Gréement à double voile
La présente invention est relative aux gréements . Plus particulièrement, l'invention concerne un gréement comportant un mât et une voilure constituée de deux voiles, chaque voile s' étendant au moins entre une bordure, une chute et un guindant, s 'étendant lui-même entre un point de drisse et un point d'amure, les points d'amure de chaque voile étant liés au mât. Le document FR 2773773 décrit un exemple d'une telle voilure. Selon ce document de l'art antérieur, cette voilure est montée sur un bateau à voile. Elle a un profil aérodynamique en forme d'aile d'avion. Cette voilure est constituée d'une voile à profil épais, mise en forme par une armature centrale rigide. Les professionnels du monde de la voile savent depuis longtemps que l'aile rigide type aile d'avion, par la performance aérodynamique générée par son profil épais et asymétrique, constitue une solution incomparablement plus performante qu'une voile traditionnelle pour propulser un voilier. Cependant, elle présente des inconvénients, liés à sa complexité technologique, à son maniement (elle ne peut en effet être affalée ou hissée, à volonté, ce qui nuit à la maniabilité du navire) . Son utilisation est donc limitée à de gros navires de type « compétition ». De plus, les performances par vent arrière de ces voiles épaisses sont à peine supérieures à celles des voiles classiques.
La présente invention a notamment pour but de pallier ces inconvénients. A cet effet, on prévoit selon l'invention, un gréement qui, outre les caractéristiques déjà mentionnées, est caractérisé par le fait que chaque voile est liée au mât de manière adaptée pour que le mât constitue lui-même un
bord d'attaque pour chaque voile et par le fait que les chutes respectives de chaque voile sont structurellement indépendantes l'une de l'autre.
La caractéristique selon laquelle chaque voile est liée au mât de manière adaptée pour que le mât constitue lui-même un bord d'attaque pour chaque voile correspondant notamment au cas où chaque point d'amure est lié au mât sensiblement sur sa face arrière ou latéralement.
Cette caractéristique est importante pour 1 ' aéro- dynamique de chaque voile et des écoulements de l'air sur l'intrados et l'extrados de la voile épaisse constituée par l'ensemble des deux voiles.
Les chutes de chaque voile sont structurellement indépendantes lorsqu'elles ne sont pas retenues l'une à l'autre (dans certaines voilures de l'art antérieur, les chutes sont, par exemple, cousues ensemble pour former une voile fermée), et qu'elles peuvent être écartées l'une de l'autre. Plus particulièrement, elles sont structurellement indépendantes lorsque l'on peut former une voile épaisse avec l'une des voiles sous le vent de l'autre, par exemple pour les allures de près serré, de près, de vent de travers ou de largue, mais également lorsque chaque voile peut prendre le vent, d'un côté différent du mât, par exemple pour les allures de vent arrière ou de grand largue. Grâce aux dispositions de l'invention, on obtient un gréement dont les performances sont améliorées par rapport notamment à une voile simple, tout en conservant une manoeuvre des voiles et du navire qui en est équipé facilitée . En effet, du fait de l'indépendance structurelle des chutes de chaque voile, on peut obtenir un profil de double voile épais, avec une asymétrie importante et variable en fonction de l'angle au vent, apportant ainsi au bateau une
puissance optimale. Les changements de bord peuvent être effectués avec une réversibilité parfaite et instantanée, de l'asymétrie de cette double voile épaisse. Les voiles peuvent être hissées et affalées à volonté, quelles que soient les conditions d'exploitation du bateau, de manière simple. La structure simple et très résistante de la double voile ne fait pas obstacle à la manœuvre du bateau par une trop grande complexité de mise en œuvre. Lors des changements de cap, la rotation de la voilure peut être effectuée de manière libre et contrôlée. En outre, la masse et l'encombrement de la voilure selon l'invention sont minimisés pour le gain de puissance obtenu. Enfin, la voilure selon 1 ' invention peut être fabriquée avec un coût limité, ce qui autorise sa fabrication en série et une large commercialisation.
Dans des modes de réalisation préférés de l'invention, on peut éventuellement avoir recours en outre à l'une et/ou à l'autre des dispositions suivantes :
- une voile s'appuie sur au moins un renfort intérieur d'appui ;
- le renfort intérieur d'appui est solidaire du mât ;
- un renfort intérieur d'appui est solidaire d'une voile ; - un renfort intérieur d'appui est monté, de manière indépendante du mât et de chaque voile, le long d'une drisse de hissage ;
- chaque voile est lattée, afin d'en raidir le profil ; - le bord de chute des voiles est latte, afin de les raidir ;
- les guindants de chaque voile sont liés entre eux le long d'une glissière commune aux deux voiles ;
- les guindants de chaque voile sont liés entre eux le long d'un fourreau de mât commun avec deux voiles ;
- le guindant de chacune des deux voiles est muni d'une ralingue et le mât est muni de deux glissières destinées à recevoir chacune la ralingue de l'une des deux voiles ;
- la chute de chaque voile est équipée d'un dispositif de manœuvre indépendant ; et
- le dispositif de manoeuvre permet la manoeuvre simultanée des deux voiles.
