PROCEDE DE ROUISSAGE ENZYMATIQUE CONTROLE
DE FIBRES LIBERIENNES ET SOLUTION DE
ROUISSAGE ENZYMATIQUE La présente invention concerne un procédé de rouissage enzymatique contrôlé de fibres libériennes telles que, notamment, le lin, le chanvre et le jute, permettant de réaliser la libération des fibres cellulosiques, de façon à fournir une matière première exploitable en filature évitant certains traitements supplémentaires d'ordre mécanique chimique ou biologique. La présente invention concerne également une solution enzymatique permettant de mettre en oeuvre le procédé de rouissage enzymatique.
On sait en effet que les fibres cellulosiques sont liées, à la périphérie de leur tige naturelle, par des céments constitués essentiellement de pectines et de polysaccharides neutres. L'opération de rouissage, qui consiste à réaliser la libération des fibres cellulosiques des autres constituants, s'effectue, de façon traditionnelle, sur champ, les micro- organismes du sol se propageant lentement autour de la tige et sécrétant des enzymes qui agissent localement en dégradant le cortex de celle-ci et en la divisant en une série de sousfaisceaux constitués de quelques fibres élémentaires.
On comprendra que dans ce type de rouissage, l'action biologique des bactéries est essentiellement fonction des paramètres climatiques qui ne sont pas maîtrisables et qui rendent ce procédé incompatible avec une industrialisation efficace sur le plan technique et économique.
On a proposé de pallier les irrégularités provoquées par les variations des paramètres climatiques, en réalisant le rouissage par l'action sur la pectine, d'enzymes telles que la pectinase ou la béta-glucanase. On a proposé également d'utiliser une enzyme polyactive à large spectre.
Cependant, une difficulté inhérente au rouissage par voie enzymatique en milieu non naturel, provient de ce que les enzymes utilisées doivent avoir la capacité d'agir sur les pectines et sur les polysaccharides neutres de façon suffisamment spécifique pour les éliminer, tout en respectant par ailleurs la fibre cellulosique elle-même.
Or, si les enzymes utilisées suivant l'état antérieur de la technique, pour effectuer le rouissage, éliminent la plupart du temps de façon parfaitement reproductible les pectines et les polysaccharides neutres, elles ont également pour effet de dégrader les fibres cellulosiques, ce qui conduit à un affaiblissement, voire même une rupture, de celles-ci.
La présente invention a pour but de remédier à cet inconvénient en proposant un procédé de rouissage de fibres libériennes permettant de contrôler facilement l'action sur la fibre naturelle des différentes enzymes utilisées, de façon à éviter toute attaque de cette dernière, qui conduirait à son affaiblissement.
La présente invention a ainsi pour objet un procédé de rouissage de fibres libériennes, et notamment du lin, utilisant au moins une enzyme apte à dégrader au moins les pectines contenues dans la fibre naturelle, caractérisé en ce qu'il
consiste à faire agir sur la fibre une solution enzymatique contenant une endo polygalacturonase (EC 3.2.1.15) tamponnée par une solution tampon à un pH compris entre 3 et 6 et préférablement voisin de 4,5.
Dans un mode de mise en oeuvre particulièrement intéressant de l'invention, la fibre à traiter est admise en continu dans une cellule de rouissage, à l'intérieur de laquelle la solution enzymatique est pulvérisée sur la fibre.
Dans un autre mode de mise en oeuvre de l'invention on fait agir sur la fibre une solution enzymatique comprenant une endo bêta 1-4 galactanase (EC 3.2.1.89), et/ou une solution enzymatique contenant une bêta 1-4 xylanase (EC 3.2.1.8) et ce en complément de l'action de la solution enzymatique contenant l'endo polygalacturonase (EC 3.2.1.15).
La présente invention a également pour objet une solution enzymatique destinée au rouissage biochimique des fibres libériennes et notamment du lin, caractérisée en ce qu'elle comprend une endo polygalacturonase (EC 3.2.1.15), tamponnée par une solution tampon à un pH compris entre 3 et 6 et préférablement 4,5.
Dans un mode de mise en oeuvre de l'invention, la solution tampon est constituée d'une solution contenant de 3 à 5 grammes par litre d'acide citrique neutralisés par une base forte, par exemple de la soude.
