicable pour l'obtention de papiers non couchés.
Il apparaît donc qu'il existe un besoin pour des nouvelles techniques permettant de fournir des pâtes à papier blanchies d'origine mécanique présentant une stabilité à la lumière améliorée.
Aussi, un des objectifs de la présente invention est de fournir une pâte à papier qui soit simple, économique et industrielle et dont le jaunissement à la lumière soit limité.
Dans ce contexte, la présente invention a pour objet une pâte à papier mécanique blanchie, à base de fibres fibrillées de cellulose, hemicelluloses et lignine, chargée en carbonate de calcium caractérisée en ce que le carbonate de calcium est cristallisé et recouvre, au moins en partie, les fibres fibrillées de cellulose, hemicelluloses et lignine auxquelles le carbonate de calcium est solidarisé par liaison mécanique.
En effet, il a été démontré que, lorsque les fibres fibrillées de cellulose, hemicelluloses et lignine sont au moins en partie recouvertes de carbonate de calcium cristallisé, la stabilité à la lumière de la pâte à papier obtenue est améliorée. Une explication pourrait être que la lignine se trouve, de ce fait, protégée de la lumière par les granules de carbonate de calcium, ce qui entraînerait une limitation de son oxydation, à l'origine du jaunissement de la pâte à papier et du papier obtenus.
Un autre objectif de l'invention est de fournir un nouveau procédé permettant d'améliorer la stabilité à la lumière de pâtes mécaniques blanchies.
La présente invention a également pour objet un procédé de fabrication de la pâte à papier selon l'invention, comprenant les étapes suivantes : a) formation d'une suspension aqueuse homogène par mise en présence, en milieu aqueux, de pâte à papier mécanique, à base de fibres fibrillées de cellulose, hemicelluloses et lignine, d'au moins 22° Schopper Rieggler, préalablement blanchie, et de chaux, b) si la suspension obtenue à l'étape a) présente un taux de matière sèche supérieur à 10 % en poids, dilution de ladite suspension jusqu'à obtention d'une suspension contenant un taux de matière sèche inférieur à 10 % en poids, de préférence inférieur à 5 % en poids, c) addition de gaz carbonique par injection à ladite suspension tout en mélangeant ladite suspension et en maintenant sa température entre 10 et
50 °C, jusqu'à transformation totale de la chaux en carbonate de calcium qui cristallise in situ. Diverses autres caractéristiques de l'invention ressortent de la description faite ci-dessous, en référence aux dessins annexés. Les fig. 1 à 7 sont des vues au microscope électronique à balayage (MEB) de différentes pâtes à papier :
• la fig. 1 est une vue avec un grossissement de 204 fois d'une pâte à papier BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP CORPORATION R250B85 à 52° SR,
• la fig. 2 est une vue avec un grossissement de 4 180 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP
CORPORATION R250B85 à 38° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte non broyée,
• la fig. 3 est une vue avec un grossissement de 4 110 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP CORPORATION R250B85 à 38° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 4 est une vue avec un grossissement de 4 060 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP CORPORATION R250B85 à 52° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte non broyée,
• la fig. 5 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP CORPORATION R250B85 à 52° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée, • la fig. 6 est une vue avec un grossissement de 4 050 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 50 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP CORPORATION R250B85 à.38° SR et 50 % de CaCO3_obtenu à partir de chaux, éteinte broyée,
• la fig.7 est une vue avec un grossissement de 4 050 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 70 % de BCTMP RANGER SLAVE LAKE PULP
CORPORATION R250B85 à 38° SR et 30 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
Les fig. 8 à 10 représentent l'évolution, en fonction du temps d'exposition, de la blancheur (CIE) de différents types de pâtes à papier selon l'invention, obtenue selon un test accéléré :
• la fig. 8 met en évidence le jaunissement limité des pâtes à papier selon l'invention,
• la fig. 9 met en évidence l'influence du broyage de la chaux utilisée,
• la fig. 10 met en évidence l'influence du taux de carbonate de calcium.
