PROCEDE DE TRAITEMENT DE TISSUS OSSEUX ET BIOMATERIAUX IMPLANTABLES L'invention a pour objet un nouveau procédé de traitement de tissus osseux et les biomatériaux implantables susceptibles d'être obtenus par ce procédé, qui présentent des propriétés améliorées par rapport aux biomatériaux de l'art antérieur. Le procédé de l'invention permet de traiter un tissu osseux en vue de son implantation chez l'homme. Un tel tissu doit présenter un risque de rejet aussi réduit que possible, il doit présenter une bonne capacité ostéoconductrice, c'est-à-dire qu'il doit autoriser la formation et la migration de tissu osseux néoformé par le receveur. Il doit présenter un risque aussi réduit que possible d'infection et présenter des propriétés mécaniques au moins équivalentes à celles de l'os naturel. En outre, on souhaite pouvoir obtenir de telles propriétés sur des fragments osseux ou des os entiers d'un volume important et non pas seulement sur des fragments de petite taille. Les procédés de traitement de tissus osseux en vue de produire un biomatériau implantable ont pour objectif premier l'élimination des matières organiques telles que graisses, protéines médullaires, débris cellulaire afin de laisser la structure organo-minéraîe du tissu osseux, composé d'apatite carbonatée et de collagène de type I, parfaitement préservée. Ils visent également à éliminer la contamination infectieuse bactérienne ou virale. Ces objectifs ont été poursuivis dans l'art antérieur par différentes méthodes de traitement qui ont toutes l'inconvénient de présenter une efficacité décroissante lorsque le volume de l'échantillon à traiter augmente. L'efficacité d'un traitement donné est en effet généralement moins bonne au cœur de la masse d'un échantillon qu'en périphérie. Or, il est important de pouvoir disposer de biomatériaux issus de fragments d'os volumineux, tels que par exemple des têtes fémorales, ou d'os entiers, traités par un procédé de dévitalisation du tissu osseux et présentant des performances en termes de délipidation, de résistance mécanique et d'absence de contamination virale qui soient homogènes dans l'ensemble du matériau. De façon générale, le traitement du tissu osseux humain en vue de son implantation doit : - assurer une éradication des agents infectieux éventuellement portés par le donneur, - éliminer les éléments médullaires et cellulaires contenus dans les pores du tissu osseux en vue de favoriser l 'ostéoconduction, - diminuer l'antigénicité pour faciliter l'intégration du tissu osseux, - préserver les propriétés mécaniques du tissu osseux, - ne pas laisser de résidus toxiques.
Diverses méthodes de traitement ont été développées dans le but de dévitaliser le tissu osseux. Elles associent généralement un solvant des graisses à un traitement oxydant. Dans les procédés classiques, le solvant (chloroforme ou acétone) est indispensable pour dégraisser le tissu osseux qui contient de nombreux adipocytes dans ses cavités médullaires. La présence d'une grande quantité de lipides entraîne une mauvaise mouillabilité du tissu empêchant ou gênant l'action des oxydants aqueux. Leur diffusion dans le tissu osseux étant limitée, le volume des fragments osseux pouvant être traités avec efficacité est faible. Par ailleurs, l'utilisation de ces solvants dégraissants peut laisser des résidus toxiques indésirables. Un premier procédé de traitement de tissus osseux par un fluide à l'état supercritique a été décrit dans le document EP-0 603 920. Ce procédé comporte une première étape de nettoyage mécanique de l'os puis de découpage selon une forme appropriée. Le tissu osseux est ensuite nettoyé par traitement à l'aide d'un fluide à l'état supercritique. Ce document illustre la préparation de biomatériaux implantables d'origine bovine qui, en raison de leur taille doivent être découpés en morceaux de la forme souhaitée en vue de leur implantation. L'implantation de biomatériaux d'origine animale chez des humains est aujourd'hui écartée en raison des risques de transmission de maladies comme l'ESB. En outre, le procédé décrit dans ce document appliqué à des fragments d'os dont la taille n'est pas précisée ne permet d'obtenir