Procédé pour la coulée d'acier en lingotières
La présente invention se rapporte à la technique de l'aciérie et concerne un procédé pour la coulée de l'acier dans des lingotières.
Il est connu, en fonderie, d'utiliser un châssis métallique et, à l'intérieur de celui-ci, un remplissage formé par un mélange de sable et d'argile auquel on ajoute de l'eau pour provoquer la prise. On réalise par ce remplissage, à partir d'un ou plusieurs modèles, un moule pour la coulée d'une ou plusieurs pièces. Du fait de la forme du châssis, généralement plat, la surface du remplissage en contact avec l'air est importante, de sorte que l'évaporation de l'eau peut se faire aisément.
On sait par ailleurs qu'en aciérie la longévité d'une lingotière est limitée par suite de son contact avec l'acier liquide à haute température. L'acier attaque en effet la fonte constituant la lingotière par choc thermique et érosion, et on considère normalement que la durée utile d'une lingotière est limitée à 60 opérations de coulée.
L'application à l'aciérie du principe de la réalisation d'un corps de moule formé par un mélange de sable, de ciment et d'eau, par exemple pour l'établissement d'un garnissage de lingotière, n'est pas réalisable sans difficulté. En effet, dans ce cas, le garnissage n'est pas en contact constant avec l'air, puisqu'il est isolé de l'atmosphère vers l'extérieur par la lingotière en fonte et qu'il se trouve à l'intérieur en contact avec l'acier coulé, de sorte qu'un contact avec l'atmosphère n'est assure en fait que par la tranche du garnissage.
Or, on sait que si de l'eau est présente à l'intérieur de la lingotière lors de la coulée, il en peut résulter deux dangers, à savoir une action défavorable de l'hydrogène de l'eau sur l'acier et des risques d'explosion par suite de l'impossibilité pour la vapeur d'eau de s'échapper librement.
Le but de l'invention est de créer un procédé pour la coulée de l'acier en lingotières remédiant aux inconvénients précités.
L'invention comprend un procédé pour la coulée d'acier en lingotières, caractérisé en ce qu'on établit avant la coulée de l'acier liquide, à l'intérieur de la lingotière, un garnissage formé par une masse autodurcissante constituée par un matériau réfractaire, un liant à prise rapide, n'exigeant qu'une très faible quantité d'eau, et au moins un additif fournissant pour la masse durcie formant le garnissage, après la prise, une perméabilité permettant l'échappement de l'eau résiduaire.
Du fait de la perméabilité ainsi créée, l'eau résiduaire peut s'échapper par la tranche du garnissage, étant donné que des canaux ou passages sont ménagés dans sa masse, et les dangers précités, dus à la présence de l'eau, sont écartés.
Le fait de réaliser à l'intérieur de la lingotière un garnissage en mélange autodurcissant, qui est en contact avec l'acier liquide lors de la coulée, protège les parois internes de la lingotière en créant une nouvelle surface de contact et supprime les effets défavorables sur elles dus -à ce contact, de sorte qu'une lingotière peut être utilisée de façon théoriquement illimitée. Ainsi, il semble qu'une lingotière puisse être utilisée au moins pour 400 ou même 500 coulées, ce qui représente une économie importante. Par ailleurs, étant donné que le garnissage est renouvelé à chaque coulée, sa surface interne est toujours lisse, de sorte que la qualité de surface du lingot est améliorée et que les défauts qui peuvent apparaître lors du laminage sont supprimés.
Enfin, si cela est désirable, on peut donner à la surface interne du garnissage tout profil désiré, par exemple ondulé ou autre, et modifier ce profil à chaque coulée.
Le garnissage peut être établi à l'intérieur de la lingotière de toute manière désirée, mais une solution avantageuse consiste à opérer par projection du mélange de sable ou autre produit réfractaire, de ciment ou autre liant, d'additif, d'eau et de préférence de catalyseur, en utilisant à cet effet un mélange fluide, semi
fluide ou pâteux et en réalisant son adhérence ou son
accrochage sur les parois de la lingotière de toute ma
nière appropriée, soit par suite de sa nature et de son
application par projection, soit au moyen d'éléments
d'accrochage fixés sur les parois de la lingotière ou re
tenus sur elles.
