MÉTHODE DE DIAGNOSTIC IN SITU DE BATTERIES PAR SPECTROSCOPIE D'IMPEDANCE ELECTROCHIMIQUE
La présente invention concerne un procédé d'estimation d'un état interne d'un système électrochimique de stockage d'énergie électrique, tel qu'une batterie (Plomb, Ni-MH, Li-ion...). Le procédé permet de gérer des batteries utilisées dans des applications stationnaires ou embarquées, et notamment pendant leur fonctionnement.
La batterie est un des composants les plus critiques dans le cas des applications véhicules hybrides ou électriques, ou le stockage de l'énergie solaire photovoltaïque. Le fonctionnement correct de ces applications s'appuie sur un système intelligent de gestion de la batterie (BMS pour "Battery Management System") qui s'occupe de faire fonctionner la batterie au meilleur compromis entre les différents niveaux de sollicitation dynamique. Ce BMS requiert la connaissance précise et fiable de l'état de charge (SoC) et de l'état de santé (SoH).
L'état de charge d'une batterie (SoC) correspond à sa capacité disponible, et s'exprime en pourcentage de sa capacité nominale indiquée par le fabricant, ou encore en pourcentage de sa capacité totale mesurée dans des conditions données lorsque cette mesure est possible. La connaissance du SoC permet d'estimer le temps durant lequel la batterie pourra continuer à fournir de l'énergie à un courant donné avant la recharge suivante, ou jusqu'à quand elle pourra en absorber avant la décharge suivante. Cette information conditionne le fonctionnement des systèmes utilisant des batteries.
Pendant la vie d'une batterie, ses performances tendent à se dégrader graduellement à cause des variations physiques et chimiques qui ont lieu avec son usage, jusqu'à la rendre inutilisable. L'état de santé (SoH) représente l'état d'usure d'une batterie. Ce paramètre correspond à la capacité totale d'une batterie à un instant r au cours de sa vie de service, et s'exprime en pourcentage de la capacité totale déterminée en début de vie, équivalente à la
capacité nominale indiquée par le fabricant, ou encore à la capacité mesurée en début de vie dans des conditions données.
Une estimation précise et fiable du SoC et du SoH, pour un véhicule, permet par exemple d'éviter que le superviseur du véhicule ne soit amené à se comporter d'une façon trop prudente dans l'utilisation du potentiel d'énergie de la batterie, ou inversement. Un mauvais diagnostic d'état de charge peut conduire à surestimer le nombre de kilomètres pouvant être parcourus, et mettre alors l'automobiliste en difficulté. Une bonne estimation de ces indicateurs permet aussi d'éviter des surdimensionnements de sûreté des batteries, donc de sauvegarder du poids à bord et, en conséquence, du carburant consommé. L'estimation du SoC et du SoH permet également de réduire le coût total du véhicule. Un estimateur correct constitue donc une garantie pour une exploitation efficace et sûre de la capacité de la batterie dans toute la plage de fonctionnement du véhicule.
État de la technique
Plusieurs procédés d'estimation de l'état de charge (SoC) et de l'état de santé (SoH) d'une batterie sont connus.
On connaît par exemple les procédés "coulomb-counting" ou "book- keeping". Mais ces procédés conduisent à des erreurs d'estimation en négligeant des phénomènes comme l'autodécharge. On connaît également un procédé dans lequel on mesure la tension à vide comme indicateur du SoC. L'usage d'autres indicateurs, par exemple l'estimation d'une résistance interne (brevets US6191590 Bl, EP1835297 Al) est une méthode également connue.
Ces deux procédés sont caractérisés par le fait que le SoC est préalablement associé à une ou plusieurs quantités mesurables ou facilement estimables (potentiel, résistance interne), à travers des cartographies statiques ou des dépendances fonctionnelles analytiques. Pourtant, ces dépendances sont en réalité beaucoup plus compliquées que ce qui est normalement pris en compte dans le BMS, ce qui amène souvent à des erreurs dans l'estimation du SoC.