qu'une délipidation correspondant à un taux moyen de lipides de 1 ,1 % après extraction au CO2 supercritique et 0,7 % après extraction au CO2 supercritique suivie d'un traitement au peroxyde d'hydrogène. Or la délipidation des tissus osseux est un facteur critique pour l'ostéoconduction : plus un tissu osseux est débarrassé de ses lipides et meilleure est la migration du tissu osseux néoformé dans le biomatériau implanté. On peut par exemple se reporter à K. Thoren et al, Clinical Orthopaedics and related research, 311, 1995, 232-246. En outre un taux de délipidation élevé est l'indice d'une bonne pénétration des produits de traitement dans la trame osseuse et permet de prévoir une bonne efficacité des traitements anti-infectieux, notamment des traitements anti-viraux. Le Brevet FR-2 654 625 décrit un procédé de déprotéinisation utilisant des solvants organiques associés à un agent d'extraction et de traitement anti-viral à base d'urée. Ce procédé, outre le fait qu'il met en œuvre des solvants toxiques, difficiles à éliminer totalement du biomatériau, conduit à des taux de délipidation très hétérogènes allant de 0,1 à 5 %, sans que l'on connaisse les dimensions des échantillons traités. En outre, l'utilisation de l'urée entraîne un affaiblissement significatif de 30 % des propriétés mécaniques du tissu osseux comme l'ont démontré LNastel et al., dans Biomaterials, 2004, 25(11) : 2105-10. L'un des objectifs de l'invention était d'améliorer la délipidation des tissus osseux par rapport aux procédés de l'art antérieur, en permettant d'obtenir un taux de
lipides faible et homogène dans des tissus osseux entiers sans avoir recours à des solvants organiques dangereux susceptibles de rester dans le biomatériau sous forme de traces. Un autre procédé de traitement des tissus osseux par un fluide à l'état supercritique a été décrit dans le document EP-0 748 632. Le procédé décrit dans ce document comporte quatre étapes successives : - traitement par CO2 supercritique, - traitement par du peroxyde d'hydrogène, - traitement par de la soude, et - traitement par de l'éthanol. Si ce procédé permet d'obtenir de bonnes performances globales en termes d'inactivation virale, on a constaté que celles-ci avaient été démontrées sur des quarts de têtes fémorales. Un objectif de l'invention a été la mise au point d'un procédé de traitement d'un tissu osseux permettant d'obtenir un taux de lipides inférieur à ceux obtenus par les procédés de l'art antérieur, qui soit homogène dans tout le tissu osseux, même pour des os entiers non découpés et qui permette d'obtenir un taux d'inactivation virale supérieur à ceux obtenus par les procédés de l'art antérieur, tout en conservant une résistance mécanique, notamment une résistance à la compression, équivalente à celle de l'os naturel. Un premier objectif de l'invention est donc un procédé de traitement de tissus osseux animaux ou humains, en vue d'obtenir un biomatériau implantable, ce procédé étant caractérisé en ce qu'il comporte les étapes suivantes : a) nettoyage mécanique du tissu osseux de toutes les matières organiques qui l'entourent, cette étape comportant le retrait du cartilage et des ostéophytes ; b) traitement du tissu osseux nettoyé obtenu à l'étape a) par un courant de dioxyde de carbone, ou CO2, à l'état supercritique ; c) mise en contact du tissu obtenu à l'étape b) avec une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène, ou H2O2, et de façon simultanée, traitement par des ondes ultrasonores ; d) mise en contact du tissu obtenu à l'étape c) avec une solution aqueuse de soude, ou NaOH, et de façon simultanée, traitement par des ondes ultrasonores ; e) rinçage à l'eau et neutralisation ; f) mise en contact du tissu obtenu à l'étape e) avec une première solution d'éthanol puis avec une seconde solution d'éthanol dont le titre est supérieur à la première. Selon ce procédé, on procède dans l'étape a) à un nettoyage mécanique de l'os qui est classique. Toutefois, contrairement à ce qui est pratiqué de façon habituelle, bien qu'il s'agisse également de tissus à trame collagénique, seuls le cartilage et les ostéophytes sont ôtés du* tissu osseux dès cette étape.
