OLIGONUCLEOTIDES IMMUNOSTIMULANTS
La présente invention est relative au domaine des immunostimulants. Plus particulièrement, l'invention concerne des oligonucléotides capables de stimuler des cellules humaines intervenant dans le système immunitaire, et à leur utilisation comme adjuvant vaccinal.
Un grand nombre d'oligonucléotides ont déjà été décrits dans l'art antérieur, en relation avec leurs propriétés immunostimulantes. Ainsi, la demande EP 0 468 520 décrit des polynucleotides immunostimulants constitués par un simple brin d'ADN linéaire comprenant de 10 à 100 nucléotides s'enchaînant selon une séquence palindromique.
Selon la demande WO 96/02 555, l'activité immunostimulatrice d'oligonucléotides est liée à la présence d'une séquence dinucléotique 5' CG 3', dans laquelle C n'est pas méthylée, l'activité immunostimulante étant plus forte si le motif CG est précédé en 5' du dinucleotide GA et / ou suivi en 3' du dinucleotide TC ou encore TT.
Au contraire, selon la demande de brevet WO 98/52 962, il n'est pas nécessaire que la séquence de l'oligonucleotide soit un palindrome, ni qu'elle comprenne le dinucleotide CG ; en effet, les 3 nucléotides décrits dans cette demande pour une utilisation en tant qu'adjuvant vaccinal ont les séquences suivantes : 5' GACGTT 3', 5' GAGCTT 3', ainsi que 5' TCCGGA 3'.
Selon le brevet US 5,663,153, l'activité immunostimulante d'oligonucléotides n'est pas liée à la séquence des nucléotides, mais à la nature de la liaison entre nucléotides, la présence d'au moins une liaison phosphorothioate permettant d'induire une réponse locale du système immunitaire.
La plupart des tests de l'art antérieur pour évaluer l'activité immunostimulante des oligonucléotides proposés, sont effectués soit in vitro sur des cellules animales (essentiellement des cellules murines), soit in vivo sur des souris. Cependant, les
différences existant entre le système immunitaire de la souris et celui de l'être humain, ont conduit à des différences entre les résultats obtenus sur des cellules murines et ceux obtenus sur des cellules humaines.
Or l'industrie pharmaceutique a un grand besoin d'immunostimulants pouvant être administrés à l'homme, notamment dans le domaine des vaccins.
La présente invention a donc pour but de proposer des oligonucléotides capables de stimuler des cellules du système immunitaire de l'être humain.
Pour atteindre ce but, l'invention a pour objet un oligonucleotide capable de stimuler des cellules humaines du système immunitaire caractérisé en ce qu'il comprend au moins une séquence 5' GAGAATTCTTTACC l l l l AT 3' dans laquelle
T est la Thymine, A est l'Adénine, C est la Cytosine, et G la Guanine, et en ce qu'il est dépourvu de dinucleotide CG dans lequel la Cytosine C ne serait pas méthylée.
Selon une caractéristique de l'invention, l'oligonucleotide comprend de 15 à 100 nucléotides.
Selon une autre caractéristique, l'oligonucleotide selon l'invention est capable d'induire la prolifération des lymphocytes humains.
Selon une autre caractéristique, l'oligonucleotide selon l'invention est capable d'accroître l'expression des marqueurs d'activation CD25, CD69 et CD86 sur les lymphocytes B humains. L'invention concerne également l'utilisation d'un tel oligonucleotide pour la fabrication d'un médicament.
L'invention a également pour objet un adjuvant vaccinal caractérisé en ce qu'il comprend au moins un oligonucleotide capable de stimuler des cellules humaines du système immunitaire possédant au moins une séquence
5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' dans laquelle T est la Thymine, A est l'Adénine, C est la Cytosine, et G la Guanine, et en ce qu'il est dépourvu de dinucleotide CG dans lequel la Cytosine C ne serait pas méthylée. L'invention a également pour objet une composition vaccinale à usage humain comprenant au moins un antigène vaccinal caractérisée en ce qu'elle comprend en outre au moins un oligonucleotide capable de stimuler des cellules humaines du système immunitaire possédant au moins une séquence
5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' dans laquelle T est la Thymine, A est l'Adénine, C est la Cytosine, et G la Guanine, et en ce qu'il est dépourvu de dinucleotide CG dans lequel la Cytosine C ne serait pas méthylée .
La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description qui va suivre, en référence aux figures 1 et 2 qui illustrent les résultats obtenus lors des tests décrits aux exemples 1 et 2.
