CATHODE GRAPHITE POUR L'ÉLECTROLYSE DE L'ALUMINIUM
La présente invention a pour objet une cathode graphite pour l'électrolyse de l'aluminium. Dans le procédé électrolytique utilisé dans la plupart des usines de production de l'aluminium, une cuve d'électrolyse comprend, dans un caisson métallique gainé de réfractaires, une sole cathodique composée de plusieurs blocs cathodiques juxtaposés. Cet ensemble constitue le creuset qui, rendu étanche par de la pâte de brasque, est le siège de la transformation, sous l'action du courant électrique, du bain électrolytique en aluminium. Cette réaction a lieu à une température de l'ordre de 950°C.
Pour résister aux conditions thermiques et chimiques prévalant lors du fonctionnement de la cuve et satisfaire à la nécessité de conduction du courant d'électrolyse, le bloc cathodique est fabriqué à partir de matériau carboné. Ces matériaux vont du semi-graphitique au graphite. Ils sont mis en forme par extrusion ou par vibrotassage après malaxage des matières premières :
- Ces matières premières peuvent être constituées par un mélange de brai, d'anthracite calciné et/ou de graphite dans le cas des matériaux semi-graphitiques et graphitiques. Ces matériaux contenant une quantité croissante de graphite en allant des semi- graphitiques aux graphitiques sont ensuite cuits à environ 1200°C. Cette cathode est communément appelée cathode carbone, - Ces matières premières peuvent aussi être constituées par un mélange de brai, de coke avec ou sans graphite dans le cas des matériaux graphites. Dans ce cas les matériaux sont cuits à environ 800°C, puis graphitisés à plus de 2400°C. Cette cathode est communément appelée cathode graphite. II est connu d'utiliser des cathodes carbone (semi-graphitiques à graphitiques) qui, cependant, ont des caractéristiques électriques et thermiques moyennes. La nécessité de réduire la consommation d'énergie, et la possibilité d'augmenter l'intensité du courant, notamment dans des installations existantes, a promu l'utilisation des cathodes graphite. Le traitement de graphitisation de la cathode graphite, à plus de
2400°C, permet l'augmentation des conductivités électrique et thermique,
créant ainsi les conditions suffisantes à un fonctionnement optimisé d'une cuve d'électrolyse. La consommation d'énergie diminue en raison de la baisse de la résistance électrique de la cathode.
Une autre façon de profiter de cette baisse de résistance électrique consiste à augmenter l'intensité du courant injecté dans la cuve, permettant ainsi une augmentation de la production d'aluminium. La valeur élevée de la conductibilité thermique de la cathode graphite permet alors l'évacuation de l'excès de chaleur généré par l'augmentation d'intensité.
De plus, les cuves à cathode graphite apparaissent moins instables électriquement, c'est-à-dire comportant moins de fluctuations des potentiels électriques, que les cuves à cathodes carbone.
Toutefois, il s'est révélé que les cuves équipées de cathodes graphite présentent une durée de vie plus faibles que les cuves équipées de cathodes carbone. Par suite de l'érosion du bloc cathodique, les cuves à cathodes graphite deviennent inutilisables par un enrichissement trop élevé en fer dans l'aluminium lorsque le métal atteint la barre cathodique métallique. Bien qu'une érosion des cathodes carbone soit également constatée, elle est beaucoup plus faible et n'altère pas la durée de vie des cuves qui deviennent inutilisables pour d'autres causes que l'érosion de la cathode. Au contraire, l'usure des cathodes graphite est suffisamment rapide pour devenir la première cause de mortalité des cuves d'électrolyse de l'aluminium à un âge que l'on peut qualifier de précoce par rapport aux durées de vie enregistrées pour les cuves équipées de cathodes carbone. Ainsi on enregistre les vitesses d'usure suivantes pour les différents matériaux :
Type de bloc cathodique pour la cathode vitesse d'usure (mm/an)
Carbone, semi-graphitique 10-20 Carbone, graphitique 20-40 Graphite 40-80
La figure 1 annexée montre un bloc cathodique 3, avec les barres cathodiques d'amenée de courant 2, dont le profil initial est désigné par la référence 4. Le profil d'érosion 5, représenté en pointillés, montre que cette érosion est accentuée aux extrémités du bloc cathodique.
