PROCEDE D'EXTRACTION DE L'IODE DESCRIPTION
DOMAINE TECHNIQUE
La présente invention a pour objet un procédé d'extraction de l'iode, notamment de l'iode radioactif 129 d'une solution aqueuse le contenant vers une phase organique, suivie éventuellement d'une deuxième extraction de l'iode contenue dans la phase organique vers une phase aqueuse, dite phase aqueuse de réextraction.
Un tel procédé trouve notamment son application dans le traitement de solutions aqueuses en provenance d'installations de retraitement de combustibles nucléaires usés, contenant l'iode sous sa forme radioactive.
ETAT DE LA TECHNIQUE ANTERIEURE
Dans les combustibles nucléaires usés, l'iode peut se présenter sous différentes formes, telle que l'iode moléculaire, les iodures, les iodates. Lors de l'étape de dissolution des combustibles usés par une solution d'acide fort fortement concentré, l'iode se transforme quasi-totalement en iode moléculaire et a tendance à se désorber de la solution de dissolution et de ce fait, contaminer les ateliers de traitement, par lesquels passe la solution de dissolution.
Une option, pour éviter cette contamination, consiste à placer des pièges à iode sur tous les évents des ateliers de traitement. Toutefois, cette option engendre un surcoût important, du fait que les pièges à iode nécessitent généralement,
l'utilisation de matériaux de piégeage solides coûteux, tels que des zéolithes, de l'alumine ou silice imprégnées de nitrate d'argent.
Afin de contourner cette option, l'idée est de ne pas laisser dans la solution de dissolution susmentionnée une quantité d'iode supérieure à celle correspondant aux autorisations de rejet. Avant d'être véhiculée dans les ateliers de traitement, la solution de dissolution est, ainsi amenée à subir une phase d'extraction de l'iode.
Généralement, l'extraction de l'iode d'une solution aqueuse est mis en œuvre par un procédé d'extraction liquide-liquide.
Ainsi, les auteurs Ali A.Ensafi et H.Eskandari, dans l'article « Efficient and sélective extraction of iodide through a liquid membrane », Microchemical Journal 69(2001), 45-50 [1], décrivent un procédé d'extraction d'iode moléculaire d'une première solution aqueuse vers une deuxième solution aqueuse basique, où l'iode moléculaire est réduit en iodures via une membrane liquide épaisse constituée de chloroforme, qui joue le rôle de phase organique.
Toutefois, ce procédé présente de multiples inconvénients, notamment s'il est destiné à être mis en œuvre pour l'extraction d'iode radioactif, du fait de l'utilisation du chloroforme en tant que phase organique .
En effet, le chloroforme est un solvant radiochimiquement instable et présente une solubilité dans l'eau trop élevée pour constituer une membrane liquide stable. De plus, ce solvant est beaucoup trop
volatil, pour être utilisé en réacteur fermé, comme c'est le cas pour l'extraction d'iode radioactif.
EXPOSÉ DE L'INVENTION
La présente invention a ainsi pour but un procédé d'extraction de l'iode, qui permet d'obtenir d'excellents résultats de transfert d'iode d'une première phase aqueuse vers une phase organique, et qui ne présente pas les problèmes de volatilité de la phase organique. De plus, il conduit à une excellente réversibilité de la rétention d'iode au niveau de la phase organique, pour une éventuelle réextraction vers une seconde solution aqueuse.
Pour ce faire, l'invention a pour objet un procédé d'extraction d'iode d'une première solution aqueuse acide, dans lequel on met en contact ladite première solution aqueuse avec une phase organique comprenant un solvant organique choisi dans un groupe constitué par : - les composés de formule
dans laquelle n est un entier allant de 4 à 8 ; l'hexane, l' hexylbenzène, le 1,3- diisopropylbenzène ; et - les mélanges de ceux-ci, afin de transférer l'iode de la première solution aqueuse dans ladite phase organique.
De préférence, selon l'invention, le procédé comporte, de plus, une étape de mise en contact de ladite phase organique contenant l'iode avec une deuxième solution aqueuse contenant une base minérale, dite solution de réextraction, afin de rêextraire l'iode dans ladite deuxième solution aqueuse.
Ainsi, le procédé est basé sur le principe de l'extraction-réextraction. Dans un premier temps, l'iode, présent dans la première solution aqueuse sous la forme majoritaire d'iode moléculaire du fait de l'acidité du milieu, est extrait de la première phase aqueuse par la phase organique. Dans un deuxième temps, l'iode contenue dans la phase organique peut être réextrait par une deuxième solution aqueuse basique et est piégé de ce fait dans ladite solution, sous forme d'iodure de sodium. Cette solution peut être ensuite traitée en vue d'un conditionnement.