Suivant un mode de mise en oeuvre paraissant avan
tageux, on peut utiliser pour l'établissement du garnis
sage un appareil de projection du type Torcrait , qui
est capable de projeter un mélange presque sec (conte
nant 1 ou 2 O/o d'eau) tout en permettant l'adjonction
d'un produit qui peut, par exemple, être mélangé au
reste de l'eau requise (4 à 5 O/o) et dont la nature est
telle qu'il en résulte une accélération de la prise, par
exemple par un effet de catalyse, au moment de l'appli
cation réelle du mélange final contre la paroi de la lin
gotière. On évite de cette manière une prise prématurée,
rendant l'application par projection impossible, tout en
utilisant des mélanges ayant une teneur minimum en
eau.
L'appareil utilisé peut être extrait de la lingotière
immédiatement après l'application du garnissage. Pour
faciliter cette extraction, on peut utiliser un appareil,
repliable ou dégonflable qui peut occuper en service le
volume réservé au lingot, ou bien on peut assurer le
dégagement de l'appareil en soulevant la lingotière elle
même.
On obtient en fait de cette manière une lingotière à double paroi ou a chemisée . Le corps de lingotière
peut être en fonte, de la manière habituelle, mais il
serait possible de concevoir un corps de lingotière en un autre métal ou en matière plastique, la résistance requise étant simplement celle nécessaire pour supporter les efforts résultant de l'action de l'acier liquide sur le garnissage.
A titre d'additifs, le mélange peut contenir des matières végétales, minérales ou synthétiques capables de créer une perméabilité dans le garnissage, du fait de leur élimination lors de la prise ou lors de la coulée de l'acier. On peut citer, à titre d'exemples de telles matières, la farine de bois, la perlite, le polystyrène expansé, la bentonite, etc. La vapeur d'eau produite au moment de la coulée de l'acier à partir de l'eau de cristallisation résiduaire peut alors s'échapper par les canaux ou passages créés du fait de cette perméabilité, pour rejoindre la tranche du garnissage en contact avec l'atmosphère. Le catalyseur utilisé peut être du borax.
On donnera ci-après plusieurs exemples de compositions de mélanges utilisables pour la mise en oeuvre de ce procédé.
Exemple N I
Parties Parties
Sable extra-siliceux 85-79 en particulier 83
Ciment noir a Lafarge 7-10 7
Bentonite à haut pouvoir
gélifiant 3- 4 3
Eau 17-20 17
(On peut si désiré ajouter 1 à 2 0/o de soude afin d'accélérer la capacité de prise en gel de la bentonite.)
Dans ce mélange, la bentonite absorbe l'eau en formant un gel. Au moment de la prise du ciment, la température s'élève et dépasse même 100"C, de sorte que
le gel se décompose et que l'eau alors libérée s'évapore
et libère les espaces préalablement occupés par le gel.
La bentonite revient à son volume initial, de sorte qu'il
demeure dans le garnissage résultant de nombreux ca
naux qui permettent cet échappement de l'eau, ainsi que
celui des gaz qui peuvent se former soit lors de la prise,
soit lors de la coulée. Ces canaux occupent un espace
relativement grand du fait que la bentonite peut absor
ber jusqu'à 12-14 fois son poids d'eau.
Exemple No 2
Parties Parties
Sable siliceux 79-85 en particulier 83
Ciment noir Lafarge 7-10 7
Polystyrène expansé 3 4 3
Eau 5- 7 5
Dans cet exemple, la bentonite est remplacée par du
polystyrène expansé. Le polystyrène utilisé se présente
sous la forme de petites billes ayant de 0,5 à 4 mm de diamètre. Au moment de l'application du mélange par projection, le volume du polystyrène ne change que très
peu, de sorte qu'il occupe un volume notable dans le garnissage appliqué. Au moment de la prise, lorsque la
température s'élève et atteint 60-800 C environ, le polystyrène se décompose et les gaz formés s'échappent en ménageant autant de cavités dans le garnissage.
Ces cavités communiquent en créant des canaux fournissant la perméabilité voulue et rendant possible au moment de la coulée l'échappement des gaz (vapeur d'eau).
