FILAMENT A BASE D'ACIDE HYALURONIQUE SOUS FORME ACIDE LIBRE
ET SON PROCEDE D'OBTENTION
La présente invention concerne le domaine des biomatériaux et a pour objet un procédé de préparation par filage voie humide d'un filament à base d'acide hyaluronique, notamment soluble dans l'eau. L'invention concerne aussi un filament à base d'acide hyaluronique, ledit filament présentant des propriétés de gonflement dans l'eau et les liquides physiologiques et étant par ailleurs apte à se solubiliser dans l'eau dans certaines conditions. L'invention a trait également à l'utilisation du filament à base d'acide hyaluronique ainsi obtenu pour l'élaboration de divers biomatériaux.
L'acide hyaluronique est un constituant majeur des tissus conjonctifs. Il a été découvert dans l'humeur vitrée bovine en 1934 par Karl Meyer [2] mais sa structure chimique n'a pu être déterminée que dans les années 1950 [3, 4] (les références numériques entre parenthèses carrées se rapportent aux références bibliographiques figurant à la fin de la description).
On le trouve principalement dans l'épiderme (2-4 mg/ml), le derme (-0.5 mg/ml), le cordon ombilical (~4 mg/ml), l'humeur vitrée et le liquide synovial.
L'acide hyaluronique est un polyélectrolyte, c'est-à-dire un polymère portant des groupes ionisables susceptibles de se dissocier dans des solvants polaires, pour former une chaîne polymère chargée entourée de contre-ions plus ou moins mobiles. La présence de charges confère aux solutions polyélectrolytiques des propriétés physico-chimiques remarquables correspondant à de nombreuses applications.
Les polyélectrolytes sont utilisés pour leurs propriétés rhéologiques en tant qu'agents épaississants ou gélifiants, dans les cosmétiques notamment [1]. Ils sont également utilisés pour leurs propriétés d'adsorption aux interfaces.
De plus les ils sont largement présents dans les milieux biologiques, ce qui recommande leur utilisation dans le cadre de dispositifs biomédicaux.
Du fait de ses propriétés viscoélastiques lui conférant un grand pouvoir lubrifiant, l'acide hyaluronique est utilisé pour la viscosupplémentation [5], l'injection d'acide hyaluronique dans l'articulation ayant pour but de restaurer l'homéostasie du liquide synovial en améliorant ses propriétés rhéologiques et en favorisant une production endogène d'acide hyaluronique.
Les propriétés de l'acide hyaluronique ont également été mises à profit en ophtalmologie [6] Il y est utilisé sous forme de gel, en tant qu'agent protecteur des cellules oculaires lors du contact avec les instruments chirurgicaux et les implants, au cours d'interventions en microchirurgie de l'œil. Les principales formulations de HA commercialisées pour ce type d'applications sont le Healon® {Advanced Médical Optics, Etats-Unis), l'Opegan® et l'OpeganHi® {Santen Pharmaceuticals, Japon)
Grâce à son grand pouvoir de rétention de l'eau, l'acide hyaluronique joue un rôle primordial dans l'hydratation de la peau. Il interagit avec le collagène pour conférer aux cellules une certaine rigidité contribuant à la souplesse de la peau et, en s'associant avec les protéoglycanes de la peau, l'acide hyaluronique forme un réseau capable d'empêcher le passage des macromolécules (souvent toxiques) et de faciliter celui des petits électrolytes et de l'eau.
Pour toutes ces raisons, l'acide hyaluronique est utilisé dans le domaine cosmétique pour la formulation de crèmes ou de gels.