Le procédé, selon l'invention, présente l'avantage d'employer des solvants organiques qui sont insolubles dans l'eau, ce qui évite un mélange des phases lors de la mise en œuvre du procédé, et peu volatils, ce qui permet d'éviter les risques de surpression, lorsque le procédé est mis en œuvre dans un réacteur fermé . De plus, la rétention de l'iode, avec l'emploi de solvants conformes à l'invention, est réversible, ce qui permet de réextraire efficacement l'iode de la phase organique.
Selon un mode particulièrement avantageux de l'invention, l'on met en contact ladite première solution aqueuse avec l'une des faces d'une membrane
microporeuse supportant ladite phase organique et l'on met en contact la face opposée de ladite membrane microporeuse avec ladite seconde solution aqueuse.
Ce mode de réalisation est particulièrement avantageux, du fait que la membrane assure une séparation physique entre la première solution aqueuse et la deuxième solution aqueuse et permet ainsi de ne plus avoir recours à deux réacteurs d'échange liquide- liquide, pour assurer les deux extractions successives. La membrane microporeuse, selon l'invention, peut être réalisée en polymère, par exemple en polyéthylène, en polysulfone, en polypropylène, en polyfluorure de vinylidène ou encore en polytétra-fluoroethylene. On utilise avantageusement une membrane de faible épaisseur, par exemple 25 μm, de grande porosité, par exemple d'environ 45 %, avec des pores de dimensions très faibles, par exemple de 0,4 μm de longueur et de 0,04 μm de largeur.
De préférence, la membrane microporeuse est en polypropylène. Ce matériau présente l'avantage d'être résistant aux solvants organiques utilisés dans le cadre de l'invention, mais aussi aux solutions aqueuses très acides ou très basiques mises en œuvre dans le cadre de cette invention. De telles membranes sont par exemple, commercialisées sous la marque CELGARD® .
Selon l'invention, ledit solvant organique est, de préférence, le 1, 2-nitrophénylhexylëther, connu sous l'abréviation 1,2-NPHE ou le 1,2- nitrophényloctyléther, connu sous l'abréviation 1,2-
NPOE.
Ces solvants présentent l'avantage d'être radiochimiquement stables en présence d'acide nitrique sous irradiation. Ainsi, par exemple, le 1,2-NPOE reste stable. Ces solvants présentent également l'avantage d'être insolubles dans l'eau, ce qui conduit, lorsque le procédé est mis en œuvre à l'aide d'une membrane à la formation d'une membrane liquide supportée très stable. De plus, ces solvants présentent une affinité importante vis-à-vis de l'iode, ce qui permet d'extraire l'iode de la première solution aqueuse de manière efficace. Ces solvants présentent l'avantage également de ne pas entraver la réversibilité de la rétention d'iode et facilitent, de ce fait, le cas échéant, la réextraction de l'iode vers la deuxième solution aqueuse.
Selon l'invention, la première solution aqueuse peut être une solution d'acide nitrique ayant une concentration en acide allant de 1 à 5 mol/L.
L'emploi d'une telle solution est particulièrement avantageux, dans la mesure où l'acide nitrique, à une telle concentration, permet l'oxydation quasi-totale de l'iode présent avant dissolution sous différentes formes en iode moléculaire, ledit iode moléculaire présentant une grande affinité vis-à-vis des solvants organiques, utilisés dans le cadre de 1' invention.
Selon l'invention, la base minérale de la deuxième solution aqueuse est, de préférence, de la soude, à une concentration, par exemple, allant de 0,01 à 2 mol/L.
La présence de soude, au niveau de la deuxième solution aqueuse, facilite la réextraction de l'iode, par formation d' iodure de sodium soluble dans la solution aqueuse. Avantageusement, la deuxième solution aqueuse peut contenir un réducteur, par exemple, le borohydrure de sodium à une concentration par exemple, allant de 10"3 à 10"1 mol/L.
La présence d'un réducteur contribue à accélérer la cinétique de réextraction de l'iode en direction de la deuxième solution aqueuse, en favorisant la réduction de l'iode moléculaire en iodures, lesdits iodures étant par nature solubles en phase aqueuse . Enfin, le procédé, selon l'invention, peut s'appliquer avantageusement à l'extraction de l'iode radioactif, tel que 129I.
