Compositions d'acier, procédé pour son obtention et pièces fabriquées à partir de ces compositions.
L'invention concerne un acier plus particulièrement destiné à la réalisation de pièces mécaniques pouvant être utilisées dans des conditions d'utilisation sévères, dans des installations nucléaires mais aussi dans les industries tels que l'agro-alimentaire, l'énergie ou la construction mécanique.
En effet, lorsque des pièces mécaniques doivent être soumises à des contraintes d'usage nécessitant une forte résistance à l'usure par abrasion ou érosion, une forte résistance à la corrosion et une bonne tenue à chaud jusqu'à 900°C, les seuls matériaux susceptibles de convenir dans de telles conditions sont les alliages base cobalt. On peut d'ailleurs remarquer que même lorsque seules deux de ces qualités sont requises, il n'existe pas non plus à l'heure actuelle d'alternative satisfaisante à ces alliages.
Hors, les alliages base cobalt posent des problèmes à la fois économiques et techniques. En effet, le cobalt est une matière première onéreuse dont les sources d'approvisionnement sont peu nombreuses. Par ailleurs, cet élément est hautement indésirable dans le milieu du nucléaire car il forme des isotopes à longue durée de vie qui sont libérés par l'usure des pièces et sont une des principales sources d'exposition aux radiations des personnes travaillant dans ces installations. La teneur en cobalt doit donc être limitée au maximum dans les aciers ou alliages qui sont notamment utilisés dans cette industrie pour la réalisation de sièges de vanne.
Le brevet US 3 912 503 décrit des compositions d'aciers inoxydables résistants à l'usure et à la corrosion. Elle comprennent 0,12% en poids de carbone au maximum, 7 à 13% en poids de manganèse, 3 à 5% en poids de silicium, 12 à 19% en poids de chrome, 4 à 12% en poids de nickel, 0,03 à 0,3% en poids d'azote, le complément étant constitué de fer. Ces compositions ont un coefficient de frottement proche de celui des alliages base cobalt mais présentent une dureté à température ambiante de 200 Vickers seulement, dureté qui tombe à 150 Vickers dès 200°C. De plus, leur
ductilité est beaucoup trop grande pour permettre une utilisation pour la réalisation de pièces mécaniques soumises à de fortes contraintes.
Le brevet US 4 814 140 décrit le même type d'acier que le brevet US 3 912 503 et permet d'améliorer la résistance au grippage. Les compositions revendiquées comprennent 0,25% en poids de carbone au maximum, 2 à 7% en poids de manganèse, 1 à 5% en poids de silicium, 12 à 20% en poids de chrome, 2 à 7,75% en poids de nickel, 0,35% en poids d'azote au maximum, le complément étant constitué de fer. Mais, les propriétés mécaniques, parmi lesquelles figurent la ductilité, la dureté à température ambiante et à chaud, sont semblables à celle des compositions du brevet US 3 912 503 et sont donc elles-aussi insuffisantes pour les applications envisagées.
Il existe donc un besoin pour un matériau métallique de substitution aux alliages base cobalt qui en contienne le moins possible, voire pas du tout, mais qui présente l'association des caractéristiques de ce type d'alliage, à savoir une résistance à l'abrasion et à l'usure élevée, une bonne résistance à la corrosion et une bonne dureté à température ambiante et à chaud pour des température allant de 300 à 900°C, en les améliorant si possible. La présente invention a donc essentiellement pour but de mettre à disposition un tel matériau.
A cet effet, un premier objet de l'invention est constitué par une composition d'acier comprenant, exprimés en pourcentages en poids :
C 0,30 - 1,00 %
Si 3,00 - 4,50 %
Mn 7,00 - 10,00 %
Ni 3,50 - 4,50 %
Cr 20,00 - 27,00 %
W 0,50 - 4,50 %
Nb 0 - 2,50 %
Co 0 - 1 ,00 %
N 0,20 - 0,50 %, le complément étant principalement constitué de fer et d'impuretés
inévitables.
