Utilisation de l'acide masticadiénonique en tant qu'inhibiteur de l'ADN polymerase bêta
La présente invention a pour objet l'utilisation de l'acide masticadiénonique pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement et/ou à la prévention d'affections, notamment choisies dans le groupe constitué par les cancers, les tumeurs et les maladies neurodégénératives, par inhibition de l'ADN polymerase bêta. L'ADN polymerase beta (pol β) est la plus petite ADN polymerase dotée d'un poids moléculaire de 39kDa. Elle est composée de deux domaines. Le premier en partie N-terminale (8kDa) contient le site de liaison à l'ADN simple brin, la fonction de reconnaissance en 5' de brèches dans l'ADN et l'activité dRP lyase. Le second en partie C-terminale (31kDa) possède l'activité catalytique de l'enzyme. Dans les cellules somatiques, pol β est une enzyme essentielle au cours du développement. Elle joue un rôle clef dans la réparation de l'ADN par excision de base (BER) sur de petits dommages de type alkylation ou oxydation de bases dans l'ADN, ainsi que dans la réparation de cassures simple brin dans l'ADN. Il a été montré que lorsque l'expression de cette enzyme est dérégulée, elle favorise fortement la progression tumorale. Il a de plus été démontré que, quand elle est surexprimée, pol β permet à la cellule de s'adapter à des dommages bifonctionnels sur l'ADN, formés par exemple par le cisplatine utilisé dans le traitement de nombreux cancers. Le cisplatine (N Cl2PtH6) ou CDDP (Platinol®, Bristol-Myers) est couramment utilisé seul ou en association dans le traitement de tumeurs solides de la sphère urogénitale, de la tête et du cou, de la vessie, de l'œsophage et dans les cancers du poumon. L'action antitumorale du cisplatine est due à la formation d'adduits cisplatine sur l'ADN, générant des liaisons covalentes intra- ou interbrins qui inhibent la réplication de l'ADN tumoral. Malheureusement, l'utilisation du cisplatine se heurte à trois obstacles majeurs : une néphrotoxicité, un potentiel mutagene et donc potentiellement cancérigène et une forte résistance cellulaire multifactorielle. Cette dernière est due à différents mécanismes comme la diminution de la pénétration intracellulaire, une augmentation de l'expulsion de la drogue hors de
la cellule, un piégeage intracellulaire par des groupements nucléophiles de type thiols portés par le gluthation ou des protéines metallothionéines riches en cystéine, et surtout une augmentation de la réparation des adduits cisplatine sur l'ADN. La réparation de ces dommages s'effectue essentiellement par la voie constitutive d'excision d'adduits encombrants type lésions UN ou cisplatine (Νucleotide Excision Repair ou ΝER). Il a été montré que, dans un contexte tumoral, pol β peut se substituer aux ADN polymérases réplicatives (Pol δ, c- , e) lors de l'étape terminale de resynthèse d'ADN spécifique au processus NER, sans modifier le rendement du NER mais en participant à la mutagenèse induite par le cisplatine observée spécifiquement sur des cellules surexprimant pol β. De même, il a été montré que pol β peut aussi perturber des voies métaboliques de l'ADN telles la recombinaison ou la réplication du génome. Enfin, un dernier mécanisme de résistance est l'augmentation de la tolérance des lésions, c'est-à-dire la capacité à survivre sans élimination des lésions. Ce phénomène peut s'expliquer par un franchissement des adduits cisplatine par la machinerie réplicative. Il a été montré que pol β est capable de catalyser spécifiquement ce franchissement au prix d'une incorporation de nucléotides illégitimes sur le brin complémentaire à la lésion. Parmi les 14 ADN polymérases recensées à ce jour, pol β est celle qui s'avère la plus apte à s'affranchir d'adduits cisplatine lors de la réplication de l'ADN endommagé. Comme mentionné ci-dessus, pol β surexprimée entraîne, en réponse à un traitement au cisplatine, une augmentation générale et aléatoire de l'instabilité génétique en entrant en compétition avec les ADN polymérases réplicatives dans des processus dans lesquels elle n'est normalement pas impliquée (NER, recombinaison, réplication génomique). Au travers de son action mutagene, elle contribue aussi à cette instabilité lors de