PREPARATION D'UN MELANGE-MAITRE A BASE DE SOUFRE ET DE NANOCHARGES CARBONEES, LE MELANGE-MAITRE OBTENU ET SES
UTILISATIONS
DOMAINE TECHNIQUE
La présente invention concerne un procédé de préparation d'un mélange-maître comprenant du soufre, plus généralement comprenant un matériau soufré, et des nanocharges carbonées, ainsi que le mélange-maître ainsi obtenu et ses différentes utilisations. L'invention a également pour objet une composition solide comprenant des nanocharges carbonées dispersées dans un matériau soufré.
ETAT DE LA TECHNIQUE
Le soufre est très largement et couramment utilisé dans de très nombreux domaines de l'industrie, notamment de l'industrie chimique en tant que réactif de synthèse pour la préparation de divers composés chimiques, tels que par exemple acide sulfurique, anhydride sulfureux, oléums, disulfure de carbone, sulfites ou sulfates pour l'industrie papetière, pentasulfures de phosphore comme agent de lubrification.
Le soufre est également utilisé en tant que soufre élémentaire de formule S8, pour la vulcanisation des pneus, comme fongicide en agriculture, ou comme polymères de soufre pour les ciments et bétons, ou en tant que fluide de transfert ou de stockage de chaleur, notamment pour centrales électriques (thermiques ou nucléaires) ou pour panneaux solaires, ainsi qu'en tant que matière active pour électrode de batterie Li/S.
Une matière première importante du soufre élémentaire est le sulfure d'hydrogène, récupéré lors de l'exploitation des gisements de gaz naturel ou par désulfuration des pétroles bruts. Les réserves de gaz naturel tendant à s'épuiser, le soufre élémentaire peut être extrait directement par forage de la croûte terrestre puisque le soufre est un élément non métallique relativement abondant (seulement 0,06% de la croûte terrestre, mais facilement extractible), et non toxique.
La disponibilité de la matière première permet d'envisager le développement des utilisations du soufre, sous forme élémentaire ou sous forme de matériau soufré, à grande échelle et à long terme dans de nombreux domaines applicatifs.
Dans certaines de ces applications, il peut être intéressant d'adjoindre à l'utilisation du soufre, des nanocharges carbonées telles que des nanotubes de carbone (NTC), afin d'apporter des propriétés de conduction électrique et/ou des propriétés mécaniques. Par exemple, il est envisagé d'introduire des nanotubes de carbone à des élastomères thermodurcissables préalablement à leur vulcanisation pour produire des pneumatiques renforcés, ou encore il est envisagé d'ajouter des nanotubes de carbone dans des formulations d'électrodes de batteries Lithium- soufre afin d'améliorer la cinétique des réactions électrochimiques mises enjeu.
Cependant, il n'a jamais été envisagé d'introduire directement des nanotubes de carbone dans du soufre, notamment parce que les NTC s'avèrent difficiles à manipuler et à disperser, en raison de leur faible taille, de leur pulvérulence et, éventuellement, lorsqu'ils sont obtenus par dépôt chimique en phase vapeur (CVD), de leur structure enchevêtrée générant de fortes interactions de Van Der Waals entre leurs molécules.
Dans le document FR 2 948 233, il est décrit un matériau composite conducteur obtenu à partir d'un traitement chimique de soufre et de carbone, introduits dans un réacteur scellé sans régulation externe de la pression à l'intérieur du réacteur, à une température comprise entre 115°C et 400°C, pendant une durée suffisante pour faire fondre le soufre et atteindre un équilibre. Ce matériau se présente sous forme de particules de soufre recouvertes de carbone présentant une faible surface spécifique. Le procédé d'introduction de carbone dans du soufre, décrit dans ce document, n'est applicable qu'à des nanocharges carbonées sans facteur de forme ni d'agrégation.
Il subsiste donc un besoin de disposer d'un moyen permettant de disperser, simplement et de façon homogène des nanotubes de carbone dans du soufre élémentaire, afin de « doper » le soufre pour lui conférer les propriétés mécaniques et/ou conductrices nécessaires à l'application envisagée. Il serait alors avantageux pour le formulateur de disposer d'une poudre de soufre comprenant des NTC bien dispersés, sous la forme de mélanges-maîtres prêts à l'emploi.
Or, la Demanderesse a découvert que ce besoin pouvait être satisfait en mettant en œuvre un procédé comprenant la mise en contact des NTC avec du soufre élémentaire par voie fondue dans un dispositif de compoundage, suivie d'une transformation du mélange obtenu en poudre fine par les techniques classiques de broyage.
