EXTRACTION DE CHITINES EN UNE SEULE ÉTAPE PAR HYDROLYSE ENZYMATIQUE EN MILIEU ACIDE
DOMAINE DE L'INVENTION
La présente invention concerne le domaine de la valorisation de la biomasse, de préférence la biomasse animale, plus préférentiellement la biomasse marine et/ou entomologique. En particulier, la présente invention concerne un procédé d'extraction enzymatique en une seule étape de la chitine, à partir d'éléments de la biomasse animale comprenant de la chitine, de préférence à partir de co-produits marins et/ou entomologiques, mettant en œuvre une enzyme active en milieu acide.
ÉTAT DE LA TECHNIQUE
La production et la consommation de produits marins, et en particulier celle de crustacés, notamment de crevettes, augmente chaque année. Les co-produits (têtes et carapaces) représentent généralement plus de 50% du poids frais des crustacés. Leur utilisation est donc un enjeu important étant donné les volumes concernés mais aussi leur lente biodégradabilité naturelle. La chitine est le principal produit dérivé de ces co-produits.
Par ailleurs, l'entomophagie est une pratique alimentaire courante dans certains pays et qui tend à se développer de par le monde. En effet, les insectes constituent une ressource alimentaire intéressante en raison de leurs qualités nutritionnelles. De plus, la production d'insectes offre une alternative écologique très intéressante comparée à la production d'autres protéines d'origine animale. Parmi les sous-produits issus de la production de protéines d'insectes, on trouve les carapaces, riches en chitine, comme dans le cas des crustacés.
La chitine est le deuxième polysaccharide le plus abondant à la surface de la Terre après la cellulose. Elle n'a pas une structure chimique unique mais plusieurs puisqu'elle englobe les polysaccharides composés d'unités de N-acétyl-P-D-glucosamine et d'unités de D- glucosamine. La chitine constitue en partie l'exosquelette des insectes et des crustacés, la paroi des champignons et des bactéries. La chitine constitue ainsi 20 à 30% des carapaces des crustacés. Outre la chitine, l'exosquelette des crustacés contient de 20 à 40% de protéines, 30 à 60% de minéraux et de 0 à 14% de lipides (Waldeck J., Daum G., Bisping B. et Meinhardt F., Appl. Env. Micwbiol., 2006, 72 (12), 7879-7885). La chitine constitue ainsi 3 à 60% des carapaces des insectes. Outre la chitine, l'exosquelette des insectes contient de 20 à 80% de protéines, 1 à 20% de minéraux et de 10 à 50% de lipides (« Forest insects as food : humans bite back », Proceedings of a workshop on Asia-Pacific resouces and their potential for development, 19-21 Février 2008, Chiang Mai, Thailand - FAO). Que ce soit pour les crustacés ou pour les insectes, les proportions des différents constituants varient en fonction des espèces, de l'âge, du genre et peuvent fluctuer en fonction des saisons et des conditions environnementales. Les conditions d'extraction de la chitine doivent donc être adaptées en fonction de la matière première utilisée (Tolaimate A., Desbrieres J., Rhazi M. et Alagui A., Polymer, 2003, 44 (26), 7939-7952).
La chitine est présente dans les co-produits de crustacés et d'insectes sous forme de complexes chitine/protéines/minéraux. Elle est habituellement extraite en deux étapes d' « extraction chimique » :
déminéralisation par hydrolyse acide, pour éliminer les minéraux ; puis
déprotéinisation par hydrolyse basique, pour éliminer les protéines.
L'extraction de la chitine à partir de co-produits marins est actuellement réalisée à l'échelle industrielle par « extraction chimique ». L'extraction de la chitine à partir d'insectes n'est pas encore très développée mais a déjà fait l'objet d'études, essentiellement par voie chimique (chitine de cigale : Sajomsang W. et Gonil P., Mat. Science Engineering C, 2010, 30(3), 357-363 ; chitine de chrysalides de vers à soie : Paulino A., Simionato J., Garcia J. et Nozaki J., Carbohydrate Polymers, 2006, 64, 98-103 ; chitine de bourdon : Majtan J.,
Bilikova K., Markovic O., Grog J., Kogan G. et Simuth J., Int. J. Biol. Macromol., 2007, 40, 237-241)
Une troisième étape facultative de blanchiment, par exemple à l'aide d'hypochlorite de sodium, est souvent mise en œuvre pour éliminer les pigments résiduels. Des opérations de lavage, le plus souvent à l'eau, sont nécessaires entre ces différentes étapes.
La chitine peut ensuite être facilement désacétylée, par exemple à l'aide d'hydroxyde de sodium, pour conduire à du chitosan, également appelé « chitosane ».
La chitine est traditionnellement extraite pour une large gamme d'applications : médicale, pharmaceutique, diététique, alimentaire, technique (filtration et dépollution de l'eau), etc. En effet, la chitine, le chitosan ainsi que leurs dérivés, notamment leurs oligomères, sont biocompatibles, biodégradables et non toxiques. Le type d'application dépend des caractéristiques physico-chimiques de la chitine et de ses dérivés. En particulier, le chitosan peut être utilisé notamment pour faire du film de paillage, des gels protecteurs de l'estomac, mais aussi pour l'encapsulation de principes actifs, la filtration des eaux usées, le remplacement de cartilage, et la régénération des tissus...
L'extraction industrielle de la chitine à partir de co-produits marins est essentiellement mise en œuvre dans les pays émergents. L'extraction chimique traditionnelle emploie de grandes quantités de réactifs (principalement l'acide chlorhydrique, l'hydroxyde de sodium et des agents de blanchiment) qui sont nocifs pour les manipulateurs, les équipements et l'environnement. De plus, l'étape de déprotéinisation basique se fait en général à chaud et nécessite donc un apport énergétique important. En outre, les étapes de lavage génèrent des volumes très importants d'effluents pollués dont le recyclage est techniquement difficile et d'un coût important.
L'un des problèmes liés aux procédés actuels d'extraction est la possibilité que la chitine soit dénaturée au cours du processus (Crini G., Badot P. et Guibal E., Chitine et Chitosan. Du polymère à V application, 2009, Presses Universitaires de Franche-Comté).
Des études ont montré que l'extraction de la chitine pouvait se faire par des procédés biologiques, notamment par extraction enzymatique ou par fermentation microbiologique, en particulier pour l'étape de déprotéinisation.
