PROCEDE DE FABRICATION D'ELEMENTS DE STRUCTURE PAR USINAGE DE TOLES EPAISSES
Domaine technique de l'invention
La présente invention concerne la fabrication d'éléments de structure en alliage à traitement thermique, notamment en alliage d'aluminium, par usinage de tôles épaisses. Ces éléments de structure peuvent être utilisés en construction aéronautique.
Etat de la technique
Afin d'obtenir des éléments de structure d'avions caractérisés par une excellente tenue mécanique, on utilise actuellement principalement deux approches différentes :
Selon une première approche, on utilise des tôles d'épaisseur typiquement comprise entre 10 mm et 40 mm (appelée ici « tôle moyenne »), qui se trouvent dans l'état métallurgique correspondant à l'utilisation finale de l'élément structural, et les raidit en fixant, par exemple par rivetage, des raidisseurs constitués par des profilés filés, par exemple des profilés de section " T ".
Selon une seconde approche, on usine les raidisseurs directement dans une tôle d'une épaisseur plus importante, typiquement entre 30 mm et 200 mm, qui se trouve également dans un état métallurgique correspondant à l'utilisation finale de l'élément structural.
La réalisation d'un élément de structure par assemblage de tôles moyennes et de profilés nécessite un très grand nombre d'opérations de rivetage qui, effectuées dans les conditions de fiabilité nécessaires pour un élément structural aéronautique, représentent un coût important. La réalisation d'un élément structural intégré par usinage d'une tôle épaisse consomme certes beaucoup plus de métal, car une fraction importante de la tôle
épaisse est réduite en copeaux, mais en contrepartie elle permet de réduire au minimum les opérations de rivetage qui coûtent cher.
La disponibilité de techniques d'usinage à grande vitesse (high speed machining), de l'ordre de 5 000 à 15 000 tours par minute, modifie sensiblement les données économiques du choix du mode de conception, car la durée de l'opération d'usinage se trouve fortement réduite, permettant en même temps d'envisager l'usinage de formes de plus en plus complexes dans des conditions économiquement accessibles. Ceci est vrai à la fois pour des pièces de taille de l'ordre du mètre, et pour des pièces de très grande taille, pouvant atteindre plus de 20 m de longueur et plus de 3 m de largeur.
La seconde approche souffre toutefois d'autres inconvénients. La tôle épaisse se trouve avant usinage dans l'état métallurgique correspondant à son utilisation finale, car selon l'état de la technique, on n'effectue pas de traitement thermomécanique après usinage. Plus particulièrement, cet état métallurgique final a été obtenu par mise en solution et trempe. Or, deux mécanismes physiques limitent la vitesse de trempe dans une tôle épaisse : la conductivité thermique du matériau qui constitue ladite tôle épaisse, et l'échange thermique entre la surface et de la tôle et le milieu trempant. Il en résulte que les propriétés mécaniques de la tôle épaisse trempée varient en fonction de l'épaisseur. De ce fait, certaines caractéristiques mécaniques deviennent moins bonnes lorsque l'on s'éloigne de la surface de la tôle. Selon l'état de la technique, l'usinage enlève donc les zones dans lesquelles la tôle trempée montre les meilleures caractéristiques mécaniques, et la sollicitation de l'élément structural dans les conditions de service fait intervenir des zones de métal dont les propriétés mécaniques peuvent être assez variables en fonction de la profondeur par rapport à la zone proche de la surface initiale de la tôle. Le calcul des structures est, par précaution, effectué sur la base de modèles assez conservateurs des performances réelles de la pièce, lesdits modèles étant typiquement basés sur les caractéristiques mécaniques des zones de la tôle qui sont éloignées de la surface et présentent donc les caractéristiques mécaniques les plus faibles. Cela empêche, lors du dimensionnement des pièces, de tirer le meilleur parti des propriétés réelles du matériau. Un autre inconvénient de ce procédé selon l'état de la technique réside dans le fait que
les tôles fortes trempées peuvent, même après traction contrôlée, enfermer des contraintes résiduelles qui entraînent une déformation des pièces lors de l'usinage. Selon une troisième approche, on fabrique des éléments structuraux avec raidisseurs intégrés directement par filage. Cette approche souffre de plusieurs inconvénients, et n'est guère utilisée. Afin d'obtenir des profilés de largeur suffisamment importante, il faut utiliser des presses à filer très puissantes dont le coût d'exploitation est très élevé. La largeur maximale que l'on peut ainsi atteindre reste bien inférieure à la largeur d'une tôle laminée habituelle. Par ailleurs, certains alliages se prêtent mal au filage. Et finalement, la microstructure d'une pièce filée, et plus particulièrement d'un profilé filé, n'est pas homogène, ni sur la section du profilé ni sur la longueur du profilé.