Lorsque l'invention met en œuvre une membrane microporeuse supportant la phase organique, celle-ci peut être mise en place dans un réacteur afin de séparer celui-ci en deux compartiments, le premier compartiment en contact avec l'une des faces de la membrane contenant la première solution aqueuse contenant l'iode et le second compartiment en contact avec l'autre face de la membrane contenant la seconde solution aqueuse dite de réextraction. Pour obtenir de grandes surfaces de filtration sous un faible volume, les membranes microporeuses peuvent être utilisées sous la forme de modules tels que les modules d'ultrafiltration.
D'autres caractéristiques et avantages de l'invention apparaîtront mieux à la lecture des exemples qui suivent, donnés à titre illustratif et non limitatif.
BREVE DESCRIPTION DES DESSINS
La figure 1 est un graphique illustrant l'évolution des quantités d'iode extraits (courbe a) et réextraits (courbe b) en % en fonction du temps, lorsque le procédé met en œuvre une membrane microporeuse imprégnée de 1,2-NPHE, à partir d'une solution aqueuse acide de départ contenant de l'iode 12ΞI à une teneur de 1500 kBq/L. La figure 2 est un graphite illustrant l'évolution des quantités d'iode extraits (courbe a) et réextraits (courbe b) en % en fonction du temps, lorsque le procédé met en œuvre une membrane microporeuse imprégnée de 1,2-NPHE, à partir à partir d'une solution aqueuse acide de départ contenant de l'iode 125I à une teneur de 1500 kBq/L, à laquelle on ajoute, afin d'augmenter la teneur globale en iode une solution d'acide iodhydrique à 10"3 mol/L.
EXPOSÉ DÉTAILLÉ DE MODES DE RÉALISATION PARTICULIERS
EXEMPLE 1
Dans cet exemple, on utilise, comme solvant organique, le 1, 2-nitrophénylhexyléther (1,2-NPHE).
Dans un premier temps, on met en contact, dans un tube en polypropylène étanche, une première
solution aqueuse d'acide nitrique de concentration 3 mol/L contenant de l'iode 125I, à une teneur de 1500 kBq/L avec une phase organique contenant du 1,2-NPHE. Les volumes de la solution aqueuse et de la phase organique sont égaux. L'ensemble est agité entre 10 minutes et une heure de façon douce par un dispositif approprié et ultérieurement mis dans une centrifugeuse pour une durée de 10 minutes à 4000 rpm.
On mesure le coefficient de distribution Dex de l'iode entre la première solution aqueuse et la phase organique, ce coefficient - correspondant au rapport de la concentration en iode en phase organique à la concentration en iode en solution aqueuse à l'équilibre. Les concentrations en iode sont mesurées par spectrométrie gamma. La valeur du coefficient de distribution de l'iode, dans le cadre de cet exemple, est de 3, ce qui correspond à 75 % d'extraction.
Dans un deuxième temps, on met en contact la phase organique après extraction et après élimination de la première solution aqueuse, avec une deuxième solution aqueuse de réextraction, ladite solution étant une solution aqueuse de soude, les volumes de phase organique et de solution de réextraction étant sensiblement égaux.
Différents essais ont été effectués en faisant varier la concentration en soude de la deuxième solution aqueuse. On mesure les coefficients de distribution Drgex de l'iode, qui pour la réextraction correspond au rapport de la concentration en iode dans
la seconde solution aqueuse à la concentration en iode en phase organique.
Les résultats sont regroupés dans le tableau 1 ci-dessous.
Tableau 1
On constate, à la lecture de ce tableau, que l'on réextrait le mieux l'iode avec une solution aqueuse de soude à 0,6 mol/L. Toutefois, la réextraction est suffisante à 10"1 mol/L, concentration que l'on choisit, avantageusement, afin de minimiser la quantité de sodium que l'on aurait à conditionner ultérieurement . EXEMPLE 2.
Dans cet exemple, on utilise le même mode opératoire que dans l'exemple 1, mais on utilise comme
solvant organique le 1, 2-nitrophényloctyléther (1,2- NPOE) et une concentration en soude de 10"1 mol/L. On obtient les résultats suivants : Dex=2,9
D ée = 1 , ' EXEMPLE 3 .
Dans cet exemple, on utilise le même mode opératoire que dans l'exemple 2, mais on utilise comme solvant organique l'hexane. On obtient les résultats suivants :
Dex=l,5
D ée = , 2. EXEMPLE 4 .
Dans cet exemple, on utilise le même mode opératoire que dans l'exemple 2, mais on utilise comme solvant organique 1 ' hexylbenzène . On obtient les résultats suivants : Dex=2.7
-^réex:= -L • o EXEMPLE 5.
Dans cet exemple, on utilise le même mode opératoire que dans l'exemple 2, mais on utilise comme solvant organique le 1, 3-diisopropylbenzène.
On obtient les résultats suivants : Dex=2,3
D ée =2 , 3
EXEMPLE COMPARATIF 1 .
Dans cet exemple, on utilise le même mode opératoire que dans l'exemple 2 et on effectue différents essais avec comme solvants organiques, des alcools comme l'hexanol, l'octanol, l' isotridécanol, un acide carboxylique comme l'acide hexanoïque, une cétone comme la 4-méthyl-l, 2-pentanone, un ester comme l'acétate de butyle .
Les résultats sont regroupés dans le tableau 2 ci-dessous.
Tableau 2
A la lecture de ces résultats, on constate que ces solvants assurent une bonne extraction de l'iode mais ne permettent pas une réextraction efficace de l'iode par la solution aqueuse de soude, du fait de la trop forte rétention de l'iode au niveau de ces solvants organiques .
EXEMPLE 6.
Dans cet exemple, on réitère le mode opératoire de l'exemple 1, avec une solution de réextraction de soude à 10"1 mol/L et contenant du borohydrure de sodium à une concentration de 10"3 mol/L.
Les coefficients de distribution de l'iode sont les suivants :
Dex= 3 Dréex=5,8
On constate, que l'ajout d'un réducteur, au niveau de la solution de réextraction, améliore légèrement le coefficient de distribution de l'iode, pour l'étape de réextraction.
EXEMPLE COMPARATIF 2.
Dans cet exemple, on réitère le mode opératoire de l'exemple 6, avec comme solvant organique
1 ' hexanol .
Les coefficients de distribution de l'iode sont les suivants :
Dex=12
Dréex=~0
Le coefficient de distribution de l'iode pour la réextraction proche de 0 montre ainsi que l'ajout d'un réducteur n'influence en rien la réextraction de l'iode de l' hexanol.
EXEMPLE 7.
Dans cet exemple, on utilise une membrane microporeuse imprégnée d'un solvant organique, ladite membrane assurant la séparation entre la première
solution aqueuse acide contenant l'iode et la seconde solution aqueuse basique, de réextraction.
La première solution aqueuse est une solution d'acide nitrique à 3 mol/L contenant de l'iode à une teneur de 1500 kBq/L. La membrane est imprégnée de 1,2-NPHE. La seconde solution aqueuse est une solution de soude à 10"1 mol/L.
La membrane utilisée est une membrane en polypropylène commercialisée sous le nom de CELGARD qui présente les caractéristiques suivantes:
- dimensions des pores : 0,4 μm en longueur, 0,04 μm en largeur
- facteur de porosité : 0,45.
- épaisseur de la membrane : 25 μm Le volume de 1,2-NPHE imprégnant la membrane est de 1,2 mm3 par cm2 de membrane.
Dans cet exemple, on suit, sur la figure 1, l'évolution des quantités d'iode extraits (en %) (courbe a) et réextraits (courbe b) en fonction du temps t (en h) , les quantités extraites et réextraites étant exprimées en % de la quantité initiale d' iode de la première solution aqueuse.
On constate, qu'au bout de 6 heures, plus de 80 % de l'iode présent dans la solution d'acide nitrique est extrait de ladite solution, tel qu'on peut le voir sur la courbe a. De même, plus de 80 % de l'iode présent dans la solution d'acide nitrique est réextrait vers la solution de soude, tel qu'on peut le voir sur la courbe b, ce qui contribue à montrer que la membrane imprégnée de 1,2-NPHE assure efficacement le
transport de l'iode d'une première solution aqueuse vers une seconde solution aqueuse.
EXEMPLE 8.
Dans cet exemple, on réitère le mode opératoire de l'exemple 7, si ce n'est que dans la première solution aqueuse, on ajoute une solution d'acide iodhydrique à 10"3 mol/L, afin d'augmenter la teneur globale en iode de ladite solution et que la seconde solution aqueuse est une solution de soude à 0,44 mol/L.
Dans cet exemple, on suit, sur la figure 2, l'évolution des quantités d'iode extraits (en %) (courbe a) et réextraits (courbe b) en fonction du temps t (en h) , les quantités extraites et réextraites étant exprimées en % de la quantité initiale d' iode de la première solution aqueuse.
On constate, qu'au bout d'une heure, 95 % de l'iode présent dans la solution d'acide nitrique est extrait, comme le montre la courbe a. De même, près de 95 % de l'iode présent dans la solution d'acide nitrique est réextrait vers la solution de soude, comme le montre la courbe b. Enfin, au bout de deux heures, ce sont plus de 99 % d'iode, qui sont extraits et réextraits, ce qui contribue à montrer, que le procédé, selon l'invention, fonctionne d'autant plus efficacement que la concentration en iode dans la première solution aqueuse est élevée.