Il est par ailleurs apparu que cette invention pouvait également être appliquée à d'autres nanocharges carbonées que les NTC, en particulier aux nanofïbres de carbone, au graphène et au noir de carbone, ou leurs mélanges en toutes proportions.
En outre, l'invention peut s'appliquer plus généralement à des matériaux soufrés "donneurs de soufre ".
RESUME DE L'INVENTION
L'invention a pour objet un procédé de préparation d'un mélange-maître comprenant de 0,01% à 50% en poids de nanocharges carbonées, comprenant :
(a) l'introduction dans un dispositif de compoundage, d'au moins un matériau soufré, de nanocharges carbonées, et éventuellement d'un modificateur de rhéologie ;
(b) la fusion du matériau soufré ;
(c) le malaxage du matériau soufré fondu et des nanocharges carbonées et éventuellement du modificateur de rhéologie ;
(d) la récupération du mélange obtenu sous une forme physique solide agglomérée ;
(e) éventuellement, le broyage du mélange sous forme de poudre.
Par "nanocharge carbonée", on désigne une charge comprenant au moins un élément du groupe formé des nanotubes de carbone, des nanofïbres de carbone, du graphène, et du noir de carbone, ou un mélange de ceux-ci en toutes proportions. De préférence, les nanocharges carbonées sont des nanotubes de carbone, seuls ou en mélange avec du graphène.
Par "matériau soufré", on entend le soufre élémentaire, ou des composés "donneurs de soufre" tels que les composés ou polymères organiques soufrés et les composés inorganiques soufrés tels que les polysulfures anio niques de métal alcalin.
Selon un mode de réalisation préféré de l'invention, on utilise le soufre élémentaire comme matériau soufré, seul ou en mélange avec au moins un autre matériau soufré.
Les dispositifs de compoundage n'ont jamais été utilisés pour réaliser un mélange intime de soufre à l'état fondu et de nanocharges carbonées.
Le soufre est un solide à température ambiante qui devient liquide à partir de 115°C (point de fusion).
Un des inconvénients du soufre liquide est que sa viscosité varie grandement et de manière non linéaire en fonction de la température. Pour pallier ces inconvénients liés à la viscosité instable, une des contraintes techniques du dispositif de compoundage est une fenêtre de procédé en fondu relativement étroite. Le contrôle de la rhéologie du soufre liquide chargé doit se faire alors avec une parfaite maîtrise des conditions opératoires de procédé avec l'aide éventuelle d'additifs qui réduisent la viscosifïcation au-delà de 140°C.
Le procédé selon l'invention permet de créer une association homogène des particules de nanocharges carbonées avec le soufre, lui conférant ainsi des propriétés mécaniques et/ou conductrices mises à profit dans de nombreuses applications.
L'invention a également pour objet le mélange-maître susceptible d'être obtenu selon le procédé décrit précédemment.
Un autre aspect de l'invention concerne l'utilisation du mélange-maître comme agent de vulcanisation des élastomères pour la fabrication de joints de carrosserie ou d'étanchéité, de pneus, de plaques anti-bruit, de dissipateurs de charges statiques, de couche conductrice interne pour des câbles à haute et moyenne tension, ou de systèmes anti- vibratoires tels que des amortisseurs automobiles, ou dans la fabrication d'éléments de structure de gilets pare-balles, ou encore comme matière active pour la fabrication d'électrodes pour batteries Li/S ou les supercapacités, sans que cette liste ne soit limitative.
L'invention a trait également à une composition solide comprenant de 0,01 à 50% en poids, de préférence de 1 à 30% en poids, de nanocharges carbonées dispersées dans un matériau soufré, ainsi qu'à ses différentes utilisations.
BREVE DESCRIPTION DES FIGURES
La figure 1 illustre au MEB la morphologie du mélange-maître S/NTC obtenu à l'exemple 1 selon l'invention.
La figure 2 représente la distribution de la taille des particules de la poudre obtenue à l'exemple 1 selon l'invention.
La figure 3 illustre par MEB la morphologie homogène dans la masse d'une particule de la poudre obtenue à l'exemple 1 selon l'invention.
DESCRIPTION DETAILLEE DE L'INVENTION
L'invention est maintenant décrite plus en détail et de façon non limitative dans la description qui suit.
Le procédé selon l'invention est mis en œuvre dans un dispositif de compoundage.