Une méthode potentiellement plus prometteuse est basée sur la mesure par spectroscopie d'impédance (SIE) d'une grandeur paramétrée par le SoC. Par exemple, la demande de brevet US 2007/0090843 propose de déterminer par SIE la fréquence f± associée à la transition capacitive/inductive. Une corrélation entre la fréquence f± et le SoC est présentée pour une batterie au plomb, ainsi que pour les batteries Ni-Cd et Ni-MH. Une approche similaire est basée sur la modélisation des spectres SIE par circuits électriques équivalents, dont les composants sont paramétrés par le SoC, comme décrit dans le document US6778913 B2, qui permettent le développement d'un testeur de batteries automobiles Spectro CA-12 (Cadex Electronics Inc., Canada) basé sur la spectroscopie d'impédance électrochimique à multifréquences pour le couple acide-plomb. Les spectres SIE sont approchés par des circuits électriques équivalents, et l'évolution des composants est paramétrée par le SoC. De même, dans le document US 6037777, on détermine l'état de charge et autres propriétés de batteries par la mesure des parties réelles et imaginaires de l'impédance/admittance complexe pour des batteries au plomb ou d'autres systèmes. L'utilisation de modèles RC est décrite également dans le document EP880710, la description des phénomènes électrochimiques et physiques aux électrodes et dans l'électrolyte servant de support au développement du modèle RC, la température de la batterie étant simulée par le modèle, afin de gagner en précision, par rapport à une mesure externe.
Une approche alternative se base sur des modèles mathématiques de batterie, afin d'utiliser des techniques d'estimation connues dans d'autres domaines. La demande de brevet US 2007/0035307 Al décrit notamment une méthode pour estimer les variables d'état et les paramètres d'une batterie à partir des données de service (tension U, courant I, T), utilisant un modèle mathématique de batteries. Le modèle mathématique est caractérisé par le fait qu'il comprend une pluralité de sous-modèles mathématiques, et permet une réponse plus rapide. Les sous-modèles sont des modèles de type circuit électrique équivalent, dit modèles RC, associés à des gammes de fréquences restreintes.
Une autre méthode d'estimation du SoC connue dans la littérature ([Gu, White, etc.]) repose sur la description mathématique des réactions d'un
système électrochimique. Le SoC est calculé à partir de variables d'état du système. Cette description s'appuie sur des bilans de matière, charge, énergie, ainsi que sur des corrélations semi-empiriques.
Concernant les méthodes d'estimation du SoH connue dans la littérature, on connaît le document WO 2009/036444 dans lequel les auteurs introduisent une électrode de référence dans des éléments commerciaux afin d'observer les réactions de dégradation des électrodes. Cette méthode demande cependant une instrumentation importante, notamment pour insérer une électrode de référence à l'intérieur de l'élément, ainsi qu'une gestion électronique plus complexe de la batterie.
Le document FR2874701 décrit une méthode utilisant une perturbation électrique temporelle afin de comparer la réponse obtenue à une réponse de référence. Cependant, cette méthode est plus difficile à mettre en œuvre pour des éléments type li-ion dont les variations de réponse suite à ce type de perturbation sont très faibles, et donc ne peuvent donner lieu à une mesure de SoH précise.
Des analyses par impédance ont également été décrites dans la littérature. U. Trôltzsch et al (Electrochimica Acta 51, 2006, 1664-1672) décrivent une méthode dans laquelle ils utilisent la spectroscopie d'impédance, couplée à l'ajustement des impédances selon un modèle électrique pour obtenir l'état de santé de l'élément. Cette technique requiert cependant un arrêt de l'utilisation de l'élément pour la mesure.
Ainsi l'objet de l'invention concerne un procédé alternatif pour estimer un état interne d'un système électrochimique de stockage d'énergie électrique, tel qu'une batterie. Le procédé se base sur une mesure de l'impédance du système pour reconstruire son état interne au moyen d'un modèle statistique prédéterminé en fonction du modèle de batterie et de son application. En particulier la méthode permet d'estimer l'état de charge (SoC) et l'état de santé (SoH) d'une batterie électrochimique, qui sont les caractéristiques internes les plus intéressantes pour la majorité des applications utilisant des batteries, qu'elles soient stationnaires ou embarquées.
Le procédé selon l'invention
L'objet de l'invention concerne un procédé d'estimation d'un état interne d'un premier système électrochimique de stockage d'énergie électrique, tel qu'une batterie, dans lequel on estime au moins une propriété relative à l'état interne dudit premier système électrochimique à partir de mesure électrique par spectroscopie d'impédance. Le procédé comporte les étapes suivantes :
- pour différents états internes d'au moins un second système électrochimique d'un même type que ledit premier système électrochimique : - on mesure ladite propriété relative à l'état interne dudit second système; et - on réalise une mesure électrique par spectroscopie d'impédance dudit second système électrochimique à différentes fréquences ;
- on définit un circuit électrique équivalent comportant au moins un paramètre pour modéliser lesdites réponses électriques dudit second système ;
- on calibre une relation entre ladite propriété et ledit paramètre du circuit électrique équivalent au moyen d'une analyse statistique des valeurs de propriété et de paramètre obtenues pour lesdits états internes ;
- on détermine une réponse électrique dudit premier système électrochimique pour différentes fréquences, que l'on modélise au moyen dudit circuit électrique équivalent en déterminant ledit paramètre de façon à ce qu'une réponse électrique dudit circuit électrique équivalent soit équivalente à ladite réponse électrique dudit premier système électrochimique ;
- on estime l'état interne dudit premier système électrochimique en calculant ladite propriété relative à l'état interne dudit système électrochimique au moyen de ladite relation.
