Procédé de dédoublement de la DL-lysine
La présente invention est un procédé de dédoublement de la DL-lysine en ses isomères optiques.
On sait que la lysine existe sous deux formes optiquement actives qu'on désigne sous les noms de
D-lysine et de L-lysine. Alors que la lysine rencontrée dans la nature et désignée sous le nom de Llysine est optiquement active et fait tourner à droite le plan de polarisation de la lumière, la lysine obtenue synthétiquement est généralement optiquement inactive, étant constituée par un mélange à parties égales de chacun des isomères D et L.
I1 est connu d'autre part que la lysine naturelle a une activité biologique double de celle de la DLlysine obtenue synthétiquement et que l'isomère D ne présente que peu ou pas d'activité.
La DL-lysine étant maintenant produite industriellement dans des conditions économiques, il apparaît souhaitable à plusieurs égards de disposer d'un procédé simple et efficace permettant de la dédoubler en ses deux isomères. D'une part, la présence à côté de la L-lysine de l'isomère D biologiquement inactif peut être indésirable dans certaines applications. D'autre part, comme on peut, dans certaines conditions, transformer partiellement la D-lysine en L-lysine, on voit qu'il est possible de convertir intégralement la DL-lysine en L-lysine dès lors qu'on sait dédoubler la DL-lysine.
Les procédés actuellement connus de dédoublement de la DL-lysine par voie chimique reposent tous sur un principe classique: la formation avec les deux stéréoisomères de sels ayant des solubilités différentes au moyen d'un agent de dédoublement constitué par un acide optiquement actif lui-même.
Cependant les divers agents de dédoublement préconisés jusqu'ici conduisent à des procédés qui industriellement présentent certains inconvénients.
C'est ainsi que l'acide D-camphorique est d'un accès difficile et d'un prix de revient élevé. Par ailleurs les sels qu'ils forment avec les D et L-lysines ont une faible différence de solubilités, en sorte que de nombreuses recristallisations sont nécessaires pour obtenir un produit pur, et, avec un faible rendement, de l'ordre de 65 O/o.
Avec l'acide dibenzoyl-D-tartrique, c'est le sel de
D-lysine qui est le moins soluble et précipite le pre mier. I1 en résulte que la séparation du sel de Llysine, qui est le seul intéressant, présente de sérieuses difficultés.
L'acide L-glutamique, qui, à bien des égards est un bon agent de dédoublement, nécessite, toutefois, pour l'obtention d'un bon résultat, l'observation stricte de la composition du solvant. En outre le glutamate de lysine est fortement hygroscopique, ce qui exige certaines précautions opératoires.
On a également essayé l'acide D-tartrique, mais le résultat a été décevant tant pour les D-tartrates neutres (1 mole d'acide tartrique pour 2 moles de lysine), que pour les D-tartrates acides (1 mole d'acide tartrique pour 1 mole de lysine).
Le procédé selon l'invention est caractérisé en ce qu'on utilise comme agent de dédoublement un bitartrate D ou L répondant à la formule:
HOOC-CHOH-CHOH-COOM dans laquelle M désigne un métal monovalent ou le radical ammonium, formant avec la DL-lysine un tartrate mixte.
I1 a en effet été découvert que, contrairement à ce que l'on pouvait attendre d'après le comporte ment de l'acide D-tartrique, les bitartrates D ou L précités permettaient d'aboutir au dédoublement de la DL-lysine et, ce, dans des conditions particulièrement avantageuses qui font de ces composés des agents de dédoublement de choix.
Certains de ces bitartrates sont en effet d'un accès facile et sont peu coûteux.
Par ailleurs les tartrates mixtes de D et L-lysines répondant sous forme anhydre à la formule:
EMI2.1
présentent une différence de solubilité très marquée.
Lorsqu'on opère avec les D-tartrates mixtes, c'est généralement le sel de L-lysine qui est le moins soluble: il est ainsi possible d'obtenir au moyen d'une seule cristallisation un rendement élevé en sel de Llysine d'une très grande pureté, dont il est aisé d'isoler la L-lysine cherchée en récupérant l'agent de dédoublement.
Un autre avantage important du procédé selon l'invention est sa grande souplesse: la composition du solvant dans lequel on effectue la cristallisation des tartrages mixtes n'est généralement pas assujettie à des limites aussi strictes que dans les procédés de dédoublement mettant en oeuvre les acides glutamiques, en particulier en ce qui concerne la pureté optique du sel de L-lysine obtenu. Ceci est à attribuer non seulement au fait que dans le cas des tartrates mixtes la différence de solubilités entre les sels de D et ceux de L-lysine est plus importante que dans le cas des glutamates, mais également au fait que pour certains d'entre eux, comme les D-tartrates mixtes de potassium-lysine, les sels de L-lysine présentent une aptitude à la cristallisation considérablement plus marquée que les sels de D-lysine correspondants.
