Procédé d'épuration des effluents gazeux fluorés.
La présente invention concerne de manière générale un procédé d'épuration des effluents gazeux fluorés et en particulier des effluents gazeux contenant du gaz fluor.
Les procédés de fabrication des dispositifs semi-conducteurs, en particulier les étapes de dépôts chimiques en phase vapeur (CVD), conduisent à des effluents gazeux contenant du gaz fluor. Ces effluents gazeux doivent bierî évidenlSnent être traités avant d'être rejetés dans l'atmosphère, en particulier pour en éliminer le fluor, ainsi que d'autres gaz toxiques tels que l'arsine,- (AsH3) et la phosphine (PH3). L'article "Facing the challenges of reducing PFC émissions in plasma chamber cleans" (Faire face aux défis de la réduction des émissions de PFC dans les nettoyages de chambre plasma), J. Arno et al.- MICRO Juillet Août 1998, p. 87-88, enseigne qu'à des concentrations élevées, le fluor réagit de manière exothermique avec tous les éléments à l'exception de l'oxygène, de l'azote et des gaz rares. Par conséquent, un procédé envisageable d'élimination de F2 est de faire réagir ce gaz hautement réactif en utilisant des réactions apparaissant naturellement, sans aucun apport supplémentaire d'énergie au système.
Les unités d'épuration thermique combinent des matériaux réactifs et F à l'intérieur d'un réacteur chauffé utilisant un combustible ou l'énergie électrique. Les sous-produits engendrés par l'épuration thermique de F2 comprennent typiquement des acides chauds qui nécessitent d'ajouter au procédé de traitement des gaz une étape d'épuration des effluents liquides et exigent des matériaux de construction coûteux pour éviter une attaque par corrosion. Dans ces
unités, les rendements d'épuration sont souvent compromis car l'efficacité d'épuration des gaz acides chauds diminue avec la température. Une solution serait de faire passer le courant de gaz fluor sur un lit sec d'un matériau réactif. Toutefois, cette solution est limitée, en particulier pour des volumes importants de F2-
Le gaz fluor réagit rapidement avec l'eau. Les sous-produits principaux de cette réaction sont HF, 02 et H202.
Malheureusement, il se forme également lors de cette réaction de petites quantités de difluorure d'oxygène (F20). Ce difluorure d'oxygène n'est pas soluble dans l'eau et est donc rejeté dans l'atmosphère avec l'effluent gazeux épuré. En raison de sa nocivité et de son caractère polluant, le difluorure d'oxygène doit être éliminé de l'effluent gazeux épuré.
L'article cité ci-dessus envisage pour résoudre ce problème des procédés évitant la formation de F20 lors du traitement d'épuration.
Le procédé de la présente invention, au contraire, utilise la formation de F20 pour éliminer le gaz fluor contenu dans un effluent gazeux.
La présente invention a donc pour objet de fournir un procédé d'épuration d'un effluent gazeux contenant du gaz fluor qui supprime pratiquement tout rejet de difluorure d'oxygène.
Le procédé d'épuration des effluents gazeux, selon l'invention, se caractérise par le fait qu'il comprend la mise en contact de l'effluent gazeux contenant du gaz fluor avec une solution aqueuse basique de lavage contenant une quantité effective d'au moins un agent réducteur maintenant le potentiel électro-chimique de la solution à une valeur égale ou inférieure à -60 mV.
La solution aqueuse basique de lavage a en général un pH ≥ 12, de préférence ≥ 13. La quantité d'agents réducteurs présents dans la solution aqueuse de lavage doit être suffisante pour consommer la totalité du difluorure d'oxygène qui se forme dans la solution lors, de l'étape de traitement.
En pratique, on a déterminé que la solution aqueuse basique de lavage permet une élimination pratiquement totale de F20 lorsque la
concentration en agents réducteurs de la solution est telle que le potentiel électrochimique de la solution est égal ou inférieur à -60 mV, l'efficacité optimale étant obtenue entre -400 mV et -600 mV.
