Procédé de concentration et de stabilisation de caroténoïdes à partir de légumes ou de fruits
La présente invention concerne un procédé de concentration et de stabilisation de caroténoïdes à partir de légumes ou de fruits.
La production de caroténoïdes est recherchée par les industries pharmaceutiques, alimentaires et diététiques.
Ainsi, il est connu d'extraire, par exemple, les carotènes des carottes par des procédés chimiques utilisant des solvants. Cependant, le carotène naturel ainsi obtenu présente un prix de revient relativement élevé par rapport à un carotène produit synthétiquement et l'utilisation de solvants organiques est de plus en plus remise en cause en agro-alimentaire en raison des risques de toxicité.
On a proposé, dans O-A-8604059, un procédé de concentration et de stabilisation des carotènes des carottes qui prévoit un blanchiment des carottes, un broyage de celles-ci, un pressage du broyât obtenu pour extraire un jus, la soumission de ce jus à un enzymage par une enzyme pectolytique, une ultrafiltration du jus dépectinisé et la récupération du rétentat, riche en carotènes.
On connaît, par US-A-5 830 738, un procédé d'extraction de caroténoïdes dans lequel on met en contact le matériau végétal tel que des carottes, patates douces ou oranges avec une enzyme, l'enzyme cassant les parois cellulaires des cellules végétales pour libérer les caroténoïdes contenus dedans, qui peuvent alors être séparés. Tout d'abord, le matériel végétal est broyé en particules de petites dimensions et le broyât est mis en suspension et mélangé dans un liquide tel que de l'eau distillée. Les enzymes telles que la pectinase, la cellulase, l' hémicellulase ou leurs combinaisons sont alors ajoutées à la suspension. Ensuite, on filtre pour recueillir les caroténoïdes insolubles dans
1 ' eau.
Dans JP-A-11236512, on a proposé un procédé d'extraction des carotènes à partir de végétaux en effectuant une liquéfaction enzymatique puis en déshydratant et en séchant le produit de la désintégration. Le produit déshydraté est soumis à un procédé d'extraction par solvant organique.
Tous ces procédés ne permettent cependant pas d'obtenir un rendement en caroténoïdes suffisamment élevé.
De plus, il convient également de proposer un procédé qui permet d'obtenir une concentration élevée et une très bonne stabilité des caroténoïdes.
A l'état naturel, les carotènes sont intégrés au sein de macrostructures à base de lipides et de protéines qui se présentent sous forme de granules (ou grana) et les inventeurs ont pu remarquer que, lorsque les carotènes restent intégrés dans lesdites macrostructures, ils présentent une plus grande stabilité.
Le brevet CN-A-1 044 277 décrit un procédé d'extraction de carotène à partir de la microalgue Dunallelia sp dans lequel une huile végétale ou animale est utilisée en tant qu'agent d'extraction. Un solvant organique volatil ou un fluide tel que le C02 supercritique peut être également utilisé. Avant l'extraction, l'algue Dunallelia récoltée est d'abord lavée pour enlever le sel, enrichie par égouttage puis ensuite congelée et chauffée pour évacuer le liquide cellulaire avant l'extraction proprement dite par l'huile ou le solvant. Le rendement d'extraction est de 90% ou plus. Ledit extrait contient 10-50 % d'alpha-carotène, 10-20 % de cis-beta- carotène et 60-80 % de trans-béta-carotène. Un tel procédé détruit totalement les liaisons entre les carotènes et les complexes lipoproteiques des grana, en visant exclusivement une extraction des carotènes et non leur concentration et leur stabilisation ultérieure.
Dans le brevet HU 69 643, on décrit un procédé d'isolation de béta-carotène à partir d'extraits de plante comprenant la réduction du pH à 4,2-3,5 d'un extrait aqueux exempt de fibres et offrant la possibilité aux chromoplastes de décanter pendant 6 heures. Le dépôt est refroidi à -10 et -20
degrés Celsius. Le dépôt solide est réduit en petits morceaux pour former des granulés grossiers qui sont ensuite décongelés lentement. La fraction contenant les chromoplastes est séparée de la phase liquide et est utilisée pour la préparation d'un concentré de carotènes. Un tel procédé est désavantageux dans la mesure où il nécessite des opérations très difficiles à mettre en œuvre dans le cadre d'un procédé continu telles que les opérations de décantation spontanée des chromoplastes et de décongélation lente.
Le but de la présente invention est de proposer un nouveau procédé de concentration et de stabilisation des caroténoïdes à partir de végétaux qui permet de récupérer la quasi- totalité desdits composés présents dans le matériau végétal de départ de manière à obtenir un extrait pâteux aussi concentré que possible et le plus stable possible.