Les fig. 11 à 21 correspondent à des vues au MEB de pâtes à papier selon l'invention obtenues à partir de pâtes mécaniques de différents types et essences : « la fig. 11 est une vue avec un grossissement de 4 050 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique TEMCELL BIRCH BULK à 24° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 12 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique TEMCELL 325/85 à 38° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 13 est une vue avec un grossissement de 4 140 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique TEMCELL 250/85 HW à 43° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 14 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique MILLAR WESTERN 325-85-
100 à 38° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 15 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique ROTTNEROS CA 783 à 32° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée, • la fig. 16 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique SODRA 100/80 à 70° SR et 70 % de-CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 17 est une vue avec un grossissement de 4 140 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique WAGGERYD CELL AB. C 150/78 à 62° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 18 est une vue avec un grossissement de 4 140 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique SCA (Ostrand) HT TISSUE 001 à 24° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 19 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique ZUBIALDE PX3 à 58°SR et 70
% de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
• la fig. 20 est une vue avec un grossissement de 4 010 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique M-REAL SPHINX 500/80 à 25° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée, • la fig. 21 est une vue avec un grossissement de 4 100 fois d'une pâte à papier selon l'invention obtenue avec 30 % de pâte mécanique RONDCHATEL 8255 à 52° SR et 70 % de CaCO3 obtenu à partir de chaux éteinte broyée,
Les pâtes de départ utilisées dans le procédé selon la présente invention, sont des pâtes mécaniques obtenues à partir de différents bois, par exemple des bois de résineux ou de feuillus ou d'eucalyptus. Un traitement chimique peut accompagner le traitement mécanique : les pâtes de type CTMP, par exemple, peuvent également être utilisées comme produit de départ.
De par le procédé mécanique selon lequel elles sont obtenues, toutes les pâtes mécaniques utilisées ont un degré SR supérieur à 22°. Aussi, les fibres de cellulose, contenues dans ces pâtes, possèdent un certain degré de fibrillation.
Pour la présente invention, la technique de référence de la mesure du degré SR est celle décrite dans la norme ISO 5267-1, cette méthode permet de déterminer l'égouttabilité d'une suspension aqueuse de pâte en fonction de son degré SR.
Ces pâtes sont préalablement blanchies selon les techniques classiques bien connues de l'homme de l'art, par exemple avec de l'eau oxygénée, puis les étapes a), b) et c) du procédé selon l'invention sont mises en œuvre.
.Llétape a) consiste_à_former une suspension aqueuse._homogène par mise_en_ présence, en milieu aqueux, de la pâte à papier mécanique de départ préalablement blanchie et de chaux. La chaux ou hydroxyde de calcium est donc la source en ions calcium Ca2+. De la chaux vive ou de la chaux déjà sous forme de suspension aqueuse (éteinte) peut être utilisée. La pâte à papier et la chaux peuvent être introduites directement sous
forme de suspension, dans un réacteur approprié, de type cuve. Une pâte, sous forme de suspension aqueuse contenant de 0,1 à 10 % en poids de matière sèche peut, par exemple, être introduite, puis une suspension aqueuse de chaux contenant de 0,1 à 30 %, de préférence 13 % en poids de matière sèche est additionnée sous agitation modérée. Par agitation modérée, il faut entendre par exemple une agitation de l'ordre de 1 à 30 tr/min.
Selon un mode de réalisation préféré de l'invention, permettant encore d'améliorer la résistance au photo-jaunissement et donc la blancheur des pâtes à papier mécaniques blanchies selon l'invention, la chaux utilisée se présente sous la forme de particules de diamètre moyen inférieur à 9 μm, de préférence égal à 5 μm. Afin d'obtenir cette taille de particules, on utilise, par exemple, de la chaux éteinte préalablement soumise à un broyage humide dans un broyeur à microbilles, tel que celui commercialisé par la société WAB AG (Basel) sous le nom DYNO®-Mill de type KD. Le diamètre moyen des particules de chaux est mesuré à l'aide d'un granulomètre laser type 230 de la société COULTER.
Il est ensuite nécessaire que la suspension contienne un taux de matière sèche inférieur à 10 % en poids, de préférence inférieur à 5 % en poids et préférentiellement égal à 2,5 %, pour que le carbonate de calcium cristallise dans de bonnes conditions. En effet, le taux de matière sèche détermine la viscosité de la suspension. Or, pour garantir l'homogénéité de la réaction, la viscosité ne doit pas être trop élevée. Aussi, l'étape b) de dilution consiste à amener la suspension préparée à l'étape a), si celle-ci présente un taux de matière sèche trop élevé, au taux de matière sèche désiré correspondant à la viscosité désirée, à savoir inférieur à 10 %.