Parmi les recherches sur la voie fermentaire, celles menées par Beaney utilisent comme matrice d'étude l'exosquelette de la crevette Nephrops norvegius (Beaney P., Lizardi- Mendoza J. et Healy M., J. Chem. Tech. Biotech., 2005, 80, 145-150). Dans cette étude, la chitine est extraite par fermentation lactique en présence de souches bactériennes pendant 5 jours à 30°C. L'acidification du milieu, due à la production d'acide lactique par les bactéries, conduit à une déminéralisation partielle tandis que les bactéries assurent la déprotéinisation. Dans cette étude, le pH diminue jusqu'à une valeur de 3,5 après 7 jours de fermentation. Toutefois, dans ces conditions, la chitine extraite contient encore 13% de protéines et 14% de minéraux. Une chitine plus pure peut ensuite être obtenue en réalisant des traitements chimiques supplémentaires. Ce type de méthode ne permet donc pas d'obtenir directement une chitine de bonne qualité, limitant ses applications. Une autre étude de fermentation microbienne a été menée pour extraire la chitine de carapaces de crabes rouges par co-fermentation des carapaces en présence de deux bactéries : d'une part Lactobacillus paracasei tolerans KCTC-3074, qui est une bactérie produisant de l'acide lactique, et d'autre part Serratia marcescens FS-3, qui est une bactérie produisant des protéases extracellulaires (Jung W., Jo G., Kuk J., Kim K. et Park R., Appl. Microbiol. Biotechnol., 2006, 71, 234-237). La co-fermentation a été maintenue pendant 7 jours à 30°C et a conduit à un pourcentage de déminéralisation de 97,2% et un pourcentage de déprotéinisation de seulement 52,6%. La chitine obtenue n'a pas été caractérisée dans cette étude mais le faible taux de déprotéinisation est limitant quant à son utilisation. Une autre étude de fermentation microbienne a été menée par la même équipe, avec une souche bactérienne produisant des protéases pour déprotéiniser et déminéraliser des coproduits marins (Jo G., Jung W., Kuk J., Oh K., Kim Y. et Park R., Carbohydrate polymers, 2008, 74, 504-508). Un essai de fermentation a été mené pendant 7 jours à 30°C, en présence de 10% de souche bactérienne, et a conduit à un taux de déprotéinisation et de déminéralisation respectivement de 84% et 47%. La déminéralisation est comme
précédemment due à la diminution du pH au cours du temps (pH 5,6 après 7 jours de fermentation), liée à la production d'acide par les bactéries. Le faible degré de pureté des chitines obtenues est limitant quant à ses applications et cette méthode, comme la précédente, présente l'inconvénient de nécessiter un temps de réaction très long. Les meilleurs rendements de déminéralisation et de déprotéinisation par voie fermentaire en deux étapes on été obtenus par Waldeck (Waldeck J., Daum G., Bisping B. et Meinhardt F., Appl. Env. Microbiol., 2006, 72 (12), 7879-7885). Après une fermentation de 6 jours de 42 à 55°C, suivie d'un traitement à l'acide lactique de 3h, la teneur résiduelle en protéines est inférieure à 10% et le taux de déminéralisation est égal à 98,8%. Comme dans l'étude de Jo et al., le temps de réaction est relativement long.
L'extraction de la chitine par voie fermentaire conduit donc à une chitine avec un taux de protéines résiduelles plus important que dans le cas de l'extraction chimique et des traitements supplémentaires sont souvent nécessaires pour améliorer la déminéralisation. De plus, les temps de réaction sont beaucoup plus longs que par la voie chimique. L'extraction de la chitine par voie biologique peut également se faire par extraction enzymatique.
Un procédé d'extraction de la chitine comprenant l'élimination des protéines grâce à l'activité enzymatique de viscères de poissons a été proposé dans la demande de brevet internationale WO 86/06082. En particulier, le procédé décrit dans cette demande de brevet comprend l'extraction de la chitine de carapaces de crevettes par déminéralisation en avec un acide suivie d'une déprotéinisation par utilisation de viscères de poissons, éventuellement pré-ensilés à pH 1,2-2,5. La matière première, i.e. les carapaces de crevettes, est tout d'abord ensilée dans une solution d'acide sulfurique. L'ensilage permet de conserver la matière première avant utilisation et permet sa déminéralisation. Dans un second temps, les carcasses pré-ensilées sont mises en contact avec les viscères de poisson pour la déprotéinisation. Les caractéristiques de la chitine obtenue par ce procédé en deux étapes ne sont pas précisées.
L'extraction enzymatique peut également se faire en utilisant une enzyme purifiée, le plus souvent une enzyme protéolytique. C'est par exemple le cas dans l'étude menée par N.
Gagné, avec l'utilisation de la chymotrypsine ou de la papaïne pour extraire la chitine de carapaces de crevettes (Gagné N. « Production of chitin and chitosan from crustacean waste and their use as food processing aid », 1993, Université McGill - Montréal, manuscrit de thèse). Après une étape de déminéralisation chimique classique, les protéines présentes sont hydrolysées par les enzymes. Les conditions optimales de déprotéinisation font en particulier appel à un pH de 8,0-8,7 pour la chymotrypsine et la papaïne. Dans les conditions utilisées, le taux résiduel en protéines est très faible (1,3% et 2,8% pour la chymotrypsine et la papaïne respectivement).
Le même type de procédé a été utilisé par Synowiecki et Al Khateeb pour réaliser la digestion enzymatique de carapaces de crevettes, préalablement déminéralisées à l'acide chlorhydrique, à l'aide de l'alcalase, à 55°C et pH 8,5 (Synowiecki J. et Al Khateeb, Food Chemistry, 2000, 68, 147-152)
Une méthode de production de la chitine faisant appel à une étape d'hydrolyse enzymatique a été brevetée (CN1715255). Ce procédé offre une approche globale de l'exploitation de la matière première puisque des composés autres que la chitine sont également extraits de carapaces de crevettes. En particulier, ce procédé comprend une étape d'hydrolyse enzymatique suivie d'une extraction par un solvant. La partie solide obtenue est ensuite mise en présence d'acide chlorhydrique pour assurer la déminéralisation et finir d'extraire la chitine. Tous les procédés d'extraction enzymatique de la chitine actuellement décrits font appel à une étape indépendante de déminéralisation chimique classique, avant ou après l'étape d'hydrolyse enzymatique. Ainsi, même si l'étape de déprotéinisation est réalisée par un procédé biologique, il reste toujours une étape chimique nécessitant des lavages et produisant des effluents pollués et pouvant affecter les propriétés de la chitine extraite. Les procédés actuels ne sont donc pas satisfaisants et il existe un besoin pour des méthodes d'extractions de la chitine qui soient simples, rapides, efficaces, peu coûteuses et plus respectueuses de l'environnement. Ces méthodes doivent permettre de produire des chitines dont la pureté soit compatible avec une utilisation en agroalimentaire, diététique ou cosmétique. De plus, les chitines produites doivent répondre aux spécifications
nécessaires pour être transformées en chitosan, oligo-chitosan ou glucosamines, etc.. En particulier, le degré de polymérisation de la chitine doit être suffisamment élevé et elle ne doit pas être dénaturée au cours du processus.