Selon une variante préférée de l'invention, cette première étape comporte en outre une opération supplémentaire qui consiste à perforer le tissu osseux d'une extrémité à l'autre suivant son axe longitudinal. Il s'agit dans ce cas d'une perforation fine, d'un diamètre n'excédant pas 5 mm, de préférence 3 mm, et définissant un canal longitudinal dans le tissu osseux. De façon avantageuse l'étape b) est mise en œuvre dans les conditions suivantes : le CO2 supercritique est placé à une pression comprise entre 100 et 500 bars, de préférence entre 250 et 270 bars et à une température comprise entre 40 et 55°C, de préférence entre 48 et 52°C. Dans le cas où l'on souhaite modifier la forme et/ou les dimensions du tissu osseux de départ en vue de son implantation chez un receveur, on peut après l'étape b) procéder à un découpage mécanique du tissu osseux. De préférence, l'étape c) est mise en œuvre de la façon suivante : une solution aqueuse de peroxyde d'hydrogène dont le titre en poids/poids est supérieur ou égal à 1 %, de préférence supérieur ou égal à 10 %, encore plus préférentiellement à 30 %, est portée à une température comprise entre 30 et 50°C, de préférence égale à 40 °C. Le tissu osseux est immergé dans la solution de peroxyde d'hydrogène et soumis à un traitement par des ultrasons à une fréquence allant de 35 à 45 kHz, de préférence de 38 à 42 kHz, pendant une durée supérieure ou égale à 60 minutes, avantageusement supérieure ou égale à 90 minutes, encore plus préférentiellement supérieure ou égale à 120 minutes. A l'issue de cette étape, on peut éventuellement procéder à un rinçage à l'eau, éventuellement de façon répétée dans plusieurs bains, éventuellement en appliquant un traitement aux ultrasons simultanément à l'immersion. Avantageusement l'étape d) est mise en œuvre dans les conditions suivantes : le tissu osseux est immergé dans une solution aqueuse de soude d'une concentration allant de 0,1 à 5 M, de préférence de 0,5 à 2 M, avantageusement de 0,8 à 1 ,2 M, à température ambiante et soumis à un traitement par des ultrasons à une fréquence allant de 35 à 45 kHz, avantageusement de 38 à 42 kHz, pendant une durée supérieure ou égale à 15 minutes, de préférence supérieure ou égale à 30 minutes, encore plus préférentiellement supérieure ou égale à 45 minutes, avantageusement supérieure ou égale à 60 minutes. A l'étape e), le rinçage par de l'eau se fait de façon classique par immersion dans un bain d'eau, éventuellement de façon répétée dans plusieurs bains, de préférence en appliquant des ultrasons au tissu osseux immergé. La neutralisation se fait de façon classique par immersion dans une solution aqueuse neutralisante, comme par exemple une solution aqueuse de NaH2PO4, de préférence en appliquant des ultrasons. A l'étape f), le trempage est réalisé à température ambiante avec une première solution d'éthanol dont le titre est supérieur ou égal à 90 % en volume/volume
pendant une durée de 3 heures puis avec une seconde solution d'éthanol dont le titre en volume/volume est supérieur ou égal à 95 % pendant une durée de 2 heures. Après l'étape f), on peut de façon avantageuse sécher, par exemple dans une étuve ventilée, le biomatériau implantable obtenu, le conditionner dans un emballage étanche pour qu'il conserve son état déshydraté et éventuellement le soumettre à un traitement par des rayonnements, comme par exemple par des rayons gamma. La succession des étapes du procédé permet d'obtenir un biomatériau implantable constitué d'une trame osseuse collagénique ayant un taux de lipides significativement réduit par rapport aux procédés de l'art antérieur, en particulier il permet d'obtenir un taux de lipides très faible et homogène à partir de tissus osseux de volume important, comme par exemple à partir de têtes fémorales humaines. En outre, le taux d'inactivation virale obtenu est supérieur ou égal à celui obtenu par les procédés de l'art antérieur, même lorsque l'on a travaillé sur des os entiers. Enfin le procédé de l'invention ne provoque pas de diminution des propriétés de résistance mécanique du tissu osseux traité. En particulier, on a observé des taux de lipides très faibles à partir des biomatériaux implantables obtenus à partir de têtes fémorales humaines entières, notamment un taux de lipides inférieur ou égal à 0,4 % en masse par rapport à la masse totale de biomatériau, avantageusement inférieur ou égal à 0,2 %, préférentiellement inférieur ou égal à 0,1 %, et encore plus préférentiellement inférieur ou égal à 0,08 %, et cela de façon homogène dans l'ensemble du biomatériau et en l'absence de restes de solvants