Il est préférable de ne pas stocker la suspension formée de pâte à papier et de chaux plus de 30 minutes pour éviter que la lignine, présente dans et sur les fibres, réagisse avec la chaux ce qui entraînerait un jaunissement de la pâte. Ainsi, de manière υréférée, les étapes a) et b) du procédé durent moins de 30 minutes.
L'étape c) consiste ensuite à additionner, à cette suspension diluée dont la température a préalablement été stabilisée entre 10 et 50 °C, du gaz carbonique par injection, tout en mélangeant la suspension et en maintenant la température de la suspension entre 10 et 50 °C, jusqu'à transformation totale de la chaux en carbonate de calcium qui cristallise in situ.
Le gaz carbonique (CO2) constitue donc la source en ions carbonates CO3 ". Ce dernier est injecté dans la suspension, par exemple, avec un débit de l'ordre de 0,1 à
30 m3/h/kg d'hydroxyde de calcium, de préférence de 15 m3/h/kg. Lors de l'addition de dioxyde de carbone, le mélange réactionnel est maintenu sous forte agitation, par exemple entre 100 et 3000 tr/min et de préférence 500 tr/min.
La réaction est terminée lorsque la totalité de la chaux présente au départ a réagi, ce qui se traduit par une diminution du pH de la suspension, initialement basique et donc proche de 12, vers un pH neutre qui se stabilise en fin de réaction vers 7. Comme précédemment décrit, la cristallisation du carbonate de calcium sur les fibres de cellulose, hemicelluloses et lignine peut être effectuée dans un réacteur de type cuve selon un procédé discontinu. Un procédé continu, dans lequel les différents réactifs mis en œuvre sont injectés et mélangés les uns après les autres dans un réacteur de type tube muni de mélangeurs statiques peut également être utilisé. Dans ce cas, la pâte de départ est envoyée dans un réacteur tabulaire, puis la suspension aqueuse de chaux est injectée, et enfin le CO2 est injecté en un ou plusieurs points. Après chaque point d'injection, le réacteur tabulaire est muni de mélangeurs statiques en nombre et type adéquats assurant l'homogénéité du mélange afin que la réaction puisse se passer de manière homogène et que le carbonate de calcium cristallise en se répartissant sur les fibres de cellulose, hemicelluloses et lignine.
La longueur du réacteur tabulaire doit être suffisante pour que la réaction soit terminée à la sortie du réacteur. Cette longueur est fonction des concentrations en produits et des débits utilisés.
Sur le plan industriel, ce type de procédé continu présente un certain nombre d'avantages : aucune cuve de stockage intermédiaire n'est nécessaire ; le débit peut être régulé pour s'adapter à la consommation en sortie ; si un problème survient en sortie du réacteur, les injections de chaux et de CO2 peuvent être immédiatement stoppées et aucun produit intermédiaire n'est ainsi à stocker.
Un procédé mixte continu/discontinu peut également être utilisé. Dans ce cas, la pâte de départ et la chaux sont successivement additionnées sous agitation dans une cuve. La suspension obtenue est ensuite envoyée dans un réacteur tabulaire dans lequel le CO2 est injecté en un ou plusieurs points. Le réacteur tabulaire est muni
d'un nombre adéquat de mélangeurs statiques afin d'assurer l'homogénéité du mélange. Là encore, la longueur du réacteur tabulaire doit être suffisante pour qu'à la sortie du réacteur, la réaction soit terminée.
Le brevet FR 92 04 474 décrit un procédé de fabrication de nouveaux produits complexes, destinés notamment aux matériaux de construction, aux produits de papeterie, aux substrats non tissés opacifiés mettant en oeuvre des étapes proches des étapes a), b) et c) du procédé de ladite invention. Le problème technique, que tend à résoudre le procédé décrit dans FR 92 04 474, est de fournir un produit présentant une meilleure tenue et/ou cohésion face aux contraintes mécaniques auxquelles il est soumis. De manière surprenante, le demandeur a mis en évidence que l'application d'un procédé de ce type à des pâtes mécaniques composées à la fois de cellulose, hemicelluloses et lignine, préalablement blanchies, permet d'améliorer la stabilité à la lumière des pâtes à papier obtenues, en limitant leur jaunissement.