la synthèse translésionnelle des adduits cisplatine. Pol β constitue une excellente cible à deux titres, d'une part en tant que facteur d'instabilité génétique spontané en raison de son infidélité et d'autre part en tant que facteur de résistance chimiothérapeutique en raison de sa capacité spécifique à effectuer la synthèse translésionnelle des adduits cisplatine, même si d'autres ADN polymérases infidèles récemment identifiées (pol K, η, f, i, θ, μ et λ) participent aussi à la tolérance cellulaire vis-à-vis d'autres types d'agents endommageant l'ADN. Il est très important de comprendre que pol β permet aux cellules de résister au cisplatine en
répliquant la lésion, mais qu'au cours de ce processus, elle entraîne une accumulation de mutations par son infidélité, et constitue donc une véritable cause de chaos génétique pour la cellule. Un inhibiteur spécifique de l'ADN polymerase β permettrait donc de diminuer considérablement le phénomène de résistance aux antitumoraux tels que le cisplatine au cours des traitements administrés aux patients. En conséquence, cela permettrait de diminuer la dose d'agent antitumoral, tel que le cisplatine, administrée. Un tel agent permettrait en outre de réduire l'apparition de mutations non ciblées au niveau des adduits et résultant de la surexpression de pol β. La recherche d'inhibiteurs de pol β est très active. En effet, pol β est maintenant clairement définie comme étant une cible thérapeutique intéressante en terme de résistance aux chimiothérapies dans le traitement des cancers. Quand elle est dérégulée, c'est aussi une enzyme reconnue pour son implication dans l'apparition d'un nombre important d'anomalies génomiques et nucléotiques, participant ainsi au chaos génétique et à la progression tumorale. Plus récemment, il a été proposé qu'elle puisse également constituer une cible dans un autre contexte physiopathologique, les maladies neurodégénératives. Il a été notamment démontré que l'expression de Pol bêta était augmentée dans des neurones soumis à l'action des peptides β-amyloïdes, principaux constituants des plaques séniles dans la maladie d'Alzheimer. Cette augmentation d'expression de Pol β serait à l'origine d'une réplication d'ADN non conventionnelle, ce qui conduirait au processus de neurodégénération par apoptose. A ce jour, une seule molécule inhibitrice spécifique de pol β a été décrite. Il s'agit de la prunasine. Certes, c'est une molécule intéressante dans sa spécificité (bien qu'on ne sache rien sur pol lambda, ni sur des extraits totaux), mais elle n'est pas considérée comme un inhibiteur fort (IC5o de 93μM). D'autres inhibiteurs non spécifiques de pol β ont été décrits. En effet, ils inhibent aussi d'autres ADN polymérases. Ces inhibiteurs sont l'acide linoléïque, l'acide nervonique (IC5o de 5μM), l'acide lithocholique (IC5o de lOμM), l'acide tormentique (IC50 de 46μM), l'acide euscaphique (IC5o de 108μM), l'acide fomitellique (IC50 de 150μM), la 5'-monophosphate-bredinine, le l,4-dideoxy-l,4- imino-D-ribitol (IC50 de 28μM), l'acide kohamaique (IC50 de 8,4μM), la suramine, l'α- rubromycine, les sulfo-quinovosyl-acyl-glycérols (IC5υ de 8,5 à 36μM), l'acide (24E)- 3β-hydroxy-7,24-euphadiene-26-oique (IC5o de 23 μM), la sculezonone-A (IC50 de
17μM), la sculezonone-B (IC50 de 90μM) et la solanapyrone A (IC50 de 30μM). On peut aussi citer la didéoxycytidine (ddC) (IC5o de 1 μM), qui n'est pas un inhibiteur propre de pol β, mais un terminateur de chaîne préférentiellement incorporé par pol β au cours de la synthèse d'ADN. Pistacia lentiscus (Anacardiaceae) est un petit arbre poussant dans le bassin méditerranéen dont la sève, connue comme étant un mastic, est utilisée en tant que chewing gum. Des tiges de Pistacia lentiscus, a été isolé un composé actif qui est l'acide masticadiénonique. Dans la publication, « Anti-Inflammatory Triterpenes from Pistacia terebinthus Galls », Eva M. Giner-Larza et al.,Planta Med. 2002 ; 68 :311-315, on décrit des triterpenes issus de la plante Pistacia terebinthus identifiés en tant qu'acide masticadiénonique, acide masticadiénolique et acide morolique. Cette publication enseigne que l'acide mastécadiénonique présente des propriétés anti-inflammatoires. La demande de brevet