Procédé et dispositif de réduction des boues des stations de traitement biologiques d'eaux résiduaires
La présente invention a pour objet un procédé ainsi qu'un dispositif assurant la réduction de la production de boues biologiques des stations d'épuration d'eaux résiduaires urbaines ou industrielles. On sait que l'épuration des eaux résiduaires par voie biologique consiste à utiliser la pollution organique, azotée et phosphorée comme substrat nutritif pour la biomasse épuratrice, ladite pollution carbonée et azotée se transformant en dioxyde de carbone et en azote, tandis que la biomasse prolifère proportionnellement à la quantité de pollution dégradée. L'excédent de biomasse formée constitue ce qu'on nomme couramment les boues biologiques en excès.
Le traitement et l'évacuation finale de ces boues est un enjeu environnemental et économique majeur. Avec une prévision de production annuelle, en 2002, de plus de 1 200 000 tonnes de matières sèches par an pour le traitement des eaux usées urbaines en France, et de plus de 10 millions de tonnes pour la Communauté Européenne, on réalise que la gestion de la production et du traitement des boues produites par les stations d'épuration constitue une préoccupation grandissante, amplifiée par les nouvelles contraintes réglementaires, environnementales, sanitaires, économiques, voire politiques et psychologiques.
Les techniques classiques pour l'élimination de ces déchets comportent notamment la mise en décharge, la valorisation agricole et l'incinération. Ces techniques présentes cependant de graves inconvénients.
C'est ainsi que l'interdiction de mise en décharge des déchets non ultimes, les contraintes sévères (notamment vis-à-vis des métaux lourds et de certains composés
organiques suspects) pour la valorisation agricole, la maîtrise des coûts et des risques de pollution atmosphérique de l'incinération vont peser lourdement sur l'élimination de ces déchets.
Dans ce contexte, on a envisagé des technologies nouvelles, ayant pour objectif une Réduction de la Production de Boues (en abrégé RPB) des installations de traitement biologique des eaux résiduaires urbaines ou industrielles. Certaines de ces techniques de RPB reposent sur le couplage entre un procédé à boues activées conventionnel et un traitement des boues installé en boucle sur le bassin d'aération. Le traitement associé peut faire appel à des techniques mécanique, physico-chimique, thermique ou biologique et repose souvent sur le couplage de plusieurs de ces techniques.
Par ailleurs, les normes en vigueur imposent de plus en plus fréquemment la mise en œuvre de procédés d'élimination du phosphore dans la filière de traitement des eaux résiduaires. Dans le cas d'un traitement biologique conventionnel, le traitement du phosphore peut être effectué selon deux voies principales : Par élimination physico-chimique : les phosphates sont rendus insolubles sous la forme de précipités obtenus par un addition de réactif inorganique, tel que les sels d'aluminium, de fer ou de la chaux. L'addition de réactif peut être effectuée directement dans le bassin d'aération (déphosphatation simultanée) ou peut intervenir dans une étape spécifique, après la clarification' (déphosphatation tertiaire). Dans tous les cas cette technique d'élimination conduit à une production importante de boues physico-chimiques et les consommations de réactifs sont supérieures à la quantité stœchiométrique du fait de l'existence de réactions annexes notamment avec la matière organique. > Par élimination biologique : les dérivés du phosphore sont « sur-accumulés » par la biomasse, par suite d'alternances de phases anaérobies et aérobies. Le soutirage des boues biologiques en excès permet donc l'extraction du phosphore combiné à la biomasse.
Une combinaison de ces voies d'élimination du phosphore peut être utilisée lorsque le niveau d'élimination requis est élevé ou lorsque la déphosphatation biologique complète n'est pas possible. La combinaison de ces deux techniques
permet de réduire fortement la consommation de réactif dans les étapes de précipitation physico-chimique, ce qui a pour conséquence de diminuer la production de boues minérales de déphosphatation.
L'adoption d'une étape de traitement de RPB par dégradation enzymatique thermophile (on peut notamment à cet égard se reporter à EP-A-924 168 et 1 008 558), ou par oxydation partielle à l'ozone couplée à une agitation mécanique (WO 99/06327) installée en parallèle et en boucle sur le bassin biologique est très performante et conduit, pour certains procédés, à des réductions de production de boue significatives, dépassant 80%. La figure 2 des dessins annexés représente un exemple de réalisation d'une installation de traitement à boues activées comportant, en boucle sur un bassin d'aération, un dispositif de réduction de la production de boues pouvant être un réacteur de dégradation thermophile aérobie ou une unité d'oxydation partielle à l'ozone produisant une agitation mécanique. Sur cette figure 2, la référence 1 désigne l'introduction de l'eau residuaire à traiter (ER), celle-ci traversant respectivement une zone anaérobie R, une zone anoxie X , une zone aérobie A avant d'être traitée dans un clarificateur C. Le dispositif de RPB désigné dans son ensemble par la référence B est monté en parallèle et en boucle sur l'installation de traitement à boues activées.