Selon le procédé de la présente invention, le carbonate de calcium cristallise, dans sa majorité, sous forme d'amas de granules, qui recouvrent les fibres de cellulose, hemicelluloses et lignine, par liaisons mécaniques non labiles avec une bonne répartition et une concentration préférentielle sur les zones de plus grande surface spécifique. Ainsi, les pâtes selon l'invention ont une structure bien particulière : les cristaux de carbonate de calcium sont répartis et greffés mécaniquement sur les fibres fibrillées, qui se trouvent ainsi recouvertes, comme illustré sur les fig. 2 à 7 et 11 à 21. Ces fig. 1 à 7 et 11 à 21 sont des photos réalisées au microscope électronique à balayage MEB, avec un appareil du type Stereoscan 90 de Cambridge Instruments, sur des pâtes à papier conformes à l'invention, qui ont été préalablement séchées par la technique à point critique décrite dans le brevet FR 92 04474.
Les fig. 2 à 7 et ll à 21 montrent que, dans les exemples choisis, le carbonate cristallise sous la forme cubiαue. Les conditions onératoires υourraient être moHi fiées pour obtenir des cristaux de forme rhomboédrique ou scalénoédrique.
Les pâtes selon la présente invention contiennent, de préférence, plus de 20 % en poids et, préférentiellement, plus de 50 % en poids de carbonate de calcium par rapport à la matière sèche totale. Ces pâtes peuvent, par exemple, contenir de 20 à
75 % en poids de carbonate de calcium, de 80 à 25 % en poids de cellulose, hemicelluloses et lignine, par rapport à la matière sèche totale.
D'autres agents, tels que des agents azurants, peuvent également être intégrés aux pâtes à papier mécaniques blanchies selon l'invention. La présente invention a également pour objet les papiers fabriqués à partir des pâtes à papier selon l'invention. Ces papiers sont préparés selon les techniques de papeterie classiques, bien connues de l'homme de l'art. Les pâtes à papier selon l'invention sont en, général, utilisées en mélange avec d'autres pâtes pour la fabrication de papier, afin d'obtenir un taux de charge maximum en carbonate de calcium, de l'ordre de 10 à 40 % en poids par rapport à la matière sèche totale.
Les EXEMPLES ci-après illustrent l'invention sans toutefois la limiter et mettent en évidence le caractère plus stable, vis à vis du photo-jaunissement, des papiers obtenus avec les pâtes à papier mécaniques blanchies selon l'invention.
PREMIERE SERIE D'EXEMPLES :
Ces exemples ont été réalisés avec de la chaux éteinte filtrée ou avec de la chaux éteinte broyée se présentant sous la forme de particules de diamètre moyen égal à 5 μm.
Une dispersion de chaux éteinte contenant 25 % de matière sèche (Chaux éteinte LYS-Polienas grade extra blanc de BALTHAZARD et COTTE) et 1 % de Coatex GSN (de COATEX) comme agent dispersant est diluée pour obtenir un taux de matière sèche de 13 %, puis filtrée sur un tamis vibrant de 100 μm. Cette chaux est, soit utilisée directement (chaux non broyée), soit broyée dans un broyeur à microbille DYNO®-Mill de type KLD-Pilot pour obtenir des particules de diamètre moyen égal à 5 μm.
Les réactions sont effectuées dans un réacteur tabulaire de 52 m de long et 10 mm de diamètre avec deux mélangeurs statiques, en utilisant les paramètres suivants :
• Pourcentage chaux éteinte / BCTMP = Quantités suffisantes pour obtenir des ratio CaCO3/BCTMP de 70/30, 50/50 ou 30/70,
• % de matière sèche avant injection de CO2 : 2,5 %,
• Pression de réaction : 4 bars,
• Pression CO2 : 6 bars,
• Débit de réaction : 21/min,
• Température de réaction : 25 °C,
• Débit de CO2 : 61/min,
• pH sortie de réacteur : 6,4.
De la pâte BCTMP (référence R250B85 (Peuplier) de la société Ranger Slave Lake Pulp Corporation (Canada)) est, soit utilisée telle que vendue à 38° SR, soit utilisée raffinée à 52° SR.