Parmi les agents réducteurs convenant pour les solutions de la présente invention, on peut citer les anions réducteurs soufrés tels que
S203 2", S2" et S03 2" et leurs mélanges, l'anion thiosulfate étant particulièrement préféré.
L'étape d'épuration au moyen de la solution aqueuse basique peut être mise en oeuvre dans les réacteurs de lavage classiquement utilisés.
De préférence, la mise en contact de la solution de lavage et de l'effluent gazeux s'effectue par pulvérisation de la solution dans un courant de l'effluent gazeux. L'effluent gazeux traité est rejeté dans l'atmosphère. La solution usée de lavage est également récupérée. La solution usée de lavage récupérée peut être recyclée, éventuellement après ajouts de quantités de base (par exemple NaOH) et d'agent réducteur (par exemple S2C»3 2") pour maintenir le pH et le potentiel électrochimique de la solution aux valeurs voulues, pour traiter un courant frais d'effluent gazeux. Le procédé de l'invention peut être mis en oeuvre de façon continue ou discontinue. De préférence, le procédé de l'invention est mis en oeuvre de façon continue.
Sans être lié par une quelconque théorie, le présent procédé d'élimination du fluor des effluents gazeux fluorés est basé sur deux transformations distinctes des composés fluorés.
Dans une première étape, on transforme, par mise en contact du flux de gaz fluoré avec une solution alcaline, le fluor F2 gazeux en difluorure d'oxygène F20.
Dans une seconde étape, on réduit le difluorure d'oxygène formé au cours de la première étape en ions fluorure par une réaction d'oxydo- réduction avec l'agent réducteur tel que l'ion thiosulfate S203 2\
La consommation de difluorure d'oxygène par l'agent réducteur dans la deuxième étape conduit alors à une transformation plus importante et plus rapide du fluor dans la première étape, permettant son élimination dans le flux gazeux.
Le présent procédé diffère donc des procédés d'épuration des gaz auparavant mis en oeuvre par l'action à la fois alςaline (transformation du fluor F2 gazeux en difluorure d'oxygène F20) et réductrice (réduction du difluorure d'oxygène F20 en ion fluorure F") des solutions de lavage employées.
On a indiqué ci-après, à titre d'exemple, une méthode de détermination de la concentration en agent réducteur (thiosulfate) et en base (soude) pour une solution de lavage selon l'invention, en fonction de la concentration en fluor de l'effluent à traiter.
Réactions d'oxydo-réduction
Au contact d'une solution basique, le fluor gazeux F2 se transforme en difluorure d'oxygène F20 suivant la réaction :
2 F2 + 2 OH" «=> F20 + 2 F + H20 (1)
En milieu basique, le difluorure d'oxygène F20 est un oxydant qui donne la demi-réaction d'oxydo-réduction :
F20 + H20 + 4 e" <^=» 2 F" + 2 OH" (2)
Il est donc susceptible de réagir avec un réducteur tel que le thiosulfate S203 2" qui, en milieu basique, donne la demi-réaction d'oxydo- réduction :
S203 2" + 6 0H- <=> 2 S03 2" + 3 H20 + 4 e" (3) E0 = -0,58 V
pour donner la réaction d'oxydo-réduction globale :
F20 + S203 2" + 4 OH" «=> 2F- + 2 S03 2" + 2 H20 (4)
L'ion S03 2" produit est un réducteur qui en milieu basique donne la demi-réaction d'oxydo-réduction :
S03 2" + 2 0H- < > S04 2" + H20 + 2 e" (5) E0 = -0,94 V
Les ions S 03 2" produits lors de la réaction des ions thiosulfates S203 2" avec le difluorure d'oxygène F20 peuvent donc, à leur tour, réagir avec les molécules de difluorure d'oxygène F20 suivant la réaction d'oxydo-réduction :
F20 + 2 S03 2" + 2 OH" <=> 2 F" + 2 S04 2" + H20 (6)
La réaction globale d'élimination du difluorure d'oxygène F20 par les ions thiosulfate s'écrit donc :
2 F20 + S203 2" + 6 OH" <^=> 4 F" + 2 S04 2' + 3 H20 (7)
D'après la réaction (7), pour une mole de F20 produite, on consomme :
- 0,5 mole de S203 2"
- 3 moles de OH"
Réactions de décomposition
En présence d'un excès de base, F20 se décompose suivant la reaction
F20 + 2 OH- » 02 + 2 F" H20 (8)
Afin d'être certain d'éliminer l'ensemble du F20 produit, on se placera dans des conditions où les réactions (7) et (8) détruisent intégralement, l'une et l'autre, l'ensemble du F20 produit.