Selon l'invention, les différents états internes peuvent être obtenus en réalisant un vieillissement accéléré d'un second système électrochimique de
stockage d'énergie électrique d'un même type que le premier système électrochimique. Les différents états internes peuvent également être obtenus en sélectionnant un ensemble de seconds systèmes électrochimiques du même type que le premier système électrochimique, les systèmes de l'ensemble ayant des états internes différents.
On peut calculer au moins l'une des propriétés relatives à l'état interne du système électrochimique suivantes : un état de charge (SoC) du système, un état de santé (SoH) du système.
Le circuit électrique équivalent peut être défini par plusieurs paramètres choisis parmi les paramètres suivants : résistance, capacité, température, ou toute combinaison de ces paramètres.
Selon l'invention, on peut déterminer une réponse électrique pour différentes fréquences en mesurant des diagrammes d'impédance électrique obtenue par ajout d'un signal électrique à un courant traversant le système électrochimique. Ces diagrammes d'impédance électrique peuvent être mesurés en appliquant une perturbation sinusoïdale en courant sur le système électrochimique, et en mesurant une tension sinusoïdale induite aux bornes du système électrochimique. Ces diagrammes d'impédance électrique peuvent également être mesurés en appliquant une perturbation sous la forme d'une superposition de plusieurs sinusoïdes ou sous la forme d'un bruit blanc, sur le système électrochimique, et en mesurant une tension sinusoïdale induite aux bornes du système électrochimique.
Selon l'invention, le système électrochimique peut être au repos (véhicule en arrêt ou en stationnement), ou en fonctionnement.
L'invention concerne également un système d'estimation d'un état interne d'un système électrochimique de stockage d'énergie électrique, comportant :
- un capteur (G) incluant un moyen de mesure d'impédance électrique par spectroscopie d'impédance dudit système électrochimique ;
- une mémoire permettant de stocker un circuit électrique équivalent et une relation entre une propriété relative à l'état interne dudit système
électrochimique et lesdits paramètres du circuit électrique équivalent, ladite relation étant préalablement calibrée au moyen de mesures pour différents états internes d'au moins un second système électrochimique d'un même type que ledit système électrochimique ;
- des moyens pour définir des paramètres dudit circuit électrique équivalent modélisant une réponse électrique dudit système électrochimique;
- des moyens pour calculer une propriété relative à l'état interne dudit système électrochimique au moyen de ladite relation.
Selon l'invention le moyen de mesure d'impédance électrique comporte :
- un galvanostat pour appliquer sur ledit système électrochimique une perturbation sinusoïdale en courant, ou une perturbation sous la forme d'une superposition de plusieurs sinusoïdes ou une perturbation sous la forme d'un bruit blanc ; et
- un moyen de mesure de la tension sinusoïdale induite aux bornes dudit système électrochimique.
L'invention concerne également un système intelligent de gestion d'une batterie (Battery Management System) comportant un système d'estimation d'un état interne de la batterie selon l'invention.
L'invention concerne également un véhicule comportant une batterie et un système intelligent de gestion d'une batterie selon l'invention.
L'invention concerne également un système photovoltaïque de stockage d'énergie électrique, comportant un système d'estimation de son état interne selon l'invention.
D'autres caractéristiques et avantages du procédé selon l'invention, apparaîtront à la lecture de la description ci-après d'exemples non limitatifs de réalisations, en se référant aux figures annexées et décrites ci-après.
Présentation succincte des figures
La figure 1 représente le logigramme du procédé selon l'invention.
La figure 2 illustre la procédure de "Check-up" avec mesures d'impédances. La figure 3 montre une comparaison entre les impédances obtenues pour plusieurs états de vieillissement représentatif d'une application VEH à un état de charge de 20% pour une batterie de type Li4Ti5012/LiFeP04.
La figure 4 illustre un exemple de circuit électrique équivalent représentatif d'un accumulateur électrochimique.
