Dérivés zwitterioniques de benzoquinonemonoimines, compositions colorantes les contenant et utilisations de ces dernières.
La présente invention concerne le domaine de la chimie organique de synthèse et a pour objet de nouveaux dérivés zwitterioniques de benzoquinonemonoimines, les compositions les contenant et leurs utilisations comme colorants, en particulier comme colorants capillaires. A l'heure actuelle, l'élaboration d'un nouveau colorant nécessite des efforts importants en matière de recherche, compte tenu des nombreux composés déjà existant ainsi que de la diversité des problèmes techniques pratiques à résoudre.
Un problème particulièrement crucial dans le domaine des colorants est celui de la substantivité, c'est-à-dire l'aptitude d'un colorant à être fixé sur la fibre, par exemple textile ou capillaire, sans l'intervention d'un mordant. Pour des raisons, notamment, de commodité d'emploi et de réduction des coûts, bon nombre de travaux de recherche ont porté sur l'augmentation de la substantivité de molécules existantes voire sur la création de nouveaux composés présentant des substantivités plus élevées.
Il a ainsi été proposé d'utiliser des tensioactifs cationiques pour faciliter l'adsorption des colorants sur la fibre kératinique du cheveu et ainsi augmenter la substantivité de certains colorants connus.
Il a notamment été découvert que les propriétés de substantivité d'un grand nombre de colorants acides pouvaient être considérablement modifiées par complexation desdits colorants avec un dérivé tensio-actif cationique. Le complexe anion-cation obtenu, dans lequel la charge positive et la charge négative sont portées par les deux entités chimiques différentes formant le complexe, se comporte alors comme un colorant dont la substantivité peut être beaucoup plus marquée que celle du colorant acide de départ, permettant de colorer la fibre dans des conditions d'unisson que l'on rencontre assez rarement.
Toutefois, les complexes anion-cation présentent l'inconvénient majeur d'être généralement insolubles dans les solvants habituellement utilisés, si bien qu'il est indispensable de les disperser ou de les solubiliser avec un agent tensio-actif qui sera le plus souvent non-ionique.
Il en résulte que la formulation de compositions colorantes contenant un ou plusieurs complexes anion-cation est particulièrement délicate. De plus, le complexe doit être le plus proche possible de sa
composition équimolaire pour présenter une substantivité maximale et parfaitement redissout dans un solvant non polaire. Si ce dernier est présent en quantité insuffisante, le complexe anion-cation aura tendance à se plaquer sur la fibre en donnant des colorations opaques, très irrégulières et peu résistantes au frottement.
Si le solvant est en excès, l'affinité du colorant pour la fibre est considérablement diminuée, le coefficient de partage du colorant anion- cation jouant en faveur de la solution, aux dépens du cheveu.
Par ailleurs, certaines des compositions connues destinées à la coloration permanente des cheveux nécessitent l'utilisation d'un oxydant séparé qui est mélangé au précurseur du colorant afin d'obtenir la masse colorante proprement dite. Or, de telles compositions à oxydants séparés sont d'une mise en œuvre peu pratique, le mélange des différents composants ainsi que l'application du mélange colorant obtenu devant être réalisés dans des conditions bien précises afin de pouvoir garantir une coloration réussie.
A cela s'ajoute le problème que les oxydants ou autres réactifs chimiques qui sont employés dans les compositions précitées connues sont souvent des substances irritantes et/ou corrosives et présentent donc un risque pour la santé des personnes qui sont amenées à être en contact direct ou indirect avec lesdites substances. Il en résulte que les risques d'allergies ou de brûlures sont loin d'être négligeables pour ce type de produits.
Il existe par conséquent un besoin réel pour une composition colorante qui, à résultats équivalents ou supérieurs, puisse s'affranchir de l'utilisation de réactifs chimiques problématiques, tels que des oxydants.
Le problème posé à la présente invention consiste par conséquent à pallier au moins certains des inconvénients précités.
A cette fin elle a pour objet des composés zwitterioniques de formule générale I
dans laquelle R représente un groupement alkyle ou aryle.
La présente invention a également pour objet l'utilisation d'un composé conforme à l'invention comme colorant, comme colorant permanent ou semi-permanent et en particulier comme colorant capillaire, notamment pour la teinture des cheveux. Elle a encore pour objet une composition comprenant au moins un composé selon l'invention comme substance colorante.