Un avantage supplémentaire est le fait que les tartrates mixtes ne présentent pas le caractère hygroscopique des glutamates ou, en tout cas, ne le présentent qu'à un degré beaucoup moindre et ne requièrent pas, pour leur manipulation ou leur stockage, les mêmes précautions que les glutamates.
Le procédé s'applique non seulement au mélange dit racémique de D et de L-lysine dans lequel les deux individus optiques sont présents dans le rapport 50/50, comme c'est le cas pour la lysine obtenue selon les procédés de synthèse connus à ce jour, mais d'une façon plus générale, aux mélanges contenant de la D et de la L-lysine, les individus optiques n'étant pas obligatoirement dans le rapport équimoléculaire.
L'agent de dédoublement utilisé dans le procédé selon l'invention est, comme indiqué plus haut, un
D- ou L-bitartrate de métal monovalent ou d'ammonium. Les D-bitartrates étant, toutefois, plus aisément accessibles que les L-bitartrates, c'est aux premiers que l'on donne la préférence, en particulier aux
D-bitartrates de potassium et d'ammonium.
L'agent de dédoublement peut être préformé et ajouté tel quel à une solution de DL-Lysine ou d'un sel de DL-lysine d'un acide volatil, tel qu'un carbonate. I1 peut encore être formé in situ par réaction d'un acide tartrique optiquement actif et d'un dérivé d'un métal monovalent ou d'ammonium, tel qu'hydroxyde, carbonate ou alcoolate, avec addition ultérieure de DL-lysine ou d'un de ses sels. On peut également, encore que ce mode opératoire soit moins recommandable, ajouter initialement l'acide tartrique optiquement actif et la lysine ou un de ses sels, puis un dérivé de métal monovalent ou d'ammonium.
Quel que soit le mode opératoire utilisé, on aboutit à une solution de tartrate mixte de DL-lysine et de métal monovalent ou d'ammonium. Le solvant dans lequel est formé ce tartrate mixte, peut être, en principe, quelconque, le tartrate mixte pouvant toujours en être récupéré par précipitation ou évaporation du solvant pour être redissous dans le solvant de dédoublement.
Il est toutefois préférable, pour des raisons de simplicité évidentes, de former le tartrate mixte directement au sein du solvant de dédoublement, ce qui évite d'isoler le tartrate mixte de UL-lysine.
Le solvant de dédoublement est de préférence un mélange eau/méthanol, le méthanol pouvant être remplacé, au moins en partie par un autre solvant miscible, comme les autres alcools inférieurs, l'acétone, les polyalcools ou les produits qui en dérivent par addition d'oxyde d'éthylène et/ou éthérification.
On peut mettre à profit la dualité du solvant de dédoublement pour opérer la formation du tartrate mixte uniquement en milieu aqueux et ajouter ensuite le méthanol ou autre solvant organique entrant dans la composition du solvant de dédoublement. Cette formation du tartrate mixte s'opère entre 0 et 1000 C, un intervalle de température compris entre 15 et 450 C étant préféré, encore qu'il y ait parfois avantage à dépasser 450 C, en particulier quand le radical M est introduit sous forme de sel, tel qu'un carbonate.
Dans le solvant de dédoublement, la proportion eau/méthanol qui donne les meilleurs résultats dépend de la nature du radical M, de la valeur du rap port
agent de dédoublement
lysine qui, comme il est expliqué plus loin, peut varier entre certaines limites et de la température à laquelle on effectue la cristallisation. A des températures de 15/250 C, la proportion eau/méthanol est ordinairement comprise entre 2,5 et 0,25 en volume, le meilleur résultat étant obtenu lorsque la proportion est comprise entre 2 et 0,5.
Lorsqu'on- effectue la cristallisation à des températures un peu plus élevées que la température ambiante, on obtient les meilleurs rendements en employant un solvant contenant une quantité de méthanol un peu plus élevée que celle qui représente l'optimum à la température ambiante. n y a en effet très souvent intérêt à ce que la cristallisation ait lieu à une température plus élevée que la température ambiante, d'une part parce que la cristallisation est plus rapide, et d'autre part parce que, les cristaux obtenus étant plus volumineux que dans le cas où la cristallisation a lieu à des températures inférieures, les opérations ultérieures de filtration et de lavage du sel de lysine cristallisé se trouvent facilitées et la pureté optique du produit obtenu amélioré.
D'une manière générale, toutefois, les températures convenant pour la formation du tartrate mixte sont également appropriées au dédoublement, la gamme préférée étant celle comprise entre 10 et 500 C.