organiques, notamment de solvants chlorés. Un autre objet de l'invention est donc un biomatériau implantable constitué d'une trame osseuse collagénique caractérisé en ce qu'il présente un taux de lipide, en masse par rapport à la masse totale du biomatériau, inférieur ou égal à 0,4 %, préférentiellement inférieur ou égal à 0,2 %, encore plus préférentiellement inférieur ou égal à 0,1 % et avantageusement inférieur ou égal à 0,08 %, ce biomatériau étant dépourvu de trace de solvants organiques chlorés. Avantageusement, la trame osseuse collagénique est d'origine humaine. En outre, le biomatériau de l'invention présente une résistance à la compression, exprimée par la contrainte maximale, comparable à celle de l'os naturel, c'est-à-dire supérieure ou égale à 5 MPa. Ces résultats sont particulièrement remarquables dans la mesure où ils ont pu être obtenus sur des os entiers ou des morceaux d'os comportant des portions massives, comme par exemple des fragments de têtes fémorales, d'un volume supérieur à 1 cm , et même supeneur à 5 cm , encore mieux supérieur a 10 cm et avantageusement supérieur à 30cm3. Par rapport à l'os dont il est issu, le biomatériau de l'invention a une résistance à la compression supérieure ou égale à 75 %, préférentiellement supérieure ou
égale à 100 % de la résistance à la compression du tissu osseux d'origine. Enfin les taux d'inactivation virale peuvent être quantifiés par la réduction de charge virale exprimée en log 10 du rapport entre la charge virale initiale et de la charge virale finale. Le taux d'inactivation virale obtenu grâce au procédé de l'invention est de préférence supérieur ou égal à 8 unités logarithmiques. Le procédé de l'invention permet en particulier de lutter contre les parvovirus, réputés difficiles à éliminer, toutefois son action ne se limite pas à ce type de virus puisqu'il est également efficace pour lutter contre les virus de la famille des Togaviridae, notamment du genre Alphavirus, tels que le virus de l'Hépatite C, et prévenir leur transmission lors des greffes de tissus ; pour lutter contre les virus de la famille des Picormaviridae, notamment du genre Enterovirus, plus particulièrement le virus Polio Sabin, et prévenir leur transmission lors des greffes de tissus ; pour lutter contre les virus de la famille des Herpesviridae et prévenir leur transmission lors des greffes de tissus ; pour lutter contre les virus de la famille des Retroviridae, notamment du genre Lentivirus, plus particulièrement les virus de l'Immunodéficience humain NIH, et prévenir leur transmission lors des greffes de tissus. Le procédé de l'invention peut s'appliquer à tout type d'os, qu'il s'agisse d'os spongieux (ou trabéculaire) ou d'os massif. De façon préférentielle il s'applique à l'os trabéculaire pour lequel des performances particulièrement intéressantes ont été observées aussi bien en termes de délipidation que d'inactivation virale et de résistance à la compression. EXEMPLES Figures : Figure 1 : photographie d'une tête fémorale humaine traitée au Oj supercritique ; Figure 2 : coupes frontales d'une tête fémorale ; Figure 3 : emplacement des 9 échantillons parallélépipédiques dans une demi-tête fémorale ; Figure 4 : découpe dans le plan transversal ; Figure 5 : découpe des parallélépipèdes ; Figure 6 : photographie par microscopie électronique d'une tête fémorale délipidée ; Figure 7 : photographie par microscopie électronique d'une tête fémorale délipidée. 1- Préparation d'un biomatériau implantable 1.1- Préparation mécanique (étape 1 Les têtes fémorales humaines, provenant de donneurs opérés pour une arthroplastie de la hanche, sont découpées à la scie à ruban inox pour éliminer le cartilage
et les ostéophytes. Un tunnel de 3 mm de diamètre est percé de part en part. Cette étape de préparation est introduite en début de procédé afin d'éliminer la barrière que constitue le cartilage et qui s'oppose à la bonne pénétration des solvants. C'est donc un matériau poreux qui est exposé à l'action du CO2 supercritique. La pénétration du fluide par toute la surface et par le centre de la tête fémorale favorise l'efficacité et la rapidité d'élimination de la moelle osseuse. 1.2- Traitement supercritique f étape 2) Les tissus sont pesés et placés dans le réacteur d'extraction puis soumis au traitement supercritique selon les paramètres définis dans le tableau I ci-dessous :
TABLEAU I Des sondes de température et de pression étalonnées sont utilisées pour la régulation automatique des paramètres. Une balance mesure la masse de graisse extraite pendant la durée du cycle. Un enregistreur fait l'acquisition en continu des données, permettant de contrôler en temps réel et à posteriori le bon déroulement du cycle. Un graphique figurant l'évolution du rendement d'extraction en fonction du taux de solvant permet de déterminer la fin de l'extraction. Celle-ci est atteinte lorsque que le rendement avoisine 50 % et qu'il devient stable. 1.3- Finition mécanique (étape 3) Après dégraissage, les échantillons secs sont pesés, puis, selon les besoins, fraisés et découpés avec une pièce à main et la scie à ruban. Certains tissus sont réduits en demi-têtes, en bloc ou transformés en copeaux. Les produits sont ensuite placés dans des paniers grillagés numérotés puis soumis aux étapes de traitement chimique. 1.4- Traitement chimique f étape 4) Les étapes d'inactivation par voie chimique (peroxyde d'hydrogène, soude et éthanol) sont réalisées sur des greffons dans leur fonne définitive. Les concentrations des solvants, les durées de trempage et les températures sont définies dans le tableau II ci-dessous.
Ces opérations ont lieu dans un laveur à ultrasons, dont la fréquence de 40 kHz est adaptée au nettoyage de pièces fragiles avec de nombreuses infractuosités. Les ultrasons favorisent ainsi la pénétration des solvants dans les trabécules de l'os spongieux et le décrochage des résidus cellulaires. La sonication assure 3 fonctions importantes : - agitation performante augmentant l'efficacité du nettoyage dans les pores du tissu osseux - homogénéité de la température de traitement - reproductibilité des conditions entre les lots de fabrication. Au cours du traitement sont mesurés la température et le pH de certains bains avec des instruments étalonnés. La mesure de température concerne le peroxyde d'hydrogène. La mesure du pH concerne le bain de neutralisation par le phosphate monosodique.
TABLEAU II 1.5- Séchage (étape 5) Les produits sont, à l'issue de la phase de traitement chimique, complètement imbibés d'éthanol à 99 %. Un séchage à l'air chaud (40 ± 1°C) est alors réalisé dans une étuve ventilée. Celle-ci dispose d'une soufflerie et d'une extraction permettant un brassage homogène et l'évacuation des vapeurs d'éthanol. La durée du séchage est fonction de la quantité d'éthanol à évaporer, elle- même liée à la masse des échantillons. L'objectif est d'obtenir une humidité résiduelle
inférieure à 5 %. Le séchage à l'air chaud permet de déshydrater en profondeur le tissu osseux sans altérer les caractéristiques structurales et mécaniques de l'os. 2- Evaluation de la délipidation 2.1- Détermination du taux de lipides résiduels Les têtes fémorales humaines, issues d'art?hroplastie de la hanche donc de personnes âgées, sont très chargées en moelle adipeuse, au détriment de la moelle sanguine. Cette charge en graisse doit être enlevée en vue d'éliminer le risque de transmission d'agents pathogènes, et également de favoriser l'ostéoconduction du biomatériau. Partant d'une charge en graisse d'environ 50 %, l'objectif est de ramener ce taux à moins de 1 %. Cela oblige généralement à utiliser un solvant des graisses, du type chloroforme ou acétone. Cependant, ces produits sont toxiques et difficiles à manipuler. Nous avons évalué les perfonnances du procédé pour dégraisser le tissu osseux spongieux des têtes fémorales. Pour cela, 9 échantillons préparés sur 3 lots de production, ont été adressés à l'Institut des Corps Gras ITERG (Talence, France) pour un dosage de lipides résiduels. Afin de maximiser la signification des résultats, nous avons traité les têtes fémorales entières puis nous avons prélevé la partie centrale, en vue de réaliser les mesures sur la zone la plus difficile à nettoyer. L'unité de biochimie-nutrition de 1TTERG a extrait et pesé les lipides totaux contenus dans les 9 échantillons. Les résultats de ces mesures sont exposés dans le tableau III ci-dessous :
Moyenne 0,08 %
TABLEAU III
Les résultats démontrent que le taux de lipides à la fin du traitement est diminué en moyenne à moins de 0,1 %, soit 10 fois moins que ce qui était attendu. 