Dans ces conditions, pour une mole de F20 produite, on doit ajouter :
- 0,5 mole de S203 2"
- 5 moles de OH"
On suppose que :
- la totalité du fluor introduit dans le réacteur de lavage est transformée en F20 (en pratique, 60% seulement, à pH=12, d'après les tables).
- l'efficacité du contact entre la solution de lavage et le gaz fluoré est de 50%, ce qui signifie que la moitié seulement de la solution de lavage injectée dans le réacteur de lavage pendant une unité de temps dt entre en contact avec le gaz fluoré injecté pendant la même unité de temps.
- la solution de lavage va recirculer pendant 10 heures dans l'installation sans qu'aucun réactif ne soit réinjecté (hypothèse d'un essai de démonstration).
- le volume de solution de lavage utilisé pour la mise au point est égal à celui injecté pendant une heure dans le réacteur de lavage.
- le coefficient de sécurité appliqué est de 100%.
Avec un débit d'air fluoré de 300 m3/h et une concentration en fluor de 3 g/m3, on a donc :
- masse (F2 injecté/h) = 900 g
- nombre mole (F2 injecté/h) = 23,7 moles - nombre mole (F2 O produite/h) = 23,7 moles
- nombre mole (S203 2' à injecter/h) = 11,85 moles
- nombre mole (OH" à injecter/h) = 118,5 moles
d'où, pour dix heures de travail sans ajout de réactif, il faut :
- 118,5 moles de S203 2"
- 1185 moles de OH"
Ces réactifs sont injectés via la solution de lavage. Pour un débit de 364 1/mn, le volume de solution de lavage injecté en une heure dans le
réacteur de lavage est de 21 840 litres. Comme seulement la moitié de ce volume entre en contact avec le gaz fluoré, le volume "efficace" est de 10 920 litres.
Théoriquement, les concentrations des réactifs injectés dans le réacteur de lavage seront de :
- [S203 2"] = 0,011 mole/1
- [OH"] = 0,11 mole/1
En multipliant par deux, par mesure de sécurité, les concentrations nécessaires sont donc de :
- [S203 2"] = 0,022 mole/1
- [OH"] = 0,22 mole/1
% (masse) Na^C^ = 0,35%
% (masse) NaOH = 0,88%, soit une solution à pH = 13,5.
Bien évidemment, les concentrations en réactifs et le pH des solutions de lavage employées peuvent être variables ainsi que les débits volumiques de liquides et de gaz.
Dans le cas où on utilise un procédé en continu, pour assurer un fonctionnement optimum du réacteur de lavage, il est recommandé de déterminer les rapports minimum entre les débits molaires instantanés effectifs (c'est-à-dire tenant compte du taux d'échange gaz/liquide dans la colonne d'échange gaz/liquide).
Ainsi, dans le cas d'une solution de lavage contenant du thiosulfate, les rapports entre les débits molaires instantanés doivent au moins être égaux, en ne prenant pas en compte la réaction (8) qui a une cinétique lente, à :
0,5 pour le rapport Q(mol/s)S203 2' /Q(mol/s) F20 3 pour le rapport Q(mol/s)OH- / (mol s) F20 ou de
0,3 pour le rapport Q(mol/s)S203 2- /Q(mol/s) F2 - 1,8 pour le rapport Q(mol/s)OH" / Q(mol/s) F2
Le pH de la solution de lavage à l'intérieur du réacteur est de préférence à tous instants et en tous points de la colonne d'échange gaz/liquide, supérieur ou égal à 13. Lors de l'utilisation de procédés dans lesquels les temps de contact sont très brefs (faible volume de la colonne d'échange gaz/liquide et/ou débits volumiques de gaz importants), les rapports de débits molaires instantanés effectifs de réactifs utilisés doivent être plus importants que ceux indiqués afin d'accélérer les cinétiques des réactions chimiques mises en jeu.
Lorsque le flux de gaz traité contient d'autres espèces oxydantes que les composés fluorés, les rapports des débits molaires instantanés effectifs de réactifs utilisés doivent être plus importants que les rapports minimum optimum.
La suite de la description se réfère aux figures annexées qui représentent, respectivement :
Figure 1 - une représentation schématique d'une mise en oeuvre en continu du procédé d'épuration de l'invention; et Figure 2 - un spectre de masse montrant l'efficacité du traitement d'épuration selon l'invention.
En se référant à la figure 1 , on a représenté schématiquement un réacteur de lavage classique 1. L'effluent gazeux contenant du gaz fluor est introduit dans ce réacteur de lavage 1 par la conduite 2 et sort du réacteur après traitement par la conduite 3 en vue de son stockage et de sa décharge.
La solution aqueuse basique d'épuration provenant d'une cuve de stockage 6 est amenée par une conduite 4 dans le réacteur 1 sous forme d'une pulvérisation 5 dans le courant d'effluent à traiter. La solution usée est récupérée et ramenée par la conduite 7 dans
la cuve de stockage 6.
En fonctionnement continu, la solution usée récupérée, après addition des quantités voulues de base (par exemple NaOH) et d'agent réducteur (par exemple par addition de thiosulfate de sodi m), pour maintenir le pH et le potentiel électro-chimique de la solution aux valeurs voulues, est réintroduite dans le réacteur 1 par la conduite 4 pour traiter un courant frais d'effluent gazeux introduit en continu par la conduite 2.
Démonstration de l'efficacité de la présente invention
En procédant comme décrit ci-dessus, on introduit dans un réacteur de lavage un effluent gazeux (800 m3/h) contenant du gaz fluor (1500 ppm). Dans un premier temps, on pulvérise une solution aqueuse en soude (pH = 13,5, débit = 364 1/minute).
Le spectre de masse de la solution de traitement récupérée en sortie du réacteur de lavage (figure 2) montre que pendant cette phase de traitement, il se forme des quantités importantes de F20. L'effluent traité contenait aussi du NF3 provenant du même équipement que le fluor.
On voit sur la figure 2, que la courbe relative à NF3 constitue une indication de la quantité de F20 susceptible d'être présente dans l'effluent gazeux lors d'un simple traitement avec une solution aqueuse de soude. A l'instant t0, on a ajouté à la solution aqueuse de soude récupérée puis pulvérisée sur le courant d'effluent gazeux, une quantité de thiosulfate de sodium (1 1, 98% en poids Na2S20 , 5 H20) et on a périodiquement aux instants tj, t2, t3 et t4, rajouté de la soude et du thiosulfate de sodium à la solution récupérée pour maintenir le pH à 13,5 et le potentiel électrochimique de la solution à une valeur < -60 mV.
Le spectre de masse de la figure 2 montre que dans cette phase du traitement, il n'y a pratiquement pas de F20 dans l'effluent gazeux.
Après l'instant t4, on continue le traitement mais avec la seule solution aqueuse de soude (sans thiosulfate).
Comme le montre le spectre de masse de la figure 2, la concentration en F20 dans l'effluent gazeux traité s'accroît à nouveau.
Cet exemple montre l'efficacité du procédé de l'invention pour éliminer F20 susceptible de se former.