La figure 5 montre un exemple d'ajustement de modèle pour une impédance effectuée entre 65 kHz et 0,1Hz sur une batterie Li4Ti5012/LiFeP04 à SoC 20% dans une représentation de Nyquist (a) et dans une représentation de Bode (b) et en utilisant le modèle de circuit équivalent de la figure 4.
La figure 6 illustre une comparaison entre une impédance obtenue par imposition de signaux sinusoïdaux (SS), et une impédance obtenue par bruit blanc (BB).
La figure 7 illustre la droite de calcul de la capacité de la batterie à partir de la relation d'estimation du SoH vs. capacité mesurée de la batterie (a), et résidus (b) représentants l'écart entre la capacité calculée à partir des diagrammes d'impédances, et la capacité mesurée de la batterie.
La figure 8 illustre une mesure de la capacité d'une batterie par un cycle complet au cours des check-up à 20°C {CK), et par impédance à 50°C au cours du vieillissement {VI).
La figure 9 illustre la droite de calcul du SoC de la batterie à partir de la relation d'estimation du SoC vs. valeurs mesurées du SoC (a), et résidus (b) représentants l'écart entre SoC calculé à partir des diagrammes d'impédance et SoC mesuré.
Description détaillée de l'invention
Le procédé selon l'invention permet de réaliser une jauge d'état de charge ou d'état de santé d'une batterie de modèle et de technologie préalablement identifiée pour son utilisation dans une application transport (batterie de traction) ou pour le stockage des énergies renouvelables. Le principe proposé consolide les estimations de SoC et SoH faites par le BMS, ces données n'étant pas mesurables directement.
Le procédé est potentiellement embarqué dans un véhicule, ou utilisé pour stocker de l'énergie dans le cadre des systèmes solaires photovoltaïques connectés au réseau, permettant de déterminer quantitativement l'état de charge (SoC) et l'état de santé (SoH) de batteries, et notamment de batteries Li-ion, à partir d'une mesure de l'impédance électrique aux bornes des électrodes du système, mesure non intrusive et à température contrôlée.
Le logigramme du procédé est représenté sur la figure 1. Le procédé selon l'invention comporte les étapes suivantes :
Étape El : on réalise une campagne d'essais en laboratoire réalisée sur un lot de batteries (Bat.) afin de mesurer des diagrammes d'impédance (Z) en fonction du SoC, du SoH et de T.
Étape E2 : on ajuste un modèle (circuit RC) choisi (mod.) avec les diagrammes d'impédance mesurés (Z) afin de déterminer un jeu de paramètres (para.) fonctions du SoC, du SoH et de T.
Étape E3 : on calcule des grandeurs SoC et SoH à partir d'une combinaison multivariable de paramètres. On obtient une relation pour le calcul du SoC et/ou une relation pour le calcul du SoH (Rel.l et Rel. 2).
Étape E4 : le modèle choisi et les relations calculées sont utilisés dans une jauge (G) constituée d'un instrument (IMI) de mesure de l'impédance Z par ajout d'un signal électrique dans la batterie étudiée (BatE.), d'une partie logicielle (LOG) permettant l'ajustement du modèle choisi (mod.) à l'impédance mesurée Z, puis du calcul du SoC et/ou du SoH (CALC) à partir des paramètres (para.) obtenus et des relations calculées précédemment.
1- Mesure de diagrammes d'impédance électrochimique en fonction du SoC, du SoH
Il s'agit de réaliser une campagne d'essais en laboratoire permettant de mesurer des diagrammes d'impédance électrochimique en fonction du SoC, du SoH et éventuellement de la température. De façon générale, pour différents états internes d'au moins un second système électrochimique d'un même type que le système électrochimique étudié : - on mesure la propriété relative (SoC, SoH) à l'état interne du second système; et - on mesure la réponse électrique de ce second système électrochimique à différentes fréquences.
Selon un mode de réalisation, pour un type de batterie (BatE.) donné, et pour une application de cette batterie donnée, on utilise une batterie du même type (Bat.). Puis, on réalise des mesures de réponses électriques pour différents états de charge et de santé de cette batterie. Pour obtenir des états de santé différents de cette batterie, on peut réaliser un vieillissement accéléré représentatif de l'application visée. Par exemple, la batterie subit en laboratoire un protocole de vieillissement accéléré simulant une application embarquée de type véhicule hybride ou un protocole de vieillissement accéléré simulant une application de stockage d'énergie d'origine photovoltaïque connectée au réseau électrique.