Divers moyens ont été proposés pour contrôler les distorsions du produit ou ses propriétés mécaniques.
Plusieurs brevets cherchent à optimiser le procédé de trempe afin de minimiser les déformations des produits métallurgiques lors de leur trempe. Ces procédés cherchent en général à compenser la déformation par un refroidissant inhomogène lors de la trempe. Le brevet allemand DE 955 042 (Friedrichshϋtte Aktiengesellschaft) décrit un procédé de trempe horizontale dans lequel les bords de la tôle sont refroidis plus fortement que le centre, et la face inférieure plus fortement que la face supérieure. Le brevet EP 578 607 cherche à optimiser le procédé de trempe de profilés filés par un pilotage individuel ou groupé des buses de pulvérisation d'eau ; un tel dispositif, piloté par ordinateur, permet en principe d'adapter les positions des buses à chaque profilé, mais la mise au point reste empirique. Le brevet EP 695 590 développe une idée analogue pour la trempe de tôles.
La demande de brevet WO 98/42885 (Aluminum Company of America) décrit un procédé combiné de trempe à l'eau et de trempe à l'air pour diminuer la déformation des tôles minces à la trempe, et pour améliorer leurs caractéristiques mécaniques statiques.
Le brevet français 1,503835 (Commissariat à l'Energie Atomique) propose d'augmenter la vitesse de trempe lors de l'immersion de la pièce dans un liquide froid par
l'application d'une couche mince à faible conductivité thermique qui limite la vaporisation du milieu de trempe.
Le brevet français 2 524 001 (Pechiney Rhenalu) propose d'appliquer sur certaines faces du produit un revêtement qui conduit la chaleur moins bien que le métal sous- jacent. Par ce contrôle amélioré de la vitesse de refroidissement, on serait capable d'éviter d'altérer les propriétés d'emploi du produit. Ce procédé assez lourd a plusieurs inconvénients. Il est limité aux tôles ou profilés d'épaisseur sensiblement constante ; dans le cas des alliages d'aluminium, cette épaisseur ne devrait pas dépasser environ 15 mm. Les revêtements proposés dans ce brevet risquent de polluer le réservoir de liquide de trempe.
D'autres approches cherchent à diminuer la sensibilité des alliages d'aluminium à la trempe.
Aucun de ces procédés ne résout le problème de la variation des propriétés mécaniques en fonction de l'épaisseur qui est liée aux gradients thermiques présentes lors de la trempe.
Objet de l'invention
L'invention a pour but de présenter un nouveau procédé de fabrication de pièces métalliques usinées aptes à servir comme éléments de structure, ou d'ébauches pour de telles pièces, qui permet d'améliorer le compromis entre les caractéristiques mécaniques statiques (limite d'élasticité, résistance à la traction, allongement à la rupture) et la tolérance aux dommages (notamment la ténacité) dans le volume de la pièce et de minimiser les distorsions induites lors de la trempe, et qui peut être mis en œuvre avec un coût d'exploitation particulièrement avantageux.
Au lieu de chercher à améliorer des étapes isolées des procédés de fabrication, la demanderesse a inventé un nouveau procédé intégré qui permet de fabriquer à partir de tôles épaisses des éléments de structure usinés de grande dimension, avec d'excellentes tolérances dimensionnelles, et présentant des caractéristiques mécaniques améliorées.