En outre, d'autres composés sont potentiellement valorisables à partir des co-produits de crustacés et d'insectes, notamment en nutraceutique, diététique ou cosmétique. En effet, ces co-produits marins et d'insectes contiennent des composés solubles tels que des lipides, des pigments, des sucres, des sels minéraux, des acides aminés ou des peptides. Des extractions ciblées de ces composés solubles ont été mises au point, comme par exemple l'extraction des pigments et en particulier de l'astaxanthine qui est utilisé en agroalimentaire (US 7,241,463). Toutefois, ces procédés ciblés sur l'extraction des composés solubles nécessitent des étapes supplémentaires pour conduire à l'extraction de la chitine.
Dans les procédés actuels d'extractions de la chitine, cette dernière est obtenue sous forme solide et les phases liquides d'extraction, contenant les composés solubles potentiellement intéressants, ne sont pas valorisées. Cette absence de valorisation peut notamment s'expliquer par la faible qualité des composés solubles présents dans les phases liquides. En effet, dans ces procédés d'extraction de la chitine, les composés solubles sont souvent dégradés en raison des conditions relativement drastiques utilisées.
Il existe donc un besoin pour une purification de la chitine par une méthode à la fois plus respectueuse de sa structure initiale et susceptible d'être associée à la co-extraction des produits solubles.
La Demanderesse a mené des recherches afin d'aboutir à une valorisation totale des parties de la biomasse animale contenant de la chitine, notamment une valorisation totale des coproduits marins, en particulier les carapaces de crustacés ainsi que de la biomasse entomologique, en particulier les carapaces d'insectes. En particulier, des procédés de co- extraction ont été étudiés compte tenus de leurs avantages par rapport aux extractions ciblées.
RÉSUMÉ
L'invention a donc pour objet un procédé d'extraction enzymatique de la chitine, caractérisé en ce que ledit procédé est réalisé en une seule étape, ci-après dénommée « étape unique », dans laquelle la chitine est obtenue par hydrolyse enzymatique de biomasse animale comprenant de la chitine, ladite hydrolyse enzymatique mettant en œuvre une enzyme active en milieu acide.
Selon un mode de réalisation, ladite étape unique est une hydrolyse enzymatique ayant pour fonction de déprotéiniser et de déminéraliser simultanément des co-produits marins.
Selon un mode de réalisation, ladite enzyme active en milieu acide est une protéase à large spectre d'activité en milieu acide, de préférence la pepsine ou une protéase acide stable.
Selon un mode de réalisation, la concentration en enzyme utilisée pour l'hydrolyse est de 0,1 à 75%, de préférence de 5 à 30%, plus préférentiellement d'environ 23 à environ 27% en masse par rapport à la masse de protéines estimée dans la matière première.
Selon un mode de réalisation, le milieu acide est obtenu par la présence d'un acide, de préférence un acide alimentaire, plus préférentiellement l'acide phosphorique ou l'acide formique.
Selon un mode de réalisation, ladite biomasse animale comprenant de la chitine comprend des co-produits marins, de préférence des co-produits marins issus de crustacés, de préférence de crevettes, de crabes ou de krill, ou de céphalopodes, de préférence de calmars ou de seiches.
Selon un mode de réalisation, ladite biomasse animale comprenant de la chitine comprend des co-produits d'insectes, de préférence des co-produits d'insectes issus de coléoptères ou d'hyménoptère.
Selon un mode de réalisation, ledit procédé comprend en outre des opérations de lavage, de séchage et/ou de broyage de la matière première, de préférence des opération de lavage à l'eau, de séchage à froid et/ou de broyage conduisant à des fragments de taille inférieur à 1 mm.
Selon un mode de réalisation, ledit procédé comprend en outre en outre des opérations de traitement du milieu réactionnel à la fin de l'hydrolyse enzymatique, lesdites opérations comprenant des opérations de séparation des phases solides et liquides, de rinçage et/ou de séchage de la partie insoluble, de préférence des opérations de filtration, de rinçage à l'eau et/ou de séchage dans une étuve.
L'invention a également pour objet un procédé d'optimisation dudit procédé d'extraction enzymatique de la chitine, caractérisé en ce que ledit procédé d'optimisation comprend au moins une des étapes suivantes : a) choix du pH du milieu acide dans la gamme pHenz±0-2, de préférence pHenz±0-l,5, de préférence pHenz±0-l, où pHenz est le pH auquel l'enzyme présente un maximum d'activité, b) choix de la température du milieu acide dans la gamme Tenz±0-20°C, de préférence Tenz±0-15°C, de préférence Tenz±0-10°C, où Tenz est la température à laquelle l'enzyme présente un maximum d'activité, c) détermination de la teneur en minéraux et en protéines de la matière première, d) calcul de la concentration en acide à utiliser dans le milieu réactionnel, en fonction de la teneur en minéraux de la matière première, étant entendu que suivant un mode de réalisation préféré, le pH est choisi de manière à ce que le milieu réactionnel soit maintenu tout au long de l'hydrolyse enzymatique au pH choisi à l'étape a), e) calcul de la proportion d'enzyme à utiliser par rapport la teneur en protéines de la matière première, f) détermination de la durée de la réaction permettant d'obtenir la chitine ou les dérivés de chitine souhaités.
L'invention a en outre pour objet la chitine susceptible d'être obtenue par le procédé de l'invention.
L'invention a également pour objet le chitosan susceptible d'être obtenu par désacétylation de la chitine selon l'invention.
L'invention a également pour objet une composition comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention.
L'invention a également pour objet une composition pharmaceutique comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention, une composition cosmétique comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention, un dispositif médical comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention
L'invention a également pour objet un produit alimentaire, une composition nutraceutique, une composition diététique, un complément alimentaire ou un aliment fonctionnel comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention.
L'invention a également pour objet une composition comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention pour son utilisation dans le traitement, la filtration et/ou la dépollution d'eaux.