La mesure des diagrammes d'impédance peut être obtenue par application d'une perturbation sinusoïdale en courant (de préférence) sur une batterie à l'aide d'un galvanostat et mesure de la tension sinusoïdale induite aux bornes. Selon un autre mode de réalisation, on peut appliquer la perturbation sous la forme d'une superposition de plusieurs sinusoïdes ou même sous la forme d'un bruit blanc (où toutes les fréquences sont superposées dans le même signal), plutôt que sous la forme d'une perturbation sinusoïdale simple, ce qui permet d'analyser ensuite plusieurs ou toutes les réponses en fréquence en même temps.
La mesure des diagrammes d'impédance en fonction du SoC peut être faite sur la pleine plage de SoC ou sur la plage de SoC correspondant à celle utilisée pour l'application.
La variation des diagrammes d'impédance avec la température sur la plage de température de fonctionnement de l'application est également mesurée.
A chaque état de charge et/ou de vieillissement, l'impédance électrique Z du système électrochimique est mesurée par application d'une perturbation en courant au moyen d'un galvanostat.
La grandeur Z complexe (de partie réelle ReZ et de partie imaginaire ImZ) peut être représentée sous la forme d'un diagramme de Nyquist, où Im(Z) est une fonction de ReZ, et où chaque point correspond à une fréquence. Un tel diagramme est illustré sur la figure 3. On distingue ainsi les réponses des phénomènes rapides (résistance interne aux hautes fréquences), des phénomènes intermédiaires tels que les réactions aux électrodes, et des phénomènes lents (diffusion des ions dans le milieu aux basses fréquences traduite par une impédance de Warburg). Ces différents phénomènes sont plus ou moins sensibles aux SoC et SoH. Ainsi la réponse en impédance change en fonction de l'état de charge et du vieillissement ; la difficulté est de découpler les effets.
On a décrit l'utilisation d'une seconde batterie de même type que la batterie étudiée ; on peut également utiliser un ensemble de batteries du même type. Chacune de ces batteries possédant un état de charge et/ou un état de santé différent.
2- Modélisation des diagrammes d'impédance par un circuit électrique équivalent
Les diagrammes de Nyquist obtenus pour tous les états (de SoC, SoH et température) sont modélisés de préférence à partir d'un circuit électrique équivalent (enchaînement de résistances et capacités en série et/ou parallèles) sachant que les résistances et capacités seront dépendantes du SoC et SoH mais pas de façon proportionnelle simple.
La figure 4 illustre un exemple de circuit électrique équivalent représentatif d'un accumulateur électrochimique. R0 représente la résistance haute fréquence ou résistance série de l'élément, Ri une résistance de
transfert de charge, Qi un CPE (Élément à Phase Constante) représentant les phénomènes de double couche électrochimique, et W une impédance de Warburg représentant les phénomènes diffusifs.
Le circuit équivalent est choisi pour modéliser au mieux l'impédance du système pour tous les états de la batterie, en limitant le nombre de composants, et en gardant dans la mesure du possible un sens physique.
Le modèle choisi (mod.) est ajusté à chaque diagramme d'impédance de la campagne d'essais correspondant à chaque état de SoC, SoH et température (T) de la batterie, en faisant varier les paramètres du modèle. Une modélisation par approche géométrique est plus grossière mais plus rapide (pour obtenir par exemple le diamètre du demi cercle et la pente de la partie diffusive linéaire en basse fréquence).
Dans les deux cas les grandeurs descriptives des modèles sont paramétrées par le SoC et le SoH et la température.
3- Détermination d'une relation entre le SoC ou le SoH et les paramètres du modèle
Au cours de cette étape, on calibre une relation entre la propriété (Soc, SoH) et le paramètre du circuit électrique équivalent (modèle) au moyen d'une analyse statistique des valeurs de propriété et de paramètre obtenues pour chaque état interne.
On détermine une équation du type combinaison multivariable entre le SoC ou SoH et les descripteurs du modèle considéré.
Pour ce faire on réalise une analyse multivariée entre le SoC ou le SoH d'une part et les paramètres du modèle (et éventuellement la température et la tension de la batterie) d'autre part. Ainsi, le SOC et/ou le SOH ne sont pas estimés seulement à partir de l'évolution des valeurs des différents paramètres des circuits électriques équivalents pris indépendamment les uns des autres. Au contraire, selon l'invention on définit une loi reposant sur une combinaison de l'ensemble de ces paramètres, grâce à cette analyse multivariée. Ceci permet une détermination d'une loi multivariable optimale, garantissant la meilleure estimation du SOC ou du SOH.
On peut par exemple utiliser un traitement du type Analyse en Composantes Principales des paramètres électriques.