2.2- Analyse par microscopie électronique de l'efficacité du nettoyage La sécurité virale et la diminution de l'antigénicité sont les objectifs principaux du procédé de l'invention de transformation du tissu osseux humain. Pour démontrer l'efficacité du nettoyage, nous avons observé par microscopie électronique à balayage 3 têtes fémorales entières traitées et radiostérilisées. Cette étude a été menée par le laboratoire Biomatech (Chasse-sur-Rhône, France). Les photographies correspondantes sont représentées sur les figures 6 et 7. Il ressort des résultats que le centre des trois spécimens a montré une architecture osseuse dénuée de tissu médullaire. La communication entre les lacunes osseuses était clairement visible jusqu'en profondeur des prélèvements analysés. A fort grossissement (figure 7), aucun tissu cellularisé (cellules osseuses, vaisseaux et structures nerveuses, moelle osseuse) n'a été observé. Des faisceaux de fibres de collagène orientées étaient fréquemment observés en surface. En comparaison aux prélèvements du centre des échantillons, la périphérie des 3 spécimens (surface et face latérale) a présenté les mêmes caractéristiques de cavités osseuses vides de tout élément cellularisé. Le nettoyage apparaît donc très efficace dans tout le volume de la tête fémorale, 3- Protocole expérimental pour l'évaluation de la capacité d'inactivation virale : 3.1- Principe général On teste la capacité de chaque étape du traitement à éliminer et/ou inactiver les virus : 1) en contaminant les échantillons avec une quantité significative de virus, puis 2) en effectuant l'étape de traitement considérée sur les échantillons, puis 3) en déterminant la quantité de virus éliminée et/ou inactivée durant cette étape. Les échantillons testés sont des têtes de fémur d'origine humaine choisies pour leur taille importante ; environ 50 mm de hauteur et 45 mm de diamètre après préparation mécanique. Les expérimentations sont conduites par l'Institut Pasteur (PARIS, FRANCE) selon le protocole n° 5375-A1, et conformément aux réglementations communautaires françaises, et de l'O.C.D.E., des Bonnes Pratiques de Laboratoire et en référence aux lignes directrices sur les études de validation de l'inactivation virale
promulguées par l'EMEA et par LTCH (International Conférence on Harmonisation). Pour chaque expérimentation (c'est-à-dire pour chaque étape testée et chaque virus), on réalise des contrôles positifs (stock de virus de même concentration que celle utilisée pour la contamination de l'échantillon, immédiatement congelé à -75 °C ; stock de virus de même concentration, ultracentrifugé, aliquoté et congelé à -75 °C ; stock de virus de même concentration, laissé à température ambiante pendant le temps de l'expérience, puis ultracentrifugé, aliquoté et congelé à -75 °C ; échantillon contaminé dans les mêmes conditions et dont l'activité virale est immédiatement testée ; échantillon contaminé dans les mêmes conditions, non soumis à l'étape de traitement mais laissé sous hotte à température ambiante pendant la durée de l'étape de traitement, puis dont l'activité virale est testée) et des contrôles négatifs (milieu de culture utilisé pour les titrages ; échantillon mis en présence de milieu de culture, puis soumis à l'étape de traitement, puis dont l'activité virale est testée). 3.2- Protocole d'inoculation des virus Pour chaque étape à tester, les têtes fémorales issues de l'étape précédente du procédé sont lavées dans deux bains de 100 ml de milieu de culture supplémenté avec 0,5 % (en volume par volume) de sérum fœtal de veau pendant 20 minutes, sous agitation douce à température ambiante. Les têtes fémorales lavées sont essuyées sur de la gaze stérile puis séchées à l'étuve à une température d'environ 37 °C pendant une nuit. Pour l'inoculation des virus , on utilise le tunnel de 3 mm perforé lors de la préparation mécanique, mais dont la profondeur est limitée de façon à o" tenir un puits de 3 mm de diamètre et de 2 cm de profondeur. La suspension virale est introduite dans ce puits goutte à goutte jusqu'à ce que la suspension virale atteigne la surface externe de la tête fémorale. De la suspension virale est encore ajoutée sur la surface externe de la tête fémorale de façon à obtenir une contamination homogène. Des volumes similaires de virus sont introduits dans chacune des têtes fémorales perforées. Le protocole décrit ci-dessus a été mis en œuvre avec un virus MVM pour « minute virus of mice » ou virus minute de souris de la famille des parvoviridae, genre parvovirus. 3.3- Protocole de récupération des virus Chaque tête fémorale est placée dans une boîte de pétri et cassée en fragments aussi petits que possible. L'évaluation de la pénétration de la suspension virale est effectuée sur les fragments par observation visuelle. Les fragments sont rassemblés et placés dans 56 ml de milieu de culture. Le mélange est incubé sous agitation pendant 30 minutes à une température d'environ 4 °C. Le surnageant est récupéré. Les fragments sont placés dans un tube muni d'un filtre et centrifugés à 1300 tours/minute pendant 5 minutes. Le milieu infiltré dans le tissu osseux est récupéré. Les deux fractions liquides sont rassemblées pour analyse de la charge virale.
3.4- Mesure de la charge virale et du facteur de réduction Le titre viral est exprimé en « plaque-forming unit » (PFU/ml) et permet de calculer la charge virale exprimée en PFU en fonction du volume de l'échantillon et du facteur de concentration de l'ultracentrifugation. Conformément aux lignes directrices, le facteur de réduction virale d'une étape d'inactivation est défini comme le logio du rapport de la charge virale initiale et de la charge virale finale après application de l'étape. 4- Evaluation de l'effet antiviral du traitement au peroxyde d'hydrogène sous ultrasons 4.1- Conditions d'application de l'étape peroxyde d'hydrogène Les têtes fémorales issues de l'étape de traitement au CO2 supercritique et inoculées par la suspension virale de MVM ont été trempées dans un bain de solution à 35 % (m/m) de peroxyde d'hydrogène à 37 °C pendant 115 minutes et sous traitement par ultrasons à 40 kHz. 4.2- Résultats pour l'étape peroxyde d'hydrogène Après récupération des virus et mesure de la charge virale, les résultats obtenus sur deux échantillons distincts sont exposés dans le tableau IV ci-dessous :
TABLEAU IV Moyenne de l'inactivation virale pour l'étape peroxyde d'hydrogène : > 4,84 log
10 5- Evaluation de l'effet antiviral du traitement à la soude sous ultrasons 5.1- Conditions d'application de l'étape peroxyde d'hydrogène Les têtes fémorales issues de l'étape de traitement au peroxyde d'hydrogène et inoculées par la suspension virale de MVM ont été trempées dans un bain
' de solution 1 M de soude à 20 °C pendant 55 minutes et sous traitement par ultrasons à 40 kHz. 5.2- Résultats pour l'étape soude Après récupération des virus et mesure de la charge virale, les résultats obtenus sur deux échantillons distincts sont exposés dans le tableau V ci-dessous :
TABLEAU V Moyenne de l'inactivation virale pour l'étape soude: 3,94 logio 6- Conclusion Les essais exposés ci-dessus ont été mis en œuvre de façon indépendante. On sait que la diminution de la charge virale par le peroxyde d'hydrogène et par la soude est cumulative. On peut donc prévoir que le facteur de réduction de la charge virale du procédé global sera d'au moins 8,78 logio- 7- Influence du procédé de l'invention sur la résistance à la compression de l'os spongieux de têtes fémorales humaines 7.1- Principe Pour être significative, l'évaluation de l'influence d'un procédé sur les propriétés mécaniques de l'os spongieux nécessite de comparer des échantillons initialement identiques. Des travaux de Brown et al, Acta Orthop. Scand., 51, 429-437, 1980 ont montré une distribution symétrique de la rigidité d'une tête fémorale humaine par rapport au plan frontal. Chaque tête fémorale est donc découpée en deux dans le plan frontal pour réaliser deux parties symétriques. L'une subit le procédé décrit au § 1. L'autre est congelée. Les mesures de résistance mécanique sont faites de façon identique pour chaque demi-tête. 7.2- Protocole Treize têtes fémorales ont été sélectionnées pour cette étude. On coupe les têtes en deux selon le plan de symétrie frontal, avec une scie à ruban inox Murin- Fouillat. Puis suivant un plan parallèle au plan frontal, on coupe dans chaque demi-tête obtenue une tranche de 15 mm d'épaisseur (Figure 2), afin de réduire l'épaisseur de la demi-tête pour pouvoir par la suite la placer entre les mors de la scie diamant lors de la phase de découpe des échantillons. Ces deux tranches ont donc une face commune ce qui assure des propriétés mécaniques suffisamment proches. Pour chacune des têtes fémorales, on obtient donc deux demi-têtes de 15 mm d'épaisseur dans la direction antéro-postérieure. L'une est congelée et sera décongelée la veille du test en compression, nous l'appellerons demi-tête « fraîche ». L'autre subit toutes les étapes du traitement de l'invention, nous l'appellerons demi-tête « traitée ». La découpe des échantillons : De façon générale, nous avons prévu de découper dans chaque demi-tête neuf échantillons parallélépipédiques comme le montre la figure 3 dans laquelle la nomenclature est la suivante : - SI : Supérieur Interne, - SM : Supérieur Médium, - SE : Supérieur Externe,
