Dispositif et procédé pour la phosgénation en continu Etat de la technique Le phosgène (dichlorure de méthanoyle, n° CAS 75-44-5) est une molécule très utile en synthèse organique. Il peut être synthétisé très facilement en faisant réagir du chlore (Cl2) et du monoxyde de carbone (CO) en présence d'un catalyseur à lit fixe; cette réaction est exothermique. Des méthodes de mise en œuvre de ce procédé sont décrites dans de nombreux brevets très anciens, par exemple FR 502,672 et 502,673 (L'Air Liquide), déposées en 1915 et délivrés en 1920, US 2,457,493 (D. Bradner), ainsi que dans les documents brevets F 2 109 186 (Etat Français), FR 2 297 190, FR 2 297 191 et FR 2 345 394 (Tolochimie), EP 0 134 506, US 4,764,308 et US 6,930,202 (Bayer AG), MX 164 753 (Antonio Laville Conde), EP 0 796 819 B1 (Idemitsu Petrochemicals Co.), US 2005/0118088 et EP 1 485 195 (BASF AG), US 2005/0025693 (General Electric Co.), US 2006/0047170 (Bayer Material Science LLC).
La nature du catalyseur a été explorée dans de nombreuses études, voir notamment FR 2 383 883 (Ube Industries), EP 0 881 986, US 6,022,993, US 6,054,107, US 6,054,612 et EP 0 912 443 (El. Du Pont de Nemours), US 2002/0065432 (Eckert et al.).
En tant que source de chlore, on peut utiliser aussi du NOCI (voir US 1 ,746,506 (Du Pont Ammonia Corp.)), du CCl4 (voir FR 2 100 343 (Farbwerke Hoechst)), du HCI (FR 2,144,960 et US 3,996,273 (Société Rhône-Progil)), ou du C2CI4 (US 5,672,747 (J. Stauffer). Certains de ces produits sont plus coûteux et/ou plus dangereux que le chlore, et pas plus faciles à manier.
Le recyclage des effluents dans la synthèse du phosgène a toujours été un souci majeur, voir US 4,231 ,959 (Stauffer Chemical Corp.) et US 2009/0143619 (Bayer Materials Science AG). On a même envisagé la synthèse de phosgène comme un moyen de réutiliser sélectivement le chlore contenu dans des effluents industriels (voir US 4,346,047 (The Lummus Company)).
En synthèse organique, le phosgène est une molécule assez polyvalente, car il permet de réaliser quatre familles de réactions différentes :
(i) ia carbonylation, qui conduit à des isocyanates et à l'urée,
la ch!oroformylation, qui conduit à des chloroformâtes, à partir desquelles on peut obtenir des carbamates, des carbonates et des diaryl cétones, la chloration, conduisant notamment des chlorures d'alkyle ou d'aryle, la déshydrogénation, conduisant à des cyanures, ïsocyanures et carbo-di- imides.
A titre d'exemple, il est utilisé industriellement par exemple pour la synthèse de dialkylcarbonates à partir d'alcools. Certains 1 ,2 - et 1 ,3- diols forment avec le phosgène des esters carbonates cycliques. Ainsi le 1 ,2-éthane-diol (appelé aussi éthylèneglycole) forme du carbonate (formiate) d'éthylène ; cette réaction procède par la formation d'un ester chlorocarbonate intermédiaire. Lorsque dans les dioles les groupes hydroxy sont séparés par plus que 3 atomes de carbone, la cyclisation est lente, et la réaction conduit en général à un polymère. L'inconvénient du phosgène est sa très grande toxicité ; à ce titre il est soumis à une réglementation très contraignante pour le stockage et pour le transport en particulier. De plus, le phosgène est bien connu du grand public car il a été utilisé comme gaz de combat pendant la première guerre mondiale. On sait que le phosgène peut être détruit par contact avec une solution alcaline ; ainsi, US 4,493,818 (Dow Chemical Co.) décrit un procédé de destruction de phosgène par contact avec une solution aqueuse alcaline comprenant un aminé tertiaire.
Le phosgène est utilisé à grande échelle dans la préparation industrielle de polymères de type polycarbonate, ainsi que d'isocyanates, qui sont des matières premières pour la synthèse de polymères polyuréthanes. A titre d'exemple, US 5,986,037 (Mitsubishi Chemical Corp.) décrit la fabrication d'une solution d'oligomères de polycarbonate à partir de bisphénol et de phosgène. US 2001/0041806 A1 et EP 1 112 997 B1 (M. Miyamoto et N. Hyoudou) décrivent la fabrication de diarylcarbonates par condensation d'un composé monohydroxique aromatique avec du phosgène ; dans ce procédé, le chlore formé par cette réaction est réutilisé dans la production de phosgène. Ces procédés d'utilisation de phosgène sont en général des procédés continus.
A cette grande échelle industrielle, le phosgène présente des avantages de coût tellement considérables que l'on accepte de gérer les risques inhérents à ce gaz. Pour minimiser le risque au stockage, on peut le stocker et l'utiliser sous la forme d'une solution. Ainsi, US 3,226,410 (FMC Corporation) décrit un réacteur continu
pour la production d'isocyanates aromatiques à partir d'amines et d'une solution de phosgène dans un solvant organique (mono-chlorobenzène). De même, US 3,321 ,283 (Mobay Chemical Co.) décrit un réacteur tubulaire de grande taille pour la phosgénation d'amines à l'aide d'une solution de phosgène dans du ortho- dichlorobenzène.
Cependant, la minimisation du risque passe par la synthèse directe du phosgène, afin d'éviter son transport, et par la réutilisation de tous les gaz résiduels. Cette dernière s'impose également pour des raisons économiques. Ainsi, US 2006/0123842 et US 2007/0012577 (BASF) ainsi que US 2007/0269365 (Bayer Materiai Science AG) décrivent un procédé de réutilisation du HCI généré lors de la synthèse d'isocyanates à partir d'amines et de phosgène, cette réutilisation impliquant l'oxydation que du HCI en Cl2, ce dernier étant réutilisé pour la synthèse du phosgène. Dans le même contexte, US 2007/0276158, US 2007/0276154 et US 2009/0054684 (Bayer Materiai Science AG) décrivent un procédé pour la réutilisation du CO excédentaire provenant de la synthèse du phosgène, mélangé au HCI généré lors de la synthèse d'isocyanates, dans la synthèse du phosgène. WO 2009/143971 (Bayer Technology Services GmbH) décrit un réacteur de synthèse de phosgène à zones catalytiques multiples permettant une réaction quasi-quantitative, ce qui diminue la quantité d'effluents à traiter. US 5,925,783 (Bayer AG) décrit un procédé de fabrication d'isocyanates à partir d'amines et de phosgène, le phosgène étant introduit dans le réacteur en solution avec un isocyanate, qui peut être l'isocyanate visé. US 2009/0209784 (Bayer MateriaIScience) décrit une amélioration de la séparation et du recyclage du phosgène résiduel et du HCI des produits de la réaction de phosgénation d'amines.
