PROCEDE D'OBTENTION DE 1 ,2-DICHLOROETHANE PAR CHLORATION
DIRECTE AVEC ETAPE DE SEPARATION DU CATALYSEUR PAR EVAPORATION
DIRECTE, ET INSTALLATION POUR SA MISE EN OEUVRE
La présente invention se rapporte à un nouveau procédé de production de 1 ,2- dichloroéthane liquide (dénommé par la suite DCE), obtenu par chloration directe froide de l'éthylène par le chlore, en présence d'un catalyseur du type acide de Lewis, permettant d'obtenir par évaporation directe, après séparation du catalyseur, du DCE de qualité pure pour crackage (craquage thermique) en Chlorure de vinyle monomère(CVM). L'invention concerne aussi une installation pour sa mise en oeuvre.
La réaction de chloration directe de l'éthylène en phase liquide, est la suivante :
C2H4(g) +Cl2(g) → C2H4Cl2(iιq) (DCE) (réaction exothermique, ΔH =- 220kJ/mol.) (1 )
Le craquage thermique du DCE pour obtenir du CVM a lieu selon la réaction suivante : C2H4CI2 → C2H3CI (CVM) + HCI (2)
Une autre réaction dite d'oxychloration permet de valoriser I' HCI produit et d'obtenir du DCE selon (3) :
C2H4 + 2 HCI +1 /2 O2 → C2H4CI2 + H2O (3)
Les deux principaux procédés industriels de production de DCE, bien connus dans l'état de la technique, utilisés actuellement sont : - le procédé par chloration directe froide (à température inférieure ou égale à 800C) à partir d'éthylène et de chlore, et sous une pression de 1 à 2 bar, en particulier dans un réacteur en boucle, en présence d'un catalyseur à base de FeCb, formé in situ ; la réaction a lieu dans du DCE liquide en présence de CI2 dissous. Après déchloration à la soude et lavage à l'eau pour en éliminer le catalyseur, le DCE brut est distillé dans plusieurs colonnes pour atteindre la pureté requise (>99, 5%) pour le craquage ; et le procédé par chloration à haute température (température supérieure à 800C), à partir de d'éthylène et de chlore, et sous une pression telle que le DCE produit peut être directement récupéré en phase gazeuse (exempt du catalyseur ) soit par ébullition , soit par détente; toutefois, le DCE obtenu dans ces conditions nécessite
généralement des étapes de distillation complémentaire pour atteindre la qualité pure pour cracking.
Ces procédés sont en particulier décrits dans les documents suivants.
Le document DE 33 47 153 décrit un procédé de production de DCE par chloration directe froide à partir d'éthylène et de chlore, en présence d'un catalyseur à base de FeCb et d'aminé, dans lequel le produit obtenu passe dans une colonne de distillation afin d'obtenir du DCE ayant une pureté de 99,9%, une partie du pied de colonne contenant du catalyseur étant recyclée au réacteur. On n'évite pas l'étape de distillation.
Le document WO 96/03361 ou EP 772 576, décrit un procédé et un dispositif pour la production de DCE par chloration directe à partir d'éthylène et de chlore, en présence d'un catalyseur à base de FeCb et de NaCI; le courant principal de DCE sortant du réacteur est recyclé vers celui-ci, tandis qu'une partie du DCE est vaporisée par détente, la partie vapeur étant exempte de catalyseur et possédant après condensation et récupération de sa chaleur de vaporisation une pureté d'au moins 99,9%, alors que la partie liquide de DCE (au détendeur) est recyclée au réacteur. L'exemple de réalisation indique une température de chloration de 900C, il ne s'agit donc pas de chloration directe froide. Le document WO 01 /21564 ou EP 1 214 279 décrit un procédé de récupération de chaleur pendant la production de DCE par chloration directe à haute température à partir d'éthylène et de chlore ; les vapeurs de DCE sortant du réacteur sont comprimées et servent à alimenter des évaporateurs de colonnes de séchage et/ou de distillation du DCE ou des échangeurs de chaleur. Il ne s'agit donc pas de chloration directe froide.
En outre, le document EP 0795 531 au nom de la demanderesse décrit un procédé de transformation des sous-produits légers ayant un point d'ébullition très proche de celui du DCE (83,7°C à pression atmosphérique) formés lors du craquage thermique du DCE, dans lequel la chloration desdits sous-produits légers s'effectue directement après le réacteur de chloration directe, en présence des produits de ce réacteur, à une température comprise entre 200C et 800C, avec du chlore moléculaire . Il ne s'agit pas de chloration directe froide.
