PROCEDE POUR LA CROISSANCE DE NITRURE D ' INDIUM
La présente invention concerne IΘ domaine des nanotechnologies utilisée pour la fabrication de dispositifs électroniques et, plus précisément, un nouveau procédé pour la croissance de nitrures d'éléments du groupe NIb.
Certains nitrures des métaux du groupe IHb, notamment d'indium et le gallium, présentent des propriétés électroniques très intéressantes pour des applications en électronique et en optoélectronique. En effet, ces matériaux présentent des vitesses de saturation exceptionnelles, ce qui permet d'envisager la réalisation de transistors opérant à très hautes fréquences. Par ailleurs, l'émission de radiation térahertzienne est possible dans ces matériaux.
Le nitrure d'indium suscite un intérêt croissant depuis que l'on sait que sa bande interdite pouvait être proche de 0,7-0,75 eV, fenêtre utilisée pour les communications en infrarouge. Ainsi, le nitrure d'indium, associé au nitrure de gallium, couvre le domaine de l'infrarouge avec notamment des émissions à 1 ,3 μm et 1 ,55 //m pour les applications aux télécommunications, mais également pour le domaine visible, l'émission dans le rouge.
Par ailleurs, il a été mis en évidence que l'on peut fabriquer des émetteurs de photon unique (« single photon emitter ») à partir de dispositifs nanométriques de semiconducteurs, appelés boîtes quantiques (« quantum dots »).
Le développement de technologies à base d'InN a été cependant jusqu'à présent limité par les difficultés liées à la croissance de ce matériau.
En effet, on ne dispose pas de substrats adaptés en maille, ce qui implique l'utilisation de procédés de croissance alternatifs de type "double step". Ce procédé, mis au point par S. Yoshida (S.Yoshida et al. J.Appl.Phys.53(10), (1982) 6844) pour la MBE et reprise par Amaπo et Akasaki (H.Amano et al., Appl.Phys.Lett.48, (1986) 353) pour la MOCVD consiste à introduire entre le substrat et la couche de matériau recherché une couche intermédiaire de ce même matériau ou d'un matériau de paramètre de maille et de structure compatibles déposé à plus basse température que le matériau cristallin. Cette couche intermédiaire communément appelée "buffer" (tampon) permet notamment d'absorber les effets liés aux désaccords de mailles et de coefficient de dilatation thermique, et donc d'améliorer la qualité cristalline de la couche finale.
Par ailleurs, la faible température de dissociation du nitrure d'indium, inférieure à 750°, de préférence inférieure à 7000C, se traduit par des vitesses de croissance très faibles, en raison de la faible décomposition dθ l'ammoniac, précurseur usuel de l'azote pour la croissance MOCVD. L'obtention d'un film de InN de qualité suffisante, notamment en termes de cristallinité, pour la réalisation d'un composant passe obligatoirement par l'optimisation du mouillage initial du substrat : c'est un paramètre essentiel qui implique une forte densité de nucléation d'InN sur la surface. Ceci est actuellement le facteur limitant dans les conditions de croissance classiques. Pour la croissance de nano-objets de nitrure d'indium, tels que les boîtes quantiques, il est également intéressant de contrôler la densité de nucléation, Le. la densité de nano-objets, à la fois dans le sens des fortes densités pour la réalisation de dispositifs "standard" tels que les diodes électroluminescentes par exemple, mais également dans le sens des faibles densités pour permettre d'isoler un nano-objet unique.
Diverses méthodes de croissance de nitrure d'indium sur un support sont connues.
Ainsi, la demande WO 2005/014897 décrit un procédé de fabrication de boîtes quantiques de nitrure d'indium comprenant la croissance de nitrure d'indium sur une couche présentant une structure de réseau similaire, tel que le nitrure de gallium ou le nitrure d'aluminium, par MOVPE (Metal-Organic Vapor Phase Epitaxy) avec pour précurseurs le triméthylindium (TMIn) et l'ammoniac.
Dans ce procédé, la taille des boîtes obtenues dépend de la température de croissance, du ratio molaire des précurseurs et du temps de dépôt. Le procédé décrit permet d'obtenir une densité de boîtes quantiques de nitrure d'indium inférieure à 108 cm"2, généralement de l'ordre de 107cm"2 en modifiant les paramètres. L'ajustement de ces paramètres peut toutefois en pratique se révéler long et difficile en raison leurs interactions complexes.