Le document « Production industrielle avec le phosgène », Chimia (1998) 52(12), 698-701 décrit une installation de production dynamique et d'utilisation de phosgène gazeux utilisée par Novartis Crop Protection (ex. Ciba Geigy). Dans cette installation, toutes les parties pouvant contenir du phosgène sont dans une double enveloppe balayée en continu avec de l'air, qui est continuellement analysé et aboutit sur deux tours de lavage à NaOH 10% en série pour la destruction du phosgène en cas de fuite, La commande et la régulation de toutes les parties de l'installation sont gérées par ordinateur. L'article « Safe phosgene production on demand » (U. Osterwalder, Ciba-Geigy Werke Schweizerhalle A.-G., Bericht uber das Internationale Kolloquium uber die Verhutung von Arbeitsunfâllen und Berufskrankheiten in der Chemischen Industrie (1985), 10 (785-800) décrit le développement de cette même installation, et
mentionne en particulier la mise au point d'un appareil de laboratoire capable de produire à la demande des quantités de phosgène de l'ordre de 40 - 600 kg/h.
De nombreux aspects pratiques doivent êtres pris en compte pour la conception des réacteurs de phosgénation. La phosgénation d'amines est une réaction fortement exothermique qui se déroule même à basses températures. La manière d'obtenir aussi rapidement que possible un mélange intime des produits de départ (aminé et phosgène) devient alors un facteur critique susceptible de limiter le rendement et de conduire à des produits secondaires solides. US 7,547,801 (Bayer Material Science) décrit un procédé à trois étapes dans lequel les différentes réactions intermédiaires de la réaction sont spatiales séparées. FR 2 940 283 {Perstop Tolonates France) décrit un procédé dans lequel on injecte un jet de phosgène à très haute vitesse (environ 10 à 100 m/s) dans une zone de turbulence spécialement aménagée dans un réacteur piston à haute pression (5 à 100 bar, de préférence 20 à 70 bar) et haute température (100°C à 300°C) pour transformer en continu des aminés en isocyanates ; ce procédé, grâce au mélange turbulent des réactifs et grâce à la haute pression du jet de phosgène, permet d'obtenir une durée de réaction de phosgénation très court (inférieur à 200 ms). Mais il implique l'utilisation d'un excès de phosgène à haute pression, deux inconvénients majeurs.
US 5,931 ,579 (Bayer AG) décrit un système de buses d'injection de phosgène qui évite le colmatage par des produits secondaires solides, minimisant ainsi le besoin d'ouvrir et de démonter le réacteur, une procédure ennuyeuse qui doit être précédée d'une purge complète et qui impose des mesures de sécurité draconiennes. Par ailleurs, il est apparu que l'utilisation de réacteurs tubulaires pour la phosgénation d'amines en phase gazeuse pose de nombreux problèmes pratiques. On a donc cherché à utiliser d'autres types de réacteurs ; ainsi, US 7,084,297 (BASF AG) décrit un procédé de fabrication d'isocyanates par phosgénation d'amines primaires en phase gazeuse dans un réacteur à plaques.
En chimie fine, notamment pour la fabrication de principes actifs pour médicaments, fragrances, produits phytosanitaires et autres, il existe assez peu d'exemples d'utilisation directe de phosgène. Plus souvent, on génère du phosgène à partir de di- phosgène ou tri-phosgène ; le premier est un liquide à des conditions normales, le second forme des cristaux. Le brevet US 6,399,822 (Dr. Eckert GmbH) décrit un procédé catalytique pour générer du phosgène pur à partir de di-phosgène ou tri- phosgène ; un dispositif exploitant ce brevet est commercialisé par la société Sigma
Aldrich et décrit dans la revue ChemFiles, vol. 7 nr. 2 (2007), pages 4 et 14. Il se prête à des applications à très petite échelle, notamment pour la dérivatisation d'acide aminés et peptides. Dans la même optique, il existe des publications portant sur des microréacteurs produisant des quantités minimes de phosgène. Ces réacteurs, de dimensions sous-millimétriques, sont fabriqués avec des techniques dérivées de la microélectronique, notamment la photolithographie et la gravure ionique. Ainsi, le rapport technique final n° AFRL-IF-RS-TR-2002-295 « Micro-Fluid Chemical Reactor Systems : Development, Scale-Up and Démonstration » du Massachusetts Institute of Technologie mentionne un microréacteur pour la synthèse directe de très petites quantités de phosgène avec un débit standard de Cl2 de 4 cm3/min. L'article « Microfabricated packed-bed reactor for phosgène synthesis » par S.K.Ajmera et al., paru dans AlChE Journal, vol. 47(7), p. 1639 - 1647 (2010) décrit un microréacteur avec un débit standard de 2 CO + Cl2 de 4,5 cm3/min. US 2004/0156762 mentionne également l'utilisation d'un microréacteur pour ia synthèse directe du phosgène.
L'article « Challenging chemistries at Saltigo: A compétitive advantage in custom manufacturing" par Ann Gidner, paru dans la revue Chemistry Today, vol 24 nr 5, page 50 - 52 (2006), exprime le désir de développer des alternatives à l'utilisation directe du phosgène en chimie fine.
Cependant, le di-phosgène et le tri-phosgène sont significativement plus coûteux que le phosgène. Mais en chimie fine, par exemple pour la synthèse de principes actifs pharmaceutiques, d'aromes ou de fragrances, le facteur de coût des matières premières n'est pas toujours un argument très important. Pour cette raison, et pour des raisons de sécurité, il existe dans ces industries peu de procédés qui impliquent l'utilisation directe de phosgène. D'une manière générale, on continue à rechercher des procédés alternatifs qui évitent l'usage de certains produits comme le phosgène, comme en témoigne par exemple l'article « Products and processes for a sustainable chemistry : a review of achievements of prospects » par J.Jenck et al., paru dans la revue Green Chemistry 6, p.544-556 (2004). Dans certains cas, on utilise également des substituts de phosgène, tels que le réactif de Vilsmeier ou le carbonyldiimidazole.