Par oligonucleotide au sens de la présente invention, on entend un polynucléotide comprenant au moins 15 nucléotides. La limite supérieure de la taille des oligonucléotides n'est pas vraiment déterminée. On peut cependant noter que, plus l'oligonucleotide sera long, plus sa purification sera difficile à effectuer lors des étapes de synthèse , et plus le prix de revient en sera élevé. D'autre part, il est probable qu'un oligonucleotide de grande longueur aura plus de difficultés à pénétrer dans les cellules. Aussi, pour les besoins de la présente invention, on considère qu'une limitation de la taille de l'oligonucleotide à 100 nucléotides est appropriée. Cet oligonucleotide est de préférence un oligonucleotide simple brin; il peut s'agir d'un oligodésoxyribonucléotide ou d'un oligoribonucleotide. On a obtenu de particulièrement bons résultats en utilisant un oligodésoxyribonucléotide. Les oligonucléotides convenant aux fins de l'invention peuvent se présenter sous forme de phosphodiester ou, afin d'être plus stables, sous forme de phosphorothioates ou d'hybrides phosphodiester / phosphorothioates. Les oligonucléotides phosphorothioates sont ceux préférés.
L'oligonucléotide selon l'invention est capable de stimuler des cellules humaines du système immunitaire, telles que les lymphocytes B, les lymphocytes T, les monocytes et les cellules dendritiques. Cette stimulation est appréciée notamment par la lymphoprolifération ou par l'expression de marqueurs d'activation, tels que les marqueurs CD25 , CD69 et CD86 sur les lymphocytes B. Il est possible de sélectionner les oligonucléotides d'intérêt au moyen de tests différents de ceux proposés dans la présente demande, à condition cependant qu'il s'agisse de tests évaluant la capacité de stimulation de cellules humaines, et non pas comme dans la plupart des documents de l'art antérieur, de tests évaluant la capacité de la stimulation de cellules murines. Il serait notamment possible de tester l'expression d'autres marqueurs d'activation des lymphocytes, ou l'expression de marqueurs de prolifération tels que le marqueur KI67; des tests relatifs à l'augmentation des marqueurs d'activation et de maturation des cellules dendritiques pourraient également être utilisés. De même, des tests permettant l'appréciation de l'augmentation de production de certaines cytokines peuvent également être utilisés.
Selon une caractéristique de l'invention, l'oligonucleotide comprend au moins une séquence nucléotidique 5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' dans laquelle T signifie Thymine, C Cytosine, G Guanine, et A Adénine. Cette séquence peut être 5' terminale, 3' terminale ou être entourée par d'autres nucléotides. Elle peut être unique ou répétée plusieurs fois à l'identique à l'intérieur d'un même oligonucleotide
Selon l'invention, l'oligonucleotide ne comporte pas forcément de séquence palindromique. Malgré cette absence de séquence palindromique, un tel oligonucleotide est capable de stimuler des cellules humaines du système immunitaire.
Selon une caractéristique, l'oligonucleotide selon l'invention est dépourvu de dinucleotide CG dans lequel la Cytosine ne serait pas méthylée. La capacité des oligonucléotides de l'art antérieur à être immunostimulants a presque toujours été interprétée comme liée à la présence de motifs CpG non méthylés (Cf. notamment l'article de K eg et al dans Nature d'avril 1995 cité ci-dessus), cette interprétation étant en cohérence avec l'observation selon laquelle la fréquence de ce dinucleotide
était environ 4 fois plus importante dans le génome des bactéries que dans celui des vertébrés. De façon surprenante, on a maintenant trouvé que des oligonucléotides entièrement dépourvus de ce motif dinucléotidique étaient cependant parfaitement capables de stimuler les cellules du système immunitaire humain.
Selon une caractéristique particulière, l'oligonucleotide selon l'invention est dépourvu ou appauvri en séquence nucléotidique capable d'inhiber les cellules du système immunitaire humain. En effet, afin d'obtenir un effet global immunostimulant, si des motifs inhibiteurs ou neutralisants tels que, par exemple, ceux décrits dans la demande WO 98/52 581 sont présents, il faut que leur effet soit supprimé ou réduit, grâce à la présence d'une séquence à effet immunostimulant plus prononcé, ou grâce à la présence d'un plus grand nombre de séquences selon l'invention.
La présente invention a également pour objet un adjuvant vaccinal comprenant au moins un oligonucleotide immunostimulant ayant au moins un motif 5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' tel que mentionné ci-dessus. Par adjuvant vaccinal, on entend un produit qui permet d'accroître ou de modifier la réponse du système immunitaire d'un organisme vis à vis de l'administration d'un antigène. En particulier, il peut s'agir d'une augmentation de la réponse humorale ou de la réponse cellulaire.