La vitesse d'érosion d'un bloc cathodique graphite est, par conséquent, son point faible, et son attrait économique en terme de gain de production peut disparaître si la durée de vie ne peut pas être augmentée.
Le bain électrolytique utilisé dans le procédé de fabrication de l'aluminium est majoritairement à base de fluorures de sodium et d'aluminium. En fonctionnement la cathode est ainsi mise en contact avec l'aluminium produit mais également avec les espèces chimiques présentes et notamment le sodium formé. Il a été largement démontré que le graphite est peu réactif vis- à-vis du sodium, contrairement aux matériaux carbonés. Par réaction du sodium avec les matériaux carbonés on entend les réactions d'intercalation mais également les phénomènes d'adsorption et de condensation capillaire.
Le phénomène d'intercalation du sodium dans les cathodes carbone entraîne, contrairement à ceux d'adsorption et de condensation capillaire, la transformation cristalline de la majeure partie des matériaux les constituant. Cette transformation génère des contraintes telles qu'elles sont connues pour pouvoir aller jusqu'à la dégradation de la cathode (écailles, fissures horizontales ou délamination) causant alors l'arrêt de la cuve d'électrolyse. Pour cette raison, en plus des avantages déjà cités précédemment, depuis une vingtaine d'années la teneur en graphite a été régulièrement augmentée dans les cathodes pour aller jusqu'à utiliser de plus en plus les cathodes graphite, qui ne présentent pas ce type d'inconvénients.
Cependant, la faible réactivité du graphite vis-à-vis du sodium entraîne une accumulation de sodium en surface de la cathode. Les observations des profils d'usure des cathodes avec notamment la présence de cratères semi-circulaires de taille centimétrique laissent à penser que cela pourrait être à l'origine de l'endommagement de la surface cathodique par un phénomène de cavitation aux fortes densités de courant.
Le but de l'invention est de fournir une cathode graphite dont la durée de vie est augmentée. A cet effet, cette cathode contient, dans sa structure, un produit carboné très réactif au sodium même après un traitement thermique supérieur à 2400°C.
La réactivité de cette cathode vis-à-vis du sodium étant augmentée par rapport à celle d'une cathode graphite traditionnelle, elle peut drainer dans la masse une partie du sodium, et éviter l'accumulation de celui-ci en surface avec le phénomène de cavitation qui en résulte aux fortes densités de courant.
De ce fait, la cathode gardera des propriétés thermo-électriques équivalentes à celles d'une cathode graphite assurant ainsi un fonctionnement optimisé de la cuve d'électrolyse et aura la réactivité au sodium des cathodes carbone assurant une bonne tenue aux mécanismes d'érosion et donc une durée de vie améliorée.
Suivant une caractéristique de l'invention, la réactivité au sodium est obtenue par adsorption et condensation capillaire uniquement. On évite donc le phénomène d'intercalation et ses conséquence néfastes.
Les matériaux carbonés peuvent être classés en deux catégories suivant leur aptitude à donner du graphite par traitement thermique à haute température.
Les carbones dits "graphitisables" ou "tendres", par exemple l'anthracite et le coke de brai, le coke de pétrole, le coke métallurgique, dont la structure cristalline et les propriétés évoluent avec le traitement thermique pour se rapprocher de celles du graphite. Notamment la réactivité au sodium décroît rapidement lorsque la température de traitement thermique augmente. Les carbones graphitisables ont typiquement, après un traitement thermique à 2800°C, une distance entre deux plans successifs inférieure à 0,34nm mesurée par diffraction des rayons X. Le coke d'anthracène est considéré comme un modèle pour ces types de carbones.
Les carbones dits "non graphitisables" ou "durs" qui évoluent plus faiblement avec le traitement thermique. Après passage à des températures comprises entre 2400 et 3000°C la distance entre deux plans successifs est supérieure à 0,34 nm et la réactivité au sodium reste élevée. Ce sont ces carbones non graphitisables qui sont contenus, en tant que produits carbonés, dans la cathode graphite selon l'invention.
Le produit carboné non graphitisable est introduit avec les matières premières lors de l'opération de malaxage. Il subira donc les opérations de malaxage, de mise en forme, de cuisson et de graphitisation à plus de 2400°C. II peut être soit sous de forme de liant soit sous forme de matières sèches.
Le matériau carboné non graphitisable introduit sous forme de liant est typiquement une résine liquide ou solide. Dans le cas d'un solide elle aura les propriétés rhéologiques habituelles des liants carbonés utilisés dans la fabrication des cathodes. Typiquement un liant carboné est un brai de houille qui a un point Mettler de l'ordre de 90 à 150°C. Ces résines, telles que les
résines furfuryliques ou phénoliques, peuvent être partiellement ou totalement miscibles au brai de houille.
Le matériau carboné non graphitisable introduit sous forme de matière sèche est typiquement un noir de carbone ou un charbon actif ou un carbone vitreux ou un charbon de bois ou de la sciure de bois calcinée ou un dérivé de la famille des sucres ou un coke de résine ou un coke de cellulose. Ce matériau peut être indifféremment introduit sous forme de grains ou de fines.
Le matériau carboné est introduit sous forme de grains ou de particules fines d'un diamètre inférieur à 0,5mm. Suivant une autre caractéristique de l'invention le pourcentage de produit carboné est inférieur ou égal à 15% des composants constitutifs de la cathode finie.
La réactivité au sodium est testée au travers d'un test à la vapeur de sodium réalisé dans un réacteur à 700°C sous balayage d'argon. Le matériau carboné sous la forme d'un pion ou d'une poudre de granulometrie de 74μm à 104μm est séparé du sodium placé au fond de la cellule par une grille. La quantité totale de sodium ayant réagi avec le matériau carboné est déterminée par un dosage alcalimétrique. Typiquement après traitement thermique à 2800°C les matériaux non graphitisables ont une réactivité au sodium élevée et contiennent plus de 5% atomique de sodium après réaction alors que les matériaux carbonés graphitisables contiennent moins de 2% atomique de sodium : noir de carbone : 9,5% carbone vitreux : 9,0% résine :7,1 % charbon de bois : 7,1% charbon actif : 6,6% anthracite 1 : 1 ,5% anthracite 2 : 0,6% coke de pétrole 1 : 0,7% coke de pétrole 2 : 0,5% coke de pétrole 3 : 1 ,0% coke de pétrole 4 : 0,7% coke de pétrole 5 : 0,5% coke de brai : 0,6%
La quantité de matériaux carbonés non graphitisables introduite permet d'ajuster le niveau de réactivité au sodium souhaité pour la cathode graphite. Plusieurs exemples de matériaux carbone, graphitique et graphite selon l'invention sont donnés ci-après.
Exemple 1 :
Un matériau carbone graphitique est élaboré suivant le mode de fabrication standard. Sa réactivité au sodium est de 5,2% atomique en sodium
Exemple 2 :
Un matériau graphite est élaboré suivant le mode de fabrication standard avec un coke de pétrole. Sa réactivité au sodium est de 1 ,9% atomique en sodium.
Exemple 3 :
Un matériau graphite est élaboré suivant le mode de fabrication standard mais en substituant 10% de coke de pétrole par 10% de charbon actif. Sa réactivité au sodium est de 4,4% atomique en sodium.
Exemple 4 :
Un matériau graphite est élaboré suivant le mode de fabrication standard mais en substituant 10% de coke de pétrole par 10% de charbon de bois. Sa réactivité au sodium est de 4,0% atomique en sodium.
Exemple 5 :
Un matériau graphite est élaboré suivant le mode de fabrication standard mais en substituant 10% de coke de pétrole par 10% de noir de carbone. Sa réactivité au sodium est de 4,8% atomique en sodium.
II peut être noté qu'une proportion d'environ 10 % de produit carboné réactif au sodium dans une cathode graphite finie, permet de capter autant de sodium qu'avec une cathode graphitique.