Malgré leur intérêt sur le plan de la réduction de la production de boues, de telles installations présentent cependant divers inconvénients, à savoir :
> La mise en place d'un procédé de RPB, en boucle sur un bassin d'aération, entraîne de nombreuses répercussions sur la conception, les performances et l'exploitation de l'ensemble de la station d'épuration (modification des concentrations en boues, de leur vitesse de décantation, de la qualité d'eau traitée).
> La consommation de phosphore liée à la synthèse de la matière vivante de la biomasse est diminuée dans les mêmes proportions que la réduction de production de boues. Cette fraction du phosphore reste donc sous forme soluble dans l'eau et nécessite un traitement spécifique par précipitation physico- chimique, préalablement au rejet en milieu naturel. Or, compte tenu des faibles concentrations à éliminer (quelques mg/1 en P), la réaction nécessite un très large
excès de réactif de précipitation, par rapport à la stcechiométrie. La production de boues minérales de déphosphatation physico-chimique est alors importante et diminue d'autant l'intérêt global du procédé de RPB. Conformément à la remarque précédente, l'efficacité d'une étape d'élimination du phosphore par voie biologique est réduite dans les mêmes proportions que la production de boues. On peut ainsi comparer les rendements d'élimination du phosphore d'une installation de traitement classique à boues activées, telle qu'illustrée par la figure 1 (sur laquelle on retrouve les différents moyens de cette installation décrits ci-dessus en référence à la figure 2), avec ceux d'une installation selon la figure 2 :
Dans les deux cas, les conditions de fonctionnement sont les suivantes :
Nb équivalent habitant : 50000 eq-Hab
Débit quotidien : 7500 m3/j
Production de boues : 3000 kg MES/j Volume de la station : 15000 m3
Concentration phosphore : 8 g/ m3 A l'issue du traitement dans l'installation selon la figure 1, on obtient de l'eau traitée (ET) qui présente une concentration en phosphore de 1 mg/1 et une extraction des boues en excès de : 3000 kg MES/j et phosphore environ 50 kg, alors que selon le traitement dans l'installation conforme à la figure 2, l'eau traitée présente une concentration en phosphore de 6 à 7 mg/1, l'extraction des boues en excès étant de 600 kg MES/j (80% de RPB et phosphore environ 10 kg), cette installation nécessitant un traitement physico-chimique du phosphore. Les flux de carbone et d'azote qui sont utilisés pour la synthèse de matière vivante, dans le cas d'un système biologique conventionnel, font l'objet d'une re-solubilisation lors de l'étape de RPB et constituent donc une charge de pollution supplémentaire, recyclée sur la réacteur biologique et qui impose une adaptation des capacités et des phases d'aération. La mise en place des procédés de réduction de production de boue sur des stations d'épuration de petite taille, inférieure à 10 000 équivalents-habitants, conduit à des difficultés en terme d'exploitation (en particulier, les sections de
passage des tuyauteries et des échangeurs thermiques, ne sont pas adaptées à la surcharge hydraulique induite par le bouclage sur le bassin d'aération et des problèmes de colmatage peuvent surgir) et demeure difficilement justifiable en termes d'investissement. Or ce sont précisément ces stations qui rencontrent le plus de difficultés à évacuer leurs boues, du fait de leur dispersion sur les territoires.
> Enfin, sur un plan plus contractuel, qui dit réduction de la production de boues, suppose de la rapporter à une référence de production d'une installation conventionnelle non équipée de RPB : or cette référence devient virtuelle dès lors que la technologie de réduction est mise en oeuvre.
Pour résoudre les problèmes posés par la réduction de production des boues biologiques, la présente invention prend le contre-pied de l'état antérieur de la technique rappelé ci-dessus, en dissociant le procédé de Réduction de la Production de Boues de la filière biologique de la station d'épuration, en concevant une plate- forme dédiée à la RPB et au traitement par précipitation du phosphore accumulé dans les boues provenant d'une installation d'assainissement. Ainsi, selon la présente invention, le traitement des boues est réalisé dans une installation physiquement et biologiquement indépendante de la ou des stations d'épuration, permettant ainsi de maximiser la fonction "déphosphatation biologique" sur la ligne "eau", tout en assurant la Réduction de Production de Boue.
Selon un mode de mise en œuvre de la présente invention, l'élimination de la pollution phosphorée est réalisée dans une installation indépendante de la filière de traitement d'eaux usées, la pollution phosphorée pouvant être traitée par précipitation au moyens de sels et /ou composés minéraux. Selon l'invention, le phosphore stocké dans les boues biologiques excédentaires est traité sous forme concentrée (facteur 10 à 100) séparément sur l'installation de réduction de production de boue.
Selon l'invention, le procédé est mis en œuvre dans une installation qui est géographiquement distante de la ou des stations générant la boue. Selon un autre mode de mise en œuvre de la présente invention, on prévoit un traitement biologique spécifique de la matière organique provenant de la lyse des
bactéries, (du type à boues activées, SBR "Sequenced Batch Reactor", chenal d'oxydation, bioréacteur à membrane "BRM") ce traitement pouvant être différent ou non du traitement biologique ayant conduit à la production de la boue.
L'invention vise également un dispositif pour la mise en œuvre du procédé défini ci-dessus.
D'autres caractéristiques et avantages de la présente invention ressortiront de la description faite ci-après, en référence aux dessins annexés qui en illustrent des exemples de réalisation dépourvus de tout caractère limitatif. Sur les dessins :
- les figures 1 et 2 sont des schémas illustrant l'état antérieur de la technique décrit ci-dessus ;
- la figure 3 est un schéma illustrant un exemple de mise en œuvre du procédé selon l'invention et
- la figure 4 est également un schéma illustrant la mise en œuvre de ce procédé et les résultats qu'il permet d'obtenir. En se référant à la figure 3, on voit qu'un procédé selon la présente invention comporte :
- une installation de traitement biologique à faible, moyenne ou forte charge pouvant être réalisée sous la forme d'un réacteur à boues activées (traitement C/N/P), d'un réacteur à cultures mixtes ou à cultures fixées, ou d'un bio-réacteur à membranes ;
- un dispositif de séparation des boues et
- des moyens dédiés pour la réduction de la production de boues, ces moyens recevant les boues, après épaississement éventuel, provenant de l'installation de traitement biologique. Ces derniers moyens peuvent être réalisés soit sous la forme d'un réacteur de
RPB par dégradation enzymatique thermophile (comme représenté sur la figure 3, ces moyens pouvant être du type décrit dans EP 924 168 et 1 008 558), soit sous la forme d'un dispositif d'oxydation partielle à l'ozone produisant une agitation mécanique (WO 99/6327). La source de substrat nutritif pour les bactéries du traitement biologique est la matière organique provenant de la lyse des cellules
bactériennes résultant de la réaction enzymatique thermophile . Il est inutile, dans cette configuration de recourir à la matière organique des eaux usées.
On retrouve sur la figure 4 des dessins annexés les mêmes moyens que ceux décrits ci-dessus en référence à la figure 3 : une installation de traitement biologique à boues activées et un dispositif de réduction de la production de boues. Dans cette variante de l'invention, on peut également prévoir le traitement de boues liquides en provenance d'installations de traitement biologique distantes, ainsi qu'on l'a représenté sur cette figure.
Sur la figure 4, on a mentionné les différentes données techniques d'un exemple d'installation mettant en œuvre l'invention, ainsi que les résultats obtenus.
Dans une installation de RPB en boucle sur le bassin d'aération, selon la technique antérieure décrite ci-dessus, le phosphore solubilisé lors de l'étape de dégradation thermophile enzymatique se retrouve en 2, dilué dans le débit « Q » (figure 2). Dans le cas de la présente invention (figures 3 et 4), la même quantité de phosphore se retrouve dans le débit « q » qui est de 10 à 50 fois inférieur au débit Q. La concentration en phosphore à traiter est donc 10 à 50 fois supérieure ; ceci autorise d'autres voies d'élimination, un meilleur rendement de précipitation par rapport à la stœchiométrie, donc une économie de réactif et une production de boue de déphosphatation plus faible. Il est, de plus, envisageable d'utiliser des ouvrages de séparation du précipité plus compacts. En outre, la collecte des boues concentrées en phosphate minéral en sortie d'une installation centralisée permet d'envisager une valorisation spécifique.
Une telle filière biologique de RPB dédiée peut donc être conçue de façon très différente de la filière conventionnelle de traitement des eaux usées avec RPB bouclée sur le bassin d'aération : elle permet de gagner en compacité, en efficacité sans devoir subir les contraintes de traitement requises pour l'épuration des eaux usées (contrainte résultant, dans le cas « RPB bouclée », du retour de l'effluent en tête de la ligne de traitement de l'eau). L'installation de RPB dédiée peut également être géographiquement distante de la station d'épuration proprement dite, ainsi que l'illustre la figure 4.
Enfin, la présente invention présente l'avantage de permettre la mesure quantitative objective de l'efficacité de la Réduction du volume de boues : la réduction de la production de boues est en effet calculée par différence entre la quantité de boues extraites des stations de traitement de l'eau en 3, à la sortie du clarificateur et la quantité de boues extraite de la filière de RPB dédiée en 4 (figures 3 et 4).
Une telle association permet de répondre aux inconvénients cités précédemment des installations de RPB directement intégrées en boucle sur le bassin de boues activées de la station d'épuration. Le procédé objet de l'invention permet de réduire les boues de plusieurs stations d'épuration, en particulier de petite taille, inférieure à 20 000 équivalent habitants, quelle que soit leur filière de traitement. En outre, il permet d'adapter la capacité d'oxygénation et le mode de diffusion d'air ou d'oxygène indépendamment de celui de la station ayant généré la boue. II demeure bien entendu que la présente invention n'est pas limitée aux exemples de réalisation décrits et représentés ci-dessus, mais qu'elle en englobe toutes les variantes.