Ainsi, la présente invention a pour objet un procédé de concentration et de stabilisation de carotènes à partir de légumes ou de fruits tels que des carottes dans lequel on broie les fruits ou les légumes, caractérisé en ce qu'on blanchit le broyât obtenu, on réalise un second broyage, on acidifie le second broyât obtenu, on le soumet à une liquéfaction enzymatique, on le concentre par microfiltration tangentielle, on le diafiltre par 1 ou 2 volumes d'eau, on le traite thermiquement par chauffage, on le soumet à une congélation puis à une décongélation et on réalise enfin une concentration par centrifugation.
On obtient ainsi, de manière avantageuse, un procédé de concentration et de stabilisation qui permet un excellent rendement en carotènes, en particulier pour le β-carotène et α-carotène, supérieur à 90%.
De manière avantageuse, le procédé selon l'invention permet d'obtenir des caroténoïdes qui sont intégrés au sein de macrostructures à base de lipides et de protéines, appelées grana, ce qui leur assure une très bonne stabilité. Le procédé selon l'invention permet avantageusement en outre une préservation desdits grana tout au long du procédé de concentration de carotènes.
De plus, le procédé selon l'invention est un procédé continu facile à mettre en œuvre à l'échelle industrielle.
Dans un premier temps, le matériel végétal de départ, fruits ou légumes tels que des carottes, est lavé, trié et broyé. On réalise de préférence un broyage par découpe grossière de manière à obtenir des particules de 2 à 3 cm en dimensions. Le broyât obtenu est alors soumis à une étape de blanchiment avant de subir le second broyage .
Le blanchiment permet une dégradation efficace des systèmes enzymatiques endogènes du végétal de type polyphenoloxydase, peroxydase, lypoxygenase et pectinestérase responsables de l'oxydation du matériel biologique et de la précipitation des pectines entraînant un brunissement et un déphasage du broyât. Cette étape est donc un pré-traitement essentiel de manière à stabiliser et pasteuriser le broyât.
De préférence, le blanchiment est réalisé dans une plage de 85 à 105°C dans une plage de temps de 2 à 10 minutes.
Le broyât blanchi est alors soumis à une seconde étape de broyage comprenant un broyage et un microbroyage . Ce microbroyage permet avantageusement d'obtenir un broyât très
fin dont la taille des particules est de l'ordre de 200 μm, réalisé par exemple à l'aide d'une tête de microcoupe.
Ce microbroyage facilite l'éclatement cellulaire, ce qui permet une libération des microgranules contenant les caroténoïdes, lesdits caroténoïdes étant intégrés au sein des macrostructures à base de lipides et de protéines appelées grana .
De manière à encore améliorer le microbroyage en augmentant le débit et en diminuant la taille des particules, on peut diluer le premier broyât préalablement au microbroyage, la présence d'eau limitant les échauffements du produit et permettant l'utilisation de têtes de microcoupe de petites tailles.
Le broyât est acidifié à pH 4 à 5. L'acidification constitue un moyen efficace de stabilisation des carotènes en diminuant considérablement l' isomérisation des caroténoïdes au cours du traitement thermique ultérieur. L'acidification est réalisée au moyen d'acides autorisés dans l'industrie alimentaire tels que l'acide citrique, l'acide acétique et l'acide ascorbique qui permettent de protéger les carotènes de l'oxydation.
Afin de permettre la préconcentration des carotènes par microfiltration tangentielle, le broyât acidifié est soumis à une liquéfaction enzymatique. Elle consiste à ajouter au broyât des enzymes à activité pectinase, cellulase, hémicellulase, arabanase et pectine estérase. Le temps de liquéfaction est de 2 à 3 heures, à un pH compris entre 4 à 5 et à une température comprise entre 40 et 60°C. L'association des enzymes pectinolytiques et cellulolytiques permet de
dégrader la paroi cellulaire végétale et ainsi facilite la concentration des carotènes toujours intégrés .
Le broyât liquéfié est alors concentré à un Facteur de Concentration Volumique FCV entre 1,5 et 2, par microfiltration tangentielle sur membranes minérales puis il est diafiltre, de préférence avec un à deux volumes d'eau. Cette séparation membranaire permet d'éliminer environ 70% de la matière sèche soluble de la carotte comme les sucres, les sels minéraux et ainsi d'augmenter la pureté en carotènes du rétentat .
Le rétentat est alors traité thermiquement par chauffage
(« flash pasteurisation ») de préférence dans une plage de 90 à 110°C pendant 1 à 2 minutes de manière à stabiliser le concentré (inactivation des enzymes et des microorganismes) .
Le produit est refroidi rapidement.