La présente invention va à contre-courant de cette tendance et cherche à proposer un dispositif et un procédé de phosgénation bien adaptés à la chimie fine, le procédé procédant par injection de phosgène dans un réacteur en phase liquide, éventuellement à haute pression, susceptible de fabriquer et de consommer des
quantités significatives mais limitées de phosgène, i.e. de l'ordre de 1 à 50 kg/h, et en particulier de 1 à 5 kg/h, et pouvant être exploité dans des conditions irréprochables de sécurité, en renonçant notamment à tout stockage de phosgène. Objet de l'invention
Un premier objet de l'invention est un procédé continu de génération de phosgène à partir de CO et Cl2 et de consommation du phosgène ainsi généré dans une réaction en phase liquide pour former des produits organiques P, ledit procédé étant exécuté dans deux réacteurs successifs R1 et R2,
le premier réacteur R1 étant un réacteur de synthèse catalytique de phosgène à partir de CO et Cl2 gazeux,
le second réacteur R2 étant un réacteur piston, de préférence de forme cylindrique, et ledit second réacteur R2 étant pourvu d'un moyen mécanique d'agitation axiale, et dans lequel procédé
- on fait entrer dans ledit réacteur R1 des quantités de préférence stœchiométriques de CO et de Cl2 pour former un mélange gazeux,
- on fait passer ledit mélange gazeux sur un catalyseur approprié pour former du phosgène,
- on fait passer ledit mélange gazeux comportant du phosgène dans ledit second réacteur R2,
- on fait entrer, de manière continue, de préférence à une extrémité dudit second réacteur R2, au moins une phase liquide comportant un composé organique E,
- on soumet ladite phase liquide, de préférence à une température comprise entre -25°C et 200°C et sous agitation mécanique axiale, à l'influence d'une pression de phosgène comprise entre 1 et 10 bar, et préférentiellement entre 1 et 5 bar, éventuellement en présence d'un catalyseur dispersé en phase liquide, pendant un temps de passage t compris entre 1 seconde et 10 minutes, préférentiellement entre 10 secondes et 6 minutes, et plus préférentiellement entre 40 secondes et 3 minutes,
- on sort la phase liquide dudit réacteur,
et dans lequel, de manière préférée, l'augmentation de température ΔΤ du liquide entre l'entrée et la sortie du réacteur est telle que le rapport ΔΤ / ΔΤ3ά (où ATad représente l'augmentation adiabatique de température) est compris entre 0,02 et 0,6 lorsque le rapport entre le temps caractéristique de transfert de chaleur ttt1erm et le temps caractéristique de transfert de matière tmat est compris entre 1 et 50.
Un autre objet de l'invention est un dispositif pour la mise en œuvre du procédé décrit ci-dessus, comportant un premier réacteur R1 situé en amont d'un second réacteur R2, ledit premier réacteur R1 étant situé dans un premier compartiment C1 fermé, et ledit second réacteur R2 étant situé dans un second compartiment C2 fermé, les compartiments C1 et C2 étant séparés par une paroi,
ledit premier réacteur R1 étant un réacteur de génération de phosgène comportant un réservoir et une entrée de gaz monoxyde de carbone avec son contrôleur de débit,
un réservoir et une entrée de gaz de chlore avec son contrôleur de débit, une chambre de réaction, de préférence tubulaire, comportant un catalyseur à lit fixe permettant de convertir le mélange gazeux monoxyde de carbone - chlore en phosgène,
ledit second réacteur R2 étant un réacteur tubulaire de phosgénation, comportant :
à l'extrémité amont une entrée du produit réactionnel gazeux en provenance dudit premier réacteur R1 ,
à l'extrémité amont une entrée d'une phase liquide comportant ledit composé organique,
à l'extrémité aval une sortie de ladite phase liquide,
ledit premier réacteur R1 et ledit second réacteur R2 étant relié entre eux par un tube de transfert du produit réactionnel comportant du phosgène généré dans ledit premier réacteur R1 vers ledit second réacteur R2, ledit tube traversant ladite paroi entre ledit premier compartiment C1 et ledit second compartiment C2,
En outre, dans le dispositif selon l'invention:
ledit second réacteur R2 est un réacteur piston pourvu d'un moyen mécanique d'agitation axiale,
ledit second réacteur R2 opère à une pression comprise entre 1 et 0 bar, et de préférence entre 1 et 5 bar.
De manière avantageuse, ledit tube de transfert comprend un moyen de refroidissement du phosgène, de préférence un moyen permettant d'obtenir une température de l'ordre de 30°C.
Encore un autre objet de l'invention est l'utilisation d'un dispositif selon l'invention pour la phosgénation d'un composé organique.
Description de l'invention
L'invention concerne un procédé continu de phosgénation d'un composé organique, ledit procédé étant exécuté dans un réacteur continu de type réacteur piston (appelé
aussi réacteur à écoulement piston), de longueur L et de volume V, dans lequel les espèces chimiques entrent à une extrémité et se déplacent tout au long du réacteur en se transformant progressivement. Le procédé continu selon l'invention peut être décrit comme comportant plusieurs étapes.
Dans une première étape, on génère du phosgène dans le premier réacteur R1 , à partir de CO et de Cl2l
on fait entrer dans le réacteur R2, de manière continue, de préférence à une extrémité dudit réacteur, une phase liquide comportant ledit composé organique.
Puis on soumet ladite phase liquide à une température comprise entre -25°C et +200°C et sous agitation mécanique axiale, à l'influence d'une pression de phosgène comprise entre 1 et 10 bar (préféré : entre 1 et 5 bar) pendant un temps de passage t compris entre 1 seconde et 10 minutes (préféré : 10 secondes et 6 minutes, et encore plus préférentiellement 40 secondes à 3 minutes).
Lorsque la phase liquide comportant le produit P est arrivée à l'extrémité avale du réacteur R2, on la sort à ladite extrémité avale.
La phase liquide peut contenir du gaz tel que du CO en excès, du C02 ou HCI générés au cours de la réaction. Elle peut également contenir des solides (produit ou sous-produit de la réaction).
Le phosgène utilisé pour la phosgénation est produit dans un réacteur R1 par réaction du chlore avec le monoxyde de carbone, en présence d'un catalyseur, généralement du charbon actif. D'autres catalyseurs, tels que des halogénures métalliques, du carbure de silicium peuvent également être employés. La réaction de synthèse du phosgène étant très exothermique, il est nécessaire de prévoir un refroidissement du réacteur R1. La réaction peut se faire avantageusement à une température d'environ 150°C, et plus généralement entre 50°C et 200°C. En sortie du réacteur R1 , on refroidit le phosgène de manière à obtenir une température de l'ordre de 30°C à une pression comprise entre 1 et 10 bar, et de préférence entre 1 et 5 bar. C'est à cette pression qu'on injecte le phosgène dans l'extrémité amont du réacteur R2, qui est un réacteur piston. La pression de phosgène en sortie du réacteur R1 est généralement suffisante pour alimenter le réacteur R2. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'utiliser une pompe intermédiaire entre R1 et R2 pour augmenter la
pression du phosgène entrant dans le réacteur R2. Cela rend le procédé selon l'invention plus sûr en diminuant le risque de fuite de phosgène. C'est un des avantages du procédé selon l'invention. Cependant, pour certaines réactions, il peut être nécessaire d'utiliser une pompe intermédiaire, par exemple lorsque l'on utilise des solvants très volatils. Dans ce cas on peut exploiter le procédé selon l'invention avec une pression dans le réacteur R2 jusqu'à environ 200 bar.
Dans le procédé selon l'invention, le débit des gaz CO et Cl2 entrant dans le premier réacteur R1 est de préférence contrôlé par la consommation de phosgène dans le réacteur de phosgénation R2, sachant qu'on introduit de manière très préférée une quantité approximativement stœchiométrique de phosgène dans le réacteur R2 ; il est cependant préférable d'utiliser un léger excédent de CO, pour éviter d'obtenir un phosgène qui contient du chlore. Ce contrôle du débit des gaz à l'entrée du réacteur R1 par la consommation de phosgène en sortie du réacteur R2 peut se faire par des débitmètres massiques sur chacune des arrivées de CO et Cl2. Avantageusement, ces débitmètres ne laissent passer du gaz que si le réacteur R2 est en état de fonctionnement.
Le phosgène gazeux généré dans le réacteur R1 est ensuite immédiatement transféré dans le réacteur R2.
La plupart des réactions de phosgénation réalisées dans le réacteur R2 nécessitent l'utilisation de phosgène de haute pureté, supérieure ou égale à 99%.
Le réacteur R2 utilisé pour la phosgénation a de préférence une forme cylindrique. Il doit être pourvu d'un moyen d'agitation axiale, qui est de préférence un moyen mécanique d'agitation axiale. On entend ici par moyen d'agitation axiale tout dispositif qui assure une agitation du mélange réactionnel sur toute la longueur, ou partie significative de celle-ci, par un moyen possédant un axe parallèle à l'axe du réacteur. Ce moyen d'agitation axiale facilite, d'une part, le déroulement de la réaction, en mélangeant les espèces chimiques entrant avec le catalyseur, qui se trouve sous forme dispersée dans une phase liquide, et facilite d'autre part le transfert thermique.
Le réacteur piston possède des profils de température et de concentration qui peuvent varier le long de son axe. Un tel réacteur peut être modéiisé comme une suite de réacteurs élémentaires disposés en série le long d'un axe et ayant chacun une longueur AL et un volume AV. Dans les conditions de fonctionnement de ce
réacteur, la composition de l'alimentation et le débit volumique total F sont uniformes et constants, et le temps de séjour
T = V/F (Equation 1 ) est constant pour toutes les molécules entrant dans le réacteur. Ce type de réacteur est connu, et l'homme du métier sait également que si l'on réalise une réaction très exothermique dans un réacteur piston, le transfert radiai de chaleur peut devenir limitant. Pour les réactions de phosgénation, qui peuvent être fortement exothermiques, la maîtrise des transferts thermiques est donc critique. Le procédé selon l'invention implique une réaction chimique de type :
A (liquide) + v COCI2 (gaz) -> v p Produit (Equation 2) où v est le coefficient stœchiométrique du phosgène et v p est le coefficient stcechiométrique du produit. Selon l'invention, le composé organique qui subit la phosgénation se présente sous la forme d'un liquide pur ou dilué dans un solvant liquide, ou sous la forme d'un solide dilué dans un solvant liquide.
D'une façon générale, les performances des réacteurs sont données par deux grandeurs caractéristiques, qui décrivent respectivement le transfert thermique et le transfert de matière. Ces temps caractéristiques de transfert sont définis ci-dessous par des équations simplifiées (le modèle hydrodynamique étant le même, que le réacteur soit un réacteur piston ou un réacteur parfaitement agité, dans la mesure où la réaction de phosgénation est limitée par le transfert de matière) :
- temps caractéristique de transfert de chaleur : (Equation 3)
- temps caractéristique de transfert de matière :
traat = 1/(kLa) (Equation 4).
Dans ces équations, les paramètres suivants sont utilisés :
- la masse volumique du liquide p,
- la capacité calorifique du liquide Cp ;
le coefficient global de transfert K, défini ci-dessous ;
- la surface d'échange thermique S (constante pour un réacteur donné, car fixée par sa conception) ;
- le produit entre le coefficient de transfert de matière gaz-liquide côté liquide, kL, et l'aire interfaciale spécifique, a, définie ci-dessous.
Plus le temps caractéristique de transfert est petit, plus le système est performant et transfère rapidement la chaleur et la matière (respectivement).
Nous décrivons ici de manière sommaire la détermination du coefficient K bien connue de l'homme du métier.
Le coefficient global de transfert K (appelé aussi coefficient d'échange global) est défini par l'équation
φ = K S ΔΤ„,ι (Equation 5) où S est la surface d'échange (en l'espèce, pour un réacteur cylindrique, S = π D L où D est le diamètre intérieur du réacteur et L la longueur intérieure de la partie du tube du réacteur dans laquelle le gaz entre en contact avec le liquide), Ù m\ est la différence de température moyenne logarithmique :
AT
m, = {[(T(caloporteur)sortie - T(procédé)
enirée] - [(T(caloporteur)
entrée- T(procédé)
sortie}}/
T(procédé)
entrée] / [(T(caloporteur)
entrée- T(procédé)
sortie]}
et φ est la puissance (en Watts, température de référence 25°C) gagnée par le flux de chaleur côté procédé. Pour une réaction donnée, ces paramètres dépendent de la géométrie du réacteur et du débit ; ils peuvent être déterminés aisément.
Le coefficient kLa, également bien connu de l'homme du métier, peut être déterminé expérimentalement par une procédure qui, afin de ne pas alourdir inutilement la description de l'invention, est décrite ci-dessous comme « Exemple 1 ».
Dans un mode de réalisation avantageux de l'invention, on utilise un réacteur continu de type piston possédant les caractéristiques suivantes :
Transfert de matière : 0,1 s"1 < I<LA < 0,3 s"1 soit 3 s < tmat < 10 s
Transfert de chaleur: K = 300 à 1000 W /m2 /°C (préféré : 300 à 700 W /m2 /°C, et encore plus préférentiellement : environ 550 W /m2 /°C)
(on considère ici le coefficient de transfert partiel du liquide avec le métal).
Dans un mode de réalisation typique, le temps caractéristique de transfert kg/m
3 Cp=2000
J/kg/°C).
Dans ce mode de réalisation avantageux, le rapport des temps caractéristiques est donc :
2 < ( U < 8
Dans le procédé selon l'invention, l'augmentation de température du liquide ΔΤ entre l'entrée et la sortie du réacteur est telle que :
ΔΤ therm X , (Equation 6)
ATad (ttherm
ou
ΔΤ3ΰ est l'augmentation adiabatique de température.
_ (-ArH)CA0
ΔΤ a. d (Equation 7) pcp
ΔΓΗ est l'enthalpie de la réaction,
XA est le coefficient stœchiométrique du composé A.
Pour le cas d'une conversion totale de A (i.e. XA = 1 ) on peut réécrire l'équation (6) en
ΔΤ M
(Equation 8)
( ATad ) ( 1 mat Atherm + 1 ) où M désigne le rapport stœchiométrique : M=- (Equation 9)
HeCA0
dans lequel
P signifie la pression de travail,
He signifie le coefficient de Henry,
CAO signifie la concentration du liquide à l'entrée du réacteur.
Le choix des conditions opératoires du procédé selon l'invention fait intervenir trois grandeurs :
- l'augmentation adiabatique de température en milieu non dilué
(AH)(cA0) 'tpur
(ATad) (Equation 10)
pur pCr
le rapport stœchiométrique calculé sur la concentration des réactifs purs
P
(Equation 1 1 )
MPur= vHe(CA0)
pur
(CA0) pur
- le facteur de dilution F défini par (CA0) (Equation 12).
'travail p
Les inventeurs ont découvert qu'un régime de fonctionnement particulier d'un réacteur piston permet de résoudre le problème posé. Ce régime est expliqué ici dans le cas d'une réaction avec un coefficient stœchiométrique vp = 1 , comme c'est
le cas par exemple pour la réaction de chloroformation. Ce régime concerne à la fois un régime d'écoulement et un régime d'agitation.
En effet, selon l'invention, on conduit la réaction de manière à ce que l'augmentation de température ΔΤ du liquide entre l'entrée et la sortie du réacteur soit telle que le rapport ΔΤ / ATad (où ATad représente l'augmentation adiabatique de température) est compris entre 0,02 et 0,6 lorsque le rapport entre le temps caractéristique de transfert de chaleur t,herm et le temps caractéristique de transfert de matière est compris entre 1 ,5 et 50.
Ce procédé peut être utilisé sans solvant, i.e. ledit composé organique constitue la phase liquide qui entre dans le réacteur. Mais on peut utiliser un solvant si cela est nécessaire, et surtout dans les cas où le produit ou le sous-produit de la phosgénation est un solide (formation de sels). Dans un mode de réalisation préféré, le rapport ΔΤ / ùJad est compris entre 0,02 et 0,2 lorsque ttherm / est compris entre 1 ,5 et 12. Dans un mode de réalisation encore plus préféré, ΔΤ / ΔΤ3ά est compris entre 0,03 et 0,15 lorsque m / est compris entre 2 et 8.
Pour maintenir constante la température interne du réacteur, on ajuste la puissance de chauffage ou de refroidissement de la chambre de réaction R2.
Avantageusement, l'étape de phosgénation du procédé selon l'invention est mise en œuvre dans un réacteur piston tubulaire de forme cylindrique R2, d'un diamètre intérieur compris entre 20 mm et 100 mm. Au-dessus de 100 mm, la productivité du réacteur diminue car pour que la surface d'échange reste importante, il faut diminuer le débit. Au-dessous de 20 mm, le rapport surface / volume est très important, mais le débit est insuffisant pour une production industrielle. De manière préférée, le diamètre intérieur du réacteur piston est compris entre 30 mm et 75 mm, et de manière encore plus préférée entre 40 mm et 60 mm. La longueur de la chambre de réaction du réacteur est comprise entre 10 cm et 100 cm. Au-dessous de 10 cm, le temps de séjour est trop court. Au-dessus de 100 cm, l'usinage du réacteur tubulaire devient difficile, et l'agitation du mélange réactionnel est difficile à accomplir. Une longueur préférée se situe entre 20 cm et 80 cm.
Le réacteur R2 doit être pourvu d'un moyen d'agitation axiale, de préférence un moyen mécanique d'agitation axiale. Différents moyen sont utilisables à cette fin, tels qu'une suite de malaxeurs, une vis sans fin, une hélice, mais ce moyen mécanique d'agitation axiale ne doit pas perturber le caractère « piston » du réacteur, tel que défini par l'équation (1 ).
Le procédé de phosgénation selon l'invention n'a pas besoin de catalyseur. Cependant, si un catalyseur est utilisé, on peut utiliser au moins un catalyseur dispersé, tel qu'une poudre en suspension. Avantageusement, cette poudre est constituée d'un support (tel que l'alumine, la silice ou le charbon actif) sur lequel a été préalablement déposé un élément métallique approprié.
Le procédé selon l'invention a de nombreux avantages. Pour certaines réactions, on peut trouver des conditions opératoires dans lesquelles le rendement de la réaction est égal ou supérieur à 99%. Ce rendement élevé permet d'éviter des étapes de purification supplémentaires qui sont souvent nécessaires en chimie fine lorsque le rendement est inférieur à 95%. Cependant, toutes les réactions ne permettent pas d'obtenir un rendement aussi élevé. Si le produit de la phosgénation n'est pas un solide, on peut travailler dans certains cas sans solvant. Le réacteur permet de consommer environ 1 à 50 kg/h de phosgène, et de préférence entre 1 et 5 kg/h. Par ailleurs, le coût d'investissement d'un réacteur capable de mettre en œuvre le procédé selon l'invention est plus faible que celui pour un réacteur de type batch, et le besoin en main d'œuvre est réduit.
Avantageusement, ledit produit P obtenu par la phosgénation d'un composé organique est sélectionné dans le groupe constitué par les chlorures de carbonyle, les chloroformâtes, les carbamates, les isocyanates, les chlorures de carbamoyle, l'urée et ses dérivés. On peut également préparer des chlorures d'acide ; pour cela, on utilise avantageusement un catalyseur hétérogène (suspension), mais les inventeurs ont constaté que la chloration requiert souvent un temps de réaction trop long. Dans ce cas, la réaction n'a pas un bon rendement et on doit gérer la sortie du réacteur de phosgène résiduel ; ce mode de réalisation n'est donc pas un mode de réalisation préféré.
Chloroformâtes :
Chlorures d'acide
Isocyanates :
Chlorures de carbamoyle
Urées :
Carbonates :
Dans les formules ci-dessus, R, R1, R2, R3, R4 peuvent représenter un substituant tel que un groupe aliphatique, linéaire ou ramifié, ou un groupe aralkyle, un groupe alkenyle, un groupe cycloalkyle, un groupe cycloalkenyle, tous ces groupes comprenant avantageusement entre 1 à 36 atomes de carbone.
Les groupes R-N- , R1(R2)-N- , R2(R3)-N- et R3(R4)-N- peuvent représenter un pyrrole, un 2-pyrroline, un 3-pyrroline, un pyrrolidine, un imidazole, un 2-imidalozine, un imidazolidine, un pyrazole, un 2-pyrazoline, un pyrazolidine, un 1 ,2,3-triazole, un piperidine, un piperazine, un indole, un isoindole, un indolione, un 1 H-indazole, un benzimidazolen un purine, un carbazole, un phenothiazine, un phénoxazine, un aziridine, un azétidine, un morpholine, un thiomorpholine, substitué ou non par des groupes saturés ou insaturés, mono- ou polysubstitués, ou un dérivé d'une de ces systèmes hétérocycliques qui garde intact son caractère cyclique. On donne ici quelques exemples pour des dérivés plus complexes de ces molécules hétérocycliques :
Les dérivées de l'indole : tryptophane, tryptamine, réserpine.
Les dérivés de l'imidazoie : histidine
Les dérivés du purine : adénine, guanine, theobromine. Les groupes R-N- , R1(R2)-N- , R2(R3)-N- et R3(R4)-N- peuvent représenter un composé hétérocylique contenant au moins un atome d'azote dans le cycle qui porte une liaison covalente à l'extérieur du cycle. A ce titre, on peut citer les dérivés du
pyridazine, du pyrimidie et du pyrazine, (par exemple la cytosine, la thymine, l'uracil), du quinazoline, la quinoxaline, la quinazoline, la phénazine, le 1 ,2,3-oxadiazole.
Nous indiquons ici quelques exemples de réactions chimiques qui peuvent être effectuées dans le réacteur R2 en utilisant le procédé selon l'invention.
1 ) Préparation de 1 ,1 '-carbonyldiimidazoIe (n° CAS 530-62-1 ) à partir d'imidazoie :
2) Préparation de chlorure de (chlorométhylène)diméthyliminium (n° CAS 3724-43-4) {
3) Préparation de 1 ,1'-carbonyl-di(1 ,2,4-triazole)) (n° CAS 41864-22-6):
4 Préparation de 5-chlorovaleroyl chloride (CAS n° 1575-61-7)
5) Préparation de phthaloyl chloride (ne CAS 88-95-9) :
6) Préparation de 2-chloro benzimidiazole : Cet exemple montre comment le procédé selon l'invention peut être utilisé de manière élégante dans des synthèses à plusieurs étapes :
7) Préparation de diphénylcarbonate (n° CAS : 102-09-0) :
L'invention concerne également un dispositif pour la mise en oeuvre du procédé décrit ci-dessus. Le dispositif comporte un premier réacteur R1 situé en amont d'un second réacteur R2, ledit premier réacteur R1 étant situé dans un premier compartiment C1 fermé, et ledit second réacteur R2 étant situé dans un second compartiment C2 fermé, les compartiments C1 et C2 étant séparés par une paroi.
Le premier réacteur R1 est un réacteur de génération catalytique de phosgène comportant un réservoir et une entrée de gaz monoxyde de carbone avec son contrôleur de débit, un réservoir et une entrée de gaz de chlore avec son contrôleur de débit, une chambre de réaction, de préférence tubulaire, comportant un catalyseur à lit fixe, permettant de convertir le mélange gazeux monoxyde de carbone - chlore en phosgène.
Le second réacteur R2 est un réacteur tubulaire, comportant à son extrémité amont une entrée du produit réactionnel gazeux en provenance dudit premier réacteur R1 , à son extrémité amont une entrée d'une phase liquide comportant le composé organique destiné à subir la phosgénation, à son extrémité avale une sortie de ladite phase liquide, comprenant le produit P de phosgénation. Le premier réacteur R1 et le second réacteur R2 sont relié entre eux par un tube de transfert du produit réactionnel généré dans ledit premier réacteur R1 et comportant du phosgène vers ledit second réacteur R2, ledit tube traversant la paroi séparant ledit premier compartiment C1 et ledit second compartiment C2. Ce tube de transfert peut être assez court, de l'ordre de 10 à 30 cm. Avantageusement il comporte au moins une zone flexible permettant d'accommoder des contraintes mécaniques ; cela contribue à minimiser le risque de rupture du tube de transfert ou de sa fixation aux extrémités desdits réacteurs R1 et R2.
En outre, le second réacteur R2 est un réacteur piston pourvu d'un moyen mécanique d'agitation axiale. Le second réacteur R2 opère à une pression comprise entre 1 et 200 bar, et de préférence entre 1 et 5 bar.
Dans un mode de réalisation avantageux, ledit premier compartiment C1 et ledit second compartiment C2 du dispositif selon l'invention sont en sous-pression et en balayage de gaz inerte (azote par exemple), leur contenu gazeux étant continuellement aspiré par le haut et par le bas, et envoyé à travers un absorbeur- neutralisateur (scrubber) de type humide, apte à détruire le phosgène et le chlore gazeux que ledit contenu gazeux est susceptible de contenir. La séparation desdits premier et deuxième compartiments C1.C2 par une paroi n'a pas besoin d'être totalement étanche, mais les deux compartiments doivent être étanches par rapport à l'environnement, la seule sortie de gaz passant par l'absorbeur-neutraliseur.
Le dispositif selon l'invention comporte en outre des moyens de commande tels qu'un système informatique approprié. De manière préférée, les contrôleurs de débit de monoxyde de carbone et de chlore du réacteur R1 sont commandés par la demande de phosgène de la réaction de phosgénation dans le réacteur R2. Dans un mode de réalisation, on calcule le besoin en phosgène et on règle le débit des gaz CO et Cl2 en conséquence, en veillant à garder un léger excès de CO. Le procédé selon l'invention présente de nombreux avantages. Il évite de manipuler du phosgène, car la quantité de phosgène libre dans le dispositif est très faible. Il évite de manipuler des gaz résiduels comportant une quantité significative de phosgène. Il est très souple et permet de fabriquer un très grand nombre de molécules différentes avec de très bons rendements, en mettant en oeuvre différents mécanismes réactionnels. Compte tenu de la taille du réacteur R2, le dispositif se prête bien à la chimie fine ; la taille du réacteur R2 ne peut pas être augmentée au- delà certaines limites car le transfert thermique et / ou le transfert de matière au sein du réacteur piston devient alors limitant. Le réacteur R2 est capable d'absorber des irrégularités dans la production de phosgène, comme elles peuvent apparaître notamment lors du démarrage du procédé, avant d'obtenir un état stationnaire.
Exemples
L'invention est illustrée ci-dessus par les exemples 1 à 3 qui cependant ne limitent pas l'invention. L'exemple 1 concerne une réaction chimique qui n'entre pas dans le cadre de la présente invention, mais il sert ici surtout pour décrire une procédure
expérimentale utilisable pour déterminer le paramètre kLa d'un réacteur piston. Les exemples 2 et 3 illustrent deux réactions chimiques typiques.
Exemple 1 :
Nous indiquons ici une méthode expérimentale utilisable pour déterminer le paramètre kLa d'un réacteur.
On détermine le produit kLa pour un réacteur donné à partir d'une réaction chimique parfaitement connue, à savoir l'hydrogénation catalytique du nitrobenzène en aniline (Ph-N02 + 3 H2 -» Ph-NH2 + 2 H20, où Ph désigne un groupe phényle). On effectue cette réaction en phase liquide sans solvant, la phase gazeuse étant constituée d'hydrogène pur à une pression initiale de 2 bars. Le catalyseur est constitué de carbone pulvérulent (diamètre de particule équivalent de l'ordre de 50 pm) chargé à 5% en masse de palladium. La concentration massique du catalyseur est de 2,5 g/l et l'hydrogénation est effectuée à température ambiante. Un capteur de pression à quartz permet de mesurer la pression d'hydrogène en fonction du temps. Le réacteur dispose d'une double enveloppe ; une circulation d'eau thermostatée à l'intérieur de la double enveloppe permet de maintenir constante la température du réacteur. Au départ, le réacteur non agité est maintenu sous pression d'azote ; il est ensuite purgé à l'hydrogène. A une pression d'hydrogène de 2 bars, on met en route l'agitation et enregistre la baisse de la pression d'hydrogène. On laisse la réaction se poursuivre jusqu'à ce que la pression atteigne la valeur de 0,5 atm. Ensuite, on arrête l'agitation et repressurise l'appareil avec de l'hydrogène, puis on attend une dizaine de minutes et répète la mesure avec une vitesse d'agitation différente. Pour chaque essai effectué, on constate que la pression d'hydrogène décroit suivant une loi exponentielle. Ainsi, en traçant In ΡΗΣ/ΡΟ = f(t), on obtient une droite dont la pente permet d'accéder au produit a kapp. Si l'on trace l'évolution de ce produit a kapp avec la vitesse d'agitation on observe un comportement asymptotique. Pour de faibles vitesses d'agitation, la conductance apparente augmente avec ta vitesse d'agitation ; cela indique une limitation de la cinétique apparente pour le transfert gaz-liquide. Pour des fortes vitesses d'agitation, on atteint un plateau ; cela indique que le transfert est limité, soit par la cinétique chimique soit par la cinétique du transfert de matière liquide - solide. L'exploitation de la courbe a kapp = f(vitesse d'agitation) permet alors d'estimer la valeur de la conductance de transfert kLa.
Nous indiquons ici les bases théoriques de cette détermination de kLa.
En négligeant l'accumulation de l'hydrogène en phase liquide, on peut établir l'expression du flux de disparition de l'hydrogène en réacteur fermé.
(1) dt RT dt
ou
φ
Η2 est le flux spécifique de disparition de l'hydrogène. Ce flux peut être exprimé en faisant apparaître ou bien la vitesse de réaction ou bien le flux de transfert :
r
v est la vitesse de réaction volumique de l'hydrogénation, a la rétention de solide dans le réacteur et (K
H2a)gi
0bai la conductance globale de transfert de l'hydrogène de la phase gazeuse vers la surface du catalyseur.
Le volume du catalyseur et la concentration en nitrobenzène étant considérés comme invariants au cours d'un essai, la vitesse de la réaction peut être exprimée comme résultant d'une cinétique de premier ordre par rapport à la concentration en hydrogène, soit :
Lorsque la phase gazeuse est de l'hydrogène pure, la conductance globale de transfert peut être exprimée en fonction des conductances de transfert partielles gaz- liquide et liquide-solide par :
où as est la surface spécifique du solide et aLG la surface spécifique gaz-liquide. En combinant les expressions de la cinétique chimique et de la cinétique physique, le flux spécifique de disparition de l'hydrogène dans le réacteur peut être exprimé par : P
où a kapp est une conductance apparente qui intègre les limitations dues à la cinétique chimique, mais aussi les limitations dues à la cinétique physique.