Exemple No 3
Parties
Sable extra-siliceux 80
Ciment noir Lafarge 7
Polystyrène expansé 3
Bentonite 3
Eau 17
Dans ce mélange, l'emploi conjugué de bentonite et de polystyrène expansé permet d'obtenir une perméabilité particulièrement bonne.
Dans l'un quelconque de ces exemples, on peut mélanger au sable certains produits additionnels, par exemple de la chamotte, ou bien de la farine ou pâte de papier qui, sous l'effet de la température élevée, se transforme en carbone en fournissant pour le garnissage une surface plus résistante.
On notera que, dans chacun de ces exemples, on utilise un liant constitué ici par le ciment noir Lafarge du type à prise rapide et résistant aux températures élevées et n'exigeant qu'une petite quantité d'eau pour la prise, par opposition aux ciments usuels, qui nécessitent l'emploi de 20 à 35 O/o d'eau.
Dans une autre mise en oeuvre particulière du procédé de l'invention, on produit à l'intérieur de la lingotière, en même temps que le garnissage précité ou bien avant ou après celui-ci, un revêtement de masselottage isolant et (ou) exothermique, qui forme le prolongement dudit garnissage et qui est destiné à agir sur l'acier coulé au cours de sa solidification, de la manière usuelle, pour provoquer sa refusion ou le maintenir plus long temps à l'état liquide, en retardant sa solidification, afin de combler les retassures qui se forment par suite du retrait de l'acier au cours de son refroidissement, de façon à réduire de manière connue la chute en tête du lingot.
La description qui va suivre, faite en regard du dessin annexé, donné à titre non limitatif, permettra de mieux comprendre l'invention.
La figure unique est une vue schématique en coupe verticale d'une lingotière utilisée pour la mise en oeuvre de l'invention.
Sur le dessin, on a désigné par la référence 1 le corps en fonte de la lingotière en forme de tronc de cône ou de pyramide tronquée dont la grande base est orientée vers le bas (lingotière droite), reposant sur une base 2. On a montré en 3 un garnissage intérieur produit à partir d'un mélange de sable, de ciment à prise rapide, par exemple de ciment alumineux, d'une matière éliminable créant une perméabilité, par exemple de bentonite et d'eau. L'application de ce mélange, par exemple à l'état semi-fluide ou pâteux, contre les parois internes de la lingotière, peut avoir lieu par projection, comme indiqué précédemment.
La base 2 présente une cavité 5 qui est comblée par un remplissage 6 de nature analogue à celle du garnissage 4, la surface libre de ce garnissage dépassant de préférence la face supérieure de la base de quelques millimètres pour fournir une bonne étanchéité pour la lingotière. On a montré en 4 un revêtement de masselottage exothermique surmontant le garnissage précité.
Comme visible sur le dessin, le revêtement forme le prolongement du garnissage, la transition entre eux s'effectuant selon un profil curviligne comparable à un col de bouteille. La suppression d'arêtes vives dans la zone de transition évite, lors du laminage, la formation de plis dus à ces parties à arêtes vives, qui correspondent à une augmentation de la chute. Ainsi, il est possible dans le cas présent de laminer l'ensemble du lingot, y compris la partie correspondant à la masselotte, du fait du profil particulier de la zone de la transition, et la chute est représentée simplement par la gueule de loup qui se forme lors du laminage.
On voit aisément que, pour la coulée, on applique tout d'abord le garnissage 3 et le revêtement 4 à l'intérieur d'une lingotière, on remplit la cavité 5 de la base, et on permet à la prise de s'effectuer. Lors de la coulée ultérieure de l'acier, la vapeur d'eau de cristallisation résiduaire encore produite sous l'effet des températures élevées qui interviennent alors s'échappe par la tranche du garnissage du fait de la perméabilité de celuici, ce qui supprime tout danger de pollution du lingot ou d'explosion.
Du fait de sa nature, le garnissage s'effrite et tombe en poussière après le décochage et peut être séparé facilement du lingot.
On voit donc que la lingotière, qui n'est pas en contact avec l'acier liquide, ne subit aucun endommagement ou aucune attaque et peut être utilisée très longtemps.