L'invention a également pour objet un agent texturant comprenant la chitine selon l'invention et/ou le chitosan selon l'invention.
DÉFINITIONS
Dans la présente invention, les termes suivants sont définis comme suit :
« chitine » fait référence aux polysaccharides de N-acétyl-glucosamines et glucosamines,
« chitosan » fait référence à des produits de désacétylation de la chitine. La frontière entre le chitosan et la chitine correspond à un degré d'acétylation de 50% : en deçà, le composé est nommé chitosan, au-delà, chitine.
« biomasse animale » fait référence à l'ensemble des matières organiques d'origine animale.
« co-produits marins » fait référence aux parties non utilisées par l'industrie agroalimentaire dans les produits marins, notamment les carapaces et têtes des crustacés.
« co-produits entomologiques » ou « co-produits d'insectes » fait référence aux parties non utilisées par l'industrie agroalimentaire dans les produits entomologiques, notamment les carapaces et têtes des insectes.
« degré de polymérisation » fait référence à la longueur d'une chaîne polymère, en particulier la chitine. Le degré de polymérisation correspond au nombre d'unités monomères constitutives de la chaîne polymère.
« indice de cristallinité » fait référence à la proportion de matière se trouvant à l'état cristallin.
« déminéralisation » fait référence à un procédé d'élimination des minéraux.
« déprotéinisation » fait référence à un procédé d'élimination des protéines.
« dépolymérisation » fait référence à la réduction de la longueur de la chaîne polymérique de la chitine.
« désacétylation » fait référence à l'élimination des groupements acétyles et correspond au passage de la chitine au chitosan.
« teneur en humidité » fait référence au pourcentage massique d'eau contenue dans un échantillon.
« teneur en protéines » fait référence au pourcentage massique de protéines contenues dans un échantillon.
« teneur en minéraux » fait référence au pourcentage massique de minéraux contenus dans un échantillon.
« teneur en chitine » fait référence au pourcentage massique de chitine contenue dans un échantillon.
« environ », placé devant un nombre, signifie plus ou moins 10% de la valeur nominale de ce nombre. Sauf mention contraire, les pourcentages sont des pourcentages massiques.
DESCRIPTION DÉTAILLÉE
La présente invention concerne un procédé d'extraction enzymatique en une seule étape de la chitine, à partir d'une matière première issue de la biomasse animale et comprenant de la chitine, de préférence une matière première constituée de co-produits marins et/ou de coproduits entomologiques, mettant en œuvre une enzyme active en milieu acide, de préférence une protéase, l'acide utilisé étant de préférence un acide alimentaire, ce procédé permettant également d'extraire des composés solubles tels que des lipides, pigments, sucres, sels minéraux, acides aminés ou peptides. Dans la présente invention, les deux étapes clés du procédé traditionnel d'extraction de la chitine, à savoir, la déminéralisation en milieu acide et la déprotéinisation en milieu alcalin, sont fusionnées en une seule étape. Cette fusion en une seule étape est permise grâce à l'utilisation d'une enzyme dont le pH optimal d'activité est acide : l'enzyme assure la déprotéinisation, tandis que le pH acide permet de réaliser simultanément la déminéralisation.
Le procédé de l'invention ne comprenant qu'une seule étape clé, il présente l'avantage de réduire les pertes de matière liées au rinçage entre les deux étapes du procédé traditionnel. Ce procédé permet également de diminuer la consommation en réactifs et en solvants et de limiter la production d'effluents pollués. Ce procédé est donc à la fois peu coûteux et respectueux de l'environnement.
Les conditions utilisées dans le procédé de la présente invention sont telles que l'activité biologique des chitines, ainsi que leur structure native, sont mieux préservées que dans les procédés d'extraction existants à ce jour.
Le procédé de la présente invention a pour avantage qu'il permet la déstructuration de la matrice des co-produits de crustacés et/ou d'insectes par séparation de la chitine, des protéines et des minéraux, ces trois composés majeurs étant initialement fortement liés.
Le procédé selon l'invention comprend une étape d'hydrolyse enzymatique en milieu acide assurant simultanément la déminéralisation et la déprotéinisation. Les minéraux et les protéines sont désolidarisés de la phase solide et entraînés dans la phase liquide.
Selon un mode de réalisation, le procédé de la présente invention peut comprendre, en plus de l'étape d'hydrolyse enzymatique en milieu acide, des opérations de préparation et de traitement :
- préparation de la matière première,
préparation d'un milieu réactionnel en fonction des conditions optimales d'activité enzymatique et comprenant au moins un acide,
mélange de la matière première préparée dans le milieu réactionnel, homogénéisation et ajout de l'enzyme,
- étape d'hydrolyse enzymatique à température, pH et agitation maîtrisés : réactions simultanées de déprotéinisation et de déminéralisation pendant une durée optimisée,
séparation des parties solubles et insolubles du « jus réactionnel »,
lavage de la partie « insoluble », séchage et conditionnement,
- optionnellement, caractérisation des produits extraits.
Matière première
Par « matière première », au sens de la présente invention, on entend la biomasse animale comprenant de la chitine utilisée pour en extraire la chitine, de préférence les co-produits marins utilisés pour en extraire la chitine et/ou les co-produits entomologiques utilisés pour en extraire la chitine.
Suivant un mode de réalisation, la matière première utilisée dans le procédé de la présente invention comprend des co-produits marins, de préférence des crustacés, crevettes, crabes, du krill, plus préférentiellement des carapaces et des têtes de crustacés ; selon un mode de
réalisation particulier de l'invention, la matière première est issue de céphalopodes, de préférence de calmars ou de seiches.
Suivant un mode de réalisation, la matière première utilisée dans le procédé de la présente invention comprend des co-produits entomologiques, de préférence des coléoptères tels que le scarabé Tenebrio molitor, des hyménoptères tels que la mouche Hermetia illucens, plus préférentiellement des carapaces et des têtes d'insectes.
L'opération de préparation de la matière première doit permettre de conserver ses qualités tout en répondant aux exigences du procédé.
Selon un mode de réalisation de la présente invention, la préparation de la matière première comprend des opérations de nettoyage, de séchage et/ou de broyage.
Selon un mode de réalisation, la matière première est nettoyée à l'eau.
Selon un mode de réalisation, la matière première est séchée de lh à 36h de préférence pendant environ 18h, de préférence sous air ventilé, de préférence à une température de 5 à 35°C, plus préférentiellement d'environ 12°C. Selon un mode de réalisation, la matière première est broyée pour obtenir des fragments de diamètre maximal égal à environ 10 mm, de préférence de diamètre inférieur à environ 1 mm.