Un procédé de filage au mouillé de l'acide hyaluronique a été mis au point dans les années 60-70 pour permettre la préparation de films d'acide hyaluronique ayant une structure orientée [7,8,9]. Le procédé est l'adaptation d'un protocole et d'un dispositif mis au point pour la préparation d'échantillons d'ADN. Dans le procédé de filage par voie humide décrit dans le document 9, une solution d'hyaluronate de potassium (2,5 à 3 mg/ml dans une solution de KCI 0,1M) est extrudée en continu à travers une filière comportant 720 canaux cylindriques ayant chacun un diamètre de 70 μm et une longueur de 1,5 mm. La solution d'hyaluronate de potassium est extrudée dans un bain contenant de l'alcool éthylique à 75 à 80% dans KCI 0,1M. Les fibres d'hyaluronate de potassium précipitent et sont ensuite groupées dans un faisceau et enroulées sur un cylindre rotatif. Lesdites fibres sont ensuite séchées ce qui conduit à la formation d'un film par coalescence.
Des fibres courtes (nanofibres) d'acide hyaluronique, regroupées en membranes, ont également été obtenues par la technique d' « electro-spinning » et de « blowing-assisted electro-spinning » [10,11],
Les procédés cités ne permettent pas d'obtenir des filaments d'acide hyaluronique mais seulement des membranes composées de réseaux de nanofibres, c'est-à-dire de fibres de très faible longueur.
Par ailleurs, des matériaux à base de fibres d'acide hyaluronique ont pu être obtenus par réticulation de l'acide hyaluronique en présence d'agents réticulants du type carbodiimide ou époxyde (agents réticulants dont une liste non exhaustive est par exemple citée dans le document US 2007066816). Ces matériaux présentent toutefois le désavantage non négligeable d'être toxiques pour l'homme, ce qui limite sévèrement leur intérêt dans toutes les utilisations in vivo. En outre, ces matériaux sont insolubles dans l'eau.
La présente invention se propose de pallier aux inconvénients précités présentés par les matériaux connus à base d'acide hyaluronique.
Elle a pour premier objectif de fournir un nouveau procédé de fabrication d'un matériau à base d'acide hyaluronique se présentant sous forme d'un filament continu qui est exempt d'agent chimique réticulant.
Le terme « filament » est défini au sens de l'invention comme une fibre unitaire continue de très grande longueur, n'étant normalement pas interrompue lors de son processus de fabrication, la longueur dudit filament se mesurant en mètres ou au moins en dizaines de centimètres.
Selon un premier aspect, l'invention concerne un procédé de préparation par filage voie humide d'un filament à base d'acide hyaluronique sous forme acide libre (ou protonée), ledit procédé étant caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes : a)préparation d'une solution aqueuse filable d'acide hyaluronique ou d'un sel d'acide hyaluronique, de préférence une solution de hyaluronate de sodium ; b)extrusion de ladite solution à travers une filière d'extrusion ; c)formation du filament par passage de la solution extrudée dans un bain d'acide acétique concentré, dont la concentration est suffisamment élevée pour obtenir la coagulation de la solution extrudée sous forme d'un filament coagulé, étirage et séchage.
Par l'expression « solution filable », on comprend une solution dont les caractéristiques, notamment rhéologiques, la rendent apte à être extrudée de manière continue.
La formation du filament se fait par coagulation. La solution d'acide hyaluronique ou du sel d'acide hyaluronique, qui est extrudée à travers la filière, est progressivement prise en masse lors de son passage dans le bain de coagulation dont l'agent coagulant est la solution concentrée d'acide acétique. Par exemple, l'acide acétique est concentré à plus de 80 %, de préférence à plus de 90%. A cette concentration, l'acide hyaluronique n'est plus soluble. Ainsi la diffusion de la solution d'acide acétique dans la solution extrudée permet de faire passer l'acide hyaluronique de l'état liquide à un état d'hydrogel physique, sous forme d'un complexe acide hyaluronique/acide acétique, jusqu'à obtenir un filament continu dont la section est complètement coagulée, l'étirage et le séchage conférant audit filament ses caractéristiques mécaniques le rendant aisément manipulable. Dans le cas où la solution extrudée est une solution d'un sel d'acide hyaluronique, l'acide acétique provoque son hydrolyse d'une part en acide hyaluronique et d'autre part en un acétate qui est soluble dans la solution d'acide acétique concentré; de ce fait on obtient de la même manière, que l'on parte d'une solution d'acide hyaluronique ou d'un sel d'acide hyaluronique, un hydrogel physique sous forme d'un complexe acide hyaluronique sous forme acide libre/acide acétique.
De préférence la solution filable est à une concentration d'au moins 0,8% en poids d'acide hyaluronique ou l'équivalent en poids du sel d'acide hyaluronique. En dessous de cette concentration, la viscosité de la solution est insuffisante pour permettre une extrusion continue. Avantageusement elle est à une concentration de l'ordre de 1 à 2 % en poids d'acide hyaluronique. Bien sûr la concentration peut varier en fonction du diamètre de la filière utilisée.
De préférence, la préparation de la solution filable consiste à dissoudre dans de l'eau une quantité déterminée de hyaluronate de sodium pour obtenir la concentration voulue, puis à réaliser un dégazage de la solution obtenue, ceci afin d'éliminer les gaz dissous qui peuvent générer des bulles lors de la formation du filament.
Le taux d'étirage peut être faible, par exemple de 1 ,05 à 1 ,10, étant dans ce cas réalisé sur le filament coagulé, au cours du séchage, afin d'exercer une mise en tension suffisante dudit filament pour maintenir sa géométrie et éviter toute déformation lors de parcours jusqu'à son enroulement.
Toutefois, il est préférable d'exercer un étirage à un taux plus important, par exemple de 2 voire plus, dans des conditions permettant que cet étirage se produise principalement sur la solution filable extrudée entre la sortie de filière et le bain de coagulation. Cet étirage, possible du fait des excellentes propriétés viscoélastiques des solutions notamment de hyaluronate de sodium, permet de régler le diamètre du filament et ses propriétés mécaniques.
Le séchage est généralement total, en sorte d'obtenir un filament qui est exclusivement formé d'acide hyaluronique sous forme acide libre et d'une faible proportion d'eau, de l'ordre de 8 à 12 % en poids lorsqu'il est conditionné dans une atmosphère normale. Un séchage plus intensif détruirait le complexe acide hyaluronique/acide acétique/eau par élimination d'acide acétique et d'eau. Néanmoins le séchage peut éventuellement être partiel soit pour obtenir un filament exempt d'acide acétique mais ayant une proportion d'eau plus importante soit pour obtenir un filament conservant une certaine proportion d'acide acétique dans le cadre d'applications dans lesquelles la présence de ce composant n'est pas rédhibitoire.
Il est à noter que la teneur en eau de 8 à 12 % est la teneur en eau habituelle d'un polysaccharide tel que l'acide hyaluronique à l'état sec lorsque celui-ci est sous forme non ionisée, et dans le cas présent sous forme acide libre. A l'inverse, tout polysaccharide sous forme ionisée, notamment sous forme saline, contient dans les mêmes conditions de 16 à 18 % d'eau. La faible teneur en eau du filament d'acide hyaluronique sous forme acide libre a des conséquences importantes sur ses propriétés, notamment mécaniques.
Le filament obtenu directement par le procédé précité peut s'hydrater et donc gonfler au contact de l'eau ou de milieux physiologiques ; il reste soluble dans l'eau, dans des conditions qui sont notamment fonction de sa cristallinité et donc du taux d'étirage auquel il a été soumis.
Il peut cependant être souhaitable de diminuer sa réactivité à l'eau. Pour ce faire, suivant une variante de réalisation, l'étape de formation du filament d'acide hyaluronique sous forme d'acide libre est suivie d'une étape d'enduction dudit filament avec un composé apte à ralentir son hydratation, et donc le gonflement et la solubilisation du filament, dans l'eau ou dans un milieu physiologique. Le composé d'enduction reste en surface et ne diffuse pas en profondeur dans le
filament. L'enduction est réalisée par passage du filament dans un bain d'enduction, par exemple contenant de 0,10 à 10% en poids du composé d'enduction.
Ledit composé d'enduction est, dans un mode de réalisation, une macromolécule naturelle telle que le chitosane ou le collagène. Ces polymères naturels portant des sites ioniques, il se produit une interaction électrostatique avec l'acide hyaluronique, de type polyanion/polycation, ce qui accroît l'interaction entre le composé d'enduction et le filament. De plus, dans ce cas comme d'ailleurs dans celui d'une enduction à base de polymère n'ayant pas de charges ioniques, il se développe des liaisons hydrogène et des interactions hydrophobes.
Dans un autre mode de réalisation, le composé d'enduction du filament est un composé gras d'origine végétale ou animale, par exemple une cire végétale déposée à l'état fondu.
Il peut aussi être intéressant d'inclure dans les espaces inter-fibrillaires du filament des principes actifs, qui sont susceptibles d'être ensuite relargués lorsque le filament est en contact avec un milieu liquide, notamment un milieu physiologique. Cette inclusion est obtenue en plongeant le filament dans un bain d'imprégnation contenant lesdits principes actifs, la porosité du filament permettant que ceux-ci diffusent vers l'intérieur du filament dans les espaces inter- fibrillaires, puis en séchant le filament ainsi imprégné. Sous l'expression « principes actifs », on désigne toutes les molécules d'intérêt biologique dans le domaine des biotechnologies, parmi lesquelles les hormones, les facteurs de croissance, les interleukines, les interférons, les antibactériens, les antifongiques et les biostimulants. La vitesse de relargage du principe actif est fonction des interactions entre ledit principe et le filament. Le relargage est relativement rapide s'il n'y a aucune interaction. Par contre s'il y a des interactions, le relargage peut être contrôlé soit par voie physico-chimique soit par biodégradation progressive du filament, en particulier dans ce dernier cas si les interactions sont très fortes.
L'invention a également pour objet un filament à base d'acide hyaluronique sous forme d'acide libre susceptible d'être obtenu par le procédé précité. De manière caractéristique, le filament de base, qui est exempt d'agents chimiques réticulants, ne contient que de l'acide hyaluronique sous forme d'acide libre et de l'eau. Il est à noter que le sel résiduel, notamment l'acétate de sodium formé lors
du procédé précité, est solubilisé dans la solution d'acide acétique concentrée et n'est donc pas dans le filament. L'absence d'agents réticulants garantit une meilleure biocompatibilité puisque lesdits agents présentent une certaine toxicité et donc induisent des réactions inflammatoires in vivo.
Les filaments de l'invention ont, à l'état sec, une teneur en eau de 8 à 12 %. Ils présentent des propriétés de gonflement intéressantes dans les conditions physiologiques. Ceci en fait de très bons candidats pour le comblement des rides.
L'invention a également pour objet un filament enduit à base d'acide hyaluronique qui comporte superficiellement une enduction d'un composé apte à réduire son hydratation, par exemple du chitosane ou du collagène ou un corps gras d'origine animale ou végétale, notamment une cire d'origine végétale.
L'invention a également pour objet un filament à base d'acide hyaluronique sous forme acide libre qui comporte des principes actifs inclus dans ses espaces inter-fibrillaires.
L'invention concerne aussi l'utilisation du filament à base d'acide hyaluronique sous forme acide libre en cosmétique notamment pour le comblement des rides.
Un autre aspect se rapporte à l'utilisation du filament à base d'acide hyaluronique sous forme acide libre de l'invention pour élaborer des matériaux textiles, par exemple des non tissés, pour la confection de pansements cicatrisants.
D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de la description détaillée et des exemples de réalisation qui vont suivre, ainsi que des figures annexées dans lesquelles :
-la figure 1 représente le filament d'acide hyaluronique sous forme acide libre selon l'invention vu à l'aide d'un microscope optique ; -la figure 2 montre la structure du filament selon l'invention, telle qu'observée à l'aide d'un microscope électronique à balayage ; -la figure 3 représente la courbe de déformation/contrainte obtenue après un essai de traction à 2 mm/min sur un filament selon l'invention, peu étiré ; -la figure 4 représente les images obtenues par diffraction des rayons X pour un macrofilament : non étiré (fig. 4a), étiré (fig. 4b) et très étiré (fig. 4c).
La présente invention se rapporte à un procédé de préparation par filage voie humide d'un filament continu à base d'acide hyaluronique sous forme acide libre ou protonée, à partir d'une solution aqueuse filable d'acide hyaluronique ou d'un sel d'acide hyaluronique, de préférence d'hyaluronate de sodium.
Dans la présente description, l'expression « acide hyaluronique » doit être comprise comme étant l'acide hyaluronique sous forme acide libre ou protonée.
Pour préparer la solution filable, on dissout dans de l'eau une quantité de hyaluronate de sodium suffisante pour obtenir une solution visqueuse apte à filer d'elle-même, sans goutter. On remarque qu'en dessous de 0,8% en poids, les solutions ne sont pas suffisamment visqueuses. Pour des concentrations de l'ordre de 1 à 2%, les solutions présentent une viscoélasticité telle qu'elles filent à la spatule. Bien sûr, la concentration en hyaluronate de sodium est choisie en fonction du diamètre de la filière d'extrusion. Dans un cadre expérimental, lorsque la filière d'extrusion est une aiguille fine dont le diamètre est de l'ordre de 0,8 mm, des viscosités trop importantes empêchent le passage de la solution à travers la filière, auquel cas dans les exemples ci-dessous ont été préférées des solutions à 1 % en poids de hyaluronate de sodium.
Pour éviter les problèmes de rupture et qu'elle soit filable dans de bonnes conditions, la solution utilisée est soumise à une étape de dégazage; en effet, les gaz dissous dans les solutions forment de petites bulles qui peuvent être à l'origine d'une fragilisation du filament. Le dégazage est d'autant plus important et difficile que les solutions sont visqueuses.
La solution filable ainsi préparée est extrudée à travers une filière d'extrusion, immergée dans un bain de coagulation contenant un agent coagulant, étirée et séchée et le filament obtenu est réceptionné. Les conditions d'extrusion, notamment la vitesse d'extrusion, doivent permettre la formation d'un filament coagulé de diamètre constant. Le bain de coagulation est une solution concentrée d'acide acétique. La concentration de cet acide acétique est suffisamment élevée pour obtenir que sa diffusion progressive dans la solution extrudée d'acide hyaluronique permette de faire passer l'acide hyaluronique de l'état liquide à l'état d'hydrogel physique, sans doute sous forme de complexe acide hyaluronique/acide acétique/eau, jusqu'à obtenir un filament dont la section
transversale est complètement coagulée. Il s'agit d'acide acétique concentré à plus de 80 % , de préférence à plus de 90 %.
Dans un cadre expérimental, l'extrusion a été réalisée en mettant en œuvre une seringue équipée d'un pousse seringue RAZEL R-99E et d'une aiguille faisant office de filière d'extrusion, ayant un diamètre de l'ordre de 0,8 mm. La vitesse d'extrusion était comprise entre 1 ,2 et 15 cm/mn.
La durée de la coagulation est contrôlée de trois manières : par la vitesse de défilement du filament dans le bain d'une part, par le volume de solution contenu dans le réacteur contenant le bain de coagulation d'autre part et enfin par le trajet réalisé par le filament à l'intérieur de ce réacteur. Le temps de séjour doit être suffisant pour que le filament soit complètement coagulé.
L'étirage est réalisé à l'aide d'un système motorisé rotatif, qui tracte le filament à une vitesse supérieure à la vitesse d'extrusion et qui éventuellement le réceptionne. Le taux d'étirage est le ratio entre la vitesse en mètre linéaire dudit système rotatif et la vitesse d'extrusion en mètre linéaire. L'étirage peut intervenir sur le filament coagulé ; dans ce cas, le taux d'étirage est peu important, de l'ordre de quelques pourcents, ayant principalement pour but de maintenir la géométrie du fil lors de son déplacement jusqu'à sa réception. L'étirage peut intervenir immédiatement en sortie de filière sur la solution extrudée non encore coagulée et éventuellement en partie sur la solution extrudée en cours de coagulation ; dans ce cas, le taux d'étirage est beaucoup plus important, pouvant être de l'ordre de 2 voire supérieure à 2, cet étirage ayant principalement pour but de régler le diamètre du filament et ses propriétés mécaniques.
Le séchage, par tout moyen approprié, a pour but d'éliminer l'excès de bain de coagulation et de réduire la proportion d'acide acétique et d'eau dans le filament. Lors d'un séchage total, l'acide acétique est totalement éliminé et le filament obtenu contient uniquement de l'acide hyaluronique et de l'eau, avec une teneur en eau de 8 à 12 %.
Les caractéristiques mécaniques du filament obtenu sont fonctions des conditions de séchage et du taux d'étirage. En particulier le taux de cristallinité du filament évolue comme le taux d'étirage.
Le filament, qui contient uniquement de l'acide hyaluronique et de l'eau, peut s'hydrater au contact de l'eau ou de solutions physiologiques, avec un
gonflement subséquent. Il reste soluble dans l'eau, dans des conditions variables selon ses paramètres de fabrication.
Suivant une variante de réalisation, afin de le rendre moins sensible à l'hydratation, le filament d'acide hyaluronique subit une étape complémentaire d'enduction avec un composé apte à ralentir l'hydratation, et donc le gonflement et la solubilisation du filament, dans l'eau ou dans un milieu physiologique tel que : le sang, le liquide lymphatique ou lacrimal, etc. Ledit composé d'enduction est, dans un mode de réalisation, une macromolécule naturelle telle que le chitosane ou le collagène. Dans un autre mode de réalisation, le composé d'enduction du filament d'acide hyaluronique est un composé gras d'origine végétale ou animale.
Selon un deuxième aspect, l'invention concerne un filament continu à base d'acide hyaluronique susceptible d'être obtenu par le procédé précité. Les fibres connues d'acide hyaluronique obtenues par électro-spinning ont, d'après des observations WEB, des diamètres inférieurs à 50nm. Le filament selon la présente invention, obtenu par le procédé précité, a un diamètre qui va généralement de cent à plusieurs centaines de micromètres. De plus, il a une longueur qui n'est pas limitée, pouvant être de plusieurs mètres ou au moins de plusieurs dizaines de centimètres.
De manière caractéristique, le filament à base d'acide hyaluronique de l'invention est exempt de tout agent chimique de réticulation, ce qui le rend particulièrement apte à des utilisations in vivo chez l'homme. Il contient de l'acide hyaluronique, de l'eau et éventuellement de l'acide acétique. De préférence il contient exclusivement de l'acide hyaluronique et de l'eau, notamment à l'état sec avec une teneur en eau de 8 à 12 %.
Il gonfle dans l'eau et dans un milieu physiologique donné. Il est de plus apte à se dissoudre dans l'eau. Cette dissolution dans l'eau du filament d'acide hyaluronique n'est pas immédiate ; elle est obtenue en augmentant le pH. En effet, l'acide hyaluronique sous sa forme acide libre ou protonée, c'est-à-dire non ionisée n'est pas directement soluble dans l'eau. Il faut ainsi ioniser suffisamment les sites carboxyliques pour obtenir une parfaite solubilisation.
Le filament d'acide hyaluronique a été caractérisé par observation au microscope optique et au microscope électronique à balayage, par des essais de traction ainsi que par diffraction des rayons X, comme présenté ci-après.
1. Détermination du diamètre des filaments
Le diamètre moyen des filaments a été déterminé pour chaque vitesse de filage à l'aide d'un microscope optique à partir de quatre mesures effectuées à différents endroits sur la longueur du même filament. Il s'avère que la vitesse de filage n'a pas d'influence sur le diamètre des filaments.
Les diamètres mesurés sont compris entre 120 et 170 μm. Cependant, le diamètre des fils peut varier par modification du taux d'étirage et du diamètre de la filière.
L'image d'un filament selon l'invention tel que visualisée à l'aide d'un microscope optique est représentée dans la figure 1. Il s'agit d'un filament d'acide hyaluronique obtenu à partir d'une solution à 1% en poids d'hyaluronate de sodium pour une vitesse de filage de 5,9 cm/min.
2. Microscopie électronique à balayage
L'état de surface et le profil de rupture des filaments d'acide hyaluronique ont été observés à l'aide d'un microscope électronique à balayage Hitachi S800 à 15 kV après métallisation à l'or-palladium. La rupture des filaments a été réalisée en immersion dans l'azote liquide à partir d'un filament entouré autour d'une aiguille. Les images obtenues à partir d'un filament peu étiré d'acide hyaluronique, obtenu à partir d'une solution à 1 % en poids d'hyaluronate de sodium, sont représentées dans la figure 2.
Le filament semble au premier abord constitué de plusieurs fibres assemblées (figure 2a), mais la surface de rupture (figure 2b) montre clairement que le relief de surface est dû à des replis. Ces replis ou villosités apparaissent très certainement lors de l'étape de séchage. Sur la figure 2b, on observe également au sein de ces villosités de plus petits objets tels des fibrilles qui semblent s'aligner selon l'axe du filament. De telles « nanofibrilles » ont déjà été observées pour des fibres de chitosane [12].
3. Propriétés mécaniques
Des essais de traction ont été réalisés à l'aide d'une machine de traction Adamel-Lhomargy DY22 équipée d'un capteur 1ON et d'un système spécifique
pour les fils. Des échantillons ont été préparés à partir d'une solution à 1% en poids d'hyaluronate de sodium coagulée dans l'acide acétique concentré à 99%. Ces filaments ont été légèrement étirés.
Ces filaments ont ensuite été soumis à une contrainte en traction à une vitesse de 2mm/min, la longueur initialement soumise à la charge étant fixée à 30mm. Pour chaque type d'échantillon ont été réalisés quatre essais.
Le module d'Young, la résistance à la rupture et l'élongation à la rupture ont alors été déterminés pour chaque échantillon, c'est-à-dire pour chaque vitesse de filage.
Un exemple de courbe de traction est donné dans la figure 3. Il correspond à la courbe de déformation/contrainte obtenue après un essai de traction à 2 mm/min sur un fil peu étiré, la vitesse de filage étant de 4,7 cm/min. On observe qu'après un domaine de déformation élastique linéaire, le filament connaît un début de déformation plastique. 4. Cristallinité : diffraction des rayons X (WAXS)
Les images obtenues par diffraction des rayons X sont données dans la figure 4 pour un filament d'acide hyaluronique : non étiré (figure 4a), étiré (figure 4b) et très étiré (figure 4c). Ces résultats démontrent le développement de la cristallinité des échantillons étudiés.
Le profil d'intensité a été étudié en fonction de l'angle azimutal ce qui a permis le calcul de la fonction d'orientation d'Hermans :
/= -0.02 pour l'échantillon non étiré (figure 4a) et f= -0.113 pour l'échantillon très étiré (figure 4c)
Sachant que :
-f= -0.5 pour des plans parfaitement alignés avec l'axe d'une fibre, -/= 1 pour des plans perpendiculaires avec l'axe de la fibre, et -^= O pour des plans orientés de manière isotrope, les valeurs obtenues montrent que les parties cristallines du filament non étiré sont très faiblement orientées dans une direction privilégiée tandis que pour l'échantillon très étiré, les parties cristallines sont orientées préférentiellement selon l'axe du filament.
La cristallinité induit au sein du filament d'acide hyaluronique un arrangement parallèle de nano fibrilles, avec formation d'espaces inter fibrillaires.
Applications visées :
Ces filaments ont des propriétés particulièrement intéressantes pour les domaines biomédicaux et chirurgicaux. Une première application visée est le comblement des rides, du fait de leur capacité de gonflement et de leur caractère cristallin. Plus l'échantillon est cristallin et plus sa resolubilisation, notamment aux pH des milieux biologiques tels que le sang (pH de 7,2 à 7,4) ou les larmes (pH de 8) sera ralentie.
Une autre application vise l'utilisation des filaments à base d'acide hyaluronique pour faire des textiles, sous forme de non-tissés, de tissus ou de tricots, notamment en vue de constituer des pansements cicatrisants.
Il est également envisagé d'insérer des principes actifs dans les espaces inter fibrillaires, transformant alors les filaments en systèmes adaptés au relargage contrôlé de principes actifs.
Bibliographie :
[1] Dautzenberg H., Jeager W., Philipp B., Seidel C. and Stscherbina D. - Polyelectrolyte: formation, characterisation and application. Hanser Ed. (1994)
/"2/ Meyer, K.; Palmer, J.W. - The polysaccharide of the vitreous humor. J. Biol. Chem. (1934), 107, 629.
/Sy Weissmann, B.; Meyer, K. - Structure of hyaluronic acid. The glucuronidic linkage. J. Am. Chem. Soc. (1952), 74, 4729.
[4] Jeanloz, R.; Flowers, H. - The Isolation and synthesis of the methyl estermethyl α-glycoside of 3-Oβ-D-glucuronosyl-W-acetyl-D-glucosamine (hyalobiuronic acid). J. Am. Chem. Soc. (1962), 84, 3030.
/57 Balazs, E.A.; Denlinger, J. L. - Viscosupplementation: a new concept in the treatment of asteoarthritis. J. Rheumatology (1993), 39, 3-9.
[6] Goa, K.; Benfield, P. - Hyaluronic acid. A review of its pharmacology and use as a surgical id in ophtalmology, and its therapeutic potential in joint disease and wound healing. Drugs (1994), 47, 536-566.
[7] Rupprecht, A. - Préparation of orientée! DNA by Wet Spinning. Acta Chemica Scandinavica (1966), 20, 494-504.
[8] Rupprecht, A. - A wet spinning apparatus and auxiliary equipment suitable for preparing samples of oriented DNA. Biotechnology and engineering (1970), 12, 93-121.
[9] Rupprecht, A. - Wet spinning of hyaluronic acid. Préparation of oriented samples. Acta Chemica Scandinavica (1979), 33, 779-780.
[10] Um, I. C; Fang, D. F.; Hsiao, B. S.; et al. - Electro-spinning and electro- blowing of hyaluronic acid. Biomacromolecules (2004), 4, 1428-1436.
[11] Wang, X.F.; Um, I.C.; Fang, D. F.; ét al. - Formation of water-resistant hyaluronic acid nanofibers by blowing-assisted electro-spinning and non- toxic post treatments.
Polymer (2005), 46 (13), 4853-4867
[12] Notin L, Viton C, Laurent D., Alcouffe P., Rochas C, Domard A. - Morphology and mechanical properties of chitosan fibers obtained by gel- spinning : Influence of the dry-jet-stretching step and ageing -
Actabiomaterialia (2006), 387-402