L'invention concerne un procédé de délignification d'une
pâte à papier chimique. Elle concerne particulièrement un
procédé pour améliorer la sélectivité d'une telle opération de
délignification.
Il est connu de traiter les pâtes à papier chimiques écrues
obtenues par cuisson de matières cellulosiques en présence de
réactifs chimiques au moyen d'une séquence d'étapes de traitement
délignifiant et blanchissant impliquant la mise en oeuvre de
produits chimiques oxydants. La première étape d'une séquence
classique de blanchiment de pâte chimique a pour objectif de
parfaire la délignification de la pâte écrue telle qu'elle se
présente après l'opération de cuisson. Cette première étape
délignifiante est traditionnellement réalisée en traitant la pâte
écrue par du chlore en milieu acide ou par une association chlore
- dioxyde de chlore, en mélange ou en séquence, de façon à réagir
avec la lignine résiduelle de la pâte et donner naissance à des
chlorolignines qui pourront être extraites de la pâte par solubilisation
de ces chlorolignines en milieu alcalin dans une étape
de traitement ultérieure.
Ainsi, selon FR-A-1 014 536 une pâte de bois chimique est
traitée d'abord avec un hypochlorite et ensuite avec un peracide
à de basses températures.
Pour des raisons diverses, il s'avère utile, dans certaines
situations, de pouvoir remplacer cette première étape délignifiante
par un traitement qui ne fasse plus appel à un réactif
chloré. Le blanchiment décrit dans FR-A-1 014 536 peut
éventuellement être effectué en une seule étape avec le peracide.
On a aussi proposé de traiter les pâtes chimiques par une
première étape à l'acide peracétique à des températures supérieures
à 50° C et des pH compris entre 3 et 9 (Bailey C.W. et
Dence C.W., "Peroxyacetic Acid Bleaching of Chemical Pulps",
Tappi, Janvier 1966, Vol. 49, No. 1, pages 9 à 15). Dans ce
procédé connu, il apparaít toutefois que le traitement à l'acide
peracétique donne lieu à des pâtes de viscosité et de propriétés
mécaniques moins bonnes que les pâtes délignifiées par une étape
traditionnelle au chlore en milieu acide par suite d'une sélectivité
de délignification moins élevée qui se traduit par une
attaque plus marquée des chaínes de la cellulose.
JP-A-57 21591 divulgue un procédé de blanchiment dans lequel
on effectue une étape Paa, et on ajoute au milieu issu de cette
étape de l'hydroxyde de sodium pour activer le peroxyde résiduel,
sans effectuer un lavage entre les étapes Paa et Ep.
L'invention vise à remédier aux inconvénients des procédés
connus en fournissant un procédé qui réalise une délignification
efficace de la pâte chimique écrue assortie d'une sélectivité
élevée qui permette l'obtention de pâtes présentant de hautes
qualités intrinsèques.
A cet effet, l'invention concerne un procédé pour l'amélioration
de la sélectivité de la délignification d'une pâte à
papier chimique au moyen d'un peroxyacide organique selon lequel
on traite la pâte écrue provenant de l'opération de cuisson par
une solution aqueuse de ce peroxyacide organique à une température
comprise entre 2 et 47° C.
Selon l'invention, par pâte à papier chimique, on entend
désigner les pâtes ayant subi un traitement délignifiant en
présence de réactifs chimiques tels que le sulfure de sodium en
milieu alcalin (cuisson kraft ou au sulfate), l'anhydride
sulfureux ou un sel métallique de l'acide sulfureux en milieu
acide (cuisson au sulfite). Les pâtes semi-chimiques telles que
celles où la cuisson a été réalisée à l'aide d'un sel de l'acide
sulfureux en milieu neutre (cuisson au sulfite neutre encore
appelée cuisson NSSC) ou encore celles obtenues par traitement à
la soude caustique à froid suivi d'un défibrage mécanique peuvent
aussi être blanchies et/ou délignifiées par le procédé selon
l'invention.
