Procédé de brasage d'un alliage Ti-Al
L'invention concerne un procédé pour fixer à la surface d'une première pièce en un premier matériau métallique un second matériau métallique en faisant fondre une brasure adaptée au second matériau, le premier matériau étant un alliage intermétallique Ti-Al.
L'alliage intermétallique y-TiAl présente l'avantage, par rapport à d'autres alliages à base de titane, tels que l'alliage connu sous la dénomination TA6V, et aux alliages à base de nickel, utilisés habituellement pour fabriquer des composants de moteurs aéronautiques, de posséder une faible masse volumique, pour une résistance mécanique comparable à celle des aciers et des alliages de nickel précités, ce qui permet une réduction importante de la masse embarquée et donc de la consommation spécifique.
Cependant, les alliages intermétalliques de type TiAl ne peuvent être vissés, boulonnés ou rivetés sans risque de fissuration car ils sont fragiles à froid. Il est donc nécessaire d'utiliser une autre technique de liaison, à savoir collage, soudage ou brasage. Les assemblages collés ne peuvent être utilisés à des températures supérieures à 150 °C. Le soudage exige une compatibilité entre les matériaux à souder, qui n'existent pas par exemple entre les alliages à base de titane et les alliages à base de nickel, de cobalt et/ou de fer. Quant au brasage de ces mêmes matériaux, il se heurte à des difficultés du fait que le titane forme avec le nickel, le cobalt et le fer des eutecti- ques à bas points de fusion. Il est donc nécessaire d'avoir recours au brasage-diffusion.
US 4 869 421 A et EP 0 904 881 A décrivent des procédés de brasage limités à la liaison de deux pièces en aluminiure de titane. US 5 318 214 A décrit un procédé de brasage appliqué notamment à l'assemblage d'une pièce en Ti3Al et d'une pièce
en alliage de nickel commercialisé sous la dénomination Hastelloy X. Cependant, les présents inventeurs n'ont pas été en mesure d'obtenir une liaison en reproduisant le mode opératoire décrit dans ce document, Ti3Al étant remplacé par y-T±Al .
Le but de l'invention est de réaliser une liaison par brasage entre un premier matériau métallique qui est un alliage Ti-Al quelconque et un second matériau métallique qui peut être notamment un alliage de nickel, de cobalt, de fer ou de titane.
L'invention vise notamment un procédé du genre défini en introduction, et prévoit qu'on interpose une couche de nickel entre ladite première pièce et la brasure.
Des caractéristiques optionnelles de l'invention, complémentaires ou de substitution, sont énoncées ci-après:
- Le second matériau est sous forme d'une seconde pièce préexistante et dans lequel on presse la couche de nickel et la brasure entre les première et seconde pièces .
- Le second matériau est sous forme d'un revêtement qu'on applique sur l'ensemble formé par la première pièce, la couche de nickel et la brasure.
- La couche de nickel est sous forme d'une feuille préexistante.
- La couche de nickel est sous forme d'un revêtement.
- Le revêtement de nickel est déposé par voie électrolytique.
- La couche de nickel a une épaisseur d'au moins 30 μm et de préférence d'au moins 40 μm.
- Le second matériau est un alliage à base de nickel.
- On porte l'ensemble à traiter à une température supérieure à la température de fusion de la brasure pendant au moins dix minutes sous vide.
- On opère sous une pression résiduelle inférieure à 10~3 Pa.
L'invention a également pour objet une pièce métallique composite telle qu'on peut l'obtenir par le procédé tel que défini ci-dessus, comprenant un substrat en un alliage intermétallique Ti-Al, recouvert d'une multiplicité de couches successives, à savoir une première couche contenant les phases α2-Ti3Al, r2-Ti2AlNi et r3-TiAlNi, des seconde, troisième et quatrième couches formées respectivement des phases τ:4-TiAlNi2 et y'-Ni3Al et de nickel, et une cinquième couche de brasure reliant la quatrième couche à un autre matériau métallique .
La pièce selon 1 ' invention peut comporter au moins certaines des particularités suivantes :
- Ladite première couche contient des ilôts de α2-Ti3Al dispersés dans une matrice polyphasée comprenant r2-Ti2AlNi et τ:3-TiAlNi.
- Ladite première couche comprend une première sous-couche de 2-Ti3Al et une seconde sous-couche polyphasée comprenant r2- Ti2AlNi et r3-TiAlNi.
- Ladite première couche comprend une première sous-couche de 2-Ti3Al, une seconde sous-couche de τ:2-Ti2AlNi et une troisième sous-couche de r3-TiAlNi.
- Ledit autre matériau métallique est un alliage à base de nickel .
Les caractéristiques et avantages de l'invention sont exposés plus en détail dans la description ci-après, avec référence aux dessins annexés.
La figure 1 est une vue en coupe schématique montrant deux pièces métalliques à assembler entre lesquelles sont interposées deux feuilles métalliques utilisées pour l'assemblage par le procédé selon l'invention.
La figure 2 est une vue analogue à la figure 1, montrant l'assemblage obtenu par le procédé selon l'invention.
Les deux pièces à assembler représentées sur la figure 1 sont une pièce 1 en aluminiure de titane et une pièce 4 en alliage à base de nickel. Selon l'invention, on dépose la pièce 1 sur un clinquant de nickel 2 dont l'épaisseur est de préférence d'au moins 40 μm. L'ensemble est ensuite déposé sur un feuillard 3 d'une brasure classique qui peut être par exemple l'un des alliages connus sous les désignations TiCuNi 70, TiNi 67 et MBF 1006, ou du borure de nickel BNi3 ou l'eutecti- que argent-cuivre, et le tout est déposé sur la pièce 4. On place l'empilement obtenu dans un four sous vide d'air dont la pression résiduelle est inférieure à 10~3 Pa et on chauffe à une température supérieure au point de fusion de la brasure 3. Pour améliorer la qualité du joint brasé, on peut soumettre l'empilement à une légère compression. Une durée du palier de température d'environ une heure permet d'obtenir une solidification de la brasure par diffusion de ses constituants dans les autres couches (solidification isotherme), conduisant à la structure représentée sur la figure 2.
Sur la figure 2, une couche d' interdiffusion 5 adjacente au substrat d' aluminiure de titane 1 est formée d'îlots de α2-Ti3Al 5-1 dispersés dans une matrice polyphasée 5-2 contenant les phases :2-Ti2AlNi et r3-TiAlNi. La couche 5 est suivie d'une couche continue 6 de la phase τ4-TiAlNi2 puis d'une couche continue 7 de y'-Ni3Al, elle-même adjacente à la couche 2 de nickel pur. Entre cette dernière et la pièce 4 est interposée une couche 8 résultant de la diffusion des éléments de la brasure dans la couche 2 et dans la pièce 4.
Exemple 1
Cet exemple illustre le brasage d'une pièce en alliage y-TiAl et d'une pièce en un alliage de nickel commercialisé sous la dénomination Nimonic 75. Pour ce faire, on insère une feuille de nickel de 60 μm d'épaisseur entre une brasure de TiCuNi et la pièce en aluminiure de titane, la pièce en alliage de nickel étant directement au contact de la brasure. L'ensemble est porté, sous une pression de 5 kPa, à une température de 1050 °C sous un vide meilleur de 10~3 Pa pendant deux heures. À l'interface TiAl/nickel, de l'aluminium migre depuis TiAl vers le nickel. Il se forme ainsi quatre couches contenant respectivement 35 %, 39 %, 26 % et 13 % d'aluminium en atomes. Il en résulte un ensemble stable et exempt de fissures. Le titane ne semble pas avoir diffusé vers la brasure, sa teneur étant de 60 % en atomes à l'interface TiAl/Ni.
La feuille de nickel évite la diffusion de l'aluminium vers l'alliage de nickel. La brasure présente des précipités peu nombreux répartis de façon non homogène. Elle est constituée de plusieurs phases de compositions différentes, enchevêtrées les unes dans les autres, à savoir :
- une phase gris foncé de composition atomique Ti 54 %, Ni 30 %, Cr 10 % ;
- une phase gris clair et une phase blanche, de compositions respectives Ni 45,5 %, Ti 38 % et Ni 62,5 %, Ti 26 %, correspondant aux phases TiNi et Ti3Ni du diagramme binaire Ti-Ni ; et
- une phase noire de composition Ti 87 %, Ni 9 % (?-Ti) .
Du nickel diffuse de l'alliage de nickel vers la brasure, comme le montre la présence de précipités de chrome pur à l'endroit de l'interface initiale. Une phase est également présente contenant du nickel, du titane et du chrome (αTi + ?/-Ni3Ti + y-NiCr), le titane pouvant provenir soit de la
brasure, soit du TiAl, vraisemblablement de ce dernier, la zone de fusion de la brasure étant appauvrie en titane. Le brasage fait appel aux réactions suivantes :
du côté de l' aluminiure de titane 3TiAl → Ti3Al + 2A1 et du côté de l'alliage de nickel 6Ni + 2A1 → 2Ni3Al soit la réaction globale 3TiAl + 6Ni → Ti3Al + 2Ni3Al.
Le gradient de concentration en titane qui en résulte se manifeste par la présence de différents composés définis le long du chemin de diffusion, constituant les couches 5 à 7 décrites plus haut en relation avec la figure 2. On est en présence d'un équilibre thermodynamique.
Des échantillons brasés ont été vieillis sous argon à 800 °C pendant 150 heures. La structure de l'interface alliage de nickel/brasure reste inchangée. La distance entre l'alliage et la feuille de nickel diminue de 120 à 75 μm. Le front de diffusion du nickel a donc progressé. L'interface TiAl/nickel ne s'est pas déplacée, ce qui montre que la feuille de nickel arrête efficacement la diffusion de l'aluminium. L'homogénéité de la brasure est augmentée par le vieillissement.
Aucune évolution de l'interface alliage de nickel/brasure n'est constatée lorsque la durée de vieillissement est portée à 300 heures. La phase Ti-Ni-Cr, déjà réduite après 150 heures, est alors totalement redissoute dans sa matrice. Il ne reste donc dans la matrice Ni3Ti que des précipités de chrome .
Des essais mécaniques de cisaillements ont donné des valeurs de résistance τ = 221,4 ± 7,5 MPa. Un examen métallographique après essai montre que les pièces brasées ne sont pas désolidarisées, mais que la fissuration produite a été déviée, de sorte qu'elle ne rendrait pas inutilisable un objet industriel obtenu selon cet exemple. Ceci indique que la couche de nickel joue le rôle d'un amortisseur qui absorbe
les contraintes thermomécaniques (par exemple dilatation) ou purement mécanique (cisaillement, fatigue).
Le remplacement de la brasure TiCuNi par un ruban de TiNi 67 conduit à une liaison ayant sensiblement la même structure.
Exemple 2
On procède comme dans l'exemple 1 en remplaçant la feuille de nickel par un dépôt électrolytique de nickel. Pour ce faire, on fait subir à l' aluminiure de titane un prétraitement par sablage suivi d'une activation dans une solution aqueuse contenant 40 % d'acide nitrique et 3, 6 % d'acide fluorhydri- que en masse. Le dépôt est effectué dans une solution de sulfamate de nickel bain mort prêt a l'emploi commercialisé par la Société Frappaz-Imaza, à une température de 45 °C et sous une densité de courant de 3 A/dm2. Des essais préliminaires ayant montré que l'épaisseur de nickel devaient être au moins de 30 μm, on a choisi une valeur de 40 μm.
À l'issue du traitement de brasage, on obtient la même succession de couches que dans l'exemple 1, quelle que soit la brasure utilisée, TiCuNi 70 ou TiNi 67.
Exemple 3
En procédant comme dans l'exemple 2, on dépose une couche de nickel d'une épaisseur d'environ 50 μm sur une pièce en un alliage de nickel commercialisé sous la dénomination Hastel- loy X. On utilise comme brasure l'eutectique argent-cuivre dont le point de fusion est 790 °C. Les points de fusion des différents eutectiques qui peuvent se former avec le titane sont les suivants : Ag-Ti 960 °C, fusion non eutectique, Cu- Ti 885 °C et 960 °C, NiTi 942 °C. La feuille de brasure est interposée entre le revêtement de nickel et une pièce en y-TiAl et l'ensemble est porté à une température de 820 °C, inférieure de 65 °C au plus bas des points de fusion ci-
dessus, sous une pression mécanique de 5 kPa et un vide meilleur que 10'3 Pa pendant une heure. À l'issue de ce traitement, l'examen métallographique montre une liaison parfaite présentant les mêmes couches contenant Ti et Al que précédemment, et, en contact avec l'alliage de nickel, une couche de AgCu suivie d'une couche de NiCuAg. Si on remplace la brasure Ag-Cu par de l'argent pur, avec une pression d'accostage d'environ 1 MPa, la couche adjacente à l'alliage de nickel et de l'argent, suivie d'une couche de y-Ni.
Dans les deux cas, la couche de nickel, en équilibre thermodynamique avec l' aluminiure de nickel, agit en absorbant les contraintes mécaniques comme indiqué plus haut.
Exemple 4
Cet exemple concerne le brasage de y-TiAl avec un alliage de nickel commercialisé sous la dénomination N 18, et vise à résoudre le problème difficile, compte tenu de la fragilité à froid des alliages de type y-TiAl, de la fixation des aubes mobiles de compresseurs de turbines aéronautiques sur des disques en alliage N 18, ce dernier étant un alliage à base de nickel contenant en masse 15,5 % de cobalt, 11,5 % de chrome, 6,5 % de molybdène, 4,3 % d'aluminium, 4,3 % de titane et des traces de zirconium, de carbone, de bore et de hafnium.
On procède comme dans l'exemple 2 en remplaçant l'alliage Nimonic 75 par l'alliage N 18 et en utilisant comme brasure TiNi 67. À l'issue de ce traitement, l'interface TiAl/Ni est semblable à celle obtenue dans les exemples précédents. La zone de diffusion entre l'alliage de nickel et la brasure est composée de précipités de titane et de phase chrome-molybdène. L'assemblage peut fonctionner à des températures de 800 °C pendant plus de 300 heures.
Exemple 5
Cet exemple illustre la formation sur une pièce en y-TiAl d'une barrière de protection contre l'oxydation et la corrosion à chaud.
On réalise un revêtement de nickel sur un échantillon de y- TiAl comme décrit dans 1 ' exemple 2 , et on recouvre ce revêtement d'une feuille de brasure TiNi 67, puis d'une feuille d'une épaisseur de 0,1 mm obtenue par frittage à partir d'un alliage de type MCrAlY disponible sous la dénomination AMDRY 997, qui est un alliage à base de nickel contenant en masse 23 % de cobalt, 20 % de chrome, 8,5 % d'aluminium, 4 % de tantale et 0,6 % d'yttrium. Un traitement thermique sous vide est effectué comme décrit dans l'exemple 2. À l'issue de ce traitement, l'examen métallographique montre une liaison parfaite présentant la séquence de couches déjà décrite du substrat TiAl jusqu'à la feuille de nickel. La feuille de MCrAlY est fortement adhérente et peut ainsi assurer une protection contre l'oxydation et la corrosion à chaud, notamment en présence de phases condensées ou non contenant du chlore.
En variante, l'alliage MCrAlY, au lieu d'être appliqué sous forme d'une feuille, peut être projeté au moyen d'une torche à plasma comme connu en soi.