Par "dispositif de compoundage", on entend, selon l'invention, un appareillage classiquement utilisé dans l'industrie des matières plastiques pour le mélange à l'état fondu de polymères thermoplastiques et d'additifs en vue de produire des composites.
Ce type d'appareillage n'a jamais été utilisé pour réaliser un mélange intime de soufre et/ou de matériau soufré et de nanocharges carbonées. Dans cet appareillage, le matériau soufré et les nanocharges carbonées sont mélangés à l'aide d'un dispositif à fort cisaillement, par exemple une extrudeuse à double vis co-rotatives ou un co- malaxeur. La matière fondue sort généralement de l'appareillage sous une forme physique solide agglomérée, par exemple sous forme de granulés, ou sous forme de joncs qui, après refroidissement, sont découpés en granulés.
Des exemples de co-malaxeurs utilisables selon l'invention sont les co-malaxeurs BUSS® MDK 46 et ceux de la série BUSS® MKS ou MX, commercialisés par la société BUS S AG, qui sont tous constitués d'un arbre à vis pourvu d'ailettes, disposé dans un fourreau chauffant éventuellement constitué de plusieurs parties et dont la paroi interne est pourvue de dents de malaxage adaptées à coopérer avec les ailettes pour produire un cisaillement de la matière malaxée. L'arbre est entraîné en rotation, et pourvu d'un mouvement d'oscillation dans la direction axiale, par un moteur. Ces co-malaxeurs peuvent être équipés d'un système de fabrication de granulés, adaptés par exemple à leur orifice de sortie, qui peut être constitué d'une vis d'extrusion ou d'une pompe.
Les co-malaxeurs utilisables selon l'invention ont de préférence un rapport de vis L/D allant de 7 à 22, par exemple de 10 à 20, tandis que les extrudeuses co-rotatives ont avantageusement un rapport L/D allant de 15 à 56, par exemple de 20 à 50.
Pour atteindre une dispersion optimale des nanocharges carbonées dans le matériau soufré dans le dispositif de compoundage, il est nécessaire d'appliquer une
énergie mécanique importante, qui est de préférence supérieure à 0,05 kWh/kg de matière.
L'étape de compoundage est mise en œuvre à une température supérieure à la température de fusion du matériau soufré. Dans le cas du soufre élémentaire, la température de compoundage peut aller de 120°C à 150°C. Dans le cas d'autres types de matériau soufré, la température de compoundage est fonction du matériau spécifiquement utilisé dont la température de fusion est généralement mentionnée par le fournisseur du matériau. Le temps de séjour sera également adapté à la nature du matériau soufré.
Le matériau soufré
Différentes sources de soufre élémentaire sont disponibles commercialement. La granulométrie de la poudre de soufre élémentaire peut varier dans de larges mesures. Le soufre élémentaire peut être utilisé tel quel, ou le soufre peut être au préalable purifié selon différentes techniques telles que raffinage, sublimation, ou précipitation.
Le soufre élémentaire ou le matériau soufré peut être également soumis à une étape préalable de broyage et/ou tamisage afin de réduire la taille des particules et resserrer leur distribution.
Comme matériaux soufrés choisis parmi les composés ou polymères organiques soufrés, on peut citer les polysulfures organiques, les polythiolates organiques incluant par exemple des groupes fonctionnels tels que dithioacétal, dithiocétal ou trithio- orthocarbonate, les polysulfures aromatiques, les polyéther-polysulfures, les sels d'acides polysulfures, les thiosulfonates [-S(0)2-S-], les thiosulfïnates [-S(0)-S-], les thiocarboxylates [-C(0)-S-], les dithiocarboxylates [-RC(S)-S-], les thiophosphates, les thiophosphonates, les thiocarbonates, les polysulfures organométalliques, ou leurs mélanges.
Des exemples de tels composés organo soufrés sont notamment décrits dans le document WO 2013/155038.
Selon l'invention, on peut utiliser comme matériau soufré un composé inorganique soufré, par exemple choisi parmi les polysulfures anioniques de métal alcalin, tel que le lithium.
Selon un mode de réalisation particulier de l'invention, le matériau soufré est un polysulfure aromatique.
