Procédé pour la préparation d'un tabac débarrassé au moins partiellement des substances cancérigènes ainsi que des substances pouvant être transformées en de telles substances, et tabac obtenu par ce procédé La présente invention se rapporte à un procédé de préparation d'un tabac débarrassé au moins partiel lement des substances cancérigènes ainsi que des sub stances pouvant être transformées en de telles sub stances.
La fumée du tabac est reconnue comme étant toxique, irritante et cancérigène.
Les effets toxiques de la fumée ont été générale ment attribués à la nicotine et à ses homologues et de nombreux procédés sont connus pour dénicotiniser le tabac ou la fumée ; mais il existe, en outre, d'autres classes de substances toxiques, à savoir d'une part des phénols et d'autre part des substances polymérisées colorées en brun, à base de pyrrol, d'aldéhydes et de cétones, toutes substances qui entrent dans la com position de la fumée de tabac. Quelques-unes de ces substances contenues dans la fumée du tabac ont été reconnues cancérigènes.
Les effets irritants de la fumée peuvent être attri bués généralement aux bases volatiles et aux gou drons, c'est-à-dire plus précisément à une partie des substances colorées en brun, aux aldéhydes et aux cétones ou aux composés se formant par pyrolyse à partir de ces substances.
Les effets cancérigènes de la fumée ont été attri bués au 3,4-benzopyrène, mais l'état actuel des tra vaux dans ce domaine montre qu'il y a d'autre hydro carbures aromatiques cancérigènes susceptibles de se former lors de la combustion du tabac tels que le dibenzo-3,4,9,10-pyrène, le cyclopenteno-5,6-(et -6,7-)-benzo-1,2-anthracène, etc.
De plus, il existe encore d'autres classes de substances douées d'un pouvoir cancérigène: des hydrocarbures aliphatiques créés par le phénomène de cracking lors de la distillation des paraffines existant dans les feuilles de tabac au cours de la combustion, et des substances polymérisées colorées en brun à base de pyrrol, d'al déhydes et de cétones d'une part et de pyrroline, pyrrolidine pyridine et leurs homologues, de phénols et d'acides d'autre part tels que les produits isolés dans les fractions GB-II et GC-IV,
selon les publi cations faites sur ce sujet par S. Neukomm et J. Bon net (Helv. XXXIX, 1724 (1956) ; XL, 113, 717 (1957) ; Oncologia 10 ; 107, 124, 137 (1957) ; Krebsforschung und Krebsbekâmpfung, Vol. II (1957), 128-132.
Jusqu'à présent, le seul moyen réalisé commer cialement en vue de retenir certains groupes de sub stances nocives contenues dans la fumée du tabac, spécialement la nicotine, a consisté en l'incorporation d'un filtre à l'extrémité de la cigarette ou dans un fume-cigarette, filtre formé de matériaux organiques ou minéraux variés (cellulose, silice, etc.) ; dans la plupart des cas, le moyen utilisé est donc de nature physique ou physico-chimique et se rapporte en géné ral à un traitement de la fumée elle-même, dans le but d'en éliminer la nicotine.
Divers auteurs ont cependant cherché à éliminer la nicotine par traitement chimique du tabac, en par ticulier par extraction au moyen de solvants organi ques. Toutefois, les procédés envisagés préconisent tous après extraction (ler temps) une réadjonction des goudrons au tabac extrait (2e temps), ou un trai tement du tabac par l'eau ou NH4OH (ler temps) préalablement à l'extraction par un solvant organique (2e temps).
Le procédé selon la présente invention par contre est caractérisé en ce que l'on traite le tabac avec au moins un hydrocarbure aliphatique halogéné. II con vient que ce traitement s'effectue sans que l'humidité du tabac soit portée au préalable à une valeur dépas sant celle qu'il présente normalement en un point quelconque de la chaîne de fabrication, humidité qui selon le tabac est généralement de l'ordre de 10 à 15 % et qui est toujours inférieure à 30 %, alors que dans les traitements connus visant à enlever la nicotine du tabac, on porte au préalable le tabac à une humidité comprise entre 30 % et le maximum d'eau que peut absorber le tabac.
Par contre, lorsque l'on omet cette forte humectation préalable, les sub stances cancérigènes ainsi que les substances pouvant être transformées en de telles substances pendant la combustion du tabac, sont au moins partiellement éliminées du tabac ou modifiées, de telle sorte qu'elles ne présentent plus de danger, lorsque le tabac est fumé.
Le tabac obtenu par ce procédé est donc un tabac débarrassé au moins partiellement des sub stances cancérigènes et de celles pouvant être trans formées en de telles substances, à savoir des hydro carbures aliphatiques et aromatiques, des aldéhydes, des cétones et des substances brunes à base de pyrrol, d'aldéhydes, de cétones d'une part et d'autre part de pyrroline, pyrrolidine, pyridine et leurs homolo gues, de phénols, d'acides, de stérols, de sucres, d'alcools, etc.
De préférence, ce tabac sera débarrassé complètement des paraffines, des aldéhydes, des cé tones, des acides, des stérols dégradés ou non par fermentation, jaunes ou bruns, et en partie des phé nols, de la pyridine et de ses composés chimiques proches.
Parmi les hydrocarbures halogénés, susceptibles d'être utilisés pour la mise en oeuvre du procédé selon l'invention, la préférence sera donnée à des solvants tels que le chloroforme et le tétrachlorure de car bone, qui solubilisent simultanément et également les paraffines, le pyrrol, les aldéhydes et les cétones ; mais il est évident que d'autres hydrocarbures alipha tiques halogénés pourront être utilisés successivement en vue de retirer les paraffines d'une part et le pyrrol d'autre part, et enfin les aldéhydes et les cétones. Le résultat de ce traitement est le suivant 1. Le fumeur absorbe une quantité globale de substances polymérisées brunes moins grande ; les effets toxiques sont ainsi diminués.
2. La quantité des substances polymérisées bru nes se déposant dans les voies respiratoires et le poumon du fumeur est diminuée dans la même pro portion, alors qu'un filtre, retenant seulement les plus grosses particules de la fumée, ne diminue pas d'une faon sensible la quantité de substances polymérisées brunes qui se dépose dans les parties les plus profon des de l'arbre bronchique ; les effets de colmatage du poumon sont donc moins grands avec une ciga rette lavée qu'avec une cigarette à bout filtrant. 3. Le goût de la fumée de cigarette ainsi traitée est peu modifié.
4. La fumée perd cependant la plus grande par tie de ses propriétés irritantes. En effet, l'extraction enlève par dissolution une quantité importante de cétones et d'aldéhydes qui sont des substances douées d'un fort pouvoir irritant. De plus, elles sont en par tie responsables de la polymérisation des produits de pyrolise du tabac. Les substances irritantes (aldéhydes et cétones) qui sont ainsi éliminées sont responsables de la toux du fumeur d'une part et jouent probable ment un rôle dans le déclenchement du cancer bron chique, d'autre part.
5. L'extraction enlève encore par dissolution une quantité importante d'acides gras qui se dégradent lors de la pyrolyse du tabac et donnent naissance à des produits qui sont aussi des irritants. Remar quons que l'absence à peu près complète de ces acides gras permet l'extraction de la fraction acide par NaOH ou Na.C03 sans faire d'émulsion. On ne court plus le risque, lors des analyses quantitatives, de voir une partie des hydrocarbures aromatiques être absor bée par cette émulsion, comme la chose peut se pro duire lors de la séparation du condensat de la fumée de cigarettes dans lesquelles les acides gras sont pré sents.
6. L'extraction enlève la quasi-totalité des paraf fines qui sont des précurseurs de substances cancéri gènes.
7. L'extraction diminue aussi la quantité de nico tine dans la fumée de cigarette, sans cependant l'en lever complètement. L'effet stimulant de cet alcaloïde est donc réservé au moins partiellement.
8. L'acidité de la fumée du tabac extrait est la même que celle du tabac avant l'extraction. En effet, on enlève une quantité à peu près égale de substances acides et alcalines lors de l'extraction. Par consé quent, il est possible de munir d'un filtre les cigarettes faites de tabac extrait, sans risquer de voir la fumée devenir d'un goût désagréable par la perturbation excessive du pH de la fumée.