WO 02/09720 décrit des inhibiteurs d'ADN polymerase sigma. En particulier, il est précisé que les composés suivants : l'acide (24E)-3beta- hydroxy-7,24-euphandien-26-oique, l'acide ursolique, l'acide katonique et l'acide bétulinine sont des inhibiteurs de polymerase sigma et également des inhibiteurs de polymerase bêta. Il est en outre précisé que l'inhibiteur de polymerase sigma le plus fort est l'acide (24E)-3beta-hydroxy-7,24-euphandien-26-oique, alors que le composé le plus fort pour inhiber l'ADN polymerase bêta est l'acide ursolique. De plus, il est précisé que certains composés sont inhibiteurs de polymerase bêta mais ne présentent aucun effet sur l'inhibition de polymerase sigma.
La présente invention a pour objet l'utilisation de l'acide masticadiénonique de formule (I).
pour la fabrication d'un médicament destiné, par inhibition de l'ADN polymerase bêta, au traitement et/ou à la prévention d'affections. Dans le cadre de la présente invention, l'expression « pol β » est utilisée, par voie de simplification, pour désigner l'ADN polymerase β. Dans le cadre de la présente invention, l'expression « inhibiteur de l'ADN polymerase bêta » et les expressions similaires font référence à un composé qui permet de diminuer la capacité de la polymerase bêta, humaine ou non humaine, à synthétiser un polynucléotide par rapport à la synthèse qui aurait eu lieu en l'absence d'un tel inhibiteur. La diminution de la synthèse peut être soit une réduction dans la longueur du polynucléotide synthétisé soit une réduction dans le nombre de polynucléotides synthétisés pendant une durée déterminée. Dans le cadre de la présente invention, l'expression « inhibiteur spécifique de l'ADN polymerase bêta » et les expressions similaires font référence à un composé capable d'inhiber l'ADN polymerase bêta sans inhiber, ou en les inhibant d'une manière non significative, les autres ADN polymérases. Dans le cadre de la présente invention, l'expression « inhibiteur efficace de l'ADN polymerase bêta » et les expressions similaires font référence à un composé capable à des faibles doses, c'est-à-dire pour des valeurs de IC n de l'ordre du micromole ou de la dizaine de micromoles, d'inhiber l'ADN polymerase bêta. Le terme « polynucléotide » utilisé dans le sens de la présente invention se réfère à une chaîne d'au moins 15 nucléotides liés chimiquement. Dans le cadre de la présente invention, le terme « traitement » signifie atténuer ou guérir des maladies, des troubles, des affections dont souffrent les patients. L'acide masticadiénonique interfère directement et spécifiquement avec le domaine de liaison à l'ADN simple brin de pol β. L'acide masticadiénonique peut exactement se lier dans le site de fixation à l'ADN simple brin du domaine 8-kDa N- terminal de pol β. Sans vouloir se limiter à une quelconque interprétation, il est supposé que l'inhibiteur, c'est-à-dire l'acide masticadiénonique, interagit avec les lysines 60, 68 et 35 de pol β. Sous réserve de cette hypothèse, on pense que la lysine 60 interagit via un pont hydrogène avec l'acide masticadiénonique alors que les lysines 68 et 35 ont un contact ionique avec la fonction carbonyle de l'acide masticadiénonique. La distance estimée entre ces résidus lysines et l'acide masticadiénonique est de 2,86, 2,85 et
2,81Â, respectivement. De façon très intéressante, ces trois résidus sont connus pour être les trois principaux résidus interagissant avec l'ADN simple brin. En outre, il semblerait que l'acide masticadiénonique ne se lie pas au site de fixation des dNTP du site actif du domaine "paume", suggérant une inhibition compétitive spécifique de l'acide masticadiénonique due à son interaction avec le site de fixation de Pol β avec l'ADN simple brin. Ainsi, l'inhibiteur acide masticadiénonique présente un caractère spécifique contre Pol β. D'une manière surprenante, l'isomère acide isomasticadiénonique, de formule (II)
qui diffère seulement par la position de la double liaison dans le cycle B (Δ7 au de lieu de Δ8), est totalement inactif. De même, un décalage de la double liaison de cycle B vers le bas, en position Δ6, amènera un changement global de la forme de la molécule et la molécule de formule (III) sera inactive, envers pol β.
Ceci montre que les distances entre les fonctions cétone et acide dépendent de la position de la double liaison et par suite, la qualité des liaisons, supposées, avec les lysines de pol β dépend de la position de la double liaison. Dans le cadre de la présente invention, le médicament est avantageusement destiné au traitement et/ou à la prévention d'affections par inhibition spécifique de l'ADN polymerase bêta. Le médicament selon l'invention est encore plus avantageusement
destiné au traitement et ou à la prévention d'affections par inhibition forte de l'ADN polymerase bêta, le composé de formule (I) ayant notamment une valeur de IC
5o inférieure ou égale à 8 μM. Ainsi, l'inhibiteur de polymerase bêta utilisé dans le cadre de la présente invention présente avantageusement une valeur de IC
50 (concentration inhibitrice, « inhibitory concentration », du composé nécessaire pour atteindre une réduction de 50% de l'activité de la polymerase) de l'ordre du micromole. L'acide masticadiénonique devient donc à ce jour l'inhibiteur spécifique le plus efficace de la pol β (IC
50=8μM), par rapport aux inhibiteurs déjà connus décrits précédemment. L'acide masticadiénonique peut notamment être utilisé pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement et/ou à la prévention de maladies induites par une prolifération ou un développement de cellules indésiré. Les affections qui sont traitées et/ou prévenues par inhibition de l'ADN polymerase bêta sont avantageusement choisies dans le groupe constitué par les cancers, les tumeurs et les maladies neurodégénératives. En plus du traitement des cancers, le médicament selon l'invention peut être utilisé pour la prévention et/ou le traitement de maladies caractérisées par un développement de cellules inapproprié/excessif ou incontrôlé. Selon une variante avantageuse de l'invention, le médicament comprend en outre un anticancéreux supplémentaire, qui est avantageusement un cytostatique. De nombreux agents anti-tumoraux ou anticancéreux présentent une toxicité importante qui limite leur utilisation et principalement la quantité des doses administrées. L'utilisation de l'acide masticadiénonique, inhibiteur de pol β, en association avec un agent antitumoral ou anticancéreux permet de réduire la quantité à administrer d'un tel agent nécessaire pour tuer les cellules cancéreuses et permet ainsi d'améliorer les bénéfices thérapeutiques de l'utilisation de cet agent. Le médicament selon l'invention contient avantageusement : a) le composé de formule (I), et b) un anticancéreux, en tant que produits de combinaison pour une utilisation simultanée, séparée ou étalée dans le temps pour le traitement des cancers et/ou des tumeurs.
