La présente invention concerne les procédés ou dispositifs
de détection ou de mesure de gaz dans lesquels on génère un flux
d'électrons dans une enceinte à vide à partir d'une cathode à
émission de champ comprenant un réseau de micropointes émettrices
d'électrons associées à une grille. Les électrons sont envoyés dans
une cage d'ionisation en présence du gaz à analyser et génèrent un
flux d'ions qui est ensuite analysé par un dispositif de traitement
tel qu'un spectromètre de masse.
Comme générateur d'électrons, on a développé depuis
quelques années des cathodes à émission de champ à micropointes
émettrices d'électrons, dans lesquelles des micropointes
conductrices de l'électricité sont réalisées sur un substrat
conducteur approprié et encastrées dans des cavités d'une couche
isolante recouvrant le substrat, avec leur extrémité venant en
affleurement d'une grille polarisée positivement et comportant des
ouvertures au regard de chaque cavité. La forme acérée des sommets
des micropointes produit un effet d'amplification locale de champ
électrique qui favorise l'émission des électrons à température
ambiante et permet d'obtenir cette émission à partir d'une tension
de seuil de l'ordre de 50 à 100 volts en fonction de la
constitution du réseau de micropointes. Un spectromètre de masse
associé à une cathode froide à émission de champ à micropointes est
décrit dans le document EP 0 884 762 A. Une seconde cathode ayant
un filament à émission thermique permet d'améliorer l'analyse des
gaz en disposant de deux spectres pour lever les ambiguïtés.
Parmi les moyens de génération d'un flux d'électrons dans
une enceinte à vide, les cathodes à émission de champ, ou cathodes
froides, présentent des avantages substantiels par rapport aux
sources traditionnelles constituées par un filament de tungstène
chauffé à une température de 1 000 à 2 000°C.
Notamment, les cathodes à émission de champ présentent un
très bon rendement énergétique, par le fait que les micropointes
permettent d'émettre les électrons à partir de la température
ambiante, alors que les filaments de tungstène nécessitent un
apport d'énergie électrique de chauffage important pour amener le
filament à une température permettant l'émission d'électrons par
effet thermoélectronique ; les ordres de grandeur des puissances
mises en jeu sont d'environ 10 watts pour un filament chauffé, à
comparer à environ 0,2 watts pour une cathode à émission de champ.
Les cathodes à émission de champ présentent également
l'avantage d'une grande rapidité de réaction, aussi bien en début
d'émission qu'en fin d'émission d'électrons ; il est ainsi possible
de les désactiver instantanément, contrairement à un filament de
tungstène dont la température et les propriétés émissives
correspondantes ne baissent que lentement à cause de son inertie
thermique.
Les cathodes à émission de champ présentent également
l'avantage de générer un faisceau d'électrons directif, tous les
électrons étant émis perpendiculairement à la surface du réseau de
micropointes, contrairement à un filament pour lequel les électrons
sont émis dans toutes les directions autour du filament.
L'absence de dissipation thermique est un autre avantage
des cathodes à émission de champ, évitant de perturber les circuits
électroniques environnants qui sont sensibles à la température.
Les cathodes à émission de champ fonctionnent correctement
lorsque la pression résiduelle gazeuse régnant à l'intérieur de
l'enceinte à vide est inférieure à 10-5 hPa environ. Mais la
réalisation et le maintien d'une pression résiduelle suffisamment
basse dans l'enceinte à vide nécessitent des moyens de pompage
appropriés, et surtout un temps de pompage suffisamment long. Cela
constitue un inconvénient dans les applications pour l'analyse ou
la détection des gaz, dans lesquelles le dispositif de génération
d'électrons est utilisé dans une enceinte où l'on réalise un vide
intermittent : il est nécessaire d'attendre l'obtention du vide
suffisamment poussé avant de procéder à l'analyse ou à la mesure.
Il y a donc un besoin pour fonctionner à des pressions
résiduelles gazeuses supérieures à 10-5 hPa, qui peuvent être
réalisées en des temps plus courts et avec des moyens plus simples.
Cependant, pour une tension de polarisation donnée entre
la cathode et la grille, le flux d'électrons produit par les
cathodes à émission de champ décroít à mesure qu'augmente la
pression résiduelle gazeuse dans l'enceinte à vide. On sait qu'a
priori l'augmentation de pression résiduelle gazeuse dans
l'enceinte à vide nécessite, pour l'obtention d'un flux donné
d'électrons, d'augmenter la tension de polarisation de la cathode.