Celle-ci s'adresse particulièrement aux pâtes ayant subi une
cuisson kraft et dont la teneur en lignine résiduelle après
cuisson se situe dans la plage d'indices kappa compris entre 8 et
40 (ou encore ayant un nombre permanganate compris entre 5 et 30)
selon le type d'essence de bois dont elles proviennent et
l'efficacité du processus de cuisson. Tous les types de bois
utilisés pour la production de pâtes chimiques conviennent pour
la mise en oeuvre du procédé de l'invention et, en particulier
ceux utilisés pour les pâtes kraft, à savoir les bois résineux
comme, par exemple, les diverses espèces de pins et de sapins et
les bois feuillus comme, par exemple, l'eucalyptus, le hêtre, le
chêne et le charme.
Selon l'invention, le peroxyacide organique est sélectionné
parmi les peroxyacides aliphatiques carboxyliques comportant un
seul groupement percarboxylique et une chaíne alkyle saturée
linéaire ou ramifiée de moins de 11 atomes de carbone. Les
peroxyacides carboxyliques aliphatiques à chaíne alkyle saturée
linéaire comportant moins de 6 atomes de carbone sont préférés.
Des exemples de tels peroxyacides sont l'acide performique,
l'acide peracétique, l'acide perpropanoïque, l'acide
n-perbutanoïque et l'acide n-perpentanoïque. L'acide peracétique
est particulièrement préféré en raison de son efficacité et de
ses bonnes propriétés biodégradables.
Dans une variante au procédé selon l'invention, le peroxyacide
organique est sélectionné parmi les diperoxyacides
carboxyliques comportant une chaíne alkyle linéaire ou ramifiée
de moins de 16 atomes de carbone et deux groupements percarboxyliques
substitués sur des atomes de carbone situés en position
alpha-omega l'un par rapport à l'autre. Des exemples de tels
peroxyacides sont l'acide 1,6-diperoxyhexanedioïque, l'acide
1,8-diperoxyoctanedioïque et l'acide 1,10-diperoxydécanedioïque,
et l'acide 1,12-diperoxydodécanedioïque.
Dans une autre variante au procédé selon l'invention, le
peroxyacide organique est sélectionné parmi les peroxyacides
aromatiques comportant au moins un groupement percarboxylique par
noyau benzénique. De préférence, on choisira les peroxyacides
aromatiques qui ne comportent qu'un seul groupement percarboxylique
par noyau benzénique. Un exemple d'un tel acide est
l'acide peroxybenzoïque.
Une autre variante au procédé selon l'invention consiste à
choisir un peroxyacide organique substitué par un ou plusieurs
atomes d'halogène ou par tout autre substituant fonctionnel
organique. Par tout autre substituant fonctionnel organique, on
entend désigner un groupement fonctionnel tel que le groupement
carbonyle (cétone, aldéhyde ou acide carboxylique), le groupement
alcool, les groupements contenant de l'azote tels que les
groupements nitrile, nitro, amine et amide, les groupements
contenant du soufre tels que les groupements sulfo et mercapto.
Le peroxyacide peut indifféremment être mis en oeuvre à
l'état d'une solution aqueuse de peroxyacide ou encore sous forme
d'un sel d'ammonium, de métal alcalin ou de métal alcalinoterreux
de ce peroxyacide.
De préférence, le traitement avec le peroxyacide organique
s'effectue à une température comprise entre 35 et 45° C.
Généralement, on effectue le traitement avec le peroxyacide
organique à pression atmosphérique. La durée de ce traitement
dépend de la température et de l'essence du bois ayant servi à
préparer la pâte, ainsi que de l'efficacité de la cuisson qui a
précédé. Des durées d'environ 120 minutes à environ 240 minutes
conviennent bien, et il est même possible de dépasser cette
limite d'environ 100 % sans risquer de dégradation substantielle
des propriétés de résistance mécanique de la pâte. Lorsque la
température du traitement est élevée, c'est-à-dire supérieure à
45° C, il est possible d'utiliser des durées plus courtes
comprises entre environ 45 minutes à environ 120 minutes. Le
traitement selon l'invention peut se faire dans tout type
d'appareillage approprié pour le traitement de pâte à papier au
moyen de réactifs acides. La cuve de rétention de la pâte écrue
présente dans toutes les installations de blanchiment et jouant
le rôle de réservoir tampon entre l'unité de cuisson du bois et
l'unité de blanchiment de la pâte convient particulièrement bien
pour la réalisation du procédé selon l'invention. La pâte peut
ainsi y être traitée pendant son stockage sans nécessiter
l'investissement d'un appareil spécifique onéreux. La faculté de
pouvoir dépasser sans danger la durée normale du traitement est
particulièrement bien adaptée au rôle de tampon de stockage de la
cuve de rétention.