Dans un mode de réalisation préféré de l'invention, la composition d'acier comprend, exprimés en pourcentages en poids :
C 0,50 - 0,80 %
Si 3,00 - 4,50 %
Mn 7,00 - 10,00 %
Ni 3,50 - 4,50 %
Çr 24,00 - 26,00 %
W 0,50 - 1,50 %
Nb 0 - 2,50 %
Co 0 - 0,50 %
N 0,20 - 0,50 %. le complément étant principalement constitué de fer et d'impuretés inévitables. Parmi les impuretés inévitables, on citera notamment le soufre et le phosphore qu'il convient de maintenir au plus bas niveau compatible avec le procédé de fabrication ou les matières premières employées.
Les excellentes propriétés observées pour les compositions d'acier selon l'invention sont obtenues grâce à l'équilibrage précis des éléments. Le carbone est présent à une teneur relativement élevée de 0,30 à
1 ,00% en poids. Ceci permet notamment d'obtenir la dureté nécessaire aux pièces mécaniques, en particulier grâce à la formation de précipités de type carbure qui renforce la structure du matériau. Une bonne dureté permet entre autres d'obtenir un acier résistant à l'usure. En fonction des compositions et du traitement thermique appliqué, les duretés obtenues avec les aciers selon l'invention sont comprises entre 350 et 550 Vickers.
Dans un mode de réalisation préféré de l'invention, la teneur en carbone des aciers selon l'invention est comprise entre 0,40 et 0,50% en poids, lorsque les pièces à réaliser ne nécessitent pas une dureté et une résistance à l'usure très élevée. Dans un autre mode de réalisation préféré de l'invention, la teneur en carbone des aciers selon l'invention est comprise entre 0,50 et 0,60% en poids, lorsque les pièces à réaliser nécessitent une dureté et une résistance à l'usure un peu plus élevée. Dans un autre mode
de réalisation préféré de l'invention, la teneur en carbone est comprise entre 0,70 et 0,80% en poids pour des applications dans lesquelles, la dureté et la résistance à l'usure doivent être élevées. On constate donc que l'on peut ajuster ces deux caractéristiques de l'acier en jouant sur cette teneur en carbone, dans certaines limites prédéfinies.
Le silicium est présent à une teneur de 3,00 à 4,50% en poids, de préférence de 3,50 à 4,00% en poids. Il joue un rôle dans l'amélioration du frottement et la résistance au grippage du fait de la formation de film adhérent d'oxyde en surface des pièces. Il a également un rôle favorable dans la résistance à la corrosion.
Le nickel est un élément gammagène qui participe à l'équilibrage de la composition. Il est présent à une teneur de 3,50 à 4,50% en poids et assure aux compositions d'acier une bonne résistance à la corrosion.
Le manganèse est présent à une teneur de 7,00 à 10,00 % en poids. Son rôle est similaire à celui du nickel.
Le chrome est présent en une quantité de 20,00 à 27,00% en poids, de préférence 24 à 26% en poids. Il joue lui-aussi un rôle important dans la bonne résistance contre la corrosion des aciers selon l'invention. On pourra éventuellement remplacer une partie du chrome présent dans la composition par du molybdène sur la base de 1% de molybdène pour 3% de chrome.
Le tungstène est présent en une quantité de 0,50 à 4,50% en poids, de préférence de 0,50 à 1 ,50% en poids. Il permet notamment d'obtenir une bonne tenue à chaud des compositions selon l'invention. Le niobium est présent en une quantité de 0 à 2,5% en poids. C'est un élément carburigene qui contribue à la dureté de la nuance tout en ayant une action favorable sur le tenue à chaud des compositions d'acier.
L'azote est présent en une quantité de 0,20 à 0,50% en poids dans les compositions selon l'invention. Il contribue à l'équilibre de la composition par son influence gammagène, et à la dureté de par sa participation à la formation de carbonitrures de niobium en particulier.
Le cobalt est un élément indésirable dont la teneur est limitée à 1% en poids au maximum, de préférence 0,5% en poids. Sa teneur sera limitée
autant que possible techniquement et sera de façon plus particulièrement préférée réduite à l'état de traces.