Dans le cadre de la présente invention, l'anti cancéreux supplémentaire est avantageusement un cytostatique dérivé du platine, encore plus avantageusement le cisplatine, Poxaliplatine ou le carboplatine. De façon avantageuse, il s'agit du cisplatine. L'utilisation de l'acide masticadiénonique en association avec le cisplatine permet d'améliorer l'efficacité du cisplatine en tant qu'agent anticancéreux. L'acide masticadiénonique permet d'inhiber l'action de pol β vis-à-vis du cisplatine sans bloquer ses actions essentielles à la vie de la cellule, offrant une drogue peu toxique et à l'action ciblée contre la chimiorésistance. Selon une variante avantageuse de l'invention, le médicament est destiné au traitement des tumeurs choisies dans le groupe constitué par les tumeurs du testicule, de l'ovaire, du col de l'utérus, de l'endomètre, de la sphère ORL, de l'œsophage, de la vessie, du poumon, du sein, de la tête et du cou, gastriques, colorectales, pédiatriques du cerveau ou de la tumeur épidermoïde et des ostéosarcomes Selon une autre variante avantageuse de l'invention, le médicament est destiné au traitement des cancers choisis dans le groupe constitué par les cancers du poumon, colorectaux, du sein, de la tête et du cou, gastriques, pédiatriques du cerveau, du testicule, de l'ovaire, ORL, de l'œsophage, du col de l'utérus, de l'endomètre, de la vessie ou des cancers épidermoïdes et des ostéosarcomes. Selon encore une autre variante avantageuse de l'invention, le médicament est destiné au traitement des maladies dégénératives choisies dans le groupe constitué par la maladie d'Alzheimer, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la maladie de Marchiafava- Bignami, la maladie de Parkinson, la maladie de Pick et la maladie de Wilson D'une manière classique, le médicament comprend en outre un excipient pharmaceutiquement acceptable, avantageusement approprié pour une administration par voie intraveineuse, par voie orale, par voie intratumorale, par voie anale, par voie intramusculaire, par voie sous-cutanée, par voie percutanée ou par voie intrapéritonéale. Le médicament comprend avantageusement 0,1 à 60% en poids du composé de formule (I), par rapport au poids total du médicament. Selon une variante avantageuse de l'invention, le médicament comprend 0,1 à 60% en poids du composé de formule (I) et 0,1 à 60% en poids d'un anticancéreux, par rapport au poids total du médicament Comme l'homme de l'art le sait très bien, la quantité de principe actif dans le médicament dépend également de la voie d'administration choisie. Ainsi, par exemple,
pour un injectable, la quantité de principe actif dépend à la fois de la dose active et de la solubilité/stabilité de l'actif dans la formulation. Si le principe actif est très soluble dans l'eau, on se situe généralement dans la formulation à des concentrations en principe actif comprises entre 1 mg/ml et 100 mg/ml, soit entre 0,1 % et 10%, avantageusement entre 5 mg/ml et 50 mg/ml, soit entre 0,5% et 5%, encore plus avantageusement entre 10 mg/ml et 40 mg/ml, soit entre 1% et 4%. Si le principe est très actif, la quantité en dit principe actif dans la formulation peut être comprise entre 0,1 mg/ml et 10 mg/ml, soit entre 0,01 % et 1%, avantageusement entre 0,5 mg/ml et 5 mg/ml, soit entre 0,05% et 0,5%o, encore plus avantageusement entre 0,7 mg/ml et 3 mg/ml, soit entre 0,07% et 0,3%> ; les pourcentages étant donnés en poids de principe actif par rapport au poids total de la formulation. En règle générale, on est plus dilué dans une formulation injectable qu'on ne le serait dans une formulation destinée à une administration par voie orale. Toutefois, dans certains cas, la formulation injectable sera très concentrée, ce qui est notamment le cas d'une formulation nanoparticulaire à disperser dans une perfusion. Dans le cadre de formulations pour une administration par voie orale de ces même principes actifs, les doses chargées sont bien sûr beaucoup plus importantes. Ainsi, par exemple, dans des capsules molles ou des gélules à contenu pâteux, la formulation peut comprendre entre 1 et 60% en poids de principe actif, avantageusement entre 5 et 50% en poids de principe actif, encore plus avantageusement entre 10 et 40% de principe actif, encore plus avantageusement entre 10 et 20% en poids de principe actif ; les pourcentages massiques étant exprimés par rapport au poids total de la composition. Le médicament selon l'invention peut être administré sous formes unitaires ou multidoses d'administration en mélange avec des supports pharmaceutiques adéquats connus de l'homme du métier. Pour une administration par voie orale, les formes unitaires d'administration appropriées comprennent notamment les comprimés éventuellement sécables, les gélules, les poudres, les granulés et les solutions ou suspensions orales. Pour une administration par voie orale, les formes multidoses d'administration appropriées comprennent notamment les gouttes buvables, les émulsions et les sirops.
Les modes d'administration, les posologies et les formes galéniques optimales des composés et compositions selon l'invention peuvent être déterminés selon les critères généralement pris en compte dans l'établissement d'un traitement pharmaceutique, adapté à un patient comme par exemple l'âge ou le poids corporel du patient, la gravité de son état général, la tolérance au traitement, les effets secondaires constatés.
Les exemples et les figures suivants illustrent la présente invention et ils ne sont pas limitatifs. Sur la figure 1, sont représentés deux diagrammes qui illustrent l'effet de l'acide masticadiénonique sur pol β, pol δ, pol K, pol λ et sur des extraits nucléaires. Dans ces diagrammes, 100% représente l'activité du contrôle sans l'acide masticadiénonique. Sur la figure 2, sont représentés les résultats de la synthèse translésionnelle d'un adduit cisplatine par pol β en présence d'acide masticadiénonique. La concentration d'acide masticadiénonique utilisée est de 20 μM. Les positions de la matrice 17-mer, de la position de la lésion (39-mer) et du pleine taille (60-mer) sont indiquées par des flèches. Sur la figure 3, est représenté le diagramme illustrant la viabilité des cellules
2008 C13*5,25 en présence de cisplatine et d'acide masticadiénonique. Sur la figure 4, sont représentés les résultats du test de retard de mobilité sur gel d'un ADN simple brin de la pol β pleine taille (A) ou du domaine 8-kDa de pol β (B).
Les expériences ont été réalisées en présence ou en absence d'acide masticadénionique.
L'ADN simple brin de Ml 3 (3,6 pmol, piste 1) a été incubé avec pol β ou le domaine 8- kDa (3 pmol, piste 4) et 10 pmol (piste 2) ou 1 pmol (piste 3) d'acide masticadénionique.
Exemple 1 : Procédé d'extraction de l'acide masticadiénonique Les extraits des tiges de Pistachia lentiscus ont été préparés par macération toute une nuit dans de l'éthyle acétate, filtration et évaporation. Ces extraits ont ensuite été fractionnés sur des cartouches SPE SiO2 Upti Clean en utilisant un gradient
chloroforme-méthanol. Les aliquots ont été dissous dans du DMSO 100%. Le fractionnement a été réalisé par chromatographies préparatives sur phases normales ou inverses C-18. Le produit pur, à savoir l'acide masticadiénonique, a été dissous dans les tampons appropriés pour obtenir des concentrations de 10"2 M à 10"7 M.
Exemple 2 : Effet de l'acide masticadiénonique sur pol β, sur d'autres ADN polymérases et sur des extraits nucléaires réplicatifs Pour déterminer l'efficacité de l'inhibiteur acide masticadiénonique sur pol β, nous avons utilisé un test de réplication in vitro en utilisant comme matrice de réplication un ADN génomique « activé » contenant des brèches simple brins. En ce qui concerne la spécificité, nous avons comparé l'efficacité de l'inhibiteur sur pol β avec celle relative à des extraits nucléaires totaux de cellules Hela contenant toutes les autres ADN polymérases nucléaires humaines. Par ailleurs, nous avons aussi testé la principale ADN polymerase réplicative pol δ ainsi que les ADN polymérases mutagènes pol K et pol λ Les cellules Hela (ATCC) sont cultivées en suspension dans un milieu RPMI1640. Les extraits réplicatifs ont été préparés selon un mode de réalisation classique connu de l'homme du métier après récupération des cellules en phase exponentielle de croissance. La pol β de rat utilisée pour le criblage à haut débit a été purifiée. Le domaine 8- kDa de la pol β a été clone dans le plasmide pIVEX2.4d (Roche) afin d'obtenir le plasmide pl968 qui, après séquençage et purification, a été introduit dans la bactérie BL21(DE3). La purification de la pol K a été réalisée par la société GTP Tech. (Toulouse, France) après avoir clone l'ADNc de pol K du plasmide pHSE2 (provenant de chez H. Ohmori, Kyoto, Japon) dans un système bacculovirus. La pol β humaine provient de la société Trevigen (USA). Les 4 sous-unités de la pol δ ont été purifiées à partir de cellules sf9 infectées par un bacculovirus. La pol λ et la pol λ tronquée ont été purifiées.
Essais de réplication Toutes les ADN polymérases ont été testées selon la même procédure. De l'ADN de thymus de veau (Sigma) activé (digéré à la l'ADNase I) est utilisé comme matrice de réplication dans un volume final de 20μl, à 37°C, en faisant varier le temps d'incubation et en présence d'inhibiteurs. La pol β humaine (0,5 unités) est ajoutée à un tampon contenant 25 mM Hepes KOH pH 8,5, 10m M MgCl2, 25 mM NaCl, 1 mM DTT, 100 μM de dATP, dGTP, dCTP, 0,2 μCi [3H]dTTP et 1 μg de matrice. La pol λ sauvage ou tronquée (0,5 unité de chaque) est utilisée dans un tampon contenant 50 mM Tris pH 8,5, 50 mM NaCl, 1 mM DTT, 20 μg/ml BSA, 0,75 mM MnCl2, 5 μM de dATP, dGTP, dCTP, 0,2 μCi [ HJdTTP et lμg de matrice. Les conditions pour la pol δ humaine (0,05 unités) et pol K (1,5 unités) sont 50 mM Tris pH 6,5, 1 mM DTT, 0,25 mg/ml BSA, 6 mM MgCl2, 4,6 μg/ml PCNA (pour pol δ), lOOμM de dATP, dGTP, dCTP, 0,2 μCi [3H]dTTP et lμg de matrice. Après l'incubation, la réaction est stoppée avec de l'EDTA 10 mM et les produits d'ADN radioactifs sont collectés sur des filtres en fibre de verre GF/C (Wathman). Les filtres sont ensuite lavés deux fois dans une solution d'Acide TrichloroAcétique 5% et utilisés pour le comptage. Les valeurs d'inhibitions (EC5o) sont calculées à l'aide du logiciel GraphPad Prism. Les résultats sont résumés sur la figure 1. Légende : (1A) (1B) " Pol β IC50=8μM B Pol λ IC50=80μM A Pol δ IC50=60mM A ΔPol λ IC50=748mM • Pol K IC50=269μM →~ Pol β IC50=8μM -"- Hela ext. IC50= 115 μM L'acide masticadiénonique inhibe pol β avec une IC o de 8μM. Inversement, les extraits nucléaires des cellules Hela sont beaucoup moins sensibles puisqu'ils sont 14,4 fois moins inhibés que pol β. Ces résultats montrent la spécificité de l'acide masticadiénonique sur pol β en regard de la machinerie réplicative extraite de noyaux cellulaires. Il a aussi été montré que la pol δ, en présence du co-facteur de réplication PCNA, est totalement insensible à l'acide masticadiénonique. Ceci montre que seul l'acide masticadiénonique est spécifique de pol β. Nous avons aussi analysé le degré de spécificité de cet inhibiteur sur la pol \ une polymerase mutagene de la famille X, très
proche de pol β. L'acide masticadiénonique n'inhibe pas pol λ, de façon significative, renforçant sa spécificité pour pol β. Il en est de même pour la pol K. La valeur IC50 relativement modeste laisse envisager une toxicité faible (la cible est une protéine essentielle à la vie de la cellule) tout en préservant le caractère spécifique de l'action pharmacologique (ciblée sur la synthèse translésion d'adduits pontants).
Exemple 3 : Effet de l'acide masticadiénonique sur la synthèse translésionnelle des adduits cisplatine
Nous avons examiné l'effet de l'acide masticadiénonique sur l'extension par pol β d'une matrice de 60 nucléotides (SEQ ID No.l) contenant un adduit cisplatine hybridée à une matrice de 17 nucléotides 5' phosphorylée (SEQ ID No.2). Les ADN polymérases réplicatives ne sont pas capables de répliquer au-delà de l'adduit alors que pol β est la seule polymerase connue pour répliquer ces lésions et donc permettre d'obtention d' un produit de synthèse pleine taille. Nous avons déterminé la concentration minimale (20 μM) qui inhibe la synthèse translésionnelle de l'adduit platine sans affecter la synthèse d'un ADN non endommagé. Essais de synthèse translésionnelle d'adduits Cisplatine. La matrice d'oligonucléotide de 60-mer non modifiée ou portant l'adduit cisplatine a été préparée selon un procédé connu de l'homme du métier et hybridée à une amorce 17-mer marquée au P en 5'. Les réactions sont réalisées. A la fin de la réaction, les échantillons sont dénaturés pendant 10 minutes à 70°C et résolus sur un gel de polyacrylamide 15%, 7M urée, 30% formamide. Les résultats sont résumés sur la figure 2 (AM= acide masticadiénonique).
Exemple 4 : Résistance cellulaire au Cisplatine en présence des inhibiteurs
L'acide masticadiénonique inhibant de façon assez sensible la synthèse translésionnelle d'adduits cisplatine, nous avons étudié son impact sur la résistance de
cellules tumorales ovariennes humaines 2008 Cl 3*5,25 cellules tumorales, pour lesquelles il a été montré que la résistance associée à l'agent cisplatine résultait de la surexpression de Pol β et de sa forte capacité translésionnelle. Les cellules 2008 et 2008 013*5.25 ont été cultivées dans du milieu RPMI1640. La cyto toxicité est déterminée par tests de clonogénie. Pour les tests de réversion de résistance au cisplatine, les cellules sont traitées tout le long de l'expérience avec les inhibiteurs à une dose permettant 80% de la survie cellulaire (LD20), le cisplatine étant administré 24 h après ensemencement pendant 1 h. Nous avons réalisé des tests de prolifération et de survie cellulaire en incubant ces cellules avec une gamme de cisplatine et l'acide masticadiénonique à une dose correspondant à 80% de survie. L'acide masticadiénonique n'a aucun effet sur la sensibilité de la lignée cellulaire parentale 2008 (cellules saines) en présence de cisplatine. Par contre, il permet de diminuer la survie de cellules 2008 C13*5,25 en présence de cisplatine. Les résultats sont résumés sur la figure 3. Légende : -"— 2008 C13*5,25 —A — 2008 C13*5,25 + acide masticadiénonique 20μM
Exemple 5 : L'acide masticadiénonique se lie au domaine 8-kDa N-terminal de pol β
Pour déterminer le site de fixation de l'acide masticadiénonique sur la pol β, nous avons analysé par gel retard la fixation pol β sur de l'ADN simple brin du phage Ml 3 en présence d'acide masticadiénonique. Essais de retard sur gel. Les essais de retard sur gel ont été réalisés selon un procédé classique. Le milieu de fixation (lOμl) contient 20mM Tris HC1, pH 7,5, 40 mM KC1, 50 μg/ml de BSA, 2mM EDTA, 3,6 pmol d'ADNsb Ml 3 et 3 pmol de pol β sauvage ou tronquée. L'acide masticadiénonique, à des concentrations variables, est ajouté au milieu de fixation
pendant 10 minutes à 25°C. Les échantillons migrent ensuite sur gel d'agarose 0,8% pendant toute une nuit à 30V dans du tampon Tris acétate 0,1 M, pH 8,3 et 5mM EDTA. Un retard est observé avec la pol β pleine taille (39 kDa), faiblement avec le domaine 8-kDa. Quand l'acide masticadiénonique est utilisé en excès par rapport au fragment 8-kDa, cela perturbe la liaison entre l'ADN simple brin et le domaine 8-kDa.
A l'inverse, quand l'acide masticadiénonique est utilisé à faible concentration, la liaison
ADN/8-kDa n'est pas du tout perturbée. Par ailleurs, comme contrôle négatif, nous avons montré que l'acide masticadiénonique ne perturbe pas la liaison entre de l'ADN simple brin et une autre protéine connue pour interagir avec l'ADN simple brin, la protéine de réplication A (RPA). Ces résultats montrent que l'acide masticadiénonique interfère directement et spécifiquement avec le domaine de liaison à l'ADN simple brin de pol β. Les résultats sont résumés sur la figure 4.