Si les meilleurs résultats, à la fois du point de vue pureté optique et point de vue rendement en sel de lysine cristallisé calculé sur l'agent de dédoublement, sont obtenus lorsque l'ion métallique ou à caractère métallique est présent dans le mélange de dédoublement, à raison sensiblement de un équivalent/gramme par molécule/gramme d'acide tartrique, une proportion plus forte pouvant donner un plus faible rendement, une proportion plus faible pouvant conduire à une lysine d'une pureté optique inférieure, le rapport
agent de dédoublement
lysine peut varier dans d'assez larges limites sans que cela ait des répercussions importantes sur le rendement ou la qualité des produits obtenus. Le rapport molaire
agent de dédoublement
lysine est compris généralement entre 0,5 et 1. On obtient encore des résultats satisfaisants pour des valeurs de ce rapport inférieures à 0,5.
On peut aussi, sans inconvénient, utiliser des valeurs supérieures à 1 mais une telle façon d'opérer n'est pas recommandable puisqu'elle met en oeuvre une quantité plus grande d'agent de dédoublement sans apporter d'avantages marqués en compensation.
Différents modes de mise en oeuvre peuvent être utilisés pour recouvrer à partir du tartrate mixte cristallisé isolé par filtration, ou à partir des eaux mères de cristallisation, l'agent de dédoublement d'une part, les lysines optiquement actives obtenues d'autre part.
Si l'on veut isoler la lysine à l'état d'un sel on peut par exemple traiter une solution aqueuse du tartrate mixte par l'acide approprié, de façon à précipiter aussi complètement que possible l'agent de dédoublement sous forme de tartrate acide. Le sel de lysine resté en solution peut être isolé ensuite selon les procédés connus, par exemple par addition d'alcool après concentration partielle de la solution.
Si l'on désire obtenir un sel de lysine plus pur, ou si l'on se propose d'isoler la lysine sous forme de base libre, on peut par exemple précipiter l'agent de dédoublement comme il vient d'être dit et passer la solution aqueuse du sel de lysine sur un échangeur cationique type acide fort, sous la forme sel d'ammonium ou acide libre, qui fixe la lysine qui, après lavage à l'eau de la résine échangeuse, est extraite par une solution ammoniacale. On peut également faire passer la solution aqueuse du tartrate mixte sur un échangeur cationique type acide fort sous forme sel d'ammonium: l'agent de dédoublement se retrouve dans l'effluent sous forme de tartrate d'ammonium et la lysine fixée sur la résine peut être récupérée comme dans le cas précédemment envisagé.
On peut encore faire passer sur un échangeur anionique type base forte la solution obtenue à partir d'une solution d'un tartrate mixte par acidification suivie de filtration et recueillir l'effluent constitué par une solution de lysine.
Exemple 1
On agite à 400 C jusqu'à dissolution 376 parties de D-bitartrate de potassium et 292 parties de DLlysine sous forme d'une solution aqueuse à 33 O/o.
On ajoute 460 parties de méthanol et 1 partie de
D-tartrate mixte de potassium/L-lysine (pour amorcer la cristallisation). Après avoir agité le mélange à 400 C jusqu'à ce que la cristallisation ne marque plus de progrès, on ajoute 64 parties de méthanol et on continue d'agiter pendant douze à vingt heures en laissant le mélange reprendre lentement la température ambiante. On filtre, lave le gâteau d'abord avec du méthanol aqueux à 62 0/o, puis avec du méthanol absolu, et sèche à 65/700 C.
Le rendement est de 304 à 323 parties (82 à 88 O/o de la théorie).
20 = + 2102 + 006 (c = 4 O/o dans l'eau)
L'analyse d'un échantillon recristallisé dans du méthanol aqueux montre que le produit renferme 1 molécule de bitartrate de potassium pour 1 molécule de lysine et cristallise avec deux molécules d'eau.
N calculé pour C10H19O5N2K. 2H2.O: 7,57 - trouvé: 7,52
K calculé pour C10H19O6N2K. 2H2O: 10,52 - trouvé: 10,42 H2O calculé pour C10H19O8N2K. 2H.2O: 9,73 - trouvé: 10,46
On dissout 185 parties du D-tartrate mixte de potassium/L-lysine dans 350 parties d'eau et amène la solution à pH 3,6 par addition d'acide chlorhydrique concentré. Après quelques heures de repos on filtre le bitartrate de potassium qui a cristallisé et lave avec un peu d'eau.
Poids du bitartrate sec: 88,3 à 92,1 parties (94 à 98 /o de la théorie).
Sur un lit de Dowex 50 sous forme acide libre (600 parties en volume) on fait passer la solution obtenue. Après lavage de la résine avec de l'eau jusqu'à neutralité, on élue la L-lysine avec de l'ammoniaque à 7 O/o à 40-450 C et chasse l'ammoniaque par évaporation. On convertit la L-lysine par la quantité calculée d'acide chlorhydrique concentré en monochlorhydrate qu'on isole, après concentration de la solution, par précipitation par l'alcool éthylique et filtration.