Le document DE 199 16 753 ou EPl 044950 décrit dans un procédé de production de DCE par chloration directe à température comprise entre 75 et 125 0C, à partir d'éthylène et de chlore, avec récupération de la chaleur de réaction de chloration, pour chauffer des colonnes à distiller du DCE provenant de l'oxychloration
et du crαquαge. Aucune indication n'est donnée sur le traitement du DCE obtenu par chloration directe et il ne s'agit pas de chloration directe froide.
Un des problèmes majeurs rencontrés dans le procédé de production de 1 ,2- dichloroéthane (DCE), obtenu par chloration directe froide, à savoir la séparation d'une part du DCE de qualité pure pour craquage, et d'autre part du catalyseur, n'est résolu dans les différents documents cités, qu'en utilisant plusieurs étapes, d'une part de lavage à l'eau du DCE brut pour en éliminer le catalyseur (FeCb), et d'autre part de distillation du DCE humide, coûteuses à la fois en installations et en énergie thermique.
Un autre problème est qu'il est nécessaire de travailler en excès de Chlore pour atteindre une bonne productivité (de 500 à 1500 ppm de CI2 dissous dans le DCE) et à faible niveau d'énergie, ce qui interdit d'utiliser tout procédé d'obtention de DCE bon pour cracking par simple détente du mélange sortant du réacteur.
De manière surprenante, la demanderesse a trouvé une solution satisfaisante à ces problèmes en combinant des étapes de déchloration et d'évaporation directe nécessitant un apport d'énergie, du flux de DCE brut permettant la séparation du catalyseur et du DCE pur (ou bon)pour craquage.
L'étape de déchloration permet l'élimination du chlore en excès dissous dans le flux de DCE sortant du réacteur de chloration directe.
Les étapes d'évaporation puis de condensation peuvent être réalisées par la mise en oeuvre de systèmes permettant des économies d'énergie, tels que la compression mécanique des vapeurs ou l'évaporation à multiples effets, avec des réductions de consommation de vapeur considérables.
Un autre avantage de ce procédé est que le catalyseur ainsi séparé, peut être recyclé au réacteur de chloration directe de l'éthylène par le chlore, fonctionnant alors avec un excès moindre de chlore, ce qui entraîne moins de corrosion du réacteur, une amélioration de la qualité du DCE brut sortant de celui-ci, ainsi qu'une amélioration de la productivité.
Un autre avantage est qu'une purge du DCE recyclé contenant le catalyseur peut être également utilisée pour améliorer la chloration des sous-produits légers formés lors du craquage thermique du DCE.
Ce procédé présente enfin l'intérêt de pouvoir s'intégrer dans un projet d'amélioration ou d'augmentation de capacité d'une installation existante, en libérant de la capacité sur le train de distillation en place, de façon relativement simple, et en diminuant les effluents aqueux provenant du lavage du DCE brut. La présente invention a pour objet un procédé de production de 1 ,2- dichloroéthane liquide (DCE), obtenu par chloration directe froide de l'éthylène, en
présence d'un catalyseur du type acide de Lewis, permettant d'obtenir après séparation du catalyseur, du DCE de pureté suffisante pour donner par craquage du chlorure de vinyle monomère (CVM); caractérisé en ce qu'il comporte une étape de déchloration du flux de DCE liquide sortant du réacteur de chloration, permettant d'éliminer le chlore dissous en excès, suivie d'une étape d'évaporation directe sur la totalité du flux de DCE liquide sortant du réacteur, permettant la séparation du catalyseur de la fraction évaporée du flux de DCE bon pour craquage.
Selon l'invention, l'étape de déchloration permettant l'élimination du chlore en excès dissous dans le flux de DCE liquide sortant du réacteur de chloration directe, est réalisée soit par réaction chimique par introduction d'éthylène dans ce flux de DCE liquide, soit par strippage par un gaz inerte.
Lors de l'étape d'évaporation du flux de DCE liquide, une fraction du DCE liquide reste en contact avec le catalyseur en pied d'évaporation, de manière à être recyclée en tout ou partie au réacteur de chloration directe. Selon l'invention, dans l'étape d'évaporation, le DCE liquide est porté à une température de vaporisation comprise entre 75°C (sous une pression de 0.77 bar soit 0.077 MPa) et 1200C (sous une pression de 2.8 bar soit 0.28 MPa), et de préférence à une température d'environ 84 0C sous une pression de 1 bar (0.1 MPa).
Selon une première variante préférée de l'invention, à la suite de l'étape d'évaporation, les vapeurs de DCE subissent une compression mécanique, de préférence à une pression allant de 1.1 à 2.8 bar (soit 0.1 1 à 0.28 MPa), et plus particulièrement à environ 1 ,6 bar (0.16 MPa) et une condensation à une température comprise entre 85 et 1200C, et plus particulièrement à environ 1060C, permettant de récupérer l'énergie de condensation. Cette énergie peut être avantageusement utilisée pour la vaporisation du DCE.