L'invention sera mieux comprise grâce à la description ci-après, qui se rapporte à des modes de réalisation préférés, donnés à titre d'exemples non limitatifs. Dans un premier aspect, la présente invention a pour objet les composés zwitterioniques de formule générale I :
dans laquelle R représente un groupement alkyle ou aryle. Sauf indication contraire, les termes suivants utilisés dans la présente description et le présent jeu de revendications ont les significations suivantes :
- « alkyle » désigne un radical hydrocarbure monovalent saturé linéaire ayant de 1 à 10 atomes de carbone ou un radical hydrocarbure monovalent saturé ramifié ayant de 3 à 15 atomes de carbone, par exemple, méthyle, éthyle, propyle, 2-propyle, tertiobutyle, etc.
- « aryle » désigne un radical hydrocarbure aromatique de type phényle éventuellement substitué, c'est-à-dire un groupe phényle qui est éventuellement substitué indépendamment avec un ou plusieurs substituants choisis parmi le groupe formé par un groupement alkyle (tel que précédemment défini), amino, hydroxy, alkoxy obtenu à partir d'un groupement alkyle tel que précédemment défini, aryloxy obtenu à partir d'un groupement aryle tel que précédemment défini ou phosphino.
Plus préférentiellement, la présente invention a pour objet les composés de formule générale I dans laquelle R représente un groupement phényle.
Selon un autre mode de réalisation, les composés de formule générale I sont caractérisés en ce que R représente un groupement méthyle, éthyle, propyle, isopropyle, butyle ou un groupement tertiobutyle.
De manière avantageuse, le composé selon l'invention est caractérisé en ce que R représente préférentiellement un groupement éthyle. Selon une autre caractéristique R représente préférentiellement un groupement tertiobutyle.
Grâce à la structure dipolaire des nouveaux dérivés zwitterioniques de formule générale I proposés dans le cadre de la présente invention, ces derniers se lient beaucoup plus facilement et plus durablement aux produits à colorer, par exemple à la kératine du cheveu, sans présenter les inconvénients des complexes anion-cation connus.
En effet, les inventeurs ont mis en évidence de manière surprenante et inattendue qu'en fonctionnalisant des composés de la famille des benzoquinonemonoimines, en particulier par substitution symétrique des atomes d'azote, il était possible d'obtenir des dérivés synthétiques parfaitement solubles dans les solvants couramment utilisés dans le domaine de la coloration présentant une augmentation significative de la substantivité pour les produits ou fibres à colorer, en particulier pour la kératine présente dans les cheveux.
Sans vouloir se lier à une théorie bien particulière, les inventeurs estiment que les nouvelles propriétés inattendues et surprenantes des composés selon l'invention résultent principalement du fait que la charge positive et la charge négative présentes dans les composés I sont situés sur la même entité chimique.
En effet, comme on peut le constater, tous les composés de formule générale I présentent sur la même molécule, à la fois une charge positive et une charge négative. Ce sont donc bien des zwitterions (ions ampholythiques). Comme le montre la formule générale I, la charge négative est délocalisée sur la partie supérieure dudit cycle entre les atomes d'oxygène alors que la charge positive est délocalisée entre les atomes d'azote substitués dans la partie inférieure dudit cycle.
La présente invention décrit différentes voies de synthèse, qui se rapportent à des modes de réalisation préférés, donnés à titre d'exemples non limitatifs.
Les composés de départ peuvent être obtenus dans le commerce ou synthétisés selon les procédés habituels. Il est entendu que la présente demande n'est pas limitée à une voie de synthèse particulière, et s'étend à d'autres procédés permettant l'élaboration des composés indiqués. Les composés de formule générale I sont, par exemple, préparés comme indiqué ci-après. La synthèse proprement dite est effectuée en deux étapes parfaitement contrôlées et permettant d'accéder à des composés totalement caractérisés.
Ainsi, du tétrahydrochlorure de tétraaminobenzène est placé dans de l'acétonitrile sous atmosphère inerte en présence d'un excès de triéthylamine. On ajoute lentement le chlorure d'acide RCOC1 à la solution à température ambiante. Le précipité formé est éliminé par filtration et le filtrat est évaporé à sec sous pression réduite. Le résidu obtenu est alors purifié par chromatographie sur colonne de silice. La réduction du composé précédemment obtenu s'effectue en présence d'un excès de LiAlH après 4 à 6 heures d'agitation sous reflux avec du tétrahydrofurane. L'excès de LiAlH4 est détruit en ajoutant une solution aqueuse de méthanol.
Le composé I est alors obtenu sous la forme d'un solide cristallin après purification par chromatographie sur colonne de silice.
Les composés I obtenus ont montré une parfaite stabilité à air, à l'état solide et en solution.