Le rendement en monochlorhydrate de L-lysine est de 84-88,5 parties (92 à 97 o/o de la théorie calculé sur le tartrate mixte).
Le pouvoir rotatoire est compris entre 2000 et 2005 (c = 4 o/o dans l'acide chlorhydrique 6N) ce qui correspond à une pureté optique de 98,3 à 99,5 O/o).
N, calculé pour C6N15O2N2Cl: 15,34 - trouvé: 15,25 C1, calculé pour C6N15O2N2Cl: 19,45 - trouvé: 19,40
La teneur du produit en cendres est inférieure à 0,02 O/o.
Le monochlorhydrate de L-lysine peut être obtenu plus simplement, mais sous une forme un peu moins pure, en concentrant à petit volume la solution débarrassée du bitartrate de potassium précipité par acidification, et en ajoutant de l'alcool de façon à provoquer la cristallisation.
Exemple 2
Dans 584 parties d'une solution aqueuse de DLlysine à 50 o/o, on ajoute 226 parties de D-bitartrate de potassium et 300 parties d'eau. On chauffe à 350 C et ajoute 890 parties de méthanol, puis 1 partie de D-tartrate mixte de potassium/L-lysine et on laisse la cristallisation s'opérer sous agitation, d'abord à 35/360 C pendant six heures, puis après addition supplémentaire de 80 parties de méthanol, à la température ambiante pendant quatorze heures. On filtre le sel de L-lysine, lave avec du méthanol aqueux, puis du méthanol absolu et sèche à 65/700 C.
On obtient, avec un rendement sensiblement équivalent à celui mentionné dans l'exemple 1, le Dtartrate mixte de potassium/L-lysine qu'on peut transformer, en mettant en oeuvre la technique décrite dans l'exemple précédent, en monochlorhydrate de
L-lysine d'une très grande pureté optique.
Exemple 3
Dans la solution obtenue en agitant à 20/250 C 146 parties de lysine dans 296 parties d'eau, avec 166 parties de D-tartrate acide d'ammonium, on ajoute 300 parties de méthanol. Après avoir amorcé la cristallisation avec 0,5 partie de D-tartrate mixte d'ammonium/L-lysine, on continue d'agiter pendant quarante-huit heures à 20/250 C. On filtre les cristaux, lave avec du méthanol aqueux à 700 C puis avec du méthanol absolu et sèche sous vide vers 400 C.
En appliquant au produit obtenu la technique décrite dans l'exemple 1 pour le traitement du tartrate mixte de potassium L-lysine, on obtient le monochlorhydrate de Llysine très pur.
La L-lysine peut également être obtenue au moyen d'un échangeur type base forte, à la place de l'échangeur cationique utilisé dans l'exemple 1. Par exemple, on fait passer une solution de 100 parties du produit résultant du dédoublement dans 300 parties d'eau sur un lit formé de 2600 parties (en volume) d' Amberlite Ira 400 sous forme basique.
On rince ensuite la colonne à l'eau, on chasse par évaporation l'ammoniaque contenue dans l'effluent.
Le résidu est constitué par une solution de L-lysine: celle-ci peut être convertie éventuellement selon les moyens conventionnels en monochlorhydrate ou en dichlorhydrate ou en tout autre sel.
Exemple 4
On obtient des résultats peu différents de ceux obtenus dans l'exemple 1 lorsqu'on prépare la solution de D-tartrate mixte de potassium/L-lysine en ajoutant, sous agitation efficace, à un mélange de 300 parties d'acide D-tartrique et de 152 parties d'eau, 584 parties d'une solution aqueuse de DLlysine à 50 o/o et 224 parties d'une solution aqueuse de potasse à 50 O/o.
On peut aussi remplacer la potasse par 138 parties de carbonate de potassium, auquel cas il est avantageux de chauffer vers 70-800 C pour faciliter la formation de tartrate mixte.
Exemple 5
Si dans l'exemple 1 on remplace le méthanol par un mélange formé de 340 parties de méthanol et 40 parties d'éthanol, on obtient des résultats voisins.
Exemple 6
On met en suspension 376 parties de D-bitartrate de potassium dans 520 parties de méthanol et on ajoute 292 parties de DL-lysine sous forme d'une solution à 33 /o. On chauffe ensuite à 35/400 C: le sel de lysine qui au bout d'un certain temps commence à se déposer sous forme de longues aiguilles incolores, est isolé comme il est dit dans l'exemple 1.
Exemple 7
Si dans l'exemple 1 on remplace la DL-lysine par la même quantité d'une DL4ysine renfermant 45 O/o de forme L, on isole 276 parties de D-tartrate mixte de potassium/L-lysine soit 83 /o de la quantité théorique calculée sur la L-lysine présente dans la matière de départ.