Les polysulfures aromatiques répondent à la formule générale (I) suivante :
dans laquelle :
- Ri à R9 représentent de façon identique ou différente, un atome d'hydrogène, un radical -OH ou -0"M+ , ou une chaîne carbonée saturée ou insaturée comportant de 1 à 20 atomes de carbone, ou un groupe -OR10, avec Rio pouvant être un radical alkyle, arylalkyle, acyle, carboalkoxy, éther alkyle, silyle, silyle alkyles, comportant de 1 à 20 atomes de carbone.
- M représente un métal alcalin ou alcalino -terreux
- n et n' sont deux entiers, identiques ou différents, chacun étant supérieur ou égal à 1 et inférieur ou égal à 8,
- p est un entier compris entre 0 et 50,
- et A est un atome d'azote, une liaison simple, ou une chaîne carbonée saturée ou insaturée de 1 à 20 atomes de carbone.
De préférence, dans la formule (I) :
Ri, R4 et R7 sont des radicaux 0"M+ ,
R2, R5 et Rs sont des atomes d'hydrogène,
R3, 5 et R9 sont des chaînes carbonées saturées ou insaturées comportant de 1 à 20 atomes de carbone, de préférence de 3 à 5 atomes de carbone, la valeur moyenne de n et de n' est d'environ 2,
la valeur moyenne de p est comprise entre 1 et 10, de préférence entre 3 et 8. (Ces valeurs moyennes sont calculées par l'homme du métier à partir de données RMN du proton et par dosage pondéral du soufre).
- A est une liaison simple reliant les atomes de soufre aux cycles aromatiques.
De tels polysulfures de poly(alkyl phénol) de formule (I) sont connus et peuvent être préparés par exemple en deux étapes :
1) réaction du monochlorure ou du dichlorure de soufre sur un alkyl phénol, à une température comprise entre 100 et 200 °C, selon la réaction suivante :
Les composés de formule (II) sont notamment commercialisés par la Société ARKEMA sous la dénomination VULTAC®.
2) réaction du composé (II) avec un dérivé métallique contenant le métal M, tel que par exemple un oxyde, un hydroxyde, un alcoolate ou un dialkylamide de ce métal pour obtenir des radicaux 0"M+.
Selon une variante davantage préférée, R est un radical tertio-butyle ou tertio- pentyle.
Selon une autre variante préférée de l'invention, on utilise un mélange de composés de formule (I) dans laquelle 2 des radicaux R présents sur chaque unité aromatique sont des chaînes carbonées comprenant au moins un carbone tertiaire par lequel R est relié au noyau aromatique.
Les nanocharges carbonées
La quantité de nanocharges carbonées représente de 0,01% à 50% en poids, de préférence de 1% à 30%> en poids, plus préférentiellement de 5% à 25% en poids par rapport au poids total du mélange-maître.
Selon l'invention, les nanocharges carbonées sont des nanotubes de carbone, des nano fibres de carbone, du graphène, ou du noir de carbone, ou un mélange de ceux-ci en toutes proportions. De préférence, les nanocharges carbonées sont des nanotubes de
carbone, seuls ou mélange avec au moins une autre charge conductrice carbonée, de préférence avec du graphène.
Les nanotubes de carbone entrant dans la composition du mélange-maître peuvent être du type monoparoi, à double paroi ou à parois multiples. Les nanotubes à double paroi peuvent notamment être préparés comme décrit par FLAHAUT et al dans Chem. Com. (2003), 1442. Les nanotubes à parois multiples peuvent de leur côté être préparés comme décrit dans le document WO 03/02456.
Les nanotubes de carbone mis en œuvre selon l'invention ont habituellement un diamètre moyen allant de 0,1 à 200 nm, de préférence de 0,1 à 100 nm, plus préférentiellement de 0,4 à 50 nm et, mieux, de 1 à 30 nm, voire de 10 à 15 nm, et avantageusement une longueur de plus de 0,1 μιη et avantageusement de 0,1 à 20 μιη, de préférence de 0,1 à 10 μιη, par exemple d'environ 6 μιη. Leur rapport longueur/diamètre est avantageusement supérieur à 10 et le plus souvent supérieur à 100. Ces nanotubes comprennent donc notamment les nanotubes dits "VGCF" (fibres de carbone obtenues par dépôt chimique en phase vapeur, ou Vapor Grown Carbon Fibers). Leur surface spécifique est par exemple comprise entre 100 et 300 m7g, avantageusement entre 200 et 300 m7g, et leur densité apparente peut notamment être comprise entre 0,01 et 0,5 g/cm3 et plus préférentiellement entre 0,07 et 0,2 g/cm3. Les nanotubes de carbone multi-parois peuvent par exemple comprendre de 5 à 15 feuillets et plus préférentiellement de 7 à 10 feuillets.