Les différentes pâtes présentées au TABLEAU 1 sont préparées :
TABLEAU 1
Les fig. 2 à 7 sont, respectivement, des vues au MEB des pâtes des EXEMPLES l à 6.
Des feuilles de papier sont réalisées avec les pâtes à papier des EXEMPLES 1 à 4 ci-dessus.
Dans chaque feuille de papier, la teneur en carbonate de calcium visée est de 20 " %~le carbonate "de calcium étant exclusivement amené par l'intermédiaire desTpâtés selon l'invention, la teneur en BCTMP étant, par conséquent, de 8,6 % du total (soit environ 10,75 % des pâtes).
Un mélange de 80 % de pâte de feuillus CELIMO et de 20 % de pâte de résineux CELIMO raffiné à 25° SR est ajouté pour former la feuille de papier. Le grammage des feuilles est de 78 à 80 g/m2.
Ces feuilles de papier sont soumises à un test de vieillissement accéléré. Le vieillissement à la lumière dans des conditions ambiantes est un procédé relativement lent et il est donc nécessaire d'utiliser un test accéléré pour évaluer la stabilité à la lumière d'une pâte ou d'un papier. Il est reconnu que le vieillissement artificiel est utilisable pour évaluer la stabilité d'un groupe de papiers et les classer les uns par rapport aux autres (Nordic Pulp and Paper Research Journal, 1998, 13(3), 191-197). Pour étudier le vieillissement accéléré des papiers selon l'invention, un appareil de table SUNTEST de Original HANAU est utilisé.
Deux pâtes témoins sont réalisées : Tl contenant 30 % de BCTMP à 38° SR et 70 % de carbonate de calcium précipité et commercialisé sous le nom MégafiU® (Speciality Minerais France) et T2 comprenant 30 % de BCTMP à 52° SR et 70 % de MégafiU®. Des feuilles de papier sont réalisées avec les pâtes témoin Tl et T2 dans les mêmes conditions que précédemment avec les pâtes 1 à 4. Le carbonate de calcium précipité et la BCTMP sont présents en quantités identiques pour Tl et les EXEMPLES 1 et 3 et pour T2 et les EXEMPLES 2 et 4, la seule différence notable étant que dans un cas (Témoins Tl et T2), le carbonate de calcium précipité est réparti de manière aléatoire dans toute la feuille, et dans l'autre cas (objet de la présente invention), il est cristallisé sur les fibres de pâte BCTMP.
Le TABLEAU 2 ci-après montre la perte de blancheur CIE (La blancheur CIE est définie selon la norme internationale ISO 11475) obtenue après 60 minutes et 180 minutes d'exposition au SUNTEST, avec les feuilles de papier réalisées avec les pâtes témoins Tl et T2 et les pâtes des EXEMPLES 1 à 4.
TABLEAU 2
d'exposition au SUNTEST en minutes pour les papiers obtenus avec les pâtes 1 à 4 et Tl et T2. Ces résultats montrent que les papiers selon l'invention présentent une perte de blancheur moindre, de 3 à 8 points CIE au bout de 60 minutes et de 4 à 7,5 points CIE au bout de 180 minutes, par rapport au témoin.
La fig. 9 représente l'évolution de la blancheur CIE en fonction du temps (t) d'exposition au SUNTEST en minutes pour les papiers obtenus avec les pâtes 1 et 2 (chaux filtrée) et 3 et 4 (chaux broyée) . Ces résultats mettent en évidence l'effet du broyage de la chaux sur la blancheur du papier obtenu. Le gain de blancheur initial est d'environ 10 points CIE, ce qui présente une nette amélioration.
Dans l'exemple suivant, les performances de tenue à la lumière des pâtes 3, 5 et 6 sont comparées entre elles. A cet effet, on prépare des feuilles de papier comprenant 80 % en poids de pâte 3, 5 ou 6 et 20 % d'un mélange de pâtes feuillus et résineux Celimo (dans le rapport 80/20) raffiné à 25° SR. Ces feuilles sont soumises, comme précédemment, au test de vieillissement accéléré à l'aide de l'appareil de table SUNTEST de Original HANAU. Le TABLEAU 3 ci-après montre la perte de blancheur CIE obtenue après
60 minutes d'expositiomau "SUNTEST, avec les feuilles dé papier réalisées avec es" pâtes 3, 5 et 6.