Selon un mode de réalisation, la matière première, de préférence préparée par nettoyage, séchage et broyage, est stockée avant extraction à une température comprise entre -30 et - 10°C, de préférence à -20°C, de préférence en limitant la présence d'oxygène. Milieu réactionnel
Par « milieu réactionnel », au sens de la présente invention, on entend le milieu dans lequel la réaction d'hydrolyse enzymatique en milieu acide se déroule.
La préparation du milieu réactionnel doit prendre en compte les conditions d'activité de l'enzyme utilisée telles que la température, le solvant et le pH. Le choix de ces conditions permet d'optimiser la durée de réaction et les rendements.
Selon un mode de réalisation, le milieu réactionnel est maintenu pendant l'hydrolyse enzymatique à une température comprise entre 2 et 80°C, de préférence entre 35 et 45°C, plus préférentiellement d'environ 37 à environ 40°C.
Selon un mode de réalisation, la température du milieu réactionnel est adaptée à l'enzyme utilisée afin que ladite enzyme ait une activité quasi-optimale pendant toute la durée l'hydrolyse enzymatique.
Selon un mode de réalisation, le milieu réactionnel est maintenu pendant l'hydrolyse enzymatique à une température comprise dans la gamme Tenz±0 à 20°C, de préférence Tenz± 0 à 15°C, de préférence Tenz± 0 à 10°C, où Tenz est la température à laquelle l'enzyme présente un maximum d'activité. La température choisie ne doit pas entraîner la dégradation de l'enzyme ou inhiber son action. Avantageusement, la température du milieu réactionnel est inférieure à Tenz de manière à limiter la consommation énergétique.
Selon un mode de réalisation, le pH du milieu réactionnel est de 0,5 à 6,5, de préférence de 1,8 à 3,8, plus préférentiellement d'environ 1,9 à environ 2,1. Dans le cas où l'enzyme est la pepsine, le pH du milieu réactionnel est préférentiellement d'environ 1,9 à environ 2,1.
Selon un mode de réalisation, le pH du milieu réactionnel est acide et sa valeur est adaptée à l'enzyme utilisée afin que ladite enzyme ait une activité optimale.
Selon un mode de réalisation, le pH du milieu réactionnel est compris dans la gamme pHenz±2, de préférence pHenz±l,5, de préférence pHenz±l, où pHenz est le pH auquel l'enzyme présente un maximum d'activité. Le pH choisi doit être acide pour que le rendement d'extraction de la chitine soit suffisant.
Selon un mode de réalisation, le milieu réactionnel est prêt à être utilisé lorsque les conditions de température et de pH choisies pour la réaction hydrolyse enzymatique sont stabilisées. Selon un premier mode de réalisation, le milieu réactionnel comprend au moins un acide. Selon un second mode de réalisation, le milieu réactionnel comprend en outre un solvant tel que de l'eau ou une solution aqueuse.
Selon un mode de réalisation de la présente invention, l'acide utilisé est de préférence un acide alimentaire, de préférence de l'acide phosphorique ou de l'acide formique.
Lorsque l'acide utilisé dans l'étape d'hydrolyse enzymatique est un acide alimentaire, les produits extraits par la méthode de la présente invention présentent l'avantage de pouvoir être utilisés plus aisément dans les domaines de agroalimentaire ou de la cosmétique.
Selon un mode de réalisation, la concentration en acide dans le milieu réactionnel est de 0,1 à 6 mol.L 1, de préférence de 0,8 à 2,8 mol.L 1, plus préférentiellement de 0,9 à 1 mol.L"1.
Selon un mode de réalisation, la concentration en acide dans le milieu réactionnel est adaptée à la teneur en minéraux de la matière première utilisée afin que le pH du milieu réactionnel soit acide et reste constant tout au long de l'hydrolyse enzymatique.
Enzyme
Selon un mode de réalisation, l'enzyme utilisée dans la présente invention est une enzyme active en milieu acide, de préférence une protéase à large spectre d'activité en milieu acide, de préférence la pepsine ou une protéase acide stable.
Selon un mode de réalisation, la concentration en enzyme dans le milieu réactionnel est adaptée à la teneur en protéines de la matière première utilisée. Suivant un mode de réalisation, la concentration en enzyme est de 0,1 à 75%, de préférence de 5 à 30%, plus préférentiellement d'environ 23 à environ 27% en masse par rapport à la masse de protéines estimée dans la matière première.
Conditions réactionnelles
Selon un mode de réalisation, la matière première est mélangée avec le milieu réactionnel et le mélange résultant est optionnellement homogénéisé par agitation pendant 0 à 30 minutes, de préférence pendant 3 à 10 minutes, plus préférentiellement pendant environ 5 minutes.
Selon un mode de réalisation, le ratio entre le poids de matière première préparée et le volume de milieu réactionnel est de 1:60 à 2: 1, de préférence de 1 :7 à 1:3, plus préférentiellement égal à 1:5.
Selon un mode de réalisation, le ratio entre le poids de matière première préparée et le volume de milieu réactionnel est adapté à la taille des fragments de matière première préparée. En particulier, il est tenu compte du fait que lorsque la taille des fragments de matière première diminue, l'absorption de solvant augmente et que par conséquent il est nécessaire d'augmenter le volume de milieu réactionnel.
L'ajout de la matière première dans le milieu réactionnel acide peut conduire à la formation de mousse en raison de la production de dioxyde de carbone due à la présence de carbonate de calcium dans l'exosquelette des crustacés et des insectes. Selon un mode de réalisation, le récipient utilisé pour réaliser l'hydrolyse enzymatique a un volume adapté pour éviter le débordement de la mousse pouvant se former. Le risque de production de mousse augmente quand la température de l'acide avant le mélange augmente. Selon un mode de réalisation, la température du milieu réactionnel avant l'ajout de la matière première est de 5 à 65°C, de préférence de 20 à 30°C, plus préférentiellement d'environ 25°C. Dans ce mode de réalisation, la température du milieu réactionnel est choisie pour être inférieure à la température à laquelle la réaction d'hydrolyse enzymatique doit être menée et ce afin de limiter la formation de mousse lors de l'ajout de la matière première.
Selon un premier mode de réalisation, l'enzyme est ajoutée directement dans le milieu réactionnel homogénéisé contenant optionnellement la matière première.
