PROCEDE DE DECONTAMINATION RADIOACTIVE
DE SURFACE METALLIQUE, NOTAMMENT DE PORTIONS DE
CIRCUITS PRIMAIRES DE REACTEURS NUCLEAIRES REFROIDIS A L'EAU
La présente invention se rapporte d'une façon générale au domaine des réacteurs nucléaires refroidis à l'eau, notamment sous pression.
Lors du fonctionnement prolongé de tels réacteurs, le circuit primaire qui véhicule l'eau chaude sortant du coeur et qui est le plus souvent constitué en grande partie par des aciers inoxydables (tels que par exemple. l'acier 304 L, l'acier 316 L et/ou l'inconel 600) se recouvre intérieurement d'une couche d'oxydes métalliques enfermant des radioéléments dont il est nécessaire de se débarrasser en raison de la radioactivité qu'ils renferment, laquelle peut être gênante pour le personnel lors des opérations de maintenance effectuées à l'arrêt du réacteur, voir même lors du démantèlement de celui-ci.
L'élimination ou la réduction d'une telle couche d'oxyde métallique renfermant des radioéléments constitue l'opération que l'on appelle la décontamination de la surface et c'est précisément l'objet essentiel de la présente invention que de fournir un tel procédé de décontamination plus performant que ceux de l'art antérieur.
Une partie infime des éléments métalliques constituant les alliages du circuit primaire d'un réacteur à eau sous pression, se trouve en solution ou en suspension dans l'eau de ce circuit sous forme d'oxydes (produits de corrosion). Le passage répété de ces éléments dans le flux neutronique du coeur du réacteur les active.
Par le processus de solubilisation-précipitation dû au gradient de température existant
dans le circuit primaire entre son point le plus chaud qui est de l'ordre de 350°C et son point le plus froid, à l'arrêt du réacteur qui peut descendre jusqu'à 40°C ou 50°C, il se forme un dépôt des produits de corrosion sur les parois des tuyauteries.
Ce sont ces dépôts, renfermant des éléments activés tels que le manganèse 54, le cobalt 58 et le cobalt 60 (émetteurs de rayonnements ɤ ) qui peuvent être responsables, pour une grande part, de l'irradiation du personnel durant les travaux de maintenance du réacteur, et notamment du circuit primaire de ce dernier.
Il est donc important de pouvoir supprimer ou réduire cette activité parasite en éliminant la couche d'oxydes formée.
Dans la technique connue jusqu'à ce jour, on utilise pour décontaminer la surface intérieure du circuit primaire d'un tel réacteur à eau, un procédé chimique connu sous le nom de procédé "CITROX". Le procédé "CITROX" qui met en oeuvre un prétraitement oxydant à partir de permanganate de potassium et de soude, suivi d'une phase réductrice avec de l'acide oxalique et de l'acide citrique à pH 3 à 4, est décrit notamment dans le document britannique "Review of dilute chemical decontamination processes for water cooled in nuclear reactors" NP 1033, Research Project, 828-1, Mars 1979.
Cependant ce procédé connu, efficace au point de vue de la décontamination, peut provoquer une corrosion intergranulaire sur certaines zones sensibles de la surface traitée, qui peut être à l'origine d'une corrosion, certes localisée, mais relativement grave notamment pour des structures qui doivent être soumises à des températures et des pressions élevées (exemple : dans les REP : T 350°C; P 160 bars).
La présente invention a précisément pour objet un procédé de décontamination radioactive de surfaces métalliques tout aussi simple et efficace que le procédé de l'art antérieur précédemment rappelé, mais qui possède l'avantage complémentaire très important d'être dépourvu d'action corrosive sur les surfaces à décontaminer.
Ce procédé de décontamination se caractérise principalement en ce qu'il consiste à soumettre lesdites surfaces aux étapes successives de :
prétraitement oxydant à l'aide d'une solution de permanganate de potassium MnO4K et d'acide nitrique ;
- rinçage à l'eau déminéralisée, puis
- traitement réducteur en milieu basique à l'aide d'une solution d'un gluconate de métal alcalin de formule HOH2C - CHOH - CHOH - CHOH - CHOH - COOM, dans laquelle M est un métal alcalin choisi parmi le Na et le K, et de soude NaOH.
L'intérêt de ce procédé résulte essentiellement dans la phase de traitement réducteur en milieu basique à l'aide d'une solution de gluconate de métal alcalin. En effet, alors que le traitement réducteur de l'art antérieur était effectué en milieu fortement acide (pH de 3 à 4), le fait de travailler dans le procédé selon l'invention en milieu basique avec un sel de l'acide gluconique, permet d'utiliser au maximum la chelation qui résulte de l'existence des quatre fonctions hydroxyles de cet acide. lesquelles peuvent alors intervenir pleinement. En milieu acide en effet, seule la fonction carboxylique pourrait participer à la chelation, ce qui ne permettrait pas d'obtenir le plein pouvoir complexant du gluconate de métal alcalin utilisé.