Ces nanotubes peuvent ou non être traités.
Un exemple de nanotubes de carbone bruts est notamment la dénomination commerciale Graphistrength® Cl 00 de la société Arkema.
Ces nanotubes peuvent être purifiés et/ou traités (par exemple oxydés) et/ou broyés et/ou fonctionnalisés.
Le broyage des nanotubes peut être notamment effectué à froid ou à chaud et être réalisé selon les techniques connues mises en œuvre dans des appareils tels que broyeurs à boulets, à marteaux, à meules, à couteaux, à jet de gaz ou tout autre système de broyage susceptible de réduire la taille du réseau enchevêtré de nanotubes. On préfère que cette étape de broyage soit pratiquée selon une technique de broyage par jet de gaz et en particulier dans un broyeur à jet d'air.
La purification des nanotubes bruts ou broyés peut être réalisée par lavage à l'aide d'une solution d'acide sulfurique, de manière à les débarrasser d'éventuelles impuretés minérales et métalliques résiduelles, comme par exemple le Fer provenant de leur procédé de préparation. Le rapport pondéral des nanotubes à l'acide sulfurique peut notamment être compris entre 1 :2 et 1 :3. L'opération de purification peut par ailleurs être effectuée à une température allant de 90 à 120°C, par exemple pendant une durée de 5 à 10 heures. Cette opération peut avantageusement être suivie d'étapes de rinçage à l'eau et de séchage des nanotubes purifiés. Les nanotubes peuvent en variante être purifiés par traitement thermique à haute température, typiquement supérieur à 1000°C.
L'oxydation des nanotubes est avantageusement réalisée en mettant ceux-ci en contact avec une solution d'hypochlorite de sodium renfermant de 0,5 à 15% en poids de NaOCl et de préférence de 1 à 10% en poids de NaOCl, par exemple dans un rapport pondéral des nanotubes à l'hypochlorite de sodium allant de 1 :0,1 à 1 : 1. L'oxydation est avantageusement réalisée à une température inférieure à 60°C et de préférence à température ambiante, pendant une durée allant de quelques minutes à 24 heures. Cette opération d'oxydation peut avantageusement être suivie d'étapes de fïltration et/ou centrifugation, lavage et séchage des nanotubes oxydés.
La fonctionnalisation des nanotubes peut être réalisée par greffage de motifs réactifs tels que des monomères vinyliques à la surface des nanotubes. Le matériau constitutif des nanotubes est utilisé comme initiateur de polymérisation radicalaire après avoir été soumis à un traitement thermique à plus de 900°C, en milieu anhydre et dépourvu d'oxygène, qui est destiné à éliminer les groupes oxygénés de sa surface. Il est ainsi possible de polymériser du méthacrylate de méthyle ou du méthacrylate d'hydroxyéthyle à la surface de nanotubes de carbone.
On utilise de préférence dans la présente invention des nanotubes de carbone bruts éventuellement broyés, c'est-à-dire des nanotubes qui ne sont ni oxydés ni purifiés ni fonctionnalisés et n'ont subi aucun autre traitement chimique et/ou thermique.
Par ailleurs, on préfère utiliser des nanotubes de carbone obtenus à partir de matière première renouvelable, en particulier d'origine végétale, comme décrit dans la demande FR 2 914 634.
Les nanofibres de carbone sont, comme les nanotubes de carbone, des nano filaments produits par dépôt chimique en phase vapeur (ou CVD) à partir d'une source carbonée qui est décomposée sur un catalyseur comportant un métal de transition (Fe, Ni, Co, Cu), en présence d'hydrogène, à des températures de 500 à 1200°C. Toutefois, ces deux charges carbonées se différencient par leur structure (I. MARTIN- GULLON et al, Carbon 44 (2006) 1572-1580). En effet, les nanotubes de carbone sont constitués d'un ou plusieurs feuillets de graphène enroulés manière concentrique autour de l'axe de la fibre pour former un cylindre ayant un diamètre de 10 à 100 nm. Au contraire, les nanofibres de carbone se composent de zones graphitiques plus ou moins organisées (ou empilements turbostratiques) dont les plans sont inclinés à des angles variables par rapport à l'axe de la fibre. Ces empilements peuvent prendre la forme de plaquettes, d'arêtes de poisson ou de coupelles empilées pour former des structures ayant un diamètre allant généralement de 100 nm à 500 nm voire plus.