Par exemple pour le modèle électrique, on établit la relation suivante entre le SoC et les résistances, le coefficient de Warburg, etc. :
SOC = a * C, + b * all 2 + c * W + d * W2 + e * Rl + f * L0.R0 + g * Cl.Rl
Lorsque cela s'avère utile, la température peut être ajoutée comme paramètre aux paramètres du modèle. De même, la tension de la batterie peut être ajoutée comme paramètre aux paramètres du modèle. Cette relation est donc établie suite à la campagne d'essais en laboratoire pour le type de batterie sélectionnée et pour l'application visée, en maîtrisant les paramètres T, SoC et SoH, via un traitement mathématique, tel que l'ACP des paramètres du modèle.
4. Estimation de l'état interne du système électrochimique au moyen de la relation.
On détermine la réponse électrique du système électrochimique étudié pour différentes fréquences. On modélise cette réponse au moyen du circuit électrique équivalent, en déterminant les paramètres pour que la réponse électrique du circuit électrique équivalent soit équivalente à la réponse électrique déterminée. On estime ensuite l'état interne du système électrochimique en calculant la propriété relative à l'état interne du système électrochimique au moyen de la relation.
En pratique, la relation obtenue à l'étape précédente est utilisée dans un capteur (G) constitué d'une part d'un système de mesure de l'impédance {IMI) utilisant indifféremment une méthode décrite à l'étape 1, et d'autre part d'une partie logicielle permettant :
- le calcul de l'impédance si le système de mesure (a) ne l'intègre pas,
- l'ajustement automatique du modèle choisi à l'étape 2 à l'impédance mesurée (Z.OG),
- les relations permettant le calcul du SoC ou du SoH déterminés en 3 et basés sur les paramètres des modèles ajustés précédemment associés éventuellement à la température et à la tension de batterie (CALC).
Exemple
A titre d'exemple, les étapes du procédé selon l'invention sont appliquées à deux batteries (accumulateurs Li-ion) de couples de matériaux différents :
- Un accumulateur prototype utilisant un couple émergeant basé sur l'utilisation d'oxyphosphate de fer lithié (LiFeP04) pour l'électrode positive et d'oxyde de titane lithié (Li4Ti5012) pour l'électrode négative.
- Un accumulateur commercial de couple plus conventionnel basé sur l'utilisation d'oxyphosphate de fer lithié (LiFeP04) pour l'électrode positive et le graphite C6 pour l'électrode négative.
Vieillissement accéléré réalisé en laboratoire
Les batteries ont subi selon les cas un protocole de vieillissement accéléré simulant une application embarquée de type véhicule hybride, ou un protocole de vieillissement accéléré simulant une application de stockage d'énergie d'origine photovoltaïque connectée au réseau électrique.
Procédure de mesures d'impédance
Afin de valider le procédé pour diagnostiquer à la fois le SoC et le SoH des batteries, une procédure de test appelée "check-up" est définie. Cette procédure permet de caractériser les batteries à température ambiante, avant et après un vieillissement, typiquement toutes les quatre semaines.
Ce test est composé de quatre cycles consécutifs, comme illustré sur la figure 2. Sur cette figure, le numéro de cycle est indiqué par un chiffre précédé par le préfixe NCy, et les courbes représentent l'état de charge.
Le premier cycle (NCyl) consiste en une décharge résiduelle suivie par une charge complète afin de s'assurer que la batterie est complètement chargée. Le second cycle (NCy2) est un test permettant d'évaluer la perte de capacité, et donc l'état de santé de la batterie. Ce test permet également
d'adapter le courant de charge-décharge lors des deux cycles suivants. Les effets de l'état de charge sur les mesures d'impédance sont étudiés à travers une série de mesures durant les deux derniers cycles : le but du 3ème cycle (NCy3) est d'utiliser la spectroscopie d'impédance de type potentiostatique (notée SIP sur la figure) après une période de repos; le but du 4ème cycle (NCy4) est de mesurer l'impédance sans interruption de courant impliquant la mesure d'impédance en mode galvanostatique (notée SIG sur la figure) lors des phases de charge et de décharge. Le mode potentiostatique est cependant utilisé par obligation lors de la fin de charge régulée en tension.
Impédances et ajustements
Les impédances obtenues pour différents taux de vieillissement peuvent être représentées sur le même diagramme de Nyquist (exemple figure 3) afin d'observer les différents effets du vieillissement sur l'impédance totale de la batterie. La figure 3 illustre une comparaison entre les impédances obtenues pour plusieurs états de vieillissement représentatif d'une application VEH à un état de charge de 20% pour une batterie de type Li4Ti50i2/LiFeP04. VI : état initial, V2 : après 2 semaines de vieillissement, V3 : après 4 semaines, V4 : après 6 semaines, V5 : après 8 semaines.