Des exemples pratiques précisant les conditions opératoires de réaction sont décrits ci-après.
Exemple 1 : synthèse du composé I avec R=phényle
On effectue la réaction décrite ci-dessus en plaçant du tétrahydrochlorure de tétraaminobenzène (0,5 g ; 1,76 mmoles) dans de l'acétonitrile (100 ml) sous atmosphère inerte et en présence d'un excès de triéthylamine (5 ml). On ajoute lentement 0,817 ml (7,04 mmoles) de chlorure de benzoyle à la solution à température ambiante. Le précipité blanc formé (m=0,72 g) est éliminé par filtration sur Bϋchner et le filtrat est évaporé à sec sous pression réduite. Le résidu obtenu est alors purifié par chromatographie sur colonne de silice afin d'isoler l'intermédiaire réactionnel attendu (m^O^g).
La réduction du composé précédemment obtenu s'effectue en présence d'un excès de LiAlH4 (0,239 g ; 6,30 mmoles) après 4 heures d'agitation sous reflux de tétrahydrofurane. L'excès de LiAlH4 est détruit en ajoutant une solution aqueuse de méthanol (10 ml). Le composé I (R=phényle) est alors obtenu sous la forme d'un solide cristallin (0,10 g) après purification par chromatographie sur colonne de silice.
On obtient un solide de couleur jaune-brun caractérisé comme suit :
solide jaune-brun
MM (C2oH18N2θ2) : 318 g/mole masse : 0,10 g Rdt. : 50 %
RMN lH (300 MHz, CDC13) : δ-4,61 (s, 4H) ; 5,29 (s, IH, C=C-H) ; 5,51 (s, IH, C=C-H) ; 7,50 (m, 10H, aromatique) ; 8,50 (s, 2H, N-H).
Exemple 2 : synthèse du composé I avec R=tertiobutyle
On effectue la réaction décrite ci-dessus en plaçant du tétrahydrochlorure de tétraaminobenzène (1,00 g ; 3,52 mmoles) dans de l'acétonitrile (100 ml) sous atmosphère inerte et en présence d'un excès de triéthylamine (5 ml). On ajoute lentement 1,73 ml (14,08 mmoles) de chlorure de triméthylacétyle à la solution à température ambiante. Le précipité blanc formé (111=1,20 g) est éliminé par filtration sur Bϋchner et le filtrat est évaporé à sec sous pression réduite. Le résidu obtenu est alors purifié par chromatographie sur colonne de silice afin d'isoler l'intermédiaire réactionnel attendu (m=0,43 g).
La réduction du composé précédemment obtenu s'effectue en présence d'un excès de LiAlH (0,343 g ; 9,03 mmoles) après 4 heures d'agitation sous reflux de tétrahydrofurane. L'excès de LiAlH est détruit en ajoutant une solution aqueuse de méthanol (10 ml). Le composé I (R=tertiobutyle) est alors obtenu sous la forme d'un solide cristallin (0,18 g) après purification par chromatographie sur colonne de silice.
On obtient un solide de couleur pourpre caractérisé comme suit :
solide pourpre MM (C16H26N202) : 278 g/mole masse : 0, 1 S g Rdt. : 70 %
RMN 1H (300 MHz, CDC13) : δ=l,04 (s, 18H, CH3) ; 3, 13 (d, 4H, CH2) ; 5,16 (s, IH, OC-H) ; 5,47 (s, IH, C=C-H) ; 8,38 (s, 2H, N-H)
Cristallographie : monoclinique, groupe spatial P2j/c ; a=12,9221(7) À, b=19,696(l) À, c=13,3065(8) A, β= 101,231(5)°, V=3321,9(7) A3, Z=8, μ(Mo-Kα)=0,073 mm"1 , T=294 K, 1891 réflexions avec I>3σ(D, R final = 0,039, Rw=0,041 , GOF=1,035.
SM (El, 70 eV) m/z : 278 [M+]
Dans un second aspect, la présente invention a pour objet l'utilisation d'un composé comme colorant, en particulier comme colorant permanent ou semi-permanent, et plus particulièrement pour la fabrication d'un colorant capillaire, notamment pour la teinture de cheveux.
Les inventeurs ont trouvé que les composés I dans lesquels R représente un groupement aryle ou un groupement alkyle avec un nombre d'atomes de carbone supérieur à 4 étaient, en raison de la nature et de la taille du substituant R, particulièrement adaptés pour la fabrication d'un colorant permanent.
La présente invention concerne donc également l'utilisation d'un composé selon l'invention dans lequel R est un groupement aryle ou un groupement alkyle avec un nombre d'atomes de carbone supérieur à 4 comme colorant permanent.
A l'opposé, les inventeurs ont également trouvé que les composés I dans lesquels R représente un groupement alkyle avec un nombre d'atomes de carbone inférieur ou égal à 4 tel que méthyle, éthyle, propyle, iso-propyle ou tertiobutyle étaient, également en raison de la
nature et de la taille du substituant R, particulièrement adaptés pour la fabrication d'un colorant semi-permanent.
La présente invention concerne donc aussi bien l'utilisation d'un composé selon l'invention dans lequel R est un groupement alkyle avec un nombre d'atomes de carbone inférieur ou égal à 4, comme colorant semi-permanent
L'adjectif «semi-permanent » signifie que la coloration résiste à 4 ou 5 lavages en s 'estompant très lentement et très régulièrement.
L'adjectif «permanent » signifie que la coloration est fixée pour une durée de plusieurs semaines voire de plusieurs mois en ce qui concerne les cheveux ou plus pour d'autres produits.
Contrairement à certains colorants connus de l'état de la technique qui ne sont en réalité que des précurseurs de colorants et qui nécessitent une transformation physique et/ou chimique avant de pouvoir être utilisés comme substances colorantes proprement dites, les composés I selon l'invention possèdent directement toutes les propriétés et qualités d'un colorant et peuvent être utilisés tels quels lorsqu'ils sont présents dans un solvant ou sur un support adéquats.
De plus, les nouveaux principes actifs de formule I pour la coloration ou la teinture de fibres, notamment de fibres capillaires sont à la fois très solubles dans la plupart des solvants non polaires et présentent une substantivité élevée pour lesdites fibres ou produits à colorer.
Pour les raisons précédemment indiquées, les composés I de la présente invention sont particulièrement intéressants en ce qui concerne leur utilisation comme colorants capillaires ou produits cosmétiques destinés à la coloration ou recoloration des cheveux.
La présente invention concerne donc aussi l'utilisation d'un composé selon l'invention comme colorant capillaire.
Par ailleurs, les composés I de la présente invention sont également intéressants en ce qui concerne leur utilisation pour la coloration ou la recoloration de toutes sortes d'autres fibres, et notamment, sans qu'il s'agisse ici d'une limitation quelconque, de fibres textiles synthétiques ou naturelles, de fibres cellulosiques (mouchoirs, papiers, cartons...) ou d'autres produits tels que les cuirs, les fourrures.... La présente invention fournit également des compositions colorantes caractérisées en ce qu'elles comprennent au moins un composé de formule générale I comme substance colorante.
Grâce à la présence des composés I, ces compositions ne nécessitent aucun additif chimique problématique supplémentaire pour former le colorant et sont de ce fait d'un emploi plus facile et plus sûr.
En particulier, les compositions conformes à la présente invention peuvent se passer de substances mal tolérées, telles que des substances corrosives ou irritantes (par exemple certains oxydants), allergisantes, desséchantes...
Les compositions colorantes ou cosmétiques selon l'invention sont formulées de manière habituelle et peuvent contenir, outre les composés I colorés, tous les ingrédients, excipients ou véhicules communément employés (solvants, agents tensioactifs, émulsifiants, stabilisateurs, conservateurs, colorants, parfums...) dans ce domaine, ce dans toutes les proportions possibles et dans la mesure où les substances ajoutées restent cosmétiquement acceptables si la composition colorante est destinée à un usage cosmétique.
Par excipient « acceptable » sur le plan cosmétique l'on désigne une substance qui est utile dans la préparation d'une composition cosmétique qui est suffisamment stable et qui ne présente pas de risque biologique ou autre pour l'utilisateur, aussi bien chez l'homme que chez l'animal.
Grâce aux composés I et aux compositions de la présente invention, il devient également possible d'obtenir des produits colorés variés dont la coloration est au moins aussi bonne sur le plan esthétique (homogénéité et aspect de la coloration, variété et reproductibilité dans le choix de la teinte) que sur le plan physico-chimique (fixation, stabilité dans le temps, résistance aux agressions extérieures comme les frottements, les lavages, la pluie, les rayonnements solaires...) que celle obtenue grâce aux produits non zwitterioniques connus.
Bien entendu, l'invention n'est pas limitée aux modes de réalisation décrits. Des modifications restent possibles, notamment du point de vue de la constitution des divers éléments ou par substitution d'équivalents techniques, sans sortir pour autant du domaine de protection de l'invention.