Selon une autre variante de réalisation, les étapes d'évaporation et de condensation du DCE sont réalisées en particulier par des échangeurs de chaleur du type à multiples effets.
Dans une variante de réalisation selon l'invention, les étapes d'évaporation et de condensation se poursuivent par une étape d'épuration secondaire du DCE. En particulier, cette étape d'épuration secondaire du DCE, permet la séparation des composés légers comme l'éthylène et le chlorure d'éthyle, pouvant avoir un effet néfaste, selon les conditions du craquage, pour le craquage thermique de la fraction liquide de DCE purifié bon pour craquage.
De préférence, une partie de la fraction liquide de DCE du pied de l'évaporation enrichie en catalyseur (dite purge) est utilisée pour la chloration des sous- produits légers obtenus dans l'étape de craquage du DCE.
Parmi ces sous-produits légers, on citera notamment les hydrocarbures aliphatiques insaturés, tels que le benzène, le chloroprène ou le trichloréthylène. Ces produits étant difficilement séparables du DCE par distillation.
De manière préférée, le catalyseur du type acide de Lewis est à base de chlorure ferrique (FeCI3).
La présente invention a également pour objet une installation pour la mise en oeuvre du procédé précédemment décrit, qui comporte après un réacteur (1 ) de chloration directe froide, alimenté en chlore (2) et éthylène (3), une capacité de déchloration (5) par introduction d 'éthylène (6) dans le flux de DCE liquide brut (4) sortant du réacteur, suivi d'un dispositif d'évaporation (9), dont l'entrée (8) est alimentée par la totalité dudit flux de DCE liquide déchloré sortant dudit réacteur (1 ), dont la sortie (1 1 ) correspond au DCE liquide, concentré en catalyseur, qui est recyclé en tout ou partie (12) au réacteur (1 ), et dont la sortie (10) correspond au DCE vaporisé bon pour craquage.
En particulier, le dispositif d'évaporation (9) se compose de tout dispositif comprenant un échangeur de chaleur fournissant l'énergie nécessaire de vaporisation du DCE.
Selon un premier mode de réalisation préféré, les vapeurs de DCE sortant en
(10) sont comprimées mécaniquement et condensées dans un dispositif (15), comprenant un compresseur fonctionnant à une pression de refoulement comprise entre 1 .1 et 2.8 bar (soit entre 0.1 1 et 0.28 MPa), et en particulier d'environ 1 ,6 bar (0.16 MPa).
Selon un deuxième mode de réalisation préféré, les dispositifs d'évaporation (9) et de condensation (15) compose d'une série d'échangeurs de chaleur du type à multiples effets.
De manière avantageuse, le flux de DCE liquide et de gaz (18) sortant du dispositif de condensation (15) subit un traitement dans un dispositif d'épuration secondaire (19), comportant en particulier au moins une colonne de distillation ou de strippage par des gaz inertes, pour éliminer les gaz (21 ) tels que l'éthylène, le chlorure d'hydrogène et le chlorure d'éthyle et fournir du DCE (20) encore plus pur pour craquage. Par ailleurs, une partie (13) du DCE liquide concentré en catalyseur (1 1 ) issu du dispositif d'évaporation (9) est introduite dans un réacteur de chloration(14) des sous-
produits légers (17) issus de l'étape de craquage du DCE en CVM, avec alimentation en chlore (16), dont les produits (22) après lavages et distillation permettent de récupérer du DCE pur.
Dans le premier mode de réalisation selon l'invention, avec compression mécanique des vapeurs de DCE, les gains obtenus en économie de vapeur du fait que le DCE provenant de la chloration directe ne traverse plus les colonnes de distillation traditionnelles sont très supérieurs aux dépenses en électricité dues au compresseur.
Pour une unité de chloration directe froide produisant 50 t/h de DCE, le bilan comparatif énergétique entre le procédé classique de lavage distillation et le procédé selon l'invention fait ressortir une économie d'au moins 13t/h de vapeur. Qualité DCE obtenu :
- DCE : 99,91% poids
- EtCI (chlorure d'éthyle): 25 ppm poids
- Tl 12 (l ,l ,2-trichloroéthane): 800 ppm poids Exemple de réalisation industrielle
Cet exemple est décrit en se rapportant à la figure 1 ci-après, illustrant de façon schématique le procédé et le dispositif selon un mode de réalisation préféré del'invention.