Par ailleurs, la présente invention a aussi pour objet une voile double comprenant deux voiles, chaque voile s' étendant au moins entre une bordure, une chute et un guindant destiné à être lié à un mât, ce guindant s ' étendant lui-même sensiblement entre un point de drisse et un point d'amure caractérisée par le fait que les guindants respectifs de chaque voile sont liés l'un à l'autre, tandis que les chutes respectives de chaque voile sont structurellement indépendantes l'une de l'autre. Par ailleurs, la présente invention a aussi pour objet un engin à voile, par exemple un char à voile ou une planche à voile, muni d'un gréement selon l'invention.
D'autres aspects, buts et avantages de l'invention apparaîtront à la lecture de la description de plusieurs de ses modes de réalisation, donnés à titre d'exemples non limitatifs .
L'invention sera également mieux comprise à l'aide des dessins, sur lesquels :
- la figure 1 représente un navire comportant un mode de réalisation du gréement selon l'invention;
- la figure 2 représente schématiquement les écoulements d'air autour d'une voile classique et la portance associée, pour une incidence de vent de travers ;
- la figure 3 représente schématiquement les écoulements d'air autour de la double voile du gréement représenté sur la figure 1, et la portance associée, pour une incidence de vent de travers ; - la figure 4 est une vue de dessus schématique en coupe, d'un premier mode de réalisation du gréement au repos des figures 1 et 3 ;
- la figure 5 est une vue schématique en perspective d'un dispositif permettant de hisser ensemble et simultanément les deux voiles le long du mât ;
- la figure 6 est une vue analogue à celle de la figure 4 d'un autre mode de réalisation du gréement au repos des figures 1, 3 et 4 ;
- la figure 7 est une vue en perspective d'un mode d'attache du gréement des figures 1, 3 et 4 ;
- la figure 8 représente, selon une vue analogue à celle de la figure 6, le mode de réalisation du gréement de cette même figure, soumis à un vent arrière ;
- la figure 9 est une vue en perspective d'un dispositif de manoeuvre du gréement selon la présente invention ;
- la figure 10 représente schématiquement en perspective un troisième mode de réalisation du gréement représenté sur la figure 1 ; - la figure 11 représente, de manière analogue, aux figures 4 et 6, un quatrième mode de réalisation du gréement au repos des figures 1, 3, 4, 6 et 10 ;
- la figure 12 représente, de manière analogue, aux figures 4, 6 et 11, un cinquième mode de réalisation du gréement au repos des figures 1, 3, 4, 6, 10 et 11 ; et
- la figure 13 représente schématiquement en perspective un mode de fixation des renforts intérieurs d'appui sur une drisse de hissage.
Sur les différentes figures, les mêmes références désignent des éléments identiques ou similaires.
Cinq modes de réalisation du gréement selon l'invention sont décrits ci-dessous de manière détaillée. La figure 1, qui représente l'essentiel des caractéristiques communes aux trois modes de réalisation décrits ci-dessous, montre un navire 1 équipé d'un mât 2, gréé avec une double voile 30, comprenant une voile bâbord 3 et une voile tribord 4, ainsi que d'un dispositif de manoeuvre 5 comprenant une écoute de voile bâbord 31, une écoute de voile tribord 41, une garcette 50 et un anneau 51. Chaque voile 3, 4 est décrite par les éléments constitutifs caractéristiques suivants : son guindant 32,42, sa bordure 33,43, sa chute 34,44, et son point de drisse 35,45, son point d'amure 36,46 et son point d'écoute 37,47.
Les bords de chutes 34, 44 sont éventuellement lattes sur une partie de leur hauteur. A cette fin, des lattes sont insérées dans des fourreaux 12 par exemple.
La figure 2 représente schématiquement le principe aérodynamique de la portance calculée pour une voile 19 simple de l'art antérieur. Le vent frappe le mât 2 sur son bord d'attaque et se sépare en deux flux s 'écoulant de part et d'autre de la voile 19, intrados et extrados. Ces deux flux se rejoignent ensuite dans le prolongement de la chute 20 ou bord de fuite de la voile. Le trajet parcouru par le flux d'air sur l'extrados étant supérieur à celui du flux d'air sur l'intrados, la vitesse du flux d'extrados s'accroît en proportion et la pression de l'air sur l'extrados diminue en conséquence. Un différentiel de pression apparaît alors entre l'extrados et l'intrados de la voile, proportionnel au différentiel de trajet entre les flux, et directement lié à l'importance de l'asymétrie du profil de voile. On obtient ainsi une aspiration sur
l'extrados, et une poussée sur l'intrados qui se cumulent en une résultante aérodynamique, la portance.