La demande FR 2 875 333 décrit la réalisation d'une couche de nitrure d'indium sur une couche en alliage d'au moins un élément atomique de la colonne II de la classification périodique et/ou d'au moins un élément atomique de la colonne IV de la classification périodique et de N2 (II-IV-N2) par MOVPE. Ce procédé n'enseigne pas la modulation de la densité de nucléation du matériau.
Le but de la présente invention est de proposer un procédé de croissance d'InN
permettant de surmonter les inconvénients de l'art antérieur, et notamment de contrôler la densité de nucléation du matériau.
Le procédé de croissance MOVPE proposé repose sur l'utilisation de gaz rares comme gaz vecteurs. Il permet de contrôler la densité de nucléation du nitrure d'indium sur un matériau. Il s'applique aussi bien à la croissance de films, d'hétérostructures que de nanostructures.
En effet, les inventeurs ont, de façon surprenante, découvert que l'utilisation d'un gaz rare lors de la croissance permet de modifier la densité de nucléation du matériau.
On constate que la présence du gaz rare affecte la densité de nucléation du matériau. Par la présence du gaz rare, la densité de nucléation peut se trouver augmentée ou diminuée, selon le choix du gaz rare, tous les autres paramètres du procédé étant maintenus constants. Aussi, il est possible ainsi de varier de manière aisée la densité de nucléation, vers des densités plus élevées et plus faibles, sans modifier les paramètres de procédé. Ce procédé est par ailleurs avantageux en ce qu'il ne nécessite pas de modification de l'appareillage et peut être mis en œuvre sur un équipement classique.
Selon un premier aspect, la présente invention concerne donc un procédé de croissance d'InN sur un substrat, caractérisé en ce que ladite étape de croissance est réalisée par MOVPE en présence d'un gaz rare.
Ledit gaz rare peut être choisi parmi l'hélium, le néon, l'argon, le krypton, le xénon et le radon ou l'un de leurs mélanges. Pour des raisons de disponibilité, on préfère l'hélium et l'argon.
Le terme MOVPE (Métal Organic Vapor Phase Epitaxy) ou MOCVD (Métal Organic Chemical Vapor Déposition) fait référence à l'épitaxie à partir d'organométalliques en phase vapeur.
La MOVPE consiste à former des structures en couches par dépôt atomique sur un substrat. Généralement, elle est réalisée en phase gazeuse, sous pression modérée (typiquement de quelques millibars à la pression atmosphérique) à partir de précurseurs gazeux et organométalliques contrairement à l'épitaxie par jets moléculaires (MBE pour Molecular Beam Epitaxy) qui est réalisée dans l'ultra-vide généralement à partir de sources solides.
La croissance par MOVPE est connue en tant que telle et peut être réalisée par l'homme du métier dans le domaine considéré. Un tel procédé de croissance par
MOVPE est décrit par exemple dans la demande WO 2005/014897 et dans l'ouvrage de G.B.Stringfellow, "Organometallic vapor-phase epitaxy: Theory and Practice", Académie Press, San Diego CA (1989).
Selon l'invention, on entend par "film" une couche continue, de préférence une couche mince, d'une épaisseur généralement comprise entre 1 monocouche atomique et 10 microns.
Selon l'invention, on entend par "nano-objet" une structure individuelle présentant au moins une dimension nanométrique, entre 1 et 50 nm.
La mise en œuvre du procédé est rapide et aisée. Bien que l'ajout d'une ligne spécifique d'arrivée pour le gaz rare puisse être envisagée dans certains cas, cela n'est pas nécessaire et on peut utiliser un équipement de croissance MOCVD standard.
De préférence, les matériaux de départ et les conditions de dépôt habituelles ne sont pas modifiés. En effet, le procédé est particulièrement avantageux en ce qu'il permet de moduler la densité de nucléation sans avoir à procéder à un réglage des paramètres du procédé hautement interdépendants.
Le choix du substrat n'est pas particulièrement limité. Il est choisi parmi les substrats habituellement utilisés, en fonction du matériau à déposer et de sa structure. Il peut s'agir notamment de saphir, SiC, Si ou GaN. Il présente généralement une épaisseur de plusieurs centaines de microns. Le substrat peut être recouvert par une couche de matériau choisi parmi AIN,
GaN, SiC, Si, InGaN, AIInGaN. On choisira de préférence le GaN.