En conclusion, le tabac devient moins cancéri gène, moins toxique et moins irritant ; il est possible de le munir d'un filtre efficace pour diminuer encore ces différents effets nocifs et dangereux. Le traitement peut être fait sur le tabac en feuilles, sur le tabac haché ou sur le tabac manufacturé (par exemple sur les cigarettes ou cigares livrés dans le commerce). Le traitement, en principe, consiste en un lavage du tabac par du CHCI.; ou CCI, ou autre hydrocar bure aliphatique halogéné ou mélange de solvants appropriés avantageusement répété jusqu'à ce que le solvant n'extraie que très peu de substances colorées du tabac.
En fait, le procédé sera de préférence appliqué suivant certaines modalités pratiques imposées par la forme sous laquelle se présente le tabac à traiter tabac en feuilles, tabac haché ou tabac déjà manu facturé, comme par exemple a) Système à contre-courant: ce système con vient aussi bien pour les 3 sortes de tabac précitées. Le tabac est placé dans de grands paniers à fond percé de trous (grille) et les paniers sont plongés suc cessivement dans 3 bassins contenant le solvant orga nique. La durée d'extraction est de 3 à 4 heures dans chaque bassin ;l'extraction peut être facilitée par un mouvement de va-et-vient vertical des paniers.
Le solvant du bassin no 3 doit être renouvelé avant cha que nouvelle extraction après que le solvant de l'opé ration précédente a été transvasé lui-même dans le bassin No 2, et que celui du No 2 a été transvasé dans le bassin N 1. Le solvant du bassin No 1, qui contient la plus grande concentration de produits extraits est traité en vue de sa récupération. Ce sys tème convient plus particulièrement pour le tabac en feuilles ou le tabac manufacturé. b) Système en colonne verticale : le tabac est placé par le haut d'une colonne déjà remplie en partie de solvant, on tasse le tabac ; on complète le niveau du solvant; on laisse agir pendant 3 à 4 heu res.
On répète la même extraction avec du solvant frais 3 ou 4 fois. On vide la colonne et on rince rapi dement le tabac par du solvant frais.
Le tabac peut être retiré par le bas de la colonne. Ce système convient pour le tabac haché ou manu facturé.
c) Système en colonne avec contre-courant: la colonne en forme de U convient à ce genre de lavage, de même que la colonne droite et inclinée. Ce sys tème convient pour le tabac haché, mais convient mal pour le tabac en feuilles.
De préférence, le traitement selon l'invention, est intercalé dans la chaîne de fabrication des cigarettes entre le coupage et le sauçage du tabac. Par exemple, le tabac haché peut être transporté par un tapis rou lant dans un extracteur en forme de U ayant un élé vateur muni de tamis. Sur ces tamis, le tabac est transporté en contre-courant dans une zone de sol vant, le tabac frais étant mis en contact avec le sol vant le plus saturé comme c'est l'habitude pour les extractions de ce genre.
En quittant le solvant, le tabac parcourt une zone d'égouttage sur les mêmes tamis avant de quitter l'extracteur et d'être trans porté par un autre tapis roulant au sauçage, en pas sant encore éventuellement dans une zone de séchage avant d'être soumis à ce dernier. Le solvant peut être récupéré de manière connue et introduit de nouveau dans le cycle d'extractions, tandis que les extraits rési duels peuvent être purifiés et séparés de manière connue également.
Ces différents systèmes d'extraction chimique sont peu coûteux, car ils permettent une automatisation très poussée. Ainsi, le procédé suivant l'invention per- met d'effectuer en un seul temps, l'extraction étant faite de préférence sur le tabac haché en cours de fabrication, avant le sauçage, afin d'obtenir les con ditions optimales d'extraction d'une part et ensuite les conditions optimales d'évaporation du solvant pur ou du mélange de solvants.
Par ailleurs, on peut récupérer la presque tota lité du solvant organique. Le solvant usé, séparé du tabac une première fois par filtration ou décantation, peut être purifié par distillation et réutilisé.
Le solvant retenu dans le tabac peut être éliminé par évaporation à basse pression, à froid ou à chaud, ou bien encore en faisant passer au travers de la masse de tabac un courant d'air à température am biante (env. 200 C) ou chaud (env. 50o C). De plus, les produits extraits du tabac (hydro carbures aliphatiques, pyrrol et ses dérivés, etc.) peu vent être isolés et utilisés à des buts commerciaux.