Sur la figure 3, pour l'essentiel commune aux trois modes de réalisation décrits dans le présent document, sont représentés le mât 2 et les voiles 31, 41 constituant un profil de double voile selon l'invention. Grâce à l'épaisseur et l'asymétrie importantes de ce profil, le différentiel de trajet entre les flux augmente par rapport au gréement de la figure 2. La portance est donc plus importante sur ce gréement à double voile.
Dans la configuration de la figure 3, sous vent de travers bâbord, la voile bâbord 3 constitue l'intrados de la double voile 30 et la voile tribord 4 son extrados. Suite à un virement de bord, la voile bâbord 3 pourra à son tour constituer l'extrados de la double voile 30 et la voile tribord 4 son intrados, sous vent de travers tribord.
Du fait de l'aspiration sur l'extrados, l'épaisseur du profil de la double voile 30 est maintenue pendant son utilisation sans nécessiter de renforts entre les deux voiles 31, 41.
La figure 4 représente une vue de dessus en coupe d'un premier mode de réalisation de la présente invention. Selon ce premier mode de réalisation, le mât 2 a une forme, en coupe transversale, ovoïde. Il comporte un bord d'attaque 10 au niveau du plus faible rayon de courbure de la forme ovoïde, ainsi qu'une face arrière 11 correspondant au plus grand rayon de courbure de la forme ovoïde.
Le mât 2 comporte deux glissières 21, 22 s ' étendant longitudinalement parallèlement à l'axe longitudinal X du mât 2. Les glissières 21, 22 sont situées, sur la face arrière 11, sensiblement à 90 degrés l'une de l'autre par rapport à l'axe longitudinal X et symétriquement par rapport au plan médian du mât 2 passant par l'axe X et le bord
d'attaque 10.
La double voile 30 comprend une voile bâbord 3 et une voile tribord 4 identiques, de forme essentiellement triangulaire, qui peuvent éventuellement être lattées . Les voiles bâbord 3 et tribord 4 sont munies sur leur guindant respectif 32, 42, d'une ralingue 38, 48 leur permettant de coulisser le long du mât 2 dans les glissières de mât bâbord 21 et tribord 22 respectivement, de manière à être hissées et affalées à volonté, par exemple à l'aide du dispositif décrit plus loin en relation avec la figure 6. Les voiles bâbord 3 et tribord 4 peuvent être lattées et peuvent éventuellement s'appuyer sur des renforts intérieurs d'appui bâbord 39 et tribord 49, respectivement, solidaires du mât 2, pour garantir une épaisseur minimale au profil de la double voile 30. Si les voiles 3 et 4 sont lattées, leurs lattes peuvent s'appuyer sur les renforts intérieurs d'appui 39 et 49.
La figure 5 représente un dispositif permettant de hisser et affaler simultanément sur le mât 2 à deux glissières de la figure 4, les voiles bâbord 3 et tribord 4 à l'aide d'une drisse 6 coulissant dans une poulie de tête de mât (non représentée) et reliée aux points de drisse 35, 45, au sommet de chaque voile 3, 4.
Les chutes 34, 44 de chaque voile 3, 4 sont structurellement indépendantes l'une de l'autre.
La figure 6 représente un deuxième mode de réalisation du gréement selon l'invention. Ce deuxième mode de réalisation diffère du premier essentiellement par le fait que les deux voiles 3, 4 sont liées au mât 2 par l'intermédiaire d'une glissière 23 unique. Cette glissière 23 se situe sur la face arrière 11 du mât 2. Elle est symétrique, par rapport à l'axe longitudinal X, au bord d'attaque 10. Les deux voiles bâbord 3 et tribord 4 sont
assemblées sur un même guindant 7 par couture ou autres moyens classiques, ou plus particulièrement solidarisées l'une à l'autre comme décrit plus loin en relation avec la figure 7. Dans le mode de réalisation de l'invention représenté sur la figure 6, le guindant 7 est lié à une ralingue 8 permettant de coulisser dans la glissière 23. Ce dispositif d'attache permet de hisser ou d'affaler simultanément les deux voiles 3, 4 à volonté. Les voiles bâbord 3 et tribord 4 peuvent éventuellement s'appuyer sur des renforts intérieurs d'appui bâbord 39 et tribord 49, respectivement. Les renforts d'appui bâbord 39 et tribord 49 sont respectivement solidaires des voiles bâbord 3 et tribord 4. Les renforts d'appui 39, 49 sont répartis le long du guindant 7, au niveau de lattes non représentées. Ils sont, par exemple, constitués de profilés en aluminium ayant, en coupe longitudinale, une forme de "V". L'une des branches de ce "V" sert d'appui à une latte de la voile 3, 4. L'autre branche du "V" sert d'appui à l'autre renfort d'appui 39, 49. Les branches du "V" forment entre elles un angle sensiblement compris entre 30 et 45°, permettant ainsi de maintenir une épaisseur minimale au profil de la double voile 30.