Ainsi, pour compenser une baisse de productivité de flux
d'électrons en présence d'une haute pression résiduelle gazeuse,
les dispositifs de détection ou de mesure de gaz augmentent
généralement la tension de polarisation de grille. On constate
toutefois que la durée de vie des cathodes à émission de champ
décroít très rapidement à mesure qu'augmente la pression résiduelle
gazeuse dans l'enceinte à vide. Lors d'un fonctionnement de la
cathode à émission de champ dans une atmosphère à pression
résiduelle supérieure à 10-5 hPa, on constate l'apparition
progressive de dégradations localisées par claquage entre les
micropointes et la grille, avec un risque important de claquage
généralisé et d'explosion par suite de la fusion des micropointes.
Le problème proposé par la présente invention est de
concevoir un moyen de réduction des risques de claquage des
cathodes à émission de champ utilisées dans les dispositifs de
détection ou de mesure de gaz, pour une géométrie donnée de réseau
de micropointes et pour un flux donné d'électrons émis.
La présente invention résulte de l'observation surprenante
selon laquelle les risques de claquage, à flux constant d'électrons
émis, diminuent sensiblement lorsqu'on chauffe les micropointes de
la cathode à émission de champ.
Ce résultat paraít surprenant, dès lors qu'un échauffement
augmente l'agitation moléculaire et est a priori susceptible
d'augmenter les risques de claquage ; de même, un échauffement
volontaire des micropointes paraít a priori cumulatif avec
l'échauffement résultant de microclaquages localisés.
Ainsi, la présente invention met à profit cette
observation pour résoudre le problème du claquage des cathodes à
émission de champ travaillant à des pressions supérieures à 10-5
hPa, en proposant un dispositif de détection ou de mesure de gaz,
comprenant une enceinte à vide contenant une anode formant cage
d'ionisation pour générer un flux de sortie d'ions, un dispositif
de traitement pour la discrimination et la mesure des ions du flux
de sortie d'ions, et une cathode à émission de champ à réseau de
micropointes émettrices d'électrons associées à une grille et
générant un flux d'entrée d'électrons dans l'anode, et comprenant
des moyens de chauffe pour amener et maintenir les micropointes à
une température supérieure à la température ambiante pendant
l'émission d'électrons.
Les moyens de chauffe peuvent avantageusement être adaptés
pour amener et maintenir les micropointes à une température
supérieure à 300°C environ pendant l'émission d'électrons.
De bons résultats ont été obtenus en amenant et en
maintenant les micropointes à une température comprise entre 300°C
et 400°C environ pendant l'émission d'électrons.
Selon un mode de réalisation avantageux, les micropointes
sont portées par un substrat incorporant les moyens de chauffe.
Par exemple, les moyens de chauffe sont des éléments
électriquement résistifs logés dans le substrat à proximité des
micropointes et connectables à une source d'énergie électrique.
Un tel dispositif de génération d'électrons peut
fonctionner avec une cathode à émission de champ logée dans une
enceinte à vide où règne une pression résiduelle gazeuse supérieure
à 10-5 hPa.
Le dispositif de traitement peut par exemple être un
spectromètre de masse.
L'augmentation de la température des micropointes, à une
température comprise entre 300°C et 400°C environ, a permis de
conserver un même flux d'électrons avec une tension de polarisation
plus basse, évitant le claquage de la cathode. On a ainsi pu
atteindre, avec une même géométrie de cathode à émission de champ,
une pression résiduelle gazeuse de 10-4 hPa dans l'enceinte à vide.
Ainsi, l'invention prévoit un procédé de détection ou de
mesure de gaz, utilisant une enceinte à vide contenant une anode
formant cage d'ionisation pour générer un flux de sortie d'ions, un
dispositif de traitement pour la discrimination et la mesure des
ions du flux de sortie d'ions, et une cathode à émission de champ à
réseau de micropointes émettrices d'électrons associées à une
grille et générant un flux d'entrée d'électrons dans l'anode, et
dans lequel les micropointes sont portées à une température
supérieure à la température ambiante, de préférence supérieure à
300°C, par exemple comprise entre 300°C et 400°C environ.
Dans un tel procédé de détection ou de mesure de gaz, on
réalise généralement dans l'enceinte un vide intermittent.
D'autres objets, caractéristiques et avantages de la
présente invention ressortiront de la description suivante de modes
de réalisation particuliers, faite en relation avec les figures
jointes, parmi lesquelles:
- la figure 1 est une vue schématique montrant un dispositif de
génération d'électrons par cathode à émission de champ selon un
mode de réalisation de la présente invention, appliqué à la
réalisation d'un spectromètre de masse pour analyse ou détection
d'un gaz ; et
- la figure 2 est une vue schématique en coupe d'une cathode à
émission de champ selon un mode de réalisation particulier de la
présente invention.
En se référant à la figure 2, une cathode à émission de
champ 1 selon un mode de réalisation de la présente invention
comprend un support en céramique 2 portant un substrat 3, par
exemple en silicium ou autre matériau approprié et conducteur de
l'électricité. La face active 30 du substrat 3 porte un réseau de
micropointes telles que les micropointes 4 à 7, logées dans des
cavités correspondantes 8 à 11 prévues dans une couche isolante 12,
par exemple en oxyde de silicium, dont la face extérieure est
recouverte d'un matériau conducteur formant une grille 13 percée au
droit des cavités 8 à 11. Les pointes des micropointes 4-7 viennent
en affleurement de la surface de grille 13.