Selon un second mode de réalisation, l'enzyme est solubilisée dans de l'eau, ou dans une solution, de préférence une solution aqueuse, puis est ajoutée dans le milieu réactionnel homogénéisé contenant la matière première.
Selon un mode de réalisation, la réaction d'hydrolyse enzymatique est réalisée sous agitation de manière à optimiser le contact entre la matière première et l'enzyme.
Selon un mode de réalisation, les conditions de pH et de température initiales du milieu réactionnel sont maintenues constantes pendant toute la durée de la réaction d'hydrolyse enzymatique. Selon un autre mode de réalisation, les conditions de pH et/ou de température initiales du milieu réactionnel ne sont pas maintenues constantes pendant la durée de la réaction d'hydrolyse enzymatique.
Selon un mode de réalisation, la réaction d'hydrolyse enzymatique est réalisée dans un réacteur muni d'un dispositif de régulation de la température. Selon un premier mode de réalisation, ledit réacteur est un réacteur à double enveloppe dans laquelle circule un fluide caloporteur, la température dudit fluide pouvant être contrôlée. Selon un second mode de réalisation, ledit réacteur est muni d'une résistance chauffante, la température de ladite résistance pouvant être contrôlée.
Selon un premier mode de réalisation, le pH est stable toute la durée de l'hydrolyse enzymatique. Selon un second mode de réalisation, le pH est ajusté, au cours de la réaction d'hydrolyse enzymatique, à la valeur du pKa entre l'acide utilisé et le carbonate de calcium par ajout d'une solution concentrée d'acide, l'acide étant le même que celui utilisé dans le milieu réactionnel.
Selon un mode de réalisation, la durée de l'hydrolyse enzymatique est de 30 minutes à 24h, de préférence de lh à 12h, de préférence de 3h à 8h, plus préférentiellement d'environ 6 heures. Selon un mode de réalisation, la durée de l'hydrolyse enzymatique est adaptée à l'activité de l'enzyme utilisée pour réaliser la réaction d'hydrolyse enzymatique, à l'acide employé ainsi qu'à la matière première.
Selon un mode de réalisation, la durée de l'hydrolyse enzymatique est adaptée en fonction des caractéristiques désirées pour les produits finaux, telles que le degré de pureté, le degré de polymérisation et le degré d'acétylation.
Selon un mode de réalisation, la réaction enzymatique produit un jus réactionnel comprenant des parties solubles et insolubles.
Séparation des produits
Selon un mode de réalisation, les parties solubles et insolubles du jus réactionnel sont séparées par tout moyen approprié connu de l'homme du métier.
Selon un premier mode de réalisation, les parties solubles et insolubles sont séparées par filtration. Suivant un mode de réalisation la filtration est réalisée par un système de filtration préservant l'intégrité des structures des composés extraits. Suivant un autre mode de réalisation, la filtration est réalisée par un système de filtration sur presse à membrane. Suivant un autre mode de réalisation, la filtration est réalisée sur toile filtrante, de préférence sur toile à bluter. Suivant un second mode de réalisation, les parties solubles et insolubles sont séparées par centrifugation.
Selon un mode de réalisation, la partie insoluble du jus réactionnel contient très majoritairement des chitines et la partie soluble contient divers composés tels que des lipides, des pigments, des sucres, des sels minéraux, des acides aminés ou des peptides. Selon un mode de réalisation, la partie insoluble est rincée à l'aide d'un solvant. Suivant un premier mode de réalisation, le solvant est de l'eau ou une solution aqueuse. Ce mode de réalisation est préféré dans le cas où les chitines sont ensuite utilisées pour les applications alimentaires. Suivant un second mode de réalisation, la partie insoluble est tout d'abord rincée avec de l'eau ou une solution aqueuse puis avec un agent de blanchiment tel que le peroxyde d'hydrogène, l'hypochlorite de sodium ou le persulfate de potassium puis est rincée de nouveau avec de l'eau ou une solution aqueuse. Ce second mode de réalisation est préféré dans le cas où un blanchiment des chitines est souhaité. Dans ce mode de réalisation, les agents de blanchiment utilisés sont en accord avec la législation.
Les chitines sont des produits très hygroscopiques et dont l'activité biologique peut être dégradée par une augmentation de la température.
Selon un mode de réalisation, la partie insoluble filtrée et rincée est ensuite séchée de 8 à 16 heures, de préférence pendant environ 12 heures, dans une étuve dont la température est
de préférence inférieure à 100°C, de préférence comprise entre 50 et 95°C, plus préférentiellement d'environ 90°C.
Selon un mode de réalisation, la partie insoluble filtrée est neutralisée à la soude. Selon un mode de réalisation, la partie insoluble est lyophilisée. Selon un mode de réalisation, la partie insoluble séchée et/ou lyophilisée est conditionnée dans des récipients tels que des flacons en verre ou en plastique ou des sachets sous vide et conservée de préférence à température ambiante dans un endroit sec. Selon un mode de réalisation particulier, la partie insoluble (la chitine) est stockée à une température inférieure à la température ambiante, de préférence à une température de -30 à 0°C, plus préférentiellement de -20 à -10°C, plus préférentiellement à environ -20°C.
Selon un premier mode de réalisation, la partie soluble est centrifugée. Selon un second mode de réalisation, la partie soluble est dialysée et ultra-filtrée. Selon troisième, un mode de réalisation des composés de la partie soluble neutralisée sont extraits à l'aide de solvants organiques. Les solvants organiques ou aqueux sont ensuite évaporés pour permettre d'obtenir les composés d'intérêts.
La technique de traitement de la phase soluble dépend de la nature des composés à valoriser.
Rendements d'extraction
La maîtrise du milieu réactionnel (concentration en enzyme, pH et température) en fonction de la matière première utilisée permet de contrôler le rendement et les caractéristiques biochimiques et physico-chimiques des chitines obtenues. Théoriquement, en allongeant le temps d'hydrolyse on tend vers une réduction du degré de polymérisation.
Le rendement massique d'extraction des parties insolubles (Rdt) dépend de la nature de la matière première, de l'acide et de l'enzyme utilisés et est calculé à partir de la formule suivante :
Rdt = 100*(poids en insolubles séchés)/(poids en matière première sèche)
Selon un mode de réalisation, la partie insoluble contient majoritairement des chitines ainsi que des protéines et des minéraux résiduels qui n'ont pas été éliminés lors de la réaction d'hydrolyse enzymatique.
L'application du traitement d'extraction chimique classique sur les parties insolubles obtenues par le procédé de la présente invention permet d'estimer le taux d'impuretés résiduelles dans la partie insoluble. En effet, ce traitement permet d'éliminer la majorité des protéines et des minéraux résiduels.