La présente invention propose un procédé de fabrication nouveau qui permet d'obtenir des pièces usinées présentant un meilleur compromis entre les valeurs minimales des caractéristiques mécaniques statiques (limite conventionnelle d'élasticité, allongement à rupture, résistance à la traction) et la tolérance aux dommages, comparé à des pièces de forme analogues produites par un procédé selon l'état de la technique. Dans une variante du procédé selon l'invention, la variation des caractéristiques mécaniques au sein de la pièce est plus faible, par rapport à une pièce usinée de forme analogue élaborée par un procédé selon l'état de la technique.
Un premier objet de l'invention est un procédé de fabrication d'une pièce métallique usinée, comportant a) la fabrication d'une tôle métallique par un procédé comportant , al) la coulée d'une plaque de laminage, suivie éventuellement d'une homogénéisation, a2) une ou plusieurs opérations de laminage à chaud ou à froid, éventuellement séparées d'une ou plusieurs opérations de réchauffage, pour obtenir une tôle, a3) éventuellement une ou plusieurs opérations de découpe ou finition de la tôle, b) le préusinage de ladite tôle sur l'une ou les deux faces pour obtenir une ébauche préusinée, c) un traitement de mise en solution de ladite ébauche préusinée, d) un traitement de trempe.
Ce procédé peut être éventuellement suivi d'une ou plusieurs des étapes suivantes e) traction contrôlée, f) revenu, g) découpe.
Un deuxième objet est l'utilisation d'une pièce métallique obtenue par ledit procédé comme élément de structure dans la construction aéronautique.
Un troisième objet est un élément de structure en alliage d'aluminium pour construction aéronautique obtenu par ledit procédé.
Description des figures
La figure 1 montre les dimensions et le plan d'échantillonnage de tôles épaisses préusinées selon l'invention, comme expliqué dans l'exemple 1. La figure 2 montre l'éprouvette utilisée pour la caractérisation des propriétés mécaniques du produit.
Les figures 3 et 4 montrent schématiquement une ébauche préusinée selon l'invention.
La figure 5 montre schématiquement la forme d'une tôle épaisse préusinée et le plan d'échantillonnage de tôles épaisses préusinées (fig. 5a) ou non (fig. 5b), comme expliqué dans 1 ' exemple 2.
La figure 6 montre schématiquement la forme d'une tôle épaisse préusinée et le plan d'échantillonnage de tôles épaisses préusinées (figure 6a) ou non (fig. 6b), comme expliqué dans l'exemple 3.
Description détaillée de l'invention
a) Tenninologie
Sauf mention contraire, toutes les indications relatives à la composition chimique des alliages sont exprimées en pourcent massique. Par conséquent, dans une expression mathématique, « 0,4 Zn » signifie : 0,4 fois la teneur en zinc, exprimée en pourcent massique ; cela s'applique mutatis mutandis aux autres éléments chimiques. La désignation des alliages suit les règles de The Aluminum Association, connues de l'homme du métier. Les états métallurgiques sont définis dans la norme européenne EN 515. La composition chimique d'alliages d'aluminium normalisés est définie par exemple dans la norme EN 573-3. Sauf mention contraire, les caractéristiques mécaniques statiques, c'est-à-dire la résistance à la rupture Rm, la limite élastique Rpo,2, et l'allongement à la rupture A, sont déterminées par un essai de traction selon la norme EN 10002-1, l'endroit et le sens du prélèvement des éprouvettes étant définis dans la norme EN 485-1. La ténacité Kic a été mesurée selon la norme ASTM E 399. La courbe R est déterminée selon la norme ASTM 561-98. A partir de la courbe R, on calcule le facteur d'intensité de contrainte critique Kc , c'est à dire le facteur d'intensité qui provoque l'instabilité de la fissure. On calcule également le facteur d'intensité de
contrainte KcD, en affectant à la charge critique la longueur initiale de la fissure, au début du chargement monotone. Ces deux valeurs sont calculées pour une éprouvette de forme voulue. KaPP désigne le Kco correspondant à l'éprouvette ayant servi à faire le test de courbe R. La résistance à la corrosion exfoliante a été déterminée selon l'essai EXCO décrit dans la norme ASTM G34-72.