Par ailleurs, on préfère utiliser des nanofibres de carbone ayant un diamètre de 100 à 200 nm, par exemple d'environ 150 nm (VGCF® de SHOWA DENKO), et avantageusement une longueur de 100 à 200 μιη.
Par graphène, on désigne un feuillet de graphite plan, isolé et individualisé, mais aussi, par extension, un assemblage comprenant entre un et quelques dizaines de feuillets et présentant une structure plane ou plus ou moins ondulée. Cette définition englobe donc les FLG (Few Layer Graphène ou graphène faiblement empilé), les NGP (Nanosized Graphène Plates ou plaques de graphène de dimension nanométrique), les CNS (Carbon NanoSheets ou nano-feuilles de graphène), les GNR (Graphène NanoRibbons ou nano-rubans de graphène). Elle exclut en revanche les nanotubes et nanofibres de carbone, qui sont respectivement constitués de l'enroulement d'un ou plusieurs feuillets de graphène de manière coaxiale et de l'empilement turbostratique de ces feuillets. On préfère par ailleurs que le graphène utilisé selon l'invention ne soit pas soumis à une étape supplémentaire d'oxydation chimique ou de fonctionnalisation.
Le graphène utilisé selon l'invention est obtenu par dépôt chimique en phase vapeur ou CVD, de préférence selon un procédé utilisant un catalyseur pulvérulent à base d'un oxyde mixte. Il se présente, de façon caractéristique, sous forme de particules d'une épaisseur de moins de 50 nm, de préférence de moins de 15 nm, plus
préférentiellement de moins de 5 nm et de dimensions latérales inférieures au micron, de préférence de 10 nm à moins de 1000 nm, plus préférentiellement de 50 à 600 nm, voire de 100 à 400 nm. Chacune de ces particules renferme en général de 1 à 50 feuillets, de préférence de 1 à 20 feuillets et plus préférentiellement de 1 à 10 feuillets, voire de 1 à 5 feuillets qui sont susceptibles d'être désolidarisés les uns des autres sous la forme de feuillets indépendants, par exemple lors d'un traitement par ultrasons.
Le noir de carbone est un matériau carboné colloïdal fabriqué industriellement par combustion incomplète de produits pétroliers lourds, qui se présente sous forme de sphères de carbone et d'agrégats de ces sphères et dont les dimensions sont généralement comprises entre 10 et 1000 nm.
Le procédé selon l'invention permet de disperser de façon efficace et homogène une quantité importante de nanocharges carbonées dans le matériau soufré. Les nanocharges carbonées sont ainsi dispersées de façon homogène dans toute la masse des particules, et ne se trouvent pas uniquement à la surface des particules soufrées comme décrit dans le document FR 2 948 233.
En outre, il est possible d'ajouter, durant l'étape de compoundage, un additif modificateur de la rhéologie du matériau soufré tel que le soufre à l'état fondu, afin de réduire l'autoéchauffement du mélange dans le dispositif de compoundage. De tels additifs ayant un effet fluidifiant sur le soufre liquide sont décrits dans la demande WO 2013/178930. On peut citer à titre d'exemples le sulfure de diméthyle, le sulfure de diéthyle, le sulfure de dipropyle, le sulfure de dibutyle, le disulfure de diméthyle, le disulfure de diéthyle, le disulfure de dipropyle, le disulfure de dibutyle, leurs homologues trisulfures, leurs homologues tétrasulfures, leurs homologues pentasulfures, leurs homologues hexasulfures, seuls ou en mélanges de deux ou plusieurs d'entre eux en toutes proportions.
La quantité d'additif modificateur de rhéologie est généralement comprise entre 0,01% à 5% en poids, de préférence de 0,1% à 3% en poids par rapport au poids total du mélange-maître.
Selon un aspect particulier de l'invention, au moins un additif peut être introduit dans le dispositif de compoundage. La nature de l'additif sera adaptée à l'utilisation finale du mélange-maître prêt à l'emploi.
On peut citer comme additifs par exemple des accélérateurs ou activateurs de vulcanisation, des lubrifiants, des pigments, des stabilisants, des charges ou des renforts, des agents anti-statiques, des fongicides, des agents ignifugeants, des solvants, des conducteurs ioniques, des liants, sans que cette liste ne soit limitative.
A la sortie du dispositif de compoundage, le mélange-maître est sous forme physique agglomérée par exemple sous forme de granulés.