Le degré de pureté en chitine (D°pureté) est estimé par gravimétrie, par mesure de la masse de l'échantillon insoluble avant et après un traitement des parties insolubles à l'hydroxyde de sodium à 1,25 mol.L"1 à 90°C pendant lh. Comme mentionné ci-dessus, ce traitement permet d'éliminer les protéines et minéraux résiduels. Le degré de pureté estimé est calculé à partir de la formule suivante :
D°pureté= 100* [(masse partie insoluble après traitement)/
(masse partie insoluble avant traitement)] Selon un mode de réalisation, le degré de pureté en chitines estimé (D°pureté) est supérieur à 75%, de préférence supérieur à 80%, plus préférentiellement supérieur à 85%, plus préférentiellement supérieur à 90%.
Selon un mode de réalisation, la teneur massique en protéines résiduelles dans la partie insoluble séchée est inférieure à 20%, de préférence inférieure à 15%, de préférence inférieure à 10%, plus préférentiellement inférieure à 5%.
Selon un mode de réalisation, la proportion massique de protéines éliminées par le procédé de la présente invention est supérieure à 80%, de préférence supérieure à 85%, plus préférentiellement supérieure à 90%, plus préférentiellement supérieure à 95%.
Selon un mode de réalisation, la teneur massique en minéraux résiduels dans la partie insoluble séchée est inférieure à 5%, de préférence inférieure à 3%, plus préférentiellement inférieure à 1%.
Selon un mode de réalisation, la proportion massique de minéraux éliminés par le procédé de la présente invention est supérieure à 95%, de préférence supérieure à 97%, plus préférentiellement supérieure à 99%.
Selon un mode de réalisation, une opération supplémentaire de blanchiment est réalisée sur la partie insoluble, permettant d'éliminer des pigments ainsi qu'une partie des protéines et des minéraux résiduels.
Selon un mode de réalisation, une opération supplémentaire de désacétylation est réalisée sur la partie insoluble, permettant de produire du chitosan et d'éliminer une partie des protéines résiduelles. Caractéristiques des chitines extraites
Selon un mode de réalisation, les chitines extraites par le procédé de la présente invention peuvent être utilisées en l'état ou converties en chitosan, en oligomères de chitine, en oligomères de chitosan ou en glucosamines N-acétylées ou non.
Le procédé de la présente invention permet d'obtenir une large gamme de qualité de chitines en ce qui concerne le degré de pureté et de polymérisation. Les autres caractéristiques (répartition des motifs, forme α, β et γ) dépendent de la nature de la matière première et non des caractéristiques du procédé selon l'invention.
Selon un mode de réalisation, les chitines extraites par le procédé de la présente invention ont une forme proche de la forme naturelle de la chitine. En d'autres termes, les chitines extraites par le procédé de la présente invention ne sont pas ou peu dénaturées par rapport à la chitine naturelle.
Selon un mode de réalisation, le degré de pureté estimé des chitines extraites par le procédé de la présente invention est supérieur à 85%, de préférence supérieur à 90%, plus préférentiellement supérieur à 95%. Le degré de pureté des chitines obtenues par la méthode de la présente invention est suffisant pour pouvoir les convertir sous de forme de chitosan, d'oligomères de chitines, d' oligomères de chitosan ou de glucosamines.
Selon un mode de réalisation, le degré de polymérisation des chitines est estimé par calcul à partir de la masse moléculaire moyenne desdites chitines. Selon un mode de réalisation, la masse moléculaire moyenne des chitines est estimée par calcul à partir de la viscosité intrinsèque. La viscosité intrinsèque peut être déterminée par la méthode décrite par Poirier et al. (Poirier, M. et Chrlet, G., Carbohydrate Polymers, 2002, 50, 363-370).
Selon un mode de réalisation, le degré de polymérisation des chitines extraites par le procédé de la présente invention est de 1.103 à 1.109, de préférence de 1.104 à 1.107, plus préférentiellement de 1.105 à 1.106.
Selon un mode de réalisation, le degré d'acétylation des chitines extraites par le procédé de la présente invention est de 80% à 100%, de préférence de 90% à 98%, plus préférentiellement de 95% à 97%.
Selon un mode de réalisation, l'indice de cristallinité des chitines extraites par le procédé de la présente invention est de 10% à 70%, de préférence de 20% à 50%, plus préférentiellement de 30% à 40%.
Composés solubles
Selon un mode de réalisation, les produits solubles extraits par le procédé de la présente invention peuvent être des peptides, des pigments, des sucres et des sels minéraux. L'utilisation d'acide alimentaire dans ce procédé autorise à exploiter ces composés dans les domaines de l'agroalimentaire, diététique et nutraceutique.
La présente invention présente donc l'avantage de limiter la quantité de déchets puisque tous les produits autres que la chitine extraits par le procédé de l'invention peuvent également être utilisés et valorisés.
Selon un mode de réalisation, les pigments extraits par le procédé de la présente invention sont de l'astaxanthine.
DESCRIPTIONS DES FIGURES
La Figure 1 représente un schéma du procédé d'extraction de la chitine selon l'invention. EXEMPLES L'invention se comprendra mieux à la lecture de l'exemple qui suit, qui illustre non limitativement la présente invention.
Exemple 1: Hydrolyse enzymatique par la pepsine en présence d'acide phosphorique. Matériel
La matière première utilisée est l'exosquelette de crevette Penaeus vannamei crue. La matière première est séchée à 12°C sous air ventilé puis broyée pour donner des fragments de taille inférieure à 1mm. La matière première préparée est stockée à -20°C sous-vide.
Le réactif utilisé pour maintenir le pH acide est l'acide phosphorique. La concentration en acide est calculée en fonction de la teneur initiale en minéraux dans la matière première préparée. Pour une teneur initiale en minéraux de 25% en masse par rapport au poids sec de matière première, une solution d'acide phosphorique à 0,94 mol.L"1 est utilisée afin de maintenir le pH du milieu réactionnel autour de 2.
La protéase acide employée est la pepsine (CAS 9001-75-6, fournisseur : Sigma, activité : 8112 U/mg). Elle est stockée sous forme de poudre à +4°C. Elle est solubilisée dans de l'eau distillée 15 min avant l'introduction dans le milieu réactif. La quantité d'enzyme ajoutée dans cet exemple correspond à 25% de la masse de protéines estimée dans la matière première initiale. Ainsi, pour un échantillon de 5 g de matière première présentant une teneur en humidité d'environ 15% et une teneur en protéines proche de 40%, cela correspond à environ 8,5% d'enzyme par rapport à la matière première, soit une quantité de pepsine de 0,43g. Protocole
5g de matière première, préparée comme décrit ci-dessus, sont pesés. La composition de l'extrait sec est déterminée selon les méthodes d'analyse décrites ci-dessous.