Sauf mention contraire, les définitions de la norme européenne EN 12258-1 s'appliquent. Contrairement à la terminologie de cette norme EN 12258-1, on appelle ici « tôle mince » une tôle d'une épaisseur de dépassant pas 6 mm, « tôle moyenne » une tôle d'une épaisseur comprise entre 6 mm et environ 20 à 30 mm, et « tôle épaisse » une tôle d'une épaisseur typiquement supérieure à 30 mm.
Le terme « usinage » comprend tout procédé d'enlèvement de matière tel que le tournage, le fraisage, le perçage, l'alésage, le taraudage, l'éleçtroérosion, la rectification, le polissage. Le terme « élément de structure » se réfère à un élément utilisé en construction mécanique pour lequel les caractéristiques mécaniques statiques et / ou dynamiques ont une importance particulière pour la performance et l'intégrité de la structure, et pour lequel un calcul de la structure est généralement prescrit ou effectué. Il s'agit typiquement d'une pièce mécanique dont la défaillance est susceptible de mettre en danger la sécurité de ladite construction, de ses utilisateurs, des ses usagers ou d' autrui. Pour un avion, ces éléments de structure comprennent notamment les éléments qui composent le fuselage (tels que la peau de fuselage (fuselage skin en anglais), les raidisseurs ou lisses de fuselage (stringers), les cloisons étanches (bulkheads), les cadres de fuselage (circumferential frames), les ailes (tels que la peau de voilure (wing skin), les raidisseurs (stringers ou stiffeners), les nervures (ribs) et longerons (spars)) et l'empennage composé notamment de stabilisateurs horizontaux et verticaux (horizontal or vertical stabilisers), ainsi que les profilés de plancher (floor beams), les rails de sièges (seat tracks) et les portes.
b) Description de l'invention et de quelques modes de réalisations particuliers Selon l'invention, le problème est résolu en trempant non pas la tôle épaisse dans laquelle sera ensuite usiné la pièce métallique visée, mais une ébauche déjà préusinée. Le préusinage peut conduire à une forme plus ou moins proche de la forme finale visée.
Dans une réalisation préférée de l'invention, cette ébauche préusinée présente un profil constitué par un ou plusieurs canaux. Ces canaux peuvent être parallèles au sens de laminage, mais d'autres orientations sont possibles, par exemple une orientation en diagonale. Si on envisage d'effectuer une traction après la trempe, ce profil est avantageusement parallèle au sens de laminage et sensiblement constant sur sa longueur, mais d'autres types de profils sont possibles.
Lors de la trempe, l'ébauche peut se trouver en position horizontale, en position verticale, ou en toute autre position. La trempe peut être réalisé par immersion dans un milieu trempant, par aspersion, ou par tout autre moyen approprié. Ledit milieu trempant peut être de l'eau ou un autre milieu tel que le glycol ; sa température peut être choisie entre son point de solidification et son point d'ébullition, sachant que la température ambiante (environ 20 °C) peut convenir.
Le procédé selon l'invention comporte a) la fabrication d'une tôle métallique par un procédé comportant al) la coulée d'une plaque de laminage, suivie éventuellement d'une homogénéisation, a2) une ou plusieurs opérations de laminage à chaud ou à froid, éventuellement séparées d'une ou plusieurs opérations de réchauffage, pour obtenir une tôle, a3) éventuellement une ou plusieurs opérations de découpe ou finition de la tôle, b) le préusinage de ladite tôle sur l'une ou les deux faces pour obtenir une ébauche préusinée, c) un traitement de mise en solution de ladite ébauche préusinée, d) un traitement de trempe.
L'ébauche ainsi obtenue peut être soumise à une ou plusieurs des étapes suivantes : e) traction contrôlée, f) revenu, g) découpe.