Au laboratoire, l'extraction du tabac par du CC14 peut être effectuée par exemple de la manière sui vante Des cigarettes sont placées verticalement dans un récipient, serrées autant que possible ; puis, on ajoute du tétrachlorure de carbone de façon à recouvrir les cigarettes. On fait 3 lavages successifs de trois, deux et une heure. Trois fois, au courant de chaque lavage, on vide le récipient, laisse les cigarettes s'égoutter quelques minutes et remet le solvant dans le réci pient. L'élimination du solvant est faite à l'air, à température et pression ordinaires.
Les cigarettes, hy dratées de façon qu'elles aient de<B>13'à</B> 15 % d'eau par rapport aux cigarettes mises à poids constant à l'étuve à 110 C, sont alors fumées dans des condi tions identiques aux cigarettes d'un même lot non extraites par le CC14, mais hydratées dans les mêmes conditions, soit 13 à 15 % d'eau.
Les différences observées entre les cigarettes extraites et non extraites sont nombreuses et repro ductibles entre trois tabacs de types différents : Mary land, Orient et Virginie. Voici brièvement exposées quelques constatations faites a) les paraffines qui se trouvent à l'état naturel dans le tabac se transforment en partie en hydrocar bures aliphatiques cancérigènes, lors du processus de distillation sèche du tabac. L'extraction au CC14 par exemple les élimine dans une importante proportion par simple solubilisation.
b) Il existe un grand nombre d'hydrocarbures aromatiques dans le condensat de la fumée de ciga rette. Plusieurs sont cancérigènes. L'extraction du tabac par le CC14 par exemple permet de diminuer notablement tous les hydrocarbures aromatiques. Des dosages quantitatifs précis ont été faits pour trois hydrocarbures aromatiques.
EMI0004.0001
Type <SEP> de <SEP> tabac
<tb> Maryland <SEP> Orient <SEP> Virginie
<tb> non <SEP> extrait <SEP> extrait <SEP> non <SEP> extrait <SEP> extrait <SEP> non <SEP> extrait <SEP> extrait
<tb> anthracène <SEP> 10,2 <SEP> ,1 <SEP> 6,0y <SEP> 18,5 <SEP> y <SEP> l0,5 <SEP> y <SEP> 15,7 <SEP> y <SEP> <B>8,21.1</B>
<tb> pyrène <SEP> 9,7 <SEP> ,r <SEP> <B>6,0,1</B> <SEP> 14,0 <SEP> y <SEP> 8,0 <SEP> y <SEP> 14,5,1 <SEP> <B>8,0y</B>
<tb> 3,4-benzo-pyrène <SEP> 2,2 <SEP> y <SEP> 0,8y <SEP> 1,7 <SEP> ,r <SEP> 0,6 <SEP> y <SEP> 1,3y <SEP> 0,6 <SEP> y
<tb> Les <SEP> chiffres <SEP> se <SEP> rapportent <SEP> à <SEP> 100 <SEP> cigarettes. Aux marges d'erreur près, le 3,4-benzo-pyrène est diminué d'au moins 50 % dans les 3 types de tabac (voir encore la remarque sous 2c).
c) Une partie des produits bruns du condensas de la fumée de cigarette est cancérigène. L'extraction du tabac diminue la totalité des produits bruns con tenant les substances polymérisées cancérigènes d'au moins 30 %
EMI0004.0003
Type <SEP> de <SEP> tabac
<tb> Maryland <SEP> Orient <SEP> Virginie
<tb> non <SEP> extrait <SEP> extrait <SEP> non <SEP> extrait <SEP> extrait <SEP> non <SEP> extrait <SEP> extrait
<tb> Poids <SEP> des <SEP> goudrons <SEP> 3,7 <SEP> g <SEP> 2,5 <SEP> g <SEP> 3,9 <SEP> g <SEP> 2,6 <SEP> g <SEP> 3,8 <SEP> g <SEP> 2,5 <SEP> g
<tb> Les <SEP> chiffres <SEP> se <SEP> rapportent <SEP> à <SEP> 100 <SEP> cigarettes.