La surface d'épitaxie du substrat peut être travaillée de façon à améliorer ses propriétés physiques pour la croissance. On peut mettre en œuvre une ou plusieurs des techniques suivantes : polissage, gravure chimique, ou d'autres techniques connues de l'homme du métier.
Le matériau est formé par décomposition thermique des précurseurs et réaction entre les produits de décomposition.
Des précurseurs appropriés sont choisis parmi les dérivés présentant une stabilité thermique limitée. L'azote peut être apporté aisément par l'ammoniac ou le diméthylhydrazine par exemple.
Les précurseurs de l'indium peuvent être choisis parmi les composés organométalliques. Plus particulièrement, on peut utiliser des dérivés alkyles, comme les dérivés méthyle et éthyle, tels que le triméthylindium et le triéthylindium.
Les précurseurs se présentent généralement sous forme gaz, liquide ou solide. Aussi, on utilise un gaz vecteur afin d'entraîner les précurseurs et d'assurer un écoulement laminaire des gaz dans le réacteur.
Selon l'invention, le gaz vecteur est constitué en tout ou en partie par un gaz rare. Aussi, il est possible d'utiliser un gaz vecteur comprenant un gaz rare et un gaz vecteur habituel comme l'azote ou l'hydrogène.
Le ratio molaire entre les précurseurs en phase gazeuse est réglé de manière à obtenir celui du matériau recherché en phase solide. La quantité de gaz vecteur dépendra essentiellement de l'équipement de croissance utilisé. La pression totale est généralement comprise entre environ 20 millibars et la pression atmosphérique.
La température de croissance est fonction notamment de la constitution de la couche à déposer et du précurseur choisi. A titre d'exemple, elle est généralement inférieure ou égale à 750cC, notamment entre 25O0C et 6500C pour le InN. La croissance par MOVPE en présence d'un gaz rare permet de modifier la densité de nucléation du matériau. Le sens du contrôle de la densité de nucléation (augmentation ou diminution) dépend de la nature du gaz rare choisi.
Ainsi, on dispose d'un outil simple pour contrôler la densité de nucléation d'InN déposé sur un support, sans modifier les autres paramètres du procédé. Les éléments d'InN peuvent notamment être des films ou des nano-objets tels que des boîtes quantiques.
Avantageusement, la hauteur des nano-objets n'est pas affectée par la présence du gaz rare, préservant ainsi le contrôle des caractéristiques d'émission d'émission (longueur d'onde, efficacité,...), lié au confinement dans les boîtes. Ainsi, le procédé décrit permet, pour des paramètres de dépôt identiques, d'obtenir des films et nano-objets des matériaux considérés ayant une densité de nucléation supérieure ou inférieure.
Selon un autre aspect, la présente invention concerne donc un substrat portant un film ou un ou plusieurs nano-objets en matériau considéré susceptible d'être obtenu par ce procédé.
En particulier, les films et nano-objets de nitrure d'indium présentant une densité de nucléation supérieure ou égale à 109 cm"2, de préférence à 1010 cm"2 font partie de la présente invention.
De même, les films ou nano-objets de nitrure d'indium présentant une densité de
πucléation inférieure à 107 cm"2, de préférence 106 cm"2 font également partie de la présente invention.
Selon le gaz rare employé, on peut ainsi étendre un champ d'application d'un procédé de croissance caractérisé par un ensemble de paramètres de dépôt donné.
Aussi, selon un autre aspect encore, l'invention vise l'utilisation d'un gaz rare comme gaz vecteur dans la croissance de nitrure d'indium par MOVPE pour modifier la densité de nucléation.
Le procédé de croissance permet alors l'accès au nano-objet unique mais aussi à une forte densité de nano-objets ou un film de densité de nucléation élevée, utiles pour des composants opto-électronique "standard".
Ainsi, selon un dernier aspect, la présente invention concerne également les composants comprenant un film ou nano-objet tel que décrit ci-dessus.
Lesdits composants sont utiles notamment dans le domaine de l'optoélectronique. Il peut s'agir notamment de diodes électroluminescentes, de diodes lasers ou encore de transistors.