A l'issue de ce procédé représenté par les étapes a) à d), c'est-à-dire après la trempe, et avantageusement après la traction contrôlée (s'il y en a une) et apès le revenu (s'il y en a un), l'ébauche préusinée peut être soumise à d'autres opérations d'usinage pour obtenir une pièce métallique usinée, étant entendu que la forme de l'ébauche doit être compatible avec celle de la pièce usinée visée. Par ailleurs, la forme desdits canaux de l'ébauche doit être choisie de façon à minimiser la déformation à la trempe de l'ébauche, et à optimiser les caractéristiques mécaniques de la pièce usinée finale. Il est préféré qu'une des deux faces de l'ébauche soit plate. Dans ce cas, il est préféré que lors de la trempe horizontale, les canaux usinées de la tôle soient orientés vers le bas.
Dans la plupart des cas, il sera nécessaire de soumettre l'ébauche préusinée à une traction contrôlée. Pour ce faire, il est avantageux de prévoir lors du préusinage de l'ébauche qu'une longueur comprise entre 50 mm et 1000 mm, et préférentiellement comprise entre 50 mm et 500 mm en début et à la fin de la tôle ne comporte pas de canaux usinés et a une épaisseur sensiblement constante (cette partie dépourvue de canaux usinés étant appelée « talon »), afin de permettre une prise correcte des mors de traction. Ladite traction est avantageusement effectuée de façon à conduire à un allongement permanent compris entre 0,5 % et 5 %. On préfère une valeur minimale supérieure à 1,0 ou même supérieure à 1,5% pour cet allongement permanent. On peut maintenir, pendant au moins une partie de la durée de la traction, un appui transversal sur l'une au moins des faces de la tôle, par exemple par application d'un ou plusieurs rouleaux sur la tôle, lesdits rouleaux pouvant éventuellement être mobiles longitudinalement sur la face de la tôle. Cela est décrit, pour une tôle non usinée, dans le brevet US 6,216,521 de la demanderesse.
Dans un mode de réalisation préféré impliquant une traction contrôlée de l'ébauche, ladite ébauche comporte avantageusement entre les talons et la zone centrale possédant des canaux usinés une zone de transition dont l'épaisseur décroît du talon vers la zone centrale possédant des canaux usinés. Il est avantageux que ce talon ainsi que la zone de transition soient éboutés après la traction contrôlée, soit mécaniquement, par exemple par sciage ou cisaillage, soit par d'autres moyens connus tels que le faisceau laser ou le
jet liquide. Mais on peut aussi conserver au moins partiellement ce talon, par exemple pour faciliter l'assemblage des éléments de structure.
Le procédé selon l'invention peut être appliqué avantageusement aux tôles en alliages métalliques à durcissement structural, notamment aux alliages d'aluminium à durcissement structural, et plus particulièrement aux alliages des séries 2xxx, 6xxx et
7xxx. Dans un mode de réalisation particulier, les tôles comprennent les éléments d'alliage suivants (en % massiques) : Zn 5,5 - 11 Mg 1,5 - 3 Cu 1,0 - 3,0.
Dans une variante de ce mode de réalisation particulier, la teneur en zinc est comprise entre 8 et 11%. Dans d'autres variantes, l'alliage comprend en plus des éléments pouvant former des dispersoïdes, c'est-à-dire un ou plusieurs éléments sélectionnés dans le groupe composé de Zr, Se, Hf, La, Ti, Ce, Nd, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Y, Yb, la teneur de chacun desdits éléments, s'il est sélectionné, étant comprise entre 0,02 et 0,7
%, et la teneur totale de ces éléments ne dépassant pas, de manière préférée, 2 %. Parmi les alliages de la série 7xxx, les alliages 7449, 7349, 7049, 7050, 7055, 7040 et 7150 sont particulièrement préférés.
Les tôles sont avantageusement de grande taille, c'est-à-dire d'une longueur supérieure à 2000 mm et préférentiellement supérieure à 5000 mm, d'une largeur supérieure à 600 mm et préférentiellement supérieure à 1200 mm. Elles ont avantageusement, avant usinage, une épaisseur supérieure à 15 mm, préférentiellement supérieure à 30 mm et encore plus préférentiellement supérieure à 50 mm.