Dans un autre mode de mise en oeuvre de l'invention la solution enzymatique comprend une endo bêta 1-4 galactanase (EC 3.2.1.89).
Dans un autre mode de mise en oeuvre de l'invention la solution enzymatique comprend une bêta 1-4 xylanase (EC 3.2.1.8)
Le procédé et la solution enzymatique suivant l'invention sont utilisables avec toutes les plantes fibreuses libériennes telles que le chanvre le jute, le ramie, et notamment le lin.
On décrira ci-après un mode de rouissage enzymatique suivant l'invention, appliqué au traitement du lin, mais celui-ci peut donc, bien entendu, être mis en oeuvre également avec les autres fibres libériennes, sans sortir du cadre de la présente invention.
Le procédé et le dispositif suivant l'invention trouvent une efficacité maximale lorsqu'ils sont mis en oeuvre dans une méthode de traitement continue. Préférentiellement la paille de lin vert, ou le lin préteillé en nappe, sont admis tout d'abord entre des rouleaux superposés qui réalisent un broyage du lin, puis ensuite sur un tapis roulant où ils sont soumis à un lavage par projection d'eau, de façon à éliminer une partie des matières pectiques ainsi que certains éléments inhibiteurs de l'action enzymatique, tels que les polyphénols et les tannins libérés lors du broyage, et enfin dans une cellule de rouissage enzymatique.
Suivant l'invention, le lin traverse ainsi la cellule de rouissage sur un tapis roulant et défile, de façon continue, devant des buses qui pulvérisent sur celui-ci une solution enzymatique. L'action de la solution enzymatique peut être
contrôlée en réglant la vitesse de défilement du tapis devant les buses de pulvérisation.
La solution enzymatique est constituée d'un mélange d'une enzyme dénommée endo polygalacturonase (EC 3.2.1.15), désignée dans la suite du présent texte par "endo PG", avec une solution tampon qui la tamponne à un pH se situant entre environ 3 et 6 et qui est préférablement voisin de 4,5, ce qui correspond à la zone de plus grande activité de l'enzyme.
Le procédé fonctionne de façon particulièrement satisfaisante entre des températures comprises entre 40 et 60°C. La durée du traitement enzymatique dépend de la température et de la concentration enzymatique utilisée, elle peut varier de deux heures à vingt-quatre heures. Pour des raisons pratiques et économiques, les paramètres sont choisis pour que les durées se trouvent comprises entre deux et cinq heures.
Bien que toute solution tampon maintenant l'enzyme au pH précité puisse être utilisée, la demanderesse a établi que l'addition à l'eau douce de trois à cinq grammes par litre d'acide citrique neutralisé par une base forte, telle que la soude, constitue une solution tampon particulièrement efficace dans la mise en oeuvre de la présente invention.
On sait par ailleurs qu'une partie non négligeable des matières pectiques du lin se trouve dans celui-ci sous forme d'acides pectiques, souvent neutralisé partiellement, voire même totalement, par des ions calcium, sous forme de pectate de calcium résistant à l'action enzymatique. La demanderesse a
établi que l'addition d'un complexant du calcium, tel que l'oxalate d'ammonium, permet d'améliorer le caractère actif de l'endo PG.
Dans une variante de ce mode de mise en oeuvre de l'invention, on ajoutera à la solution enzymatique une solution d'oxalate d'ammonium dont la concentration est de trois à cinq grammes par litre, qui est corrigée, au pH souhaité par un acide, et qui jouera, en plus de sa fonction de complexant, une fonction de solution tampon. D'autres complexants tels que l'EDTA peuvent être utilisés, mais ceux-ci ne sont efficaces qu'en milieu alcalin, et ne peuvent donc être ajoutés à la solution enzymatique.
Le procédé suivant l'invention permet également de parfaire l'élimination des polysaccharides neutres associés aux matières pectiques, en ajoutant à l'endo PG, une endo bêta 1-4 galactanase (EC 3.2.1.89) et/ou une bêta 1-4 xylanase (EC
3.2.1.8). Bien entendu, le traitement enzymatique avec chacune de ces enzymes peut également être effectué indépendamment du traitement de l'endo PG, à savoir avant ou après celui-ci.