(6)
En injectant (5) dans (1 ) on obtient :
dont
l'intégration conduit à :
L'interprétation de l'évolution de la pression d'hydrogène dans un système fermé permet ainsi de déterminer la conductance apparente du système. Cette dernière permet de remonter à la valeur de la conductance de transfert gaz-liquide.
Exemple 2 :
On a fait réagir dans le premier réacteur R1 un flux de 8,0 g/min (soit 0,113 mol/min) de Cl2 et 3,3 g/min (soit 0,118 mol/min) de CO (correspondant à un rapport molaire CO/C!2 d'environ 1 ,050) dans un réacteur selon l'invention Le flux sortant le premier réacteur contient 11 ,1 g/min de phosgène et 0,2 g/l de CO en excès. Au cours de 8 heures de fonctionnement dans des conditions stationnaires, on produit ainsi 5,4 kg de phosgène à partir de 3,8 kg de Cl2 et 1 ,7 kg de CO, et on récupère un excès de CO de 0,1 kg.
On fait réagir dans le second réacteur R2 le flux de 1 1 ,1 g/min (soit 0,113 mol/min) de phosgène généré dans le premier réacteur avec une solution de 28,1 g/min (soit 0,412 mol/min) d'imidazole dans de l'acétate d'éthyle introduit en flux permanent dans le second réacteur (correspondant à un rapport molaire imidazole/COCI2 d'environ 4,0). La solution introduite dans le réacteur a une température de 60 à 65°C. La réaction elle-même a lieu à une température d'environ 75°C - 80°C. La solution qui sort du réacteur est recueillie dans une cuve maintenue à une température entre 35°C et 40°C. Au cours de la réaction, il se forme un précipité blanc, le chlorhydrate de l'imidazole, à raison de 17,3 g/min. On applique ensuite un procédé batch pour récupérer le 1 ,1 '-carbonyldiimidazole, à raison de 13,4 g/min. Pour 8 heures de fonctionnement, on consomme environ 5,4 kg de phosgène, environ 13,5 kg d'imidazole et environ 72,9 kg de solvant acétate d'éthyle.
Le temps de séjour dans le réacteur Ts a été calculé à 0,7 min.
Le schéma réactionnel est indiqué ci-dessous :
Exemple 3 :
On a fait réagir dans le premier réacteur R1 un flux de 9,0 g/min (soit 0,127 mol/min) de Cl2 et 3,7 g/min (soit 0,133 mot/min) de CO (correspondant à un rapport molaire CO/CI2 d'environ 1 ,050) dans un réacteur selon l'invention. Le flux sortant le premier réacteur contenait 12,5 g/min de phosgène et 0,2 g/l de CO en excès. Au cours de 8 heures de fonctionnement dans des conditions stationnaires, on a produit ainsi 6,0 kg de phosgène à partir de 4,3 kg de Cl2 et 1 ,8 kg de CO, et on a récupère un excès de CO de 0,1 kg.
On a fait réagir dans le second réacteur R2 le flux de 12,5 g/min (soit 0,133 mol/min) de phosgène généré dans le premier réacteur avec une phase liquide composé de 245,1 g/min de CH2CI2 et 18,8 g/l (soit 0,257 mol/min) de diméthylformamide (D F, n° CAS 68-12-2), correspondant à 7,1 % massiques de DMF, introduite en flux permanent dans le second réacteur (correspondant à un rapport molaire DMF/COCI2 d'environ 2,). La solution introduite dans le réacteur avait une température de -5°C et 5°C. La réaction elle-même a eu lieu à une température d'environ 0°C à 5°C. La solution qui sort du réacteur R2 a été recueillie dans une cuve maintenue à une température entre 0°C et 5°C. Au cours de la réaction, il se forme 16,2 g/min de chlorure de (chlorométhylene)diméthyliminium (couramment appelé réactif de Vilsmeier, n° CAS 3724-43-4). La quantité de C02 dégagée est de 5,6 g/min. On a appliqué ensuite un procédé batch pour récupérer le chlorure de (chlorométhylene)diméthyliminium.
Pour 8 h de fonctionnement, on a consommé environ 6 kg de phosgène, environ 9,0 kg de DMF et environ 117,7 kg de solvant CH2CI2. Les solvants sont recyclés d'un lot à l'autre.
Le temps de séjour dans le réacteur Ts a été calculé à 0,6 min.
Le schéma réactionnel est indiqué ci-dessous.
Exemple 4 :
On a fait réagir dans le premier réacteur R1 un flux de 48,6 g/min (soit 0,686 mol/min) de Cl2 et 20,0 g/min (soit 0,7 8 mol/min) de CO (correspondant à un rapport
molaire CO/CI2 d'environ 1 ,050) dans un réacteur selon l'invention. Le flux sortant le premier réacteur contenait 67,5 g/min de phosgène et 0,2 g/l de CO en excès. Au cours de 8 heures de fonctionnement dans des conditions stationnaires, on a produit ainsi 32,4 kg de phosgène à partir de 23,2 kg de Cl2 et 9,7 kg de CO, et on récupère un excès de CO de 0,5 kg.
On a fait réagir ce flux dans le second réacteur avec une solution de 67,5 g/min (soit 0,674 mol/min) de cyclohexanol dans du toluène introduit en flux permanent. La solution a été introduite entre 10 et 40°C. La température de réaction dans le second réacteur a été maintenue entre 15 et 45°C. La solution peut contenir un équivalent molaire de triethylamine (TEA) permettant de capter HCI formé. Cette TEA peut aussi être contenue dans la cuve de réception du flux de matière en sortie du réacteur 2. La solution contenant le produit de la réaction, à savoir le chloroformate de cyclohexyle (n° CAS = 13248-54-9), a été recueillie à sa sortie du réacteur R2 dans une cuve maintenue vers 30°C. Des lavages et extractions ont permis d'isoler le chloroformate de cyclohexyle. Ce dernier peut encore être purifié par distillation selon la qualité requise. Pour 8 h de fonctionnement, on a consommé 32 kg de phosgène et on a produit 12,3 kg de chloroformate de cyclohexyle.
Le schéma réactionnel est indiqué ci-dessous.