Selon une autre caractéristique du procédé, objet de l'invention, lors du prétraitement oxydant, la solution a une composition molaire comprise entre 0,006 M et 0,1 M en MnO4K et une composition molaire comprise entre 0,035 M et 0,1 M en acide nitrique HNO3, la température étant de l'ordre de 80°C et la durée du prétraitement de l'ordre de 24 h.
Selon l'invention, la phase de traitement réducteur en milieu basique est effectuée à l'aide d'une solution ayant une composition molaire comprise entre 0,05 M et 1 M en gluconate de sodium et une composition molaire comprise entre 0,1 M et 1 H en soude NaOH, la température de la solution étant de l'ordre de 80°C et son pH étant voisin de 11.
C'est grâce à l'adjonction de soude NaOH dans la solution que celle-ci a un caractère basique marqué (puisque le pH peut être voisin de 11) et que l'on obtient le maximum de pouvoir complexant des différentes fonctions hydroxyles contenues dans le gluconate de métal alcalin.
Selon l'invention et de façon pratique, le métal alcalin utilisé est choisi de préférence parmi le sodium et le potassium ; quant au pH de la solution de traitement réducteur, il est de préférence choisi entre des valeurs extrêmes de l'ordre de 9 et 13. Enfin, la température est pour la phase de prétraitement oxydant aussi bien que pour la phase de traitement réducteur, de préférence de l'ordre de 80°C à plus ou moins 5°C près.
Les durées du prétraitement oxydant et du traitement réducteur sont en général du même ordre de grandeur et varient, en fonction du décapage souhaité, entre 6 h et 24 h, étant bien entendu qu'il appartient à l'homme de métier de choisir leur durée dans chaque cas particulier en fonction de l'effet qu'il recherche.
Le rinçage intermédiaire entre les deux traitements à l'aide d'eau déminéralisée peut durer par exemple une heure, mais là encore, il appartient à l'homme de métier de lui donner la valeur précise qu'il pourra considérer comme la plus efficace.
L'efficacité du procédé de décontamination objet de l'invention, découle, entre autres considérations, du fait que le prétraitement fragilise la couche d'oxydes en oxydant les composés insolubles en composés solubles, notamment en oxydant le chrome III, présent en grande quantité et dont l'oxyde est difficilement soluble, en chrome VI dont les ions bichromates sont facilement solubles.
L'effet obtenu à l'aide du traitement réducteur en milieu basique à l'aide d'une solution de gluconate alcalin a été déjà expliqué précédemment et découle quant à lui directement de l'augmentation des pouvoirs complexants de ce corps en milieu basique.
On peut noter en outre, que les gluconates alcalins sont d'une façon générale des inhibiteurs de corrosion. Le procédé, objet de l'invention présente par conséquent un effet secondaire supplémentaire et bénéfique quant à la protection de la surface décapée vis-à-vis de la corrosion. C'est exactement, comme on l'a vu précédemment, le contraire du procédé "CITROX" de l'art connu qui avait comme inconvénient essentiel d'accentuer la corrosion des zones sensibles de la surface traitée.
De plus, les gluconates alcalins sont parfaitement biodégradables et ne présentent aucun caractère de toxicité, ce qui évite la pollution de l'environnement et permet une mise en oeuvre très facile et moins dangereuse du procédé de décontamination objet de l'invention.
De' toute façon l'invention sera mieux comprise en se référant à la description qui suit de deux exemples de mise en oeuvre, lesquels sont donnés surtout à titre illustratif et non limitatif.
Ces deux exemples concernent le traitement d'une surface contaminée d'acier inoxydable de nuance 316 L.
EXEMPLE 1
Nature de la surface traitée: acier inoxydable 316 L.
- Prétraitement oxydant en milieu acide:
Solution en KMnO4, dont la molarité est égale à 0,006 H et de HNO3 dont la molarité est égale à 0,035 M.
Température de la solution : 80°C;
Durée du traitement : 24 h.
- Rinçage à l'eau déminéralisée : 1 h.
- Traitement réducteur :
Solution de gluconate de sodium, dont la molarité est égale à 1 M, et de soude dont la molarité est égale à 0,25 M.
Température de la solution 80°C.
pH = 11
Durée de traitement : 24 h.
L'érosion obtenue est de 1,28 μm, soit
10 g/m2.
EXEMPLE 2
Nature de la surface traitée: acier inxoydable 316 L.
- Prétraitement oxydant en milieu acide :
Solution et conditions identiques à celles de l'exemple 1,
- Rinçage à l'eau déminéralisée : 1h.
- Traitement réducteur :
Solution de gluconate de sodium, dont
la molaraité est égale à 0,5 M et de soude dont la molarité est égale à 0,1 M.
Température de la solution 80°C.
pH = 11.
Durée du traitement : 24 h.
Résultat : l'érosion obtenue est de 0,05 μm, soit 0,04 g/m2.