La consistance de l'étape de traitement par le peroxyacide
organique sera généralement choisie entre 2 et 40 % de matières
sèches et, le plus souvent, entre 10 et 40 %. On préfère les
consistances élevées, par exemple celles comprises entre 20 et
40 %.
Dans le procédé selon l'invention, la quantité de peroxyacide
organique utilisée est choisie en fonction du taux de
lignine résiduelle dans la pâte ainsi que de la durée moyenne du
traitement. Généralement, des quantités comprises entre 0,5 et
4 % en poids de peroxyacide par rapport à la pâte sèche
conviennent bien. Le plus souvent, on utilisera une quantité de
peroxyacide ne dépassant pas 3 % en poids par rapport à la pâte
sèche et supérieure à 1 % de ce poids.
Il peut être intéressant, en variante, de faire précéder le
traitement par le peroxyacide organique par une étape de
prétraitement décontaminant au moyen d'une solution aqueuse
acide. Cette étape a pour but d'extraire de la pâte les
impuretés présentes sous forme d'ions métalliques qui sont
nuisibles au bon déroulement des opérations de blanchiment et/ou
de délignification. Tous les acides inorganiques ou organiques
utilisés en solution aqueuse, seuls ou en mélange conviennent.
Les acides forts inorganiques tels que, par exemple, l'acide
sulfurique ou l'acide chlorhydrique conviennent bien.
Il est avantageux que le prétraitement décontaminant acide
soit en outre réalisé en présence d'un agent complexant des ions
métalliques. A cette fin, des mélanges des acides forts
inorganiques cités plus haut avec des acides organiques de la
classe des acides aminopolycarboxyliques ou aminopolyphosphoniques
ou leurs sels de métaux alcalins conviennent
particulièrement bien. Des exemples d'acides aminopolycarboxyliques
adéquats sont l'acide diéthylènetriaminepentaacétique,
l'acide éthylènediaminetétraacétique, l'acide cyclohexanediaminetétraacétique
et l'acide nitrilotriacétique.
L'acide diéthylènetriaminepentaacétique (DTPA) est préféré. Des
exemples d'acides aminopolyphosphoniques sont l'acide diéthylènetriaminepentaméthylènephosphonique
(DTMPA), l'acide éthylènediaminetétra(méthylènephosphonique),
l'acide cyclohexanediaminetétraméthylènephosphonique
(CDTMPA) et l'acide nitrilotri(méthylènephosphonique).
Le DTMPA est préféré.
Les conditions opératoires du prétraitement décontaminant
acide ne sont pas critiques. Elles doivent être déterminées dans
chaque cas particulier en fonction du type de pâte à papier et de
l'appareillage dans lequel s'effectue le traitement. D'une
manière générale, il convient de fixer le choix de l'acide et la
quantité mise en oeuvre pour imposer au milieu un pH inférieur à
7, par exemple compris entre environ 1 et environ 6,5. Des pH
spécialement avantageux sont ceux compris entre environ 2,0 et
environ 5,0. La température et la pression ne sont pas
critiques, la température ambiante et la pression atmosphérique
convenant généralement bien. La durée du prétraitement peut
varier dans de larges proportions selon le type d'équipement
utilisé, le choix de l'acide, la température et la pression, par
exemple de 15 minutes environ à plusieurs heures.
On peut aussi remplacer le prétraitement décontaminant par
l'incorporation dans l'étape de délignification au peroxyacide
elle-même d'un ou plusieurs agents complexants des ions métalliques.
Ces derniers sont choisis parmis les mêmes agents
complexants que ceux décrits plus haut pour l'étape de
pétraitement décontaminant.
Dans une autre variante au procédé selon l'invention, on
peut, si l'on désire obtenir de hauts niveaux de blancheur, faire
suivre le traitement avec un peroxyacide par une séquence
d'étapes de blanchiment traditionnelles impliquant ