ORIGINE DE REPLICATION PLASMIDIQUE AUGMENTANT LE NOMBRE DE COPIES Du PLASMIDE COMPRENANT LADITE ORIGINE
L'Invention est relative à une origine de replication plasmidique, et à des plasmides comprenant ladite origine.
Les plasmides sont des fragments d'ADN circulaire extrachromosomique, transférables d'une bactérie à une autre, et dont la replication s'opère indépendamment de celle du chromosome bactérien. Un plasmide donné peut être présent en un grand nombre de copies à l'intérieur d'une cellule bactérienne. Le nombre de copies est une caractéristique génétique de chaque plasmide. Par exemple, chez les plasmides de type ColE1 (tels que les plasmides des familles pBR, pUC, etc...), le nombre de copie est sous contrôle d'une région d'ADN correspondant à l'origine de replication du plasmide (ORI) qui s'étend approximativement entre les bases 2940 et 3130 (numérotation des bases de PBR322 proposée par PEDEN [Gène, 22 (1983) 277-280]. Une partie de cette région, située entre les bases 2970 et 3089 est transcrite en ARNs dénommés ARNI et ARNII. L'ARNI, en particulier, louerait un rôle dans la régulation du nombre de copies du plasmide.
Les plasmides sont couramment utilisés en génie génétique comme vecteurs pour le clonage et l'expression de gènes étrangers dans des bactéries.
Il est particulièrement souhaitable, dans ce but, de disposer de plasmides présents en un grand nombre de copies, soit pour obtenir l'ADN étranger en quantité importante (par exemple pour permettre son séquençage), soit pour augmenter la quantité du produit d'expression dudit gène étranger.
Une technique classique pour obtenir une grande quantité de plasmides est d'ajouter aux cultures bactériennes du chloramphénicol, qui empêche la
multiplication cellulaire en bloquant la traduction, sans affecter la replication plasmidique. Cependant, dans la mesure où le chloramphénicol interfère également avec la traduction du gène étranger, cette méthode n'est pas optimale lorsqu'une augmentation de l'expression dudit gène est recherchée.
Des plasmides portant une mutation influant sur le nombre de copies ont été décrits dans la littérature. BOROS et al. [Gène, 30, 257-260 (1984)] décrivent ainsi un plasmide mutant dérivé de pBR322. Le nombre de copies de ce plasmide par cellules, est augmenté d'environ 200 fois par rapport au nombre de copies de pBR322. Cette augmentation du nombre de copies résulte d ' une transversicn G → T localisée à la position 3075 sur le fragment HinfI 2846-3363, près de l'extrémité 2' de la séquence transcrite en ARN I. MUESINO et al. [Cell, 24, 235-242, (1981)] avaient auparavant mis en évidence la même mutation chez le plasmide ColEl (dont l'origine de replication est similaire par la séquence à celle de pBR322), avec également pour effet une augmentation du nombre de copies dudit plasmide (jusqu'à 300 par cellule).
Toutefois, une telle amplification du nombre de copies présente certains désavantages qui limitent ses applications pratiques. Il en résulte en effet :
un risque de toxicité accru pour la bactérie-hôte, par une expression trop forte des gènes recombinants portés par le plasmide, qui s'accompagne en outre généralement de la production de granules de préci- pitation et interdit en outre d'envisager l'expression de protéines périmasmiques ;
- une probabilité accrue de recombinaisons non contrôlées entre plasmides, en particulier pour les plasmides portant certaines séquences particulières séquence d'origine phagique par exemple).
Or, lors d'expériences de mutagénèse du plasmide pUC9, les Inventeurs ont obtenu des plasmides porteurs de mutations dans la séquence ORI de l'origine de replication, et ont constaté que, de façon surprenante, le nombre de copies de ces plasmides est de 10 à 25 fois plus important que celui du plasmide d'origine.
Les Inventeurs ont séquence les origines de replication des plasmides mutés, et ont localisé les mutations correspondantes.
La présente Invention a pour objet une séquence d'ADN, dérivée par mutation d'une origine de replication de type ColE1, laquelle séquence est caractérisée en ce qu'elle comprend au moins l'une des mutations suivantes, définies par rapport à l'origine de type ColE1 sauvage :
- une transversion Guanine → Adénine en position 2976
- une délétion d'une Guanine en position 3057. La position des mutations est indiquée selon la numérotation des bases de pBR322 proposée par PEDEN
[Gène 22 (1983) 277-280].
Selon un mode de réalisation préféré d'une séquence d'ADN conforme à l'Invention, ladite séquence porte les deux mutations définies ci-dessus.
La figure 1 montre en (la) la séquence ce la région 2970-3089 d'une origine de replication sauvage de pBR 322, et en (lb) une séquence conforme à l'Invention, portant les deux mutations définies ci-dessus.
Les Inventeurs ont en outre constaté qu'une séquence mutée conforme à l'Invention pouvait être insérée dans d'autres plasmides en lieu et place de la séquence correspondante de l'origine de replication initiale, et qu'il en résultait une augmentation du nombre de copies des plasmides recombinants ainsi obtenus.
Le présente Invention englobe donc des plasmides caractérisés en ce que leur origine de replication,
de type ColE1, comprend une séquence mutée telle que définie plus haut.
Les figures 2, 2 et 4 représentent des plasmides conformes à l'Invention respectivement dénommés pLMl, pLM2 et pLM3. Les plasmides pLM1, pLM2 et pLM3 dérivent du plasmide pUC9 par mutation, telle que définie ci-dessus, de l'origine de replication, et comportent également le gène complet de la β-galactosidase, encadré par un polylinker, et placé sous le contrôle du promoteur du gène LacZ.
D'autres plasmides conformes à l'Invention peuvent être facilement obtenus par exemple, à partir de plasmides portant une origine de replication de type ColEl, par une technique de mutagénèse dirigée, eu bien à partir d'un plasmide tel que pML1 en excisant de ce dernier le segment d'ADN muté et en l'insérant à la place du segment d'ADN sauvage correspondant du plasmide receveur. Il apparaîtra à l'homme du métier qu'il est également possible d'obtenir un segment d'ADN conforme à l'Invention par synthèse oligonucléotidique, selon des techniques connues en elles-mêmes et de l'insérer dans le plasmide receveur.
Les techniques permettant cette insertion sent également connues en elle-même. Il est possible de citer par exemple les techniques utilisant la recembinaison homologue, ou bien l'excision d'un fragment de restriction portant l'origine non mutée et son remplacement par un fragment portant l'origine mutée.
La figure 5b représente le plasmide pARA 15 obtenu de la sorte à partir d'un plasmide dénommé pARA 14
(figure 5a/ qui est un vecteur d'expression comprenant l'origine de replication de pBR322, un gène de résistance à l'ampiciline et un promoteur inductible par l'arabinose.
Les plasmides receveurs qui peuvent être utilisés pour la construction de plasmides conformes à
l'Invention sont de manière générale, tous les plasmides compatibles avec une origine de replication du type ColE1
Le nombre de copies des plasmides ainsi obtenus est au moins multiplié par 10 par rapport aux plasmides "sauvages" correspondants. L'expression des gènes étrangers placés dans ces plasmides augmente dans les mêmes proportions. Les promoteurs qui contrôlent l'expression de ces gènes demeurent inductibles.
En outre, cette augmentation relativement modérée du nombre de copies est optimale pour obtenir une expression satisfaisante d ' un gène exogène inséré dans le plasmide, dans la mesure où elle permet d'éviter les inconvénients (mentionnés plus haut à propos des plasmides obtenus par BOROS et al.) résultant d'un nombre de copies trop important.
Les souches hôtes convenant à la multiplication des plasmides conformes à l'Invention et à l'expression des gènes portés par ces plasmides sont les mêmes que celles permettant la multiplication des plasmides sauvages correspondants et l'expression des gènes qu'ils portent, et le comportement et la croissance des souches transformées par les plasmides conformes à l'Invention sont identiques à ceux des souches portant les plasmides sauvages.
En outre, il n'y a pas réversion de la mutation, et le phénotype caractérisé par l'augmentation du nombre de copies demeure stable au fil des générations.
La présente Invention a en outre pour objet un procédé de multiplication des plasmides conformes à l'Invention, lequel procédé est caractérisé en ce que, dans une première étape, l'on procède à la transformation d'une souche bactérienne hôte appropriée par au moins un desdits plasmides, et dans une deuxième étape, l'on procède à la culture de ladite souche bactérienne.
L ' invention englobe également :
- Un procédé d'amplification d'une séquence d'ADN, lequel procédé est caractérisé en ce que, dans une première étape, l'on insère ladite séquence dans un plasmide conforme à l'Invention, et en ce que, dans une deuxième étape, l'on procède à la multiplication dudit plasmide, comme indiqué ci-dessus.
- Un procédé de production de polypeptides par génie génétique, lequel procédé est caractérisé en ce que, dans une première étape, l'on procède à l'insertion du gène codant pour ledit polypeptide dans un plasmide conforme à l'invention, dans une deuxième étape, l'on procède à la transformation d'une souche bactérienne hôte appropriée par ledit plasmide, et dans une troisième étape, l'on procède à la culture de ladite souche bactérienne dans des conditions appropriées à l'expression dudit gène.
La présente Invention sera mieux comprise à l'aide du complément de description qui va suivre, qui se réfère à des exemples d'obtention de plasmides portant l'origine de replication conforme à l'Invention.
Il va de soi toutefois que ces exemples sont donnés uniquement à titre d'illustration de l'obi et de l'Invention, dont ils ne constituent en aucune manière une limitation.
EXEMPLE 1 : OBTENTION DE PLASMIDES CONFORMES A
L'INVENTION
Le plasmide pARA 15 est dérivé du plasmide pARA 14 en remplaçant l'origine de replication initiale de ce dernier (qui est celle de pBR322 ) par l ' origine de replication mutée conforme à l'Invention. Pour cela, un fragment SstI/BglI de 2060 pb de pARA 14, comprenant son origine de replication, est excisé et remplacé par un fragment SstI/BglI de 1430 pb issu de pLM3, comprenant l'origine de replication conforme à l'Invention.
La Figure 5 représente le plasmide pARA 14 ( 5a ) , portant une origine de replication de type sauvage, et le plasmide pARA 15 (5b) portant une origine de replication conforme à l'Invention.
Dans les plasmides pARA 14 et pARA 15, les gènes étrangers que l'on veut exprimer sont sous contrôle d'un promoteur inductible par l'arabinose.
EXEMPLE 2 : EVALUATION DU NOMBRE DE COPIES DES PLASMIDES CONFORMES A L'INVENTION
a) Mesure de la quantité d'ADN plasmidique
L'ADN a été extrait à partir de cultures de cellules de E. coli TG1 ( 2 ml ) , récoltées à 2 , 3 U OD6 0 0 . Les cellules ont été lysées par un mélange de lysozyme, de détergent et de soude. Après centrifugation, l 'ADN plasmidique contenu dans le surnageant a été séparé des protéines par une extraction au phénol suivi d'un traitement au chloroforme. L'ADN plasmidique pur est alors précipité à l'éthanol, le précipité est centrifugé et séché sous vide, puis remis en solution dans 50 μl de tampon (Tris lOmM, EDTA ImM pH8) pour chaque échantillon. Des extraits de cellules E. coli TG1 contenant soit le plasmide pARA 14 (souches témoin), soit le plasmide pARA 15 ont été préparés de cette façon.
5 μl de chaque préparation ont été incubés pendant 2 heures à 37 ºC avec 5 unités d'enzyme de restriction XhoI . Le produit de l'hydrolyse a ensuite été déposé sur un gel d'agarose à 1% et soumis à une électrophorèse en tampon TBE (contenant 20 μg de bromure d'éthidium par litre) pendant 2 heures sous 250 volts. Le gel est ensuite soumis à une irradiation aux rayons ultraviolets. L'intensité de la fluorescence émise par les bandes d'ADN dans le gel est proportionnelle à la quantité d'ADN, pour une taille donnée de fragment, et reflète donc le nombre relatif de copies de plasmides.
L'examen des gels montre qu ' il y a au moins 10 fois plus d'ADN plasmidique avec les souches portant le plasmide muté qu'avec les souches témoins.
EXEMPLE 3 : MESURE DE L ' EXPRESSION DES GENBS EXOGENES INSERES DANS DES PLASMIDES CONFORMES A L'INVENTION.
a) Expression du gène de la β-lactamase
Dans une autre expérience, la β-lactamase (exprimée à partir du gène bla présent sur chacun des plasmides pARA 14 et pARA 15 et conférant une résistance à l'ampiciiline) produite en phase exponentielle de croissance a été dosée pour une souche E. coli TG1 contenant soit le plasmide pARA14, soit le plasmide pARA15.
Des cultures de 5 et 10 ml, en bouillon LB additionné de 100 μg d'ampiciiline par mi, ont été moculées par 250 μl d'une culture saturée de E. ccli TG1 contenant soit pARA 14 , soit pARA 15 . Après une heure de culture sous agitation à 37 'C, les cellules sont récoltée par centrifugation et soumises à un choc osmotique. Le fluide osmotique ainsi obtenu, d'un volume de 400 μl, contient la totalité de la β-lactamase produite.
Sur chacun des fluides, on effectue une mesure de la quantité totale de protéines, et un dosage de l'activité β-lactamase. Celui-ci est opéré selon le protocole décrit par O'CALLAGAN et al. (Antimicrobial Agents and Chemotherapy, 1972, 1, 283-288), en utilisant la Nitrocéfine (Oxoid) comme substrat.
Les résultats sont représentés dans le Tableau I ci-dessous :
On sait que l'expression du gène bla est constitutive. La production de la β-lactamase en phase exponentielle de croissance est donc directement proportionnelle au nombre de copies du gène, donc du plasmide qui le porte. On peut en conclure que la souche E. coli TG1 qui porte pARA15 héberge 15 à 20 fois plus de copies de plasmide que la souche E. coli TG1 qui porte pARA14, dans des conditions identiques de culture.
b) Expression du gène de la β-galactosidase Deux constructions ont été testées : l'une avec le gène de la β-galactosidase seul dans pLM3 , l'autre avec le gène de la β-galactosidaεe fusionné en aval du gène de la protéase du virus HIV 1 dans le plasmide pARA 15 (pARA15PR107β-gal).
Les plasmides témoins sont d'une part le pUC 9 et d'autre part le plasmide pARA14PR107β-gal qui ne diffère de pARAl5PR107β-gal que par son origine de replication, qui est celle du type "sauvage", de pBR322).
Protocole de dosage de la β-galactosidase : 5ml de milieu LB additionné de 100 μg d ' ampiciiline par ml, ont été inoculés par 250 μl d'une culture saturée puis incubés sous agitation à 37 ºC. Lorsque la DO600
atteint 3,4, l'induction est effectuée par 2mM d'IPTG pour les souches hébergeant pCU9 ou pLM3, eu 0,2% d'arabinose pour les souches hébergeant pARA14PR107β-gal ou pARA15PR107β-gal. L'activité β-gaiactosidaεe est ensuite dosée dans des échantillons de la culture prélevés à différents temps d'incubation (0 min, 40 min, 120 min.)
Dans ces conditions, et au bout de 2 heures d'incubation, le taux de β-galactosidase obtenu dans les culots cellulaires est environ 16 à 20 fois supérieur avec pLM3 qu'avec pUC9, et environ 2,5 fois plus élevée avec pARA 15 qu'avec pARA 14.
Pour ces deux derniers plasmides, la mesure d'expression du gène de la β-galactosidaεe permet de connaître le taux d'augmentation de la production de la protéase de KIV-1 dans la souche E. coli MC1061 hébergeant ces plasmides. Cette protéine est difficile à produire dans E. coli , étant réputée toxique pour la bactérie. L'augmentation de production d'un facteur 2,5 est donc très significative.