La dimension des cavités 8 à 11, et donc la dimension des
micropointes 4 à 7, est de l'ordre du micron en hauteur et en
largeur. On réalise généralement des réseaux de micropointes dont
la densité est de l'ordre de 10 000 à 100 000 micropointes par mm2.
En se référant maintenant à la figure 1, la cathode à
émission de champ 1 est logée dans une enceinte à vide 14, et l'on
distingue à nouveau le support 2, le substrat 3 et la grille 13. La
grille 13 est polarisée positivement par rapport au substrat 3 par
un générateur électrique de polarisation de grille 15.
La cathode à émission de champ 1 est associée à une anode
16 en forme de boíte à parois en matériau amagnétique formant cage
de Faraday et constituant une cage d'ionisation. L'anode 16
comprend une fente d'entrée 17 pour la pénétration des électrons
provenant de la cathode à émission de champ 1, et une lumière 18
d'extraction des ions formés dans la cavité intérieure de l'anode
16. La flèche 19 représente le flux d'entrée d'électrons dans
l'anode 16, et la flèche 20 illustre le flux de sortie des ions
hors de l'anode 16. Le flux de sortie 20 d'ions est envoyé à un
dispositif de traitement 21, schématiquement représenté, comprenant
des moyens de discrimination et de mesure des ions contenus dans le
flux de sortie 20 d'ions, par exemple un spectromètre de masse.
L'anode 16 est polarisée positivement par rapport à la
grille 13 par un générateur électrique de polarisation d'anode 22.
L'enceinte à vide 14 est formée d'une paroi périphérique
étanche ayant une sortie d'extraction 23 reliée à une pompe à vide,
et une entrée 24 par laquelle on fait pénétrer un gaz à analyser.
Ainsi, le dispositif illustré sur la figure 1 constitue un appareil
de détection ou de mesure de gaz.
Le flux d'électrons 19 dépend à la fois de la tension de
polarisation de grille assurée par le générateur électrique de
polarisation de grille 15, et de la pression résiduelle de gaz
présente dans l'espace intérieur de l'enceinte à vide 14.
Selon l'invention, on chauffe les micropointes de la
cathode à émission de champ 1, à une température supérieure à la
température ambiante pendant l'émission de la cathode à émission de
champ 1, de façon à réduire la tension de polarisation de grille
nécessaire à l'obtention d'un flux d'électrons 19 donné, pour une
pression résiduelle donnée de gaz dans l'enceinte à vide 14.
Autrement dit, pour une tension de polarisation de grille donnée et
un flux d'électrons de sortie donné, l'invention permet d'augmenter
la pression résiduelle de gaz à l'intérieur de l'enceinte à vide
14, réduisant ainsi les risques de claquage de la cathode à
émission de champ 1, et augmentant sa durée de vie, ou permettant
un fonctionnement à des pressions résiduelles supérieures. En
particulier, dans les conditions habituelles d'utilisation, il peut
régner dans l'enceinte 14 un vide intermittent, c'est-à-dire une
succession d'étapes à vide suffisant pour le fonctionnement des
moyens d'analyse ou de mesure de gaz, et d'étapes à pression plus
élevée par exemple pour l'introduction d'un objet à tester ou pour
le raccordement à un conteneur du gaz à analyser. L'invention
permet d'accélérer les analyses ou mesures, en autorisant le
fonctionnement correct et fiable sans attendre qu'un vide très
poussé soit atteint dans l'enceinte à vide 14.
On a représenté, sur la figure 2, un mode de réalisation
particulier des moyens de chauffe permettant d'amener et de
maintenir les micropointes 4 à 7 à une température appropriée
pendant l'émission d'électrons. Par exemple, ces moyens de chauffe
sont des éléments électriquement résistifs 25, 26, 27 et 28 isolés
électriquement et logés dans le substrat 3 à proximité des
micropointes 4 à 7, et connectables à une source d'énergie
électrique.
En alternative, les moyens de chauffe peuvent être des
éléments électriquement résistifs logés dans le support 2 du
substrat 3 et connectables à une source d'énergie électrique.
La source d'énergie électrique peut être un générateur de
courant de chauffage 29 distinct illustré sur la figure 2. En
alternative, on peut utiliser comme source d'énergie électrique le
générateur électrique de polarisation de grille 15, aux bornes
duquel sont connectés directement les éléments électriquement
résistifs 25-28.
La présente invention n'est pas limitée aux modes de
réalisation qui ont été explicitement décrits, mais elle en inclut
les diverses variantes et généralisations qui sont à la portée de
l'homme du métier.