Dans un mode de réalisation avantageux, on utilise pour la fabrication d'un élément de structure à raidisseurs intégrés pour la voilure d'un avion civil de grande capacité une tôle épaisse en alliage d'aluminium 7449 d'une épaisseur de l'ordre de 100 à 110 mm, conduisant à une ébauche préusinée d'une épaisseur maximale de l'ordre de 90 à 100 mm.
Dans un autre mode de réalisation avantageux, on utilise pour la fabrication d'un élément de structure pour peau de voilure à raidisseur intégrés une tôle épaisse d'une épaisseur de l'ordre de 30 à 60 mm, conduisant à une ébauche préusinée d'une épaisseur maximale de l'ordre de 25 à 55 mm.
Dans les alliages d'aluminium à traitement thermique, pour des épaisseurs faibles, le problème lié aux gradients des propriétés mécaniques ne se pose guère en dessous d'une épaisseur de quinze à vingt millimètres environ. Les avantages que procure la présente invention sont donc importants pour des épaisseurs supérieures à environ 30 à 40 mm, c'est-à-dire notamment pour la fabrication d'éléments structuraux de voilure.
Les opérations d'usinage pour former l'ébauche à partir de la tôle épaisse et pour fabriquer la pièce finie à partir de l'ébauche peuvent être effectuées à grande vitesse, c'est-à-dire avec une vitesse d'au moins 5000 tours par minute, et préférentiellement supérieur à 10 000 tours par minute. Le procédé selon l'invention permet de valoriser au mieux les copeaux et chutes générés lors de l'usinage. A cette fin, il convient d'éviter leur mélange avec d'autres matériaux métalliques ou non-métalliques, y compris avec d'autres alliages du même type. A titre d'exemple, dans le cas des alliages d'aluminium, il n'est pas souhaitable de mélanger les alliages du groupe 2xxx avec ceux du groupe 7xxx (désignation selon EN 573-1), et à l'intérieur du groupe 7xxx par exemple, il est préférable de séparer les alliages tels que le 7449 et le 7010 ; ceci nécessite une gestion rigoureuse des copeaux que le fabricant de la tôle forte est mieux à même d'assurer qu'un atelier d'usinage multi-matériaux. Le procédé selon l'invention, pour pouvoir être exploité avec un coût aussi bas que possible, encourage à ce que l'usinage soit effectué dans l'usine du fabricant de la tôle ou sous son contrôle industriel, et la disponibilité de chutes et copeaux, notamment en alliages 2xxx et 7xxx, parfaitement identifiés et issus d'un procédé connu, conduit à la possibilité de pouvoir recycler des fractions plus importantes des copeaux dans la fabrication de tôles fortes en alliages 2xxx et 7xxx pour application aéronautique. Pour certains alliages et produits, la demanderesse a pu ainsi incorporer jusqu'à 40 % de copeaux d'usinage dans le procédé selon l'invention, en utilisant des méthodes de traitement des copeaux collectés et du métal liquide qui sont connus de l'homme du métier. L'incorporation d'au moins 5 % de copeaux sélectivement collectés s'est avérée possible dans pratiquement tous les cas, et un taux d'au moins 15 % est préféré.
Les pièces métalliques obtenues par le procédé selon l'invention peuvent être utilisées comme élément de structure dans la construction aéronautique. A titre d'exemple , l'invention permet de réaliser des panneaux de voilure, éléments de fuselage, longerons, nervures ou caissons centraux d'ailes.
Le procédé selon l'invention a de nombreux avantages par rapport aux procédés connus. Notamment, il permet la fabrication de pièces présentant un compromis amélioré entre la tolérance aux dommages et les caractéristiques mécaniques statiques. L'homme du métier peut adapter l'état métallurgique de l'ébauche préusinée aux propriétés visées de la pièce finie, pour privilégier un gain en caractéristiques mécaniques statiques ou en tolérance aux dommages, ou pour améliorer les deux types de caractéristiques à la fois. A titre d'exemple, la demanderesse a pu obtenir avec l'alliage 7449 des pièces finies présentant une amélioration de 20 à 25 % de la ténacité Kic, sans aucune dégradation des caractéristiques mécaniques statiques. De même, par rapport au Kapp(L-τ) mesuré sur une tôle pleine à 1/8 d'épaisseur, on trouve sur une ébauche selon l'invention, mesuré entre au fond d'un canal à une profondeur d'environ 1/8 d'épaisseur, une amélioration d'environ 20 à 25%. Sur une tôle en alliage 7449, on a ainsi pu atteindre une valeur de app(L-τ) d'au moins 90 MPa m, et même d'au moins 95 MPaVm (éprouvette de type CT avec W = 75 mm selon ASTM E561-98), avec des valeurs de Rm(D mesurées en traction dépassant 550 MPa.
L'invention sera mieux comprise à l'aide des exemples, qui n'ont toutefois pas de caractère limitatif. Dans chacun de ces trois exemples, le repérage des échantillons est indépendant des autres, c'est-à-dire il n'y a pas de relation entre l'échantillon A de l'exemple 1, l'échantillon A de l'exemple 2, et l'échantillon A de l'exemple 3.
Exemple 1
Dans une tôle en alliage 7449 (composition : Zn 8,52 %, Cu 1,97 % , Mg 2,17 %, Zr 0,11 %, Si 0,05 %, Fe 0,09 %, Mn 0,03 %, Ti 0,03 %) d'une épaisseur de 101,6 mm brute de laminage à chaud, mais rivée et éboutée, on a découpé dans la pleine épaisseur trois blocs de dimension 600 mm (sens L) x 700 mm (sens TL). On a effectué un surfaçage symétrique de 10,5 mm pour obtenir des blocs d'une épaisseur de 80,5 mm.
Après détourage des faces latérales, on a préusiné dans les blocs 1 et 2 des nervures selon la figure 1, avec les dimensions suivantes (voir Tableau 1) :
Tableau 1
Le bloc 3 n'a pas été préusiné.
Les trois blocs ont été mis en solution pendant 4 heures à 472 °C avec une montée en température de 4 heures, et trempés par immersion verticale dans de l'eau froide agitée, les nervures étant orientées perpendiculairement à la surface de l'eau. On a ensuite découpé les blocs selon le plan de découpe montré sur la figure 2. Certaines des spécimens ainsi obtenus ont été soumis à un traitement de revenu de 48 h à 120 °C pour les mettre à l'état T6. D'autres spécimens ont été soumis à une traction contrôlée avec un allongement permanent de 2 %, et ensuite au même traitement de revenu que les autres spécimens, pour les mettre à l'état T651.
Ensuite, on a déterminé les caractéristiques mécaniques. Les résultats sont rassemblés dans le tableau 2.
Tableau 2
On constate que la ténacité dans l'ébauche préusinée selon l'invention augmente d'environ 10 MPa m par rapport à une pièce selon l'art antérieur, ce qui correspond à un gain d'environ 20 à 25 %, sans aucune dégradation sur les caractéristiques mécaniques statiques.
Exemple 2
Dans une tôle en alliage 7050 (composition : Zn 6,2 %, Cu 2,1 % , Mg 2,2 %, Zr 0,09
%, Si 0,04 %, Fe 0,09 %, Mn 0,01 %, Ti 0,03 %) d'une épaisseur de 95 mm brute de
laminage à chaud, mais rivée et éboutée, on a découpé dans la pleine épaisseur une tôle de dimensions 8945 mm (sens L) x 1870 mm (sens TL). On a effectué un surfaçage symétrique de 2,5 mm pour obtenir une tôle d'une épaisseur de 90 mm. On a alors usiné des nervures dans le sens L sur une longueur de 7705 mm (repère 15) centrée dans la tôle laissant une zone pleine (repères 16 et 17) à chaque extrémité (voir Figure 3). La géométrie de la section pré-usinée est décrite dans la figure 4, avec les dimensions indiquées dans le Tableau 3.
Tableau 3
La tôle a été mise en solution et puis trempée par immersion verticale dans de l'eau froide agitée, les nervures étant orientées parallèlement à la surface de l'eau. La tôle a alors été soumise à une traction contrôlée avec un allongement permanent de 2 % observé dans la zone pré-usiné et un allongement nul dans les zones pleines. On a ensuite prélevé un bloc dans la zone pré-usinée ainsi qu'un bloc dans la zone non-usinée pour caractérisation. Des ébauches ont été prélevées dans le bloc non-usiné et soumises à une traction contrôlée avec un allongement permanent de 2 à 2.5%. Une cinétique de revenu par mesure de dureté Nickers a permis de déterminer les revenus au pic qui ont été pratiqués sur la partie pré-usinée et la partie pleine (respectivement 36h à 130°C et 24h à 130°C). Des prélèvements ont été pris selon le plan de découpe de la Figure 5. Les caractéristiques mécaniques obtenues dans le voile du pré-usiné et dans la tôle pleine sont répertoriées dans le tableau 4. Le Kapp a été mesuré sur des éprouvettes de type CT avec un W égal à 75 mm (selon ASTM E561-98).
Tableau 4
On constate que la ténacité en contrainte plane KaPp (L.τ) dans l'ébauche préusinée selon l'invention augmente d'environ 14 MPaVm par rapport à une pièce selon l'art antérieur, ce qui correspond à un gain d'environ 20 à 25 %, sans aucune dégradation sur les caractéristiques mécaniques statiques.
Exemple 3 Dans une tôle en alliage 7449 (composition : Zn 8,8 %, Cu 1,8 % , Mg 1,8 %, Zr 0,12 %, Si 0,04 %, Fe 0,06 %, Mn 0,01 %, Ti 0,03 %) d'une épaisseur de 90 mm brute de laminage à chaud, mais rivée et éboutée, on a découpé dans la pleine épaisseur une tôle de dimensions 9950 mm (sens L) x 2000 mm (sens TL). Cette tôle a été découpée dans la longueur (sens L) de façon à obtenir une première tôle de dimensions 9950 mm (sens L) x 775 mm (sens TL) et une seconde tôle de dimensions 9950 mm (sens L) x 1225 mm (sens TL). Pour cette seconde tôle, on a alors usiné des nervures dans le sens L sur une longueur de 8400 mm centré dans la tôle laissant une zone pleine à chaque extrémité (voir Figure 3). La géométrie de la section pré-usinée est décrite dans la Figure 4, avec les dimensions indiquées dans le Tableau 3.
Tableau 5
La tôle de pleine épaisseur et la tôle pré-usinée ont été mises en solution puis trempées par immersion verticale dans de l'eau froide agitée, les nervures étant orientées parallèlement à la surface de l'eau. Les deux tôles ont alors été soumises à une traction contrôlée avec un allongement permanent de 2 à 2.5 % (observé dans la zone pré-usiné pour la tôle pré-usinée). On a ensuite prélevé un bloc dans la tôle pré-usinée ainsi qu'un bloc dans la tôle de pleine épaisseur pour caractérisation. Des prélèvements ont été pris selon le plan de découpe de la Figure 6. Plusieurs revenus ont été appliqués afin d'évaluer les gains liés au pré-usinage. Les caractérisations effectuées dans le voile du pré-usiné et à 1/8 d'épaisseur sous la surface de la tôle pleine sont répertoriées dans le tableau 6.
Tableau 6
La même éprouvette que celle décrite dans l'exemple 2 a été utilisée pour les mesures de ténacité.
On constate que la ténacité en contrainte plane selon l'orientation L-T (KaPP ( -τ)) dans l'ébauche préusinée selon l'invention augmente entre 8 et 18 MPaVm selon le revenu pratiqué par rapport à une pièce selon l'art antérieur, ce qui correspond à un gain d'environ 10 à 25 %, sans aucune dégradation sur les caractéristiques mécaniques statiques et la corrosion exfoliante.