TABLEAU 3
Nous constatons donc que plus le taux de CaCO3 précipité sur la BCTMP est élevé, moins grande est la perte de blancheur CIE lors de l'irradiation au SUNTEST, le CaCO3 précipité sur les fibres jouant un rôle protecteur vis-à-vis du jaunissement de la lignine.
L'influence du taux de CaCO3 précipité sur la BCTMP est mis en évidence à la fig. 10 qui représente l'évolution de la blancheur CIE en fonction du temps (t) d'exposition au SUNTEST en minutes pour les papiers obtenus avec les pâtes 3, 5 et 6.
SECONDE SERIE D'EXEMPLES : Dans les exemples suivants, différentes pâtes mécaniques ont été utilisées comme produit de départ pour la réaction de précipitation de carbonate de calcium. Les conditions de réaction sont similaires à celles précédemment décrites, c'est-à- dire : une dispersion de chaux éteinte contenant 25 % de matière sèche (Chaux éteinte LYS-Polienas grade extra blanc de BALTHAZARD et COTTE) et 1 % de Coatex GSN (de COATEX) comme agent dispersant, diluée pour obtenir un taux de matière sèche de 13 %, puis filtrée sur un tamis vibrant de 100 μm. Cette chaux est broyée dans un broyeur à microbille DYNO®-Mill de type KLD-Pilot pour obtenir des particules-de diamètre moyen-égal à-5 μm-.
Les réactions sont effectuées dans un réacteur tabulaire de 52 m de long et 10 mm de diamètre avec deux mélangeurs statiques, en utilisant les paramètres suivants :
• Pourcentage chaux éteinte / BCTMP = Quantités suffisantes pour obtenir des ratio CaCO3 / BCTMP de 70/30,
• % de matière sèche avant injection de CO2 : 2,5 %,
• Pression de réaction : 4 bars,
• Pression CO2 : 6 bars,
• Débit de réaction : 2 1/min
• Température de réaction : 25 °C,
• Débit de CO2 : 6 1/min,
• pH sortie de réacteur : 6,4.
Les pâtes de départ utilisées et leurs caractéristiques sont rassemblées dans le TABLEAU 4 suivant. TABLEAU 4
Les fig. 11 à 21 sont des photos au MEB des pâtes à papier des EXEMPLES 7 à 17, respectivement.
Avec les pâtes 7 à 17, on réalise des feuilles de papier comprenant 80 % en poids de la pâte 7 à 17 et 20 % d'un mélange de pâtes de feuillus et résineux CELIMO (dans le rapport 80/20) raffiné à 25° SR.
On réalise également, dans chaque cas, une feuille témoin correspondante contenant le même type et la même quantité de pâte mécanique, la même quantité d'un mélange de pâtes de feuillus et résineux CELIMO (dans le rapport 80/20) raffiné à 25° SR et du carbonate de calcium précipité commercialisé sous le nom MégafiU® (Speciality Minerais France) en quantité équivalente à la quantité de charge présente dans les feuilles de papier réalisées avec les pâtes selon l'invention. Dans le cas des feuilles témoins, le carbonate de calcium précipité est réparti, de manière aléatoire, dans toute la feuille, alors que, dans le cas des feuilles selon la présente invention, il est cristallisé sur les fibres de pâte mécanique. Ces feuilles sont soumises, comme précédemment, au test de vieillissement accéléré à l'aide de l'appareil de table SUNTEST de Original HANAU.
Le TABLEAU 5 ci-après montre la perte de blancheur CIE obtenue après 60 minutes d'exposition au SUNTEST, avec les feuilles de papier réalisées avec les pâtes 7 à 17 et leurs témoins respectifs.
TABLEAU 5
Ces résultats montrent que les papiers, faits avec les pâtes selon l'invention, ont, quel que soit le type de pâte mécanique utilisée (différentes essences de feuillus et résineux et différents traitements), une perte de blancheur inférieure aux témoins correspondants. Le CaCO3 précipité sur les fibres joue bien un rôle protecteur vis-à- vis du jaunissement de la lignine.