- CI : Central Interne, - CM : Central Médium, - CE : Central Externe, - II : Inférieur Interne, - IM : Inférieur Médium, - IE : Inférieur Externe. Chaque demi -tête est découpée dans un premier temps à l'aide d'une scie diamant basse vitesse Isomet 2000® (Buehler) en trois tranches de 7 mm d'épaisseur sur le plan transversal : coupes (1), (2), (3) et (4) illustrées sur la figure 4. Ces trois tranches sont ensuite découpées dans le plan frontal avec la scie diamant pour donner les coupes (5) et (6) espacées de 1 O mm, représentées sur la figure 5, d'une part pour améliorer la qualité de la coupe réalisée avec la scie ruban, d'autre part pour obtenir des tranches de 10 mm de largeur. Pour terminer, la tranche est découpée à la scie diamant suivant les coupes (7), (8), (9) et (10) représentées sur la figure 5 de façon à obtenir trois parallélépipèdes de 7 x 9 x 10 mm . Essai de compression Les échantillons parallélépipédiqu&s sont soumis à un test de compression destructif sur Instron 8500 (capteur de force 1000 N, précision 1 N), dans une enceinte spécialement conçue dans laquelle circule de l'eau maintenue à une température constante de 37°C (au degré près). En ce qui concerne la compression, nous avons utilisé une vitesse de
1 mm/min soit 2,4.10"3 s"1 pour un échantillon de 7 mm de hauteur. La moelle n'ayant un effet viscoélastique que pour des vitesses de sollicitations supérieures à 10 s"1 elle ne devrait pas induire de différence entre les têtes fraîches qui ont encore leur moelle et les têtes traitées qui en sont démunies. Afin d'améliorer la reproductibilité de l'essai de compression le test en compression proprement dit est précédé d'un précyclage de 10 cycles entre 0 et 0,8 % de déformation (soit 0,056 mm pour un échantillon 4e 7 mm de hauteur) permettant d'atteindre un état stable. Cette première étape de l'essai est non destructive puisque l'on reste dans le domaine élastique de l'os, la seconde se poursuit jusqu'à la rupture de l'échantillon. Les résultats obtenus sont alors traités et l'on calcule la différence moyenne de résistance mécanique entre demi-tête traitée et demi-tête fraîche. Un test non paramétrique de Wilcoxon est enfin appliqué afin de savoir si cette différence est significative. 7.3- Résultats et discussion Comparaison des contraintes maximales de compression
Pour cette étude, ont été réalisés 131 tests sur échantillons parallélépipédiques d'os frais et 125 sur échantillons parallélépipédiques d'os traité, pour 13 têtes fémorales soit 26 demi-têtes. Le tableau VI montre les contraintes maximales de compression obtenues en moyenne pour l'ensemble des échantillons.
TABLEAU VI Contraintes maximales de compression (MPa) obtenues pour les treize têtes fémorales On obtient au final une contrainte de 10,2 MPa pour l'os traité contre 9,7 MPa pour l'os frais, soit une augmentation de la contrainte après traitement de 5 %. Le nombre d'échantillons étant inférieur à 30, un test non paramétrique de Wilcoxon a été appliqué, au termes duquel cette différence apparaît comme non significative (p value = 0.55, supérieure au seuil de significativité de 0.05).