La figure 7 montre une variante du dispositif d'attache des deux voiles bâbord 3 et tribord 4, pour le deuxième mode de réalisation. Selon cette variante, les voiles 3, 4 comportent des guindants 32, 42 distincts. Ces guindants 32, 42 sont solidarisées l'un à l'autre par des moyens d'accroché tels que manilles 27 passées dans des œillets 28 ou autres moyens classiques, sur un ensemble de coulisseaux 29 faisant office de ralingue dans la glissière 23. Cette disposition permet à la fois de rapprocher les deux voiles pour former une double voile 30 épaisse sous
vent porteur, et d'écarter suffisamment les guindants 32, 42 pour obtenir deux bords d'attaque indépendants pour les voiles 3, 4 et permettre l'insertion de filets d'air entre celles-ci. Ces filets d'air participent à la mise en forme de chacune des voiles 3, 4.
La figure 8 montre un exemple de déploiement du gréement selon l'invention correspondant au mode de réalisation de la figure 6, sous vent arrière. Ce type de configuration peut bien entendu être obtenu quel que soit le mode de réalisation du gréement selon l'invention et en particulier aussi avec celui correspondant à la figure 4.
Comme représenté sur la figure 9, pour le premier mode de réalisation de l'invention, le dispositif de manœuvre 5 comprend une écoute de voile bâbord 31 et une écoute de voile tribord 41. Ces écoutes 31, 41 se rejoignent vers un palan de voile non représenté, à partir duquel l'utilisateur peut manoeuvrer chacune des voiles 3, 4 indépendamment l'une de l'autre.
Selon une variante, représentée sur la figure 1, la garcette 50 est liée à chaque point d'écoute 37, 47 et passe par un anneau 51, lié au palan de manière classique, par des écoutes 31, 41.
Selon le troisième mode de réalisation représenté sur la figure 10, le gréement selon l'invention se compose d'un mât fixe ou rotatif classique sans ralingue et d'une voile double 30 composée de deux voiles 3, 4, identiques assemblées sur un même fourreau de mât 52 ou tout autre dispositif d'arrimage au mât 2.
Selon le quatrième mode de réalisation représenté sur la figure 11, le gréement selon l'invention ressemble au premier mode, illustré par la figure 4. Il s'en distingue essentiellement par le fait que les renforts d'appui bâbord et tribord ne sont pas solidaires du mât et ne forment
qu'une seule pièce 53 solidaire d'une drisse de hissage 54. Plusieurs renforts d'appui 53 sont répartis sur la hauteur des voiles 3, 4. Chaque renfort d'appui 53 prend appui au niveau de lattes 55. Le cinquième mode de réalisation, représenté sur la figure 12, correspond à une variante du mode de réalisation représenté sur la figure 6. Selon cette variante, les renforts d'appui 39, 49 de la figure 6 sont remplacés par une pièce unique 53 indépendante de la voile et montée sur une drisse de hissage 54. Plusieurs renforts d'appui 53 sont répartis sur la hauteur des voiles 3, 4, au niveau de lattes 55.
Comme représenté sur la figure 13, les renforts d'appui 53 des quatrième et cinquième modes de réalisation, sont constitués d'un tube 56 et d'une lamelle 57 flexible et préformée de manière arquée. La lamelle 57 est solidaire du tube 56. Eventuellement, une patte de renfort 58 s'étend, de part et d'autre du tube 56, entre deux portions de la lamelle 57. Le tube 56 a un diamètre intérieur adapté pour le passage d'une drisse de hissage 54. Chaque renfort d'appui 53 est positionné le long de la drisse de hissage 54 par exemple, au moyen de nœuds 59 sur la drisse de hissage 54 de part et d'autre du tube 56.
Les modes de réalisation du gréement selon l'invention sont décrits ci-dessus pour une grand-voile. Mais l'invention est bien entendu transposable à d'autres voiles comme le foc par exemple.