FIGURES
La figure 1 représente les images de microscopie à force atomique des nano- objets de nitrure d'indium sur un substrat GaN (2 μm x 2μm).
La figure 1A représente des nano-objets en InN obtenus avec l'argon comme gaz vecteur selon l'exemple 1 ; La figure 1 B représente des nano-objets en InN obtenus avec l'azote comme gaz vecteur selon l'exemple 2 ; et
La figure 1 C représente des nano-objets obtenus en InN avec l'hélium comme gaz vecteur selon l'exemple 3.
Les exemples suivants sont donnés à titre illustratif et non limitatif de la présente invention.
EXEMPLES
EXEMPLE 1
Dépôt de boîtes αuantiques de InN avec azote comme gaz vecteur Dans un dispositif de croissance par MOVPE (Aixtron: AIX200/4RF-S), on procède à la croissance de boîtes quantiques d'InN sur un substrat de saphir (0001 ) "epi-ready", poli sur une face.
On utilise les précurseurs suivants: triméthylindium (TMI), triméthylgallium (TMGa) et NH3. Le gaz vecteur employé est l'hydrogène excepté pour l'étape 5 ou on utilise de l'azote.
Plus spécifiquement, les étapes du procédé de croissance mis en œuvre sont comme suit:
1. Désorption du substrat: 10 minutes à 12000C à 100 mBar
2. Dépôt d'une couche de tampon d'une épaisseur de 25 nm de GaN à 540°C, 200mBar avec 3000sccm (sccm = cm3 standard / minute) de NH3 et 10sccm de TMGa refroidi à 00C ;
3. Recristallisation de la couche de tampon de GaN 1 minute à 10500C, 200 mBar, avec 2000sccm de NH3 ;
4. Croissance de la couche de GaN d'une épaisseur de 1 μm à 10900C, 200mBar avec 2000sccm de NH3 et 15sccm de TMGa refroidi à O0C ;
5. Croissance de boîtes de InN d'une hauteur moyenne de 22 nm :
45 s de croissance à 550°C, 200mBar avec 7000sccm de NH3 et 643sccm de TMI (200C) ;
Les flux entrants dans le réacteur se font strictement ou le plus fidèlement possible dans le rapport volumique 7:1 , pour le NH3 d'une part et le TMI et TMGa, d'autre part, l'injection du NH3 et des précurseurs organométalliques se faisant séparément.
La Fig.1A montre l'image de microscopie à force atomique de l'échantillon obtenu. On détermine par comptage une densité de nano-objets de nitrure d'indium d'une densité de l'ordre de 1 ,6x109 cm"2.
EXEMPLE 2
Dépôt de boîtes quantiαues de InN sous argon comme gaz vecteur
On procède de la même manière qu'à l'exemple 1 , sauf à remplacer l'azote utilisé comme gaz vecteur à l'étape 5 par de l'argon.
La Fig.1B montre l'image de microscopie à force atomique de l'échantillon obtenu. On détermine par comptage une densité de nano-objets de nitrure d'indium d'une densité de l'ordre de 7x109 cm"2, ce qui correspond à une augmentation de près de 340 % par rapport à l'exemple 1 utilisant l'azote comme gaz vecteur.
EXEMPLE 3
Dépôt de boîtes guantigues de InN sous hélium comme gaz vecteur
On procède de la même manière qu'à l'exemple 1 , sauf à remplacer l'azote utilisé comme gaz vecteur à l'étape 5 par de l'hélium.
La Fig.1C montre l'image de microscopie à force atomique de l'échantillon obtenu. On détermine par comptage une densité de nano-objets de nitrure d'indium d'une densité plus faible, soit 109 cm"2, soit une diminution de 38 % par rapport à l'exemple 1 utilisant l'azote comme gaz vecteur.
Dans les exemples 2 et 3, la hauteur des nano-objets obtenus sont quasiment identiques à la hauteur obtenue en utilisant l'azote, seule la forme se trouve légèrement modifiée.
Ainsi, dans le système étudié, on modifie en changeant le gaz vecteur la densité, légèrement le diamètre, mais pas la hauteur des nano-objets. Cet aspect est d'importance dans la mesure où le confinement dans les boîtes et donc l'efficacité d'émission dépend des dimensions de la boîte, et donc de leur hauteur.