Le rétentat est ensuite congelé, de préférence à -20°C environ, puis décongelé rapidement, de préférence à +4°C environ. Cette opération permet d'éliminer l'excès d'eau et les composés solubles encore présents tels que les sucres dans le produit. En effet, il se produit un déphasage du concentré lors de la décongélation. Le surnageant est éliminé par une simple centrifugation à basse vitesse.
Cette opération de cryoconcentration (congélation + décongélation) permet d'éviter une étape de centrifugation très difficile à l'échelle industrielle ou encore une étape de décantation, étape qui n'est pas facile à mettre en œuvre avec les grana, ceux-ci ne décantant pas spontanément dans l'eau. La cryoconcentration le permet avantageusement après une décongélation rapide.
Ce procédé permet donc d'éliminer au total 85% environ de la matière sèche initiale de la carotte et d'obtenir un concentré de carotènes avec un FCV égal ou supérieur à 20.
On ajoute ensuite des additifs tels que des anti-oxydants et on peut alors conditionner.
Le procédé de concentration et de stabilisation selon l'invention permet donc d'obtenir un rendement excellent en caroténoïdes. L'acidification et le traitement thermique confèrent aux concentrés obtenus une très bonne stabilité jusqu'à au moins 250 jours à 37°C, à l'abri de la lumière et de 1 ' oxygène .
Le procédé selon l'invention est facile à mettre en œuvre de manière continue et permet d'obtenir un concentré de carotènes dans lequel les grana ont été préservés tout au long du procédé de fabrication dudit concentré, ce qui confère aux carotènes une bonne stabilité.
On décrira maintenant plus en détail un exemple de mise en oeuvre du procédé selon l'invention en référence au dessin dans lequel :
la figure 1 représente un diagramme schématique du procédé selon l'invention ; et
la figure 2 représente un tableau représentant la matière sèche et la teneur en carotènes du broyât liquéfié avant et après concentration.
1000 kg de carottes fraîches sont lavées et triées avant d'être soumises à un broyage par découpe pour obtenir des particules de 2 à 3 cm. Ce premier broyât est soumis à un blanchiment par chauffage à 90°C pendant 2 minutes, puis ce broyât est refroidi à 50°C.
On réalise alors un second broyage avec un broyeur Comitrol 2100 fabriqué par Urschel puis un microbroyage avec un broyeur Comitrol 1700 équipé d'une tête de microcoupe pour obtenir des particules de 200 μm.
On a obtenu 1000 kg de broyât qui ont été acidifiés avec une solution d'acide citrique (0,25%) et d'acide ascorbique (0,05%) . Ce mélange est agité à 50°C et à pH 4,5 pendant 3 heures avec un mélange d'enzymes tel que 0,03% de Pectinex Ultra SPL (NOVO NOROISK) , 0,1% de Cellulyve 50L (LYVEN) et 0,01% de Peclyve CP (LYVEN).
On réalise ensuite la concentration du broyât liquéfié par microfiltration tangentielle sur des membranes minérales dont le seuil de coupure est de 0,14 μm, à un FCV de 1,6, puis on diafiltre avec un volume d'eau.
Le rétentat est alors traité thermiquement en subissant un chauffage à 90 °C pendant 1 minute de manière à stabiliser le concentré puis il est refroidi rapidement.
Le rétentat est ensuite congelé à -20°C environ puis décongelé rapidement à +4°C environ. Le surnageant est éliminé par une simple centrifugation à une accélération moyenne de 1500 g.
On élimine environ 85% de la matière sèche initiale de la carotte et on obtient un concentré de carotènes de FCV de 20.
On ajoute alors des additifs tels que des anti-oxydants et de l'acide citrique pour abaisser le pH puis on conditionne.
Le jus sucré recueilli au cours de la microfiltration et de la centrifugation contenant des sucres peut être traité par evaporation pour recycler l'eau et valoriser les sucres de la carotte en alimentation animale par exemple.
On peut voir dans la figure 2 qu'on a un très bon rendement : 95 % des carotènes présents dans le broyât initial sont retrouvés dans le rétentat final. La viscosité du rétentat augmente cependant très rapidement lors de la concentration et le facteur de concentration volumique atteint 20.
La teneur en carotène du rétentat final exprimée par rapport à la matière sèche est d'environ 1 %.
Selon un exemple de mise en oeuvre du procédé de l'invention, on obtient une pâte épaisse de coloration rouge orangée à partir de carottes. Ce produit présente une teneur en matière sèche de 18% (p/p) et en caroténoïdes totaux de 1700 ppm.
On ajoute comme antioxydants du palmitate d'ascorbyle, des tocophérols et de l'acide ascorbique.
La composition de ce produit exprimée par rapport à la matière sèche (%) est :
Carotènes 1
Protéines (azote total x 6,25) 23
Lipides 21
Sucres totaux 36
Lignine 14
Cendres 3
Acides organiques 2 et antioxydants