Un second objet de l'invention est constitué par un procédé de préparation de pièces mécaniques caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes : a - constitution d'une charge destinée à obtenir une composition chimique selon l'une quelconque des variantes précédemment exposées , b - élaboration de ladite charge, c - mise en forme d'une ébauche de ladite pièce mécanique par moulage, d- usinage de ladite pièce mécanique à partir de l'ébauche, e - en option, traitement thermique d'emploi de ladite pièce mécanique. Dans un mode de réalisation préféré, un procédé de préparation de pièces mécaniques est caractérisé en ce qu'il comprend les étapes suivantes : a - constitution d'une charge destinée à obtenir une composition chimique selon l'une quelconque des variantes précédemment exposées, b - fusion de ladite charge dans un creuset, c - moulage" par centrifugation d'une ébauche de ladite pièce mécanique, et d- usinage de ladite pièce mécanique à partir de l'ébauche, e - en option, traitement thermique d'emploi de ladite pièce mécanique. Ce procédé de moulage par centrifugation est traditionnellement utilisé pour mettre en forme les alliages base cobalt, car il présente de grands avantages. Il consiste à introduire progressivement la masse de métal en fusion dans une chemise chauffée en rotation, de telle sorte qu'une couche très fine de métal, de l'ordre d'un dixième de millimètre se dépose à chaque tour à l'intérieur de la chemise. Chaque couche se solidifie
donc indépendamment des couches précédemment déposées ce qui permet d'obtenir une ébauche à structure fine et isotrope, sans micro-porosités. Les pièces finies obtenues après usinage de l'ébauche sont exemptes de retassures, très résistantes et présentent un très bon état de surface.
Les présents inventeurs ont donc constaté de façon tout à fait surprenante qu'il était parfaitement possible de mouler par centrifugation les pièces mécaniques à réaliser dans les compositions selon l'invention.
Il est cependant bien entendu possible de mouler ces pièces mécaniques en coulée statique, en particulier pour les pièces de grande taille pour lesquelles la centrifugation n'est pas possible en raison de la taille limitée de la chemise chauffée. Le moulage à la cire perdue est lui-aussi tout à fait réalisable.
Quant à la fusion des compositions d'acier, elle peut être réalisée par tout procédé connu, en particulier dans un four à arc.
Les compositions d'acier selon l'invention peuvent notamment se trouver sous trois formes différentes en fonction de leur état thermique. Il s'agit de l'état dit "brut de coulée", de l'état mis en solution à des températures de 1 050 à 1 150°C et de l'état stabilisé obtenu en pratiquant un ou plusieurs traitements de stabilisation de 700 à 900°C sur une pièce à l'état brut de coulée ou à l'état mis en solution.
L'état thermique dépend essentiellement des conditions dans lesquelles la pièce sera utilisée. Ainsi pour une utilisation à chaud, on réalisera de préférence un traitement de stabilisation par vieillissement, comprenant une mise en solution suivie d'un refroidissement lent dans un fluide tel que l'air. Ce traitement permet la formation de précipités dans la matrice de l'acier qui ne variera ensuite plus en dureté ou en dimensions.
Un troisième objet de l'invention est constitué par les pièces mécaniques réalisées dans les compositions et/ou à l'aide des procédés précédemment décrits. On citera en particulier, à titre d'exemples, les sièges de soupape, de vanne, les bagues et disques de frottement, les composants de turbine à gaz, les poinçons et outils de découpe pour travail à chaud, les couteaux et lames de cisaille travaillant à haute température.
ESSAIS
Les symboles utilisés dans la suite ont les significations suivantes : Rm = résistance maximale,
Rpo,2= limite élastique conventionnelle à 0,2% de déformation, A = allongement, Z = striction, HV = dureté Vickers, HRC = dureté Rockwell.
Tous les pourcentages mentionnés sont des pourcentages en poids. Les différents essais ont été réalisés sur une composition d'acier selon l'invention appelée nuance ES dont la composition est la suivante :
C 0,50 % Si 3,50 %
Mn 9,00 %
Ni 4,00 %
Cr 26,00 %
W 1 ,20 % Nb 1 ,50 %)
Co 0,12 %
N 0,25 %, le complément étant constitué de fer.