Il est remarquable de constater que les impédances ne sont pas superposées, que les impédances de la batterie vieillie ont un demi-cercle ayant un rayon plus important. Ces différences sont quantifiées selon l'invention, en ajustant ces impédances selon un modèle électrique de type R0+R1/Q1+W (figure 4), la qualité de l'ajustement pouvant être testée sur un diagramme de Nyquist ou de Bode (figure 5). La figure 5 montre un exemple d'ajustement de modèle pour une impédance effectuée entre 65 kHz et 0,1Hz sur une batterie Li4Ti5Oi2/LiFeP04 à SoC 20% dans une représentation de Nyquist (a) et dans une représentation de Bode (b), où la fréquence est notée "freq.", et en utilisant le modèle de circuit équivalent de la figure 4. (EX) : mesure expérimentale et (MA) : modèle ajusté.
En comparant les résistances obtenues par ajustement, il est remarquable de constater qu'elles augmentent en fonction du vieillissement. Dans cet exemple, cette propriété est identique quelle que soit la température à laquelle l'impédance a été mesurée. Ainsi, l'influence du vieillissement de la
batterie sur les valeurs des composants du circuit électrique est démontrée, et permet la mesure de l'état de santé (SOH) de la batterie.
Les impédances précédentes ont été obtenues en utilisant successivement des signaux sinusoïdaux de fréquence différente. Les impédances peuvent être obtenues de manières différentes comme par exemple en superposant un bruit blanc aux signaux de charge/décharge des batteries. La figure 6 présente une impédance mesurée par la voie traditionnelle (signaux sinusoïdaux (SS)), ainsi qu'une impédance mesurée par bruit blanc (SS). Il est remarquable de constater le nombre de points bien plus important obtenu par bruit blanc, ce qui permet d'obtenir un ajustement plus précis.
Détermination de l'état de santé (SOH pour State of Health) des batteries
Ces tests ont été effectués sur un prototype de type Li4Ti5Oi2/LiFeP04. Le protocole expérimental est basé sur un vieillissement de type véhicule hybride à 50°C avec périodes de "check-up" à 25°C durant lequel un test de capacité est effectué ainsi que plusieurs tests d'impédance (figure 2).
Les capacités totales du prototype sont connues pour chaque étape de la procédure "check-up".
Selon l'invention, on ajuste les impédances avec un modèle non linéaire constitué par des éléments électriques simples tels que des résistances, des condensateurs (ou des éléments à phase constante CPE) et des éléments de Warburg (exemple Figure 4). Lors de ces expériences, des mesures d'impédance ont également été réalisées durant les périodes de vieillissement.
Nous disposons alors de 29 mesures d'impédance effectuées à différents états de charge de batterie et à cinq SoH différents. De plus, pour chacune de ces mesures, cinq facteurs permettent l'ajustement par rapport à un modèle de circuit électrique équivalent simple : R0 (résistance série), RI (résistance de transfert de charge), Cl (Cl la grandeur Ql du CPE), ail (ail l'exposant de l'élément CPE) et W (impédance de Warburg).
Après traitement statistique de ces facteurs (régression linéaire multifactorielle), la relation retenue est :
SOH = a + b * R} + c * Rl 2 + d * Rl i + e * al1 + f * W + g * R1 * W + h * W2
RI, ail, W représentant les paramètres électriques d'impédance ajustés.
L'évolution des capacités estimées au cours du vieillissement en utilisant cette relation est comparée aux capacités connues du prototype Figure 7.
La figure 7 représente : sur le graphique du haut (a), la capacité (Qcalc) estimée à partir de la relation d'estimation du SoH en ordonnée, et la capacité de la batterie mesurée (Q) en abscisse. La droite correspond à une régression linéaire; sur le graphe du bas (b), en ordonnée les résidus (AQcalc) représentants l'écart entre la capacité calculée à partir des diagrammes d'impédances, et en abscisse, la capacité de la batterie mesurée (Q).
De manière statistique, les points du graphique (a) doivent être proches de la droite de type y=x afin de vérifier la fiabilité du modèle. Les résidus quant à eux doivent présenter une dispersion aléatoire (c'est le cas ici). Une dispersion non aléatoire traduirait un manque d'adéquation de la relation.
L'évolution des résidus représentant l'écart entre les valeurs calculées et réelles montre que l'estimation fonctionne correctement. De plus, le coefficient de corrélation R2 qui traduit la variance expliquée par le modèle est égal à 0.9999 (si R2=0, aucune corrélation, R2=l, entière corrélation). L'erreur standard due au modèle est de 0,25%, cette valeur est très faible, et indique la précision du modèle. Les analyses de variance ont également indiqués que les facteurs d'ajustement étaient tous représentatifs du modèle. Le test de Kolmogorov-Smirnov est également effectué. Ce test permet de vérifier que les valeurs calculées par le modèle, et les valeurs mesurées suivent la même loi. Ce test donne une valeur P = 0,95 (si P=0, loi différente, P=l, loi identique), ce qui est très bon pour un modèle. Ainsi, au vu des tests statistiques effectués, le modèle obtenu est valide.
Validation sur les impédances mesurées en cours de vieillissement
Des mesures identiques d'impédance aux phases de "check-up" (figure 2) ayant été réalisées lors des périodes de vieillissement, il a été possible d'appliquer le modèle déterminé précédemment sur les valeurs des paramètres ajustés de ces impédances. Il faut préciser que les impédances en vieillissement ont été mesurées à 50°C et non à 25°C comme dans les phases
de "check-up", il existe donc un biais de mesure puisque l'impédance d'une batterie dépend de sa température.
La figure 8 présente les capacités (Q) déterminées par les deux méthodes en fonction du temps (r) en heure : cyclage au cours des check-up à 20°C (CK) et impédances à 50°C mesurées au cours du vieillissement (VI). Il apparaît une similitude flagrante entre les deux types de résultats en fonction du temps. Le biais provenant de la différence de température est régulier, et présente des valeurs de capacité estimée toujours supérieures aux valeurs de capacité mesurées. Ce résultat est cohérent, car la capacité d'une batterie augmente toujours avec la température. Le SoH (représenté par la capacité) au cours du vieillissement peut être estimée par la méthode appliquée aux diagrammes d'impédances mesurés au cours du vieillissement, et ce, malgré l'écart de température. En effet, dans l'exemple utilisé le paramètre température n'a pas été étudié. L'intégration de ce paramètre permettrait d'améliorer la précision de l'estimation.
Détermination de l'état de charge (SOC pour State of Charge) des batteries
Le protocole expérimental a consisté à utiliser une batterie lithium-ion commercial de type graphite/phosphate de fer lithié complètement chargé de capacité 2,3 Ah et à la décharger par palier de 5 % d'état de charge. A chaque état de charge, la batterie est mise au repos jusqu'à stabilisation puis une mesure d'impédance en mode galvanostatique est effectuée. Le traitement des données est analogue à celui appliqué pour la détermination de l'état de santé.
Après traitement statistique, la relation retenue est :
SOC = a * Cx + b * al1 2 + c * W + d * W2 + e * Rl + f * L0.R0 + g * Cl.Rl
R0, RI, Cl, ail, L0, W représentant les paramètres électriques d'impédance ajustés comme indiqué précédemment (RO est la résistance d'électrolyte, RI la résistance de transfert, Cl la grandeur Ql du CPE, ail l'exposant de l'élément CPE, LO l'inductance en haute fréquence, W l'impédance de Warburg).
L'évolution du SoC estimé en utilisant cette relation est comparée au SoC connu de la batterie.
La figure 9 représente : sur le graphique du haut (a), le SoC estimée (SoC cale) à partir de la relation d'estimation du SoC en ordonnée, et le SoC de la batterie mesurée (SoC) en abscisse. La droite correspond à une régression linéaire; sur le graphe du bas (b), en ordonnée les résidus (ASoC cale) représentants l'écart entre le calculé à partir des diagrammes d'impédances, et en abscisse, le SoC de la batterie mesurée (SoC).
L'évolution des résidus montre que le modèle fonctionne statistiquement. De plus, le coefficient de corrélation R2 qui traduit la variance expliquée par le modèle est égal à 0.997 (si R2=0, aucune corrélation, R2=l, entière corrélation). L'erreur standard due au modèle est de 4%, cette valeur est très faible (4% d'incertitude sur le SoC d'une batterie), et indique la précision du modèle. Les analyses de variance indiquent également que les facteurs d'ajustement sont tous représentatifs du modèle. Le test de Kolmogorov- Smirnov est également effectué. Ce test permet de vérifier que les valeurs calculées par le modèle, et les valeurs mesurées suivent la même loi. Ce test donne une valeur P = 1 (si P=0, loi différente, P=l, loi identique), ce qui est très bon pour un modèle. Ainsi, au vu des tests statistiques effectués, le modèle obtenu est valide.