La production de 1 ,2-dichloroéthane (DCE), est réalisée dans un réacteur en boucle (1 ), par chloration directe froide à T=62,4 0C et P=I , 3 bar (0.13 MPa) à partir d'éthylène (2), débit 7242 Kg/h et de chlore en excès (3), débit 18590 Kg/h, en présence d'un catalyseur à base de FeCb, quantité 170 ppm. Le flux sortant (4), débit 59862 Kg/h, dudit réacteur (1 ) comporte du DCE brut, en mélange avec du FeCb du chlore, du chlorure d'éthyle et du 1 , 1 ,2-trichloroéthane (Tl 12) . Ce flux (4) est ensuite envoyé dans une capacité de déchloration (5) avec introduction d'éthylène (6), débit 64Kg/h, une partie de l'éthylène non consommé étant extraite en (7) avec du DCE à la tension de vapeur, débitl OKg/h, et recyclée vers une unité de chloration des sous-produits « légers » (14), qui sera détaillée ci-après.
Le flux sortant (8) de cette capacité de déchloration (5), qui contient toujours les mêmes sous-produits en mélange avec le DCE, sauf le chlore, est introduit dans un dispositif d'évaporation (9), dont la sortie en phase vapeur de DCE (10), débit 5271 1 kg/h , T=84°C, P = I bar (0.1 MPa), est introduite dans un dispositif de condensation (15), et dont la sortie en phase liquide (1 1 ) du DCE, concentré en catalyseur, débit 12177 Kg/h, est recyclée en partie (12), débitl Ol 77 kg/h, au réacteur de chloration directe (1 ).
A la sortie (18) du dispositif de condensation (15), les débits en DCE, C2H4, EtCI et Tl 12 sont respectivement de 48635 - 44 - 8 - et 39 kg/h; l'ensemble est ensuite envoyé dans un dispositif d'épuration secondaire (19) comportant en particulier une colonne de distillation ou de strippage par des gaz inertes, pour éliminer les gaz (21 ) tels que l'éthylène dont le débit est de 44 Kg/h et le chlorure d'éthyle, débit 7Kg/h, et fournir du DCE (20) pur pour craquage, au débit de 47593 Kg/h.
L'unité de chloration des sous-produits « légers » (14), est alimentée par une partie dite purge (13) provenant du dispositif d'évaporation (9) du DCE, débit 1994 kg/h, contenant du FeCI3, 840 ppm, et du Tl 12, débit4 Kg/h , ainsi que par du CI2 (16), débit 200 Kg/h, et des composés légers (17), débit 3000 Kg /h, issus de l'étape de craquage du DCE en CVM, après passage dans une colonne à distiller ; les produits (22) sortant de cette unité, après lavage et distillation permettent de récupérer du DCE bon pour craquage. Exemple de fonctionnement au laboratoire de la chloration avec évaporation directe. Dans un mini chloreur en verre de volume de 300cc muni d'une éprouvette de fer, on introduit en continu sur un pied de DCE liquide du chlore à un débit fixe de 101/h , de l'éthylène à un débit régulé autour de 10-1 1 l/h, de l'air à un débit de 1 l/h et de l'azote à 91/h. Le débit d'éthylène est régulé de façon à stabiliser la teneur en chlore dans le réacteur à une valeur choisie. La chloration en continu est conduite à 6O0C
Le DCE produit est récupéré par débordement, puis il est déchloré par un stripping à l'azote et enfin il est envoyé vers un évaporateur chauffé : le DCE évaporé puis recondensé représente la production, le pied de l'évaporateur est soit stocké soit envoyé vers le chloreur. L'essai se déroule en deux étapes :
Première étape : durée de 1 1 Oh sans recyclage du pied de l'évaporateur vers le chloreur Chlore dissous dans le chloreur= l OOOppm Ethylène dans les évents= 1 % (volume) FeCb dans le chloreur entre 85 et 1 15 ppm Deuxième étape : durée de 392h avec recyclage du pied de l'évaporateur vers le chloreur.
La teneur en FeCb dans le chloreur augmente peu à peu pour atteindre 380 ppm en fin d'essai. L'effet de la teneur en fer est sensible dès le début du recyclage : pour maintenir la teneur de 1 % d'éthylène dans les évents, on doit travailler à 600ppm de chlore dissous dans le chloreur.
Le tableau 1 ci dessous présente la composition du chloreur au cours de l'essai et la pureté du DCE produit par le procédé (déterminée par Chromatographie en phase gazeuse : CPG, exprimée en % poids), avec la teneur en T112, exprimée en % poids. La pureté du DCE est stable et correspond à celle du DCE bon pour crackage.
Tableau 1