Bien entendu, et bien que le traitement par pulvérisation présente des avantages par rapport à celui par trempage, en réduisant par quatre environ, la quantité de solution enzymatique nécessaire ainsi que le volume des eaux résiduaires, on pourra également mettre en oeuvre le procédé suivant l'invention en procédant par trempage.
Suivant l'invention, on contrôlera le rouissage en faisant varier la concentration de la solution enzymatique, le
nombre d'activités enzymatiques mises en jeu, ainsi que, comme mentionné précédemment, la durée du traitement. Cette dernière pourra être ajustée en faisant varier la vitesse de défilement du tapis roulant lorsque l'on pratique un rouissage en continu. On peut ainsi obtenir, en fonction des besoins, des fibres destinées à la filature du lin traditionnel "au mouillé" mais également des fibres destinées à la filature "au sec" du type laine ou coton, voire la libération des fibres élémentaires pour des usages techniques.
Afin d'établir l'efficacité du procédé et de la solution enzymatique suivant l'invention, l'on a, à titre d'exemple, traité en continu des fibres de lin préteillé suivant le procédé décrit ci-après.
On a tout d'abord procédé à un lavage des fibres à l'aide d'eau chaude à 65°C dont le titre hydrotimétrique était voisin de cinq. On a ensuite fait circuler les fibres disposées sur un tapis roulant dans une cellule de rouissage où elles ont été soumises à une pulvérisation d'une solution enzymatique à une température de 45°C pendant deux heures.
Dans une première série d'essais la solution enzymatique était constituée d'eau douce possédant un titre hydrotimétrique de cinq, à laquelle on a ajouté un gramme par litre d'agent mouillant (commercialisé sous la marque déposée SYNPERONIC NP12), 5 grammes par litre d'acide citrique, 1,5 grammes par litre d'oxalate d'ammonium, le pH de la solution étant ajusté à une valeur de 4, et une enzyme endo PG à la concentration de 2 grammes par litre possédant 10.000 unités
d'activité enzymatique par gramme (10.000 u/g) fabriquée par la Société LYVEN.
Dans une seconde série d'essais la solution enzymatique était constituée d'une solution à 2 grammes par litre d'une préparation enzymatique produite par la Société LYVEN, identique à celle de l'essai précédent, à l'exception de son activité enzymatique qui titrait plus de 4.500 u/g d'endo PG, enrichie en endo bêta 1-4 galactanase.
Dans une troisième série d'essais la solution enzymatique était constituée d'une endo PG, identique à celle du premier essai, à l'exception de sa concentration qui était de 1 gramme par litre et de la présence d'une enzyme bêta 1-4 xylanase produite à partir d'Aspergillus niger à une concentration de 1 gramme par litre et possédant 10.000 unités d' activité xylanasique par gramme.
Les résultats du rouissage enzymatique ont été analysés en soumettant un échantillon de la matière traitée à un broyage mécanique intense, à l'aide d'un broyeur à billes, puis les matières pectiques et les polysaccharides neutres non éliminés ont été extraits en milieu soude 0,2N pendant quatre heures à 50°C. Après séparation de la fraction insoluble, par filtration ou centrifugation, on a déterminé sur le filtrat, la teneur en matières pectiques selon la méthode au MHDP décrite par Thibault J.F. 1979 (Lebensm.Wiss u-Technol, 12, 247-251) et la teneur en polysaccharides neutres selon la méthode à l'orcinol sulfurique décrite par Tollier M.T. et Robin J.P. 1979 (Ann. Technol. Agric. 28, 1 -15). Les résultats ont été consignés
dans le tableau ci-après et sont exprimés sur base de la matière sèche de la matière avant analyses.
Les contrôles physiques de finesse et de ténacité ont été effectués selon les méthodes normalisées dans l'industrie linière.
Afin d'améliorer, de façon sensible, l'aspect des fibres, on utilisera de préférence, tout au long de la mise en oeuvre du rouissage, de l'eau douce, c'est à dire une eau dont le titre hydrotimétrique est de l'ordre de 5.
Par ailleurs, l'utilisation d'un agent mouillant efficace, tel que par exemple un produit non ionique du type nonylphénol éthoxylé, par exemple celui commercialisé par la Société ICI sous la marque "SYNPERONIC NP 12", favorisera la pénétration de la solution enzymatique au coeur des fibres.