Procédé d'obtention de produits laitiers coagulés, notamment de fromages, hyposodés, et produits obtenus.
La présente invention a pour objet un procédé d'obtention de produits laitiers coagulés ,notamment de fromages , hyposodés.
Elle a également pour objet les produits laitiers pouvant être obtenus par ce procédé, et contenant du magnésium réparti de manière homogène.
Des procédés d'obtention de fromages présentant des faibles teneurs en sodium sont déjà connus de l'homme du métier.
Une première technique consiste à remplacer la solution de chlorure de sodium , habituellement utilisée lors du salage du fromage , par une solution contenant principalement du chlorure de magnésium hydraté .
Cette technique est notamment illustrée dans le brevet français N° 84 19 382 (publication 2 574.629) qui décrit un procédé de fabrication d'un fromage hyposodé comportant une opération de salage dudit fromage par une solution aqueuse concentrée, cette solution étant un sous-produit résultant de l'extraction physique du chlorure de sodium à partir de l'eau de mer . Ce procédé qui s'applique préférentiellement aux fromages à pâte cuite pressée, comme les fromages de Gruyère, présente l'inconvénient notable d'entraîner une répartition non-homogène du magnésium dans le fromage . Cette hétérogénéité de la concentration en magnésium entraîne des variations très importantes du goût des fromages , qui peuvent
présenter dans la zone voisine de la croûte une amertume caractéristique des sels de magnésium, alors qu'au coeur ils sont insipides en raison de leur teneur très faible en magnésium. Un autre procédé d'obtention de fromages par salage a été décrit dans la demande de brevet FR n' 88 10 742 (publication 2.635.443 ). Ce procédé consiste à traiter dans un bac de salage des fromages à pâte molle du type Camembert, par une solution riche en chlorure de magnésium et appauvrie en sulfate de magnésium. Les fromages sont déplacés dans le bac, à contre-courant de la solution contenant les sels de magnésium. Les fromages à pâte molle obtenus par ce procédé ont des teneurs pratiquement nulles en sodium et des teneurs élevées en magnésium, de l'ordre de 88 mg de magnésium pour 100 g de fromage .
Une deuxième technique, très différente de la première, ne met pas en oeuvre un salage, mais consiste à traiter le caillé par des solutions enrichies en sel de magnésium.
Ce type de traitement a fait l'objet de la demande de brevet FR 89 08215 déposée par l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) pour "Fromages hyposodés et leur procédé d'obtention". Ce procédé s'applique avantageusement aux fromages à pâte pressée de type gruyère. Il consiste à traiter par un sel de magnésium le caillé, préférentiellement sous forme de grains. Le sel de magnésium utilisé est par exemple le chlorure de magnésium . Ce procédé permet l'obtention de fromages ayant une concentration homogène en magnésium et ne possédant pas d'amertume.Il présente des avantages notables quant à 1'homogénéité de la répartition du
magnésium à l'intérieur des fromages . Il est cependant souhaitable de simplifier encore la technique de fabrication des fromages hyposodés et de la rendre applicable à tous les types de fromages. D'autres documents concernant le traitement de laits ou de produits laitiers par addition de magnésium ont été publiés.
Le brevet français 1 070 910 concerne un procédé pour accélérer le murrissement des fromages en ajoutant au lait de fabrication une très faible quantité de sels de microéléments. Cette addition peut être effectuée avant ou pendant 1 'emprésurage . Les microéléments sont des métaux parmi lesquels on trouve le magnésium . Cependant , ce brevet ne concerne pas l'obtention de produits fromagers hyposodés. L'addition de magnésium est effectuée en ajoutant au lait cet élément en mélange avec du sel marin , ce qui exclue donc la fabrication de produits hyposodés.
Le brevet GB-509.389 a pour objet un procédé pour améliorer le goût du fromage consistant à neutraliser le lait en lui ajoutant un composé basique tel que de l'oxyde de magnésium. Le pH du lait se trouve ainsi ajusté entre 6,6 et 7,4 . Ce brevet n'indique pas précisément les quantités utilisées mais mentionne simplement qu'elles doivent permettre de neutraliser le lait.
Deux autres brevets concernent des procédés équivalents de neutralisation du lait, le brevet GB- 551.704 et le brevet US 2.374.427. Le brevet EP-138.690 concerne l'enrichisse¬ ment du lait ou de yaourt par du magnésium mais dans un but de santé humaine, afin de lutter contre les carences en magnésium. La quantité de magnésium
exprimée sous forme de chlorure de magnésium peut aller jusqu'à 4 g de chlorure par litre de lait.
Ce document ne mentionne pas la préparation de produits laitiers hyposodés ni de fromages . L'ouvrage technique "Yoghurt" (Fermentâted
Fresh Milk Products, Rasic et Kurmann, Technical Dairy Publishing House, Copenhagen Denmark) mentionne , pages 347 et 348, l'enrichissement de yaourt par du magnésium, notamment sous forme de carbonate de magnésium. L'additif comprend aussi de l'acide orotique. Aucune mention n'est faite au fromage.
L'article de Amouzou et al. ( Le lait, volume 65, n'1, 1985 pages 21-34) est un travail expérimental portant sur l'incidence du magnésium sur les bactéries lactiques. Ce document concerne donc la fermentation lactique et non la coagulation enzymatique du lait. De plus, les quantités de magnésium utilisées sont extrêmement faibles, de l'ordre de 25 à 50 ppm. De plus , on sait déjà que le magnésium a un effet sur la coagulation du lait (Van Hooydonk et al, Neth Milk Dairy J.40,369-390,1986) , mais à la connaissance du demandeur , aucun procédé de fabrication de produits laitiers , tels que les fromages, impliquant une étape de coagulation enzymatique, et comprenant une addition de magnésium dans le lait , n'a été proposé.
La présente invention a pour objet de mettre au point un procédé simple, n'entraînant pas d'augmentation de temps de préparation des produits et permettant l'obtention de produits laitiers hyposodés, et en particulier de fromages ,présentant une concentration homogène en magnésium.
On a trouvé de manière surprenante qu'il est possible d'incorporer les sels de magnésium dans le lait, et d'obtenir un caillé à partir des laits ainsi traités, les produits laitiers obtenus présentant une homogénéité très satisfaisante en sel de magnésium, et correspondant au goût des consommateurs.
La présente invention a donc pour objet un procédé pour l'obtention de produits laitiers hyposodés, comprenant une étape de coagulation enzymatique du lait, caractérisé en ce qu'on incorpore un sel de magnésium au lait avant coagulation sans ajouter de chlorure de sodium .
Le lait auquel est ajouté le sel de magnésium est pasteurisé ou non pasteurisé et peut être du lait de vache, de chèvre, de brebis , d'ânesse , de bufflesse ou de toute autre femelle laitière.
Le procédé objet de l'invention peut comprendre par ailleurs les autres étapes d'un procédé classique d'obtention d'un fromage , en particulier une étape de formation d'un caillé, ainsi que , en fonction des qualités gustatives désirées du produit final , une adjonction minime d'un sel de sodium par salage.
La formation du caillé se fera en fonction du type de fromage par les moyens classiquement utilisés , à savoir des enzymes coagulantes uniquement ou un mélange de bactéries lactiques et d'enzymes coagulantes .
Le sel de magnésium utilisé doit être un sel de qualité alimentaire soluble en milieu aqueux, notamment dans la phase aqueuse du lait, et en particulier du dichlorure de magnésium hexahydraté
(MgCl2,6H2θ ) . Les quantités de sel de magnésium à
mettre en oeuvre sont faibles . Par exemple avec MgCl , 6H2O, cette quantité ne dépasse pas environ 7mmoles par litre de lait, ce qui correspond à une quantité de 1,5 g par litre environ. Des essais de routine permettent à l'homme du métier de choisir la quantité optimale de sel de magnésium, selon la nature de ce sel, celle des fromages à fabriquer et les impératifs de fabrication. Le sel de magnésium peut aussi être du carbonate de magnésium ou de la magnésie .
Ces sels peuvent être ajoutés au lait sous forme pulvérulente ou en solution.
L'adjonction de sel de magnésium dans le lait de fabrication procure en outre deux effets inattendus:
- réduction d'environ un tiers du temps de prise du lait, dans la fabrication de différents types de fromages, augmentation notable de 1'activité protéolytique des fromages, et réduction du temps d'affinage.
D'autre part, il a été observé sur divers types de fromages un effet positif de l'enrichissement en magnésium sur l'ouverture , c'est-à-dire la formation des yeux (pores ouverts caractéristiques de certains types de fromages ) .
Le procédé selon l'invention présente l'avantage notable de pouvoir être appliqué à tous les types de fromages . Du fait de la réduction du temps de prise , il permet de limiter le surcoût occasionné par l'apport de magnésium.
La présente invention a d'autre part pour objet les produits laitiers , tels que les fromages ,
pouvant être obtenus par le procédé précédemment décrit, à faible teneur en sodium, c'est-à-dire présentant une concentration inférieure à 50 mg de sodium pour 100g de produit , et contenant une concentration inférieure à .80 mg de magnésium, dans lesquels le magnésium est réparti de manière sensiblement homogène dans le produit.
Ainsi qu'on l'a mentionné , l'incorporation d'un sel de magnésium soluble dans le lait de fabrication assure une répartition très homogène du magnésium au sein du produit final.
La présente invention est illustrée sans pour autant être limitée par les exemples qui suivent: EXEMPLE 1- Influence du magnésium sur la coagulation. a) Essai comparatif de la coagulation sans sel, (chlorure de sodium) en présence de calcium, et en présence de magnésium.
Du lait pasteurisé non ensemencé est coagulé à 32*C , en présence de CaCl2 ou de MgCl2 par de la présure commerciale contenant de la chymosine diluée à 2,5%.
Les résultats sont résumés dans le tableau 1 suivant:
TABLEAU 1
Les résultats de ce tableau sont la moyenne de six répétitions. Le pH du milieu a été standardisé
dans les quatre cas à 6,5.
Les mesures ont été effectuées à l'aide d'un
Formagraph, R représentant le temps de prise en minutes, K20 représentant le temps nécessaire en minutes pour atteindre une fermeté donnée. Le pH initial (pHi) a aussi été indiqué.
Ces résultats montrent que 1'apport de chlorure de magnésium à raison de 1,5 g de MgCl^ ,
6H20 par litre de lait (7mM) permet de réduire d'un tiers le temps de prise du lait et de moitié le temps nécessaire pour atteindre une fermeté donnée .
Il permet aussi de remplacer le chlorure de calcium qui pose des problèmes d'ordre technologique lors du travail en cuve . En effet , pour des apports élevés en CaCl2 , de l'ordre de 7mM, il se forme une pellicule sur le grain de caillé qui nuit à la déshydratation. b) emps de prise pour différents types de fromages. Les valeurs du temps de prise pour différents types de fromages incluant des fromages , à pâte molle, à pâte pressée et à pâte cuite pressée ont été mesurées .
Les résultats sont indiqués dans le tableau 2 suivant:
TABLEAU 2
Pour les trois fromages, la coagulation a été effectuée par de la présure en quantités variables, contenant en quantité minime des bactéries lactiques.
Ces résultats montrent que, quel que soit le type de fromage, l'addition de chlorure de magnésium (sous forme MgCl2,6H20) réduit le temps de prise .
Dans cet exemple , le temps de prise est défini comme le temps qui s'écoule entre l'apport de présure et le début de la floculation du lait. EXEMPLE 2 - Effet de l'addition de chlorure de magnésium sur la stimulation de 1'activité protéolvtigue. a) Fromage type Tomme blanche.
L'obtention de fromage type tomme blanche, à faible teneur en matière grasse ou non s'effectue selon le processus de fabrication suivant :
Standardisation par écrémage du lait en matière grasse en fonction de la teneur en gras/sec recherché pour le fromage.
Ensemencement du lait de l'ordre de 1%.
Emprésurage du lait à 38°C afin d'obtenir un temps de prise de l'ordre de 10 mn.
Décaillage du coagulum formé après 1'emprésurage
Délactosage
Moulage
Egouttage en salle, chaude (30°C)
Saumurage (durée variable avec la teneur en sodium recherchée ) .
Ensemencement en pénicillium
Affinage à 13°C durant 2 semaines et stockage à 4°C pendant 9 semaines.
Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau 3.
TABLEAU 3 : Essai tomme blanche
Na et Mg exprimés en mg pour 100g de fromage NS/NT et NPT/NT en %
A: fromage non saumuré avec apport de magnésium B: fromage non saumuré sans apport de magnésium C: fromage saumuré avec apport de magnésium D: fromage saumuré sans apport de magnésium.
G/S représente la teneur en matière grasse par rapport à l'extrait sec total ,
NS représente la teneur en azote soluble dans l'eau, l'azote total du fromage étant représenté par NT et l'azote soluble dans l'acide phosphotungstique étant représenté par NPT.
b)Fromage du type pâte cuite pressée.
Les résultats obtenus sur ce type de fromage sont résumés dans le tableau 4.
TABLEAU 4 : Essai t e âte cuite ressée
Dans ce tableau , le témoin est un fromage à pâte cuite pressée obtenu par un procédé classique sans apport de magnésium , et saumuré . L'essai n°l correspond à un fromage obtenu par un procédé avec apport de magnésium dans le lait, et saumurage , et l'essai n°2 correspond à un fromage obtenu par un procédé avec apport de magnésium mais sans saumurage.
NS, NT et NPT ont les mêmes significations que dans le tableau 3 , ES représentant l'extrait sec exprimé en g pour 100g de fromage. c) Conclusion.
La mise en oeuvre comparative des procédés montre clairement que les fromages enrichis en magnésium sont plus protéolysés que les fromages sans apport de magnésium. Ces commentaires ressortent clairement de l'analyse du rapport NS/NT.
EXEMPLE 3- Obtention de fromage frais .
A partir d'un même lait pasteurisé qui a été ensemencé avec des ferments mésophiles à raison de 1%, une moitié a été transformée sans apport de magnésium alors que dans la seconde moitié on a incorporé 1,5 g de chlorure de magnésium hexahydraté par litre de lait. A ces deux types de lait ainsi obtenus on a
ajouté la même quantité de présure.
Le temps nécessaire pour obtenir la coagulation est de 175 mn sans apport de magnésium et de 120 mn avec apport de magnésium. Les teneurs respectives en magnésium de ces produits sont de 32 mg et 78 mg pour 100 g de fromage alors que la teneur en sodium était de 15 mg dans les deux cas, les fromages frais étant rarement salés.
Cette différence de teneur en magnésium n'a pas eu de répercussion sur les qualités organoleptiques.
Il n'a pas été constaté de différence notable entre les deux types de fromages aussi bien après un jour d'égouttage qu'après une semaine. Cet exemple montre que 1'on peut tout en conservant les qualités organoleptiques des fromages frais , réduire de manière importante les temps de coagulation.