Dans une dernière étape, on peut soumettre le mélange-maître à une étape de broyage selon les techniques bien connues de l'homme de l'art, de façon à obtenir un mélange-maître sous forme de poudre. Comme appareillages, on peut utiliser un broyeur à marteaux, un broyeur à billes, un broyeur à jet air, ou un mélangeur planétaire. A l'issue de cette étape, le diamètre médian D50 recherché sera dépendant de l'utilisation du mélange-maître, généralement compris entre 1 et 60 μιη, de préférence entre 10 et 50 μιη, de manière préférée entre 10 et 20 μιη.
Au terme du procédé selon l'invention, on obtient un mélange-maître présentant des nanocharges carbonées bien dispersées dans la masse des particules. Cette morphologie peut être vérifiée notamment par observation au microscope électronique à transmission ou au microscope électronique à balayage.
L'invention porte ainsi sur une composition solide comprenant de 0,01 à 50% en poids, de préférence de 1 à 30% en poids, et de manière plus préférée de 5 à 25% en poids de nanocharges carbonées dispersées dans un matériau soufré.
La composition solide peut comprendre en outre au moins un additif choisi parmi des modificateurs de rhéologie, des accélérateurs ou activateurs de vulcanisation, des lubrifiants, des pigments, des stabilisants, des charges ou des renforts, des agents anti-statiques, des fongicides, des agents ignifugeants, des solvants, des conducteurs ioniques, ou des liants, ou leur association.
La composition solide peut être obtenue selon le procédé décrit précédemment et peut être sous forme de poudre après broyage. La poudre présente des particules de diamètre médian D50 compris entre 1 et 60 μιη, de préférence entre 10 et 50 μιη.
La composition selon l'invention est utilisée avantageusement pour la fabrication de joints de carrosserie ou d'étanchéité, de pneus, de plaques anti-bruit, de dissipateurs de charges statiques, de couche conductrice interne pour des câbles à haute et moyenne tension, ou de systèmes anti-vibratoires tels que des amortisseurs automobiles, ou dans la fabrication d'éléments de structure de gilets pare-balles, ou pour la fabrication d'électrodes pour batteries Li/S ou les supercapacités.
Le mélange maître susceptible d'être obtenu suivant le procédé selon l'invention ou la composition solide selon l'invention est utilisable dans les applications conventionnelles du soufre ou plus généralement des matériaux soufrés, mais aussi il permet de développer de nouvelles applications nécessitant un renfort mécanique ou une conductivité électronique apportés par la présence des nanocharges carbonées au sein du matériau soufré.
L'invention sera maintenant illustrée par les exemples suivants, qui n'ont pas pour but de limiter la portée de l'invention, définie par les revendications annexées.
PARTIE EXPERIMENTALE
Exemple 1 : Préparation d'un mélange-maître S/NTC
Des NTC (Graphistrength® Cl 00 d'AR EMA) et du soufre solide (50- 800 μπι) ont été introduits dans la première trémie d'alimentation d'un co-malaxeur BUSS® MDK 46 (L/D = 11), équipé d'une vis d'extrusion de reprise et d'un dispositif de granulation.
Les consignes de température au sein du co-malaxeur étaient les suivantes : Zone 1 : 140°C ; Zone 2 : 130°C ; Vis : 120°C.
A la sortie de la filière, le mélange-maître constitué de 85% en poids de soufre et 15% en poids de NTC est sous forme de granulés obtenus par la coupe en tête, refroidie par un jet d'eau. L'observation au microscope électronique à balayage (MEB) a montré que les NTC étaient bien dispersés dans le soufre (Figure 1).
Les granulés obtenus ont été séchés jusqu'à un taux d'humidité < 100 ppm.
Les granulés secs ont ensuite été broyés dans un broyeur à marteaux, le refroidissement étant assuré par de l'azote.
On a obtenu une poudre de D50 comprise entre 10 et 15 μιη, et D 100 < 50 μιη. La Figure 2 représente la répartition de la taille des particules de la poudre et met en évidence l'absence de particules de taille supérieure à 50 μιη, permettant d'éviter la formation de défauts lors de l'utilisation de cete poudre pour la production de cathodes de batteries Li/S.
La Figure 3 visualise par microscopie électronique à balayage la morphologie homogène dans la masse d'une particule.
Cette poudre constituée de 85% en poids de soufre et 15% en poids de NTC est utilisable par exemple pour la préparation d'une matière active d'électrode pour batterie Li/S, ou d'une formulation base EPDM pour l'application profilés dans le domaine de l'automobile.