Les essais ont été réalisés sur des échantillons d'acier se trouvant dans les trois états thermiques précédemment définis, à savoir l'état brut de coulée, l'état mis en solution et l'état stabilisé.
Le matériau de référence de l'art antérieur choisi à titre de comparaison est un alliage base cobalt CoCr29W5, dont la composition est la suivante : C 1 ,10 %
Cr 29,00 %
W 5,00 %, le complément étant constitué de cobalt.
1. Caractéristiques mécaniques à température ambiante
Au moyen des tests classiques bien connus de l'homme du métier, on a déterminé les caractéristiques mécaniques à température ambiante respectives de trois échantillons de la nuance ES dans différents états thermiques et d'un échantillon d'alliage base cobalt. Les résultats sont rassemblés dans le tableau 1.
Tableau 1
1 ) état brut de coulée
2) état mis en solution
3) état stabilisé
On constate que les caractéristiques mécaniques à température ambiante des compositions d'acier selon l'invention sont tout à fait similaires à celles obtenues avec les alliages à base cobalt tel que le CoCr29W5.
2. Dureté à chaud
On a testé des échantillons stabilisés de la nuance ES et de CoCr29W5 pour des températures allant de 100 à 600°C. Les résultats sont rassemblés dans le tableau 2.
Tableau 2
3. Tenue à la corrosion
Trois échantillons de la nuance ES et un échantillon de CoCr29W5 ont été soumis à un essai en brouillard salin suivant la norme NFX 41-002. Les résultats, qui sont rassemblés dans le tableau 3, sont donnés sous la forme d'un nombre correspondant à l'aspect du matériau à l'issue de l'essai:
- 10 correspond à un matériau sans aucune trace de corrosion,
9 correspond à un matériau présentant quelques piqûres dispersées, et
- 8 correspond à un matériau présentant quelques spots autour des piqûres.
Tableau 3
1 ) état brut de coulée 2) état mis en solution
3) état stabilisé
On constate que là-aussi la tenue à la corrosion atteinte par les compositions selon l'invention est du même niveau que celle obtenue avec l'alliage base cobalt. 4. Essais de frottement et de résistance à l'usure
Les essais ont été réalisés sur des échantillons stabilisés de la nuance ES et du CoCr29W5 selon la norme ASTM G99-95a, à l'aide d'un tribomètre de type pion-disque, sous une charge maximale de 10 N, à sec et avec une vitesse linéaire de contact de 0,1 m/s pour une distance totale parcourue de 1008 m. Les résultats sont rassemblés dans le tableau 4.
Tableau 4
On constate tout d'abord que le coefficient de frottement des nuances selon l'invention est similaire à celui du CoCr29W5. Par contre, le taux d'usure de ces mêmes compositions est deux fois moindre que celui du CoCr29W5, ce qui est tout à fait surprenant.
On notera également la grande reproductibilité des essais lorsqu'ils portent sur les nuances selon l'invention, contrairement à ce qui se produit avec l'alliage base cobalt. Cette caractéristique peut notamment s'avérer avantageuse pour l'élaborateur lorsqu'il doit fournir les caractéristiques d'une pièce ou d'un produit semi-fini, car il n'est alors pas nécessaire d'effectuer plusieurs essais pour déterminer le coefficient de frottement et/ou le taux d'usure.
Outre les qualités venant d'être mentionnées, on remarquera également que les aciers selon l'invention sont amagnétiques pour les états brut de coulée et mis en solution, ce qui permet leur utilisation pour certaines pièces sensibles, comme les pièces pour sous-marins, notamment.
Il va de soi que les formes de réalisation de l'invention qui ont été décrites ci-dessus ont été données à titre purement indicatif et nullement limitatif, et que de nombreuses modifications peuvent être facilement apportées par l'homme de l'art sans pour autant sortir du cadre de l'invention.