Une solution d'acide phosphorique à 0,94 mol.L"1 (25mL) est préchauffée à 30°C puis ajoutée à la matière première. Le mélange est agité pendant 5 min pour qu'il s'homogénéise. Le pH mesuré au pH-mètre doit être stable et être compris entre 1,9 et 2,1.
La pepsine (0,43 g), préalablement solubilisée dans 1 mL d'eau, est ajoutée au milieu réactionnel. Le mélange est chauffé à 40°C sur plaque chauffante puis incubé dans une étuve maintenue à 40°C±1°C.
Après 6h d'incubation, le mélange est filtré sur toile à bluter et rincé abondamment à l'eau distillée. Le rétentat est remis en suspension dans de l'eau distillée, le mélange est agité pendant 10min avant d'être filtré et rincé à nouveau à l'eau. La fraction solide obtenue est transférée dans une coupelle et séchée pendant une nuit à 90°C dans une étuve. La masse d'extrait sec obtenu (m= 1,29g) permet de calculer le rendement massique d'extraction, soit 30,26%.
Analyses
La teneur en humidité de l'échantillon est mesurée par gravimétrie, par mesure de la masse de l'échantillon avant et après une nuit à 105°C.
La teneur en minéraux est déterminée par gravimétrie, par mesure de la masse de l'échantillon avant et après incinération à 600°C pendant 6h.
La teneur en protéines est estimée par chromatographie en phase gazeuse par dosage des acides aminés totaux. Elle peut également être mesurée par un dosage colorimétrique (Lowry, BSA, Bradford ou bleu de Coomassie) ou par le dosage Kjeldahl.
La teneur en chitine peut être mesurée par gravimétrie, par mesure de la masse de l'échantillon avant et après les traitements suivants :
pour la matière première : traitement pendant 60 minutes par HC1 IN à température ambiante, puis par NaOH 1,25N à 90°C pendant 120 minutes et enfin blanchiment au peroxyde d'hydrogène à 33% et à l'acétone ;
pour les produits d'hydrolyse, le traitement se limite un traitement par NaOH
1,25 N à 90°C pendant une heure.
La masse moléculaire des chitines est estimée par calcul à partir de la viscosité intrinsèque. La viscosité intrinsèque peut être déterminée par la méthode décrite par Poirier et al., qui repose sur la loi de Mark-Houvink (Poirier, M. et Charlet, G., Carbohydrate Polymers, 2002, 50, 363-370). Ainsi, la viscosité intrinsèque a été déterminée en mesurant la viscosité réduite à partir de solutions de différentes concentrations en chitine dans du N,N- dimethylacétamide contenant 5% de LiCl. L'appareil utilisé est un viscosimètre capillaire dit d'Ubbelhode. La constante K du viscosimètre est de 0.3 cSt/s. Le volume de mesure est de 15mL.
Le degré de polymérisation est calculé à partir de la masse moléculaire des chitines. Le degré d'acétylation est estimé par RMN du liquide du proton, selon la méthode décrite par Einbu A., Varum K., 2008. La chitine (20 mg) est solubilisée dans ImL de DCl (7.6N dans D20, Euriso-top) sous agitation magnétique à température ambiante pendant 5 heures. L'analyse RMN 1H est réalisée à 300°K à l'aide d'un spectromètre Brucker ALS300 (300MHz, référence TMSP O.OOppm). Le degré d'acétylation est ensuite calculé à partir de l'intensité des signaux RMN de protons caractéristiques, selon la formule donnée par Einbu et al.
L'indice de cristallinité est déterminé par diffraction aux rayons X. Le diffractomètre utilisé est un D8 Discover de Brucker-axs (Karlsruhe, Allemagne). La radiation est produite dans un tube en cuivre (Cu K i= 1,5405 A) et les faisceaux produits sont enregistrés toutes les 10 min. A partir des spectres obtenus, la méthode de calcul de l'indice de cristallinité se base sur le rapport entre les aires des zones cristallines sur l'aire totale (Osario-Madrazo A., David L., Trombotto S., Lucas J.M., Peniche-Covas C. et Domard A., Carbohydrate Polymers, 2011, 83, 1730-1739)
Résultats et discussion
Après 6h d'hydrolyse enzymatique par la pepsine en présence d'acide phosphorique, le rendement massique d'extraction est de 30,26+ 0,32%. La composition de l'extrait sec obtenu peut être comparée à celle de la matière première totalement séchée ou à la matière première préparée utilisée dans cet exemple (tableau 1) :
humidité minéraux protéines chitine lipides sucres matière première
totalement sèche :
% massique 0% 25% 40% 30% ND ND matière première
préparée : 14,55% 21,25% 34% 25,5% 3,5% 1,2%
% massique
extrait sec :
% massique 0% 0,99 10,98 88,42 ND ND
(+ 0,03%) (+ 1,01%) (+ 1,22%)
pour 100g de
matière
première sèche 0g 0,30g 3,32g 26,76g ND ND
ND : non déterminé
Tableau 1
Compte tenu de la composition de la matière première sèche, les quantités de minéraux et de protéines éliminés par le procédé sont respectivement de 98,5% et 91,7%.
Les teneurs résiduelles en minéraux et en protéines (tableau 1) sont celles présentes dans le produit final brut, sans étape de blanchiment. L'application d'un agent de blanchiment ou un lavage à la soude améliore le degré de pureté.
Le degré d'acétylation mesuré par RMN est dans cet exemple de l'ordre de 95%. La masse moléculaire de cet échantillon est de l'ordre de 105 à 106 g/mol et l'indice de cristallinité de 35%. Ces caractéristiques sont proches de celles de la chitine native.
Les performances de cet exemple peuvent être améliorées en augmentant la quantité de pepsine utilisée. Ainsi, l'expérience a été réalisée avec une concentration en pepsine de 41% par rapport à la quantité de protéines présentes dans la matière première, au lieu de 25% précédemment. Le degré de pureté en chitine augmente (96,78% au lieu de 88,42%) car la déprotéinisation est améliorée (92,00% de protéines éliminées) ainsi que la déminéralisation (99,23% de minéraux éliminés).