Exemple 2 : Préparation d'un mélange-maître S/DMDS/NTC
Des NTC (Graphistrength® Cl 00 d'ARKEMA) et du soufre solide (50-800 μπι) ont été introduits dans la première trémie d'alimentation d'un co-malaxeur BUSS® MDK 46 (L/D = 11), équipé d'une vis d'extrusion de reprise et d'un dispositif de granulation.
Du disulfure de diméthyle (DMDS), liquide, a été injecté dans la lere zone du co- malaxeur.
Les consignes de température au sein du co-malaxeur étaient les suivantes : Zone 1 : 140°C ; Zone 2 : 130°C ; Vis : 120°C.
A la sortie de la filière, le mélange-maître constitué de 78% en poids de soufre, 2% en poids de DMDS et 20% en poids de NTC est sous forme de granulés obtenus par la coupe en tête, refroidie par un jet d'eau.
Les granulés obtenus ont été séchés jusqu'à un taux d'humidité < 100 ppm.
Les granulés secs ont ensuite été broyés dans un broyeur à marteaux, le refroidissement étant assuré par de l'azote.
On a obtenu une poudre présentant un diamètre médian D50 comprise entre 10 et 15 μιη, utilisable pour la préparation d'une électrode pour batterie Li/S.
Exemple 3 : Préparation d'un mélange-maître S/disulfure de poly(tertio-butyl phénol)/NTC
Des NTC (Graphistrength® Cl 00 d' ARKEMA) et du soufre solide (50-800 μπι) ont été introduits dans la première trémie d'alimentation d'un co-malaxeur BUSS® MDK 46 (L/D = 11), équipé d'une vis d'extrusion de reprise et d'un dispositif de granulation.
Du disulfure de diméthyle (DMDS), liquide, a été injecté dans la lere zone du co- malaxeur.
Le disulfure de poly(tertio-butyl phénol) commercialisé sous la dénomination VULTAC- TB7® d' Arkema a été prémélangé avec un sel de Li, commercialisé sous la dénomination LOA (Lithium 4,5-dicyano-2-(trifluoromethyl)imidazole) par Arkema puis introduit dans la première trémie à l'aide d'un 3eme doseur.
Les consignes de température au sein du co-malaxeur étaient les suivantes : Zone 1 : 140°C ; Zone 2 : 130°C ; Vis : 120°C.
A la sortie de la filière, le mélange est sous forme de granulés obtenus par la coupe en tête, refroidie par un jet d'eau.
Les granulés obtenus ont été séchés jusqu'à un taux d'humidité < 100 ppm.
Les granulés secs ont ensuite été broyés dans un broyeur à marteaux, le refroidissement étant assuré par de l'azote.
On a obtenu une poudre constituée de 77% en poids de soufre, 2% en poids de DMDS et 15% en poids de NTC, 5% de VULTAC- TB7® , 1% de LOA, présentant une D50 comprise entre 10 et 15 μιη, utilisable pour la préparation d'une électrode pour batterie Li/S.
Exemple 4 : Préparation d'un mélange-maître S/disulfure de poly(tertio-butyl phénol)/ Acide stéarique/ZnO/NTC
Des NTC (Graphistrength® Cl 00 d' ARKEMA) ont été introduits dans la première trémie d'alimentation d'un co-malaxeur BUSS® MDK 46 (L/D = 11), équipé d'une vis d'extrusion de reprise et d'un dispositif de granulation.
Le disulfure de poly(tertio-butyl phénol) commercialisé sous la dénomination VULTAC- TB7® d'Arkema a été prémélangé avec du soufre solide et de l'acide
stearique et du ZnO sous forme de poudre, puis introduit dans la première trémie par le deuxième doseur.
Les consignes de température au sein du co-malaxeur étaient les suivantes : Zone 1 : 140°C ; Zone 2 : 130°C ; Vis : 120°C.
A la sortie de la filière, le mélange-maître constitué en poids de 20% de soufre, 20% de NTC, 20% de VULTAC TB7® , 15% d'acide stéarique et 25% de ZnO, sous forme de granulés obtenus par la coupe en tête, refroidie par un jet d'eau.
Les granulés obtenus ont été séchés jusqu'à un taux d'humidité < 100 ppm.
Ce mélange-maître peut être utilisé comme agent de vulcanisation pour la fabrication d'amortisseurs automobile.