L'action d'un adjuvant vaccinal peut également être, non pas une augmentation de la réponse qui se produirait en l'absence d'adjuvant, mais une orientation différente de la réponse produite : par exemple, orientation vers une réponse cellulaire plutôt qu'une réponse humorale, production de certaines cytokines plutôt que d'autres, production de certains types ou sous-types d'anticorps plutôt que d'autres, stimulation de certaines cellules plutôt que d'autres, etc..
L'oligonucleotide immunostimulant de la présente invention peut être utilisé comme adjuvant vaccinal quelle que soit la nature de l'antigène administré et quel que soit le nombre de valences utilisées. Il peut être le seul adjuvant utilisé ou, au contraire, être un élément d'une combinaison adjuvante.
L'action adjuvante de l'oligonucleotide selon l'invention peut être obtenue, soit lorsqu'il est associé à l'antigène ou aux antigènes lors de leur administration, i.e. lorsqu'ils font partie de la même composition vaccinale, soit lorsqu'il est administré séparément de l'antigène ou des antigènes. On préfère cependant l'utiliser dans la même composition vaccinale que l'antigène ou les antigènes à administrer.
L'oligonucleotide selon l'invention peut avantageusement être administré par toutes les voies susceptibles d'être utilisées pour une composition vaccinale: voie muqueuse ou voie systémique.
L'un des objets de l'invention est une composition vaccinale comprenant au moins un oligonucleotide immunostimulant ayant une séquence 5* GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' telle que décrite ci-dessus.
Une composition vaccinale selon l'invention peut être destinée à l'immunisation contre une seule maladie, ou destinée à l'immunisation contre plusieurs maladies. Il peut s'agir d'une composition vaccinale liquide ou lyophilisée. Elle peut comprendre, outre les antigènes, tout ou partie des composants habituellement présents dans un vaccin : tampons, stabilisants, conservateurs, ... Elle peut également comprendre un ou plusieurs adjuvant(s) autre(s) que ceux objets de la présente invention. Elle peut également comprendre plusieurs adjuvants objets de la présente invention, constitués soit par des oligonucléotides ayant tous le même motif
5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3' mais se différenciant par les nucléotides en 5' et/ou en 3', soit par des oligonucléotides ayant des motifs 5' GAGAATTCTTTACC I l l l AT 3' différents, dont les séquences en 5' et en 3' sont identiques ou différentes.
La composition vaccinale selon l'invention peut être destinée à une administration prophylactique ou à une administration thérapeutique.
La composition vaccinale selon l'invention peut être formulée de manière à optimiser l'action adjuvante de l'oligonucleotide objet de l'invention. Ainsi, l'oligonucleotide peut être couplé à un lipide, tel que le cholestérol ; il peut être intégré dans une émulsion de type huile / eau ou formulé sous forme de liposomes.
Les exemples qui suivent illustrent des modes de réalisation particuliers de la présente invention.
Exemple 1 :
Synthèse des oligonucléotides
On prépare un oligonucleotide dont la séquence est la suivante: 5' GAGAATTCTTTACCTTTTAT 3'. La synthèse est réalisée au moyen d'un automate synthétiseur fourni par Applied Biosystems qui met en œuvre la méthode chimique standard au phosphoramidite et qui comporte à chaque cycle une étape d'oxydation, qui est réalisée au moyen d'une solution tétraéthylthiuram / acétonitrile pour obtenir une liaison phosphorothioate.
On prépare en outre, de la même façon, un oligonucleotide A15(S) qui ne comprend que des A et qui est phosphorothioate sur toute sa longueur. Cet oligonucleotide est un témoin négatif car il n'entraîne ni prolifération ni augmentation de l'expression des marqueurs d'activation sur les lymphocytes B.
On prépare également un oligonucleotide 1d(S) dont la séquence est identifiée dans la demande de brevet WO96/02555 et est la suivante^' GCATGACGTTGAGCT 3'; cet oligonucleotide comporte des liaisons phosphorothioates sur toute sa longueur et est utilisé comme témoin positif.
Tous les oligonucléotides sont maintenus en solution dans du tampon PBS
Exemple 2 :
Test de Lvmphoprolifération
On isole des lymphocytes à partir du sang périphérique d'un donneur, en procédant à une centrifugation sur un gradient de Ficoll. Ces lymphocytes sont ajustés à
4.106 cellules / ml dans du milieu de culture AIMV additionné de Glutamine, de Streptomycine et de Pénicilline.
Les cellules sont distribuées en plaques 96 puits (fond rond) sous 100 μl, soit 2.105 cellules par puits. On ajoute ensuite 100μl d'une solution 4μM (ou d'une solution O.δμM, ou encore d'une solution 0.16μM) des oligonucléotides à tester produits à l'exemple 1 (1 seul type d'oligonucléotide par puits) afin d'obtenir une concentration finale soit de 2 μM, soit de 0.4μM,soit de 0.08μM.
Après incubation 3 jours d'incubation à 37°C en atmosphère humide à 5% de C02,on ajoute de la thymidine tritiée (Amersham TRK 120) préalablement diluée dans du milieu de culture , à raison de 1 μCi par puits sous 50 μl. Après 7 à 8 heures d'incubation à l'étuve (5% C02, 37°C), les plaques peuvent être congelées à -80°C et traitées plus tard. A l'aide du "Harvester", on récolte le contenu des puits sur des plaques Unifilter GF/C et on réalise 6 lavages en eau distillée puis un lavage en éthanol 70% afin de précipiter l'ADN.
Après séchage des plaques, 25 μl de liquide scintillant (Microscint-40, Packard) sont distribués dans chaque puits et permettent de quantifier la radioactivité (rayonnements émis par le tritium) en mesurant le nombre de coups / minute (cpm) émis par chaque puits sur le compteur Top Count (Packard).
Les résultats obtenus pour chacun des oligonucléotides testés sont représentés sur la figure 1 , qui indique, pour chaque oligonucleotide testé l'indice de stimulation IS. Cet indice IS est calculé de la façon suivante:
IS= (CPM de l'oligonucleotide testé - CPM du contrôle milieu)/ CPM contrôle milieu. On remarque que l'oligonucleotide selon l'invention (3DbTT) qui ne comprend pas de dinucleotide CG est capable d'induire une prolifération des lymphocytes humains identique à celle mesurée pour l'oligonucleotide de l'art antérieur (3Db) comprenant un dinucleotide CG. Par contre, les résultats du contrôle négatif (A15) sont bien négatifs.
Exemple 3 :
Test relatif aux marqueurs d'activation
Le test est effectué à partir de lymphocytes isolés d 'un donneur comme décrit à l'exemple précédent, et ajustés à 2.106 cellules/ml dans le même milieu de culture.
Les lymphocytes sont ensuite incubés dans des tubes en polypropylène de 14ml à raison de 2ml/tube. On ajoute dans chaque puits une quantité d'oligonucléotides à tester préparés à l'exemple 1 (1 oligonucleotide / tube) suffisante pour obtenir une concentration en oligonucleotide 2 μM. Après 3 jours d'incubation, les cellules sont réparties en 3 tubes micronic à raison de 106 cellules par tube. Après centπ'fugation, les cellules sont remises en suspension dans 100μl de tampon IF (ImmunoFluorescence) composé de PBS 0.1 % BSA 0.01 % Azide de sodium. On procède ensuite au marquage des cellules en ajoutant 5 μl de chacun des anticorps fluorescents suivants: tube 1 : CD20 P CD69 FITC tube 2: CD20 PE/ CD25 FITC - tube 3: CD20 PE/ CD86 FITC
Le CD20 est un marqueur des lymphocytes B.
Le CD69 est un marqueur d'activation précoce des lymphocytes B et T.
Le CD25 est un récepteur de l'Interleukine 2.
Le CD86 est une molécule de costimulation B7-2. Après % heure d'incubation à 4°C; les cellules sont lavées et remises en suspension en tampon IF additionné de 0.5% de formol. Les cellules sont analysées sur un cytofluorimètre (FACScan) en double marquage, avec une fenêtre d'étude sur 5000 cellules CD20+ (lymphocytes B).
Les résutats obtenus sont illustrés sur la Figure 2 qui indique, pour chaque oligonucleotide testé, le %age de lymphocytes B exprimant l'un des marqueurs testés.
On constate que l'oligonucleotide selon l'invention ne contenant pas de motif CG est capable d'induire une augmentation de l'expression de certains marqueurs d'activation
( CD25, CD69, CD86) sur les lymphoctes B identique à celle mesurée pour l'oligonucleotide de l'art antérieur comprenant un tel dinucleotide CG. En effet, le pourcentage de lymphocytes B exprimant de tels marqueurs est du même ordre dans les 2 cas. Par contre, la séquence composée de 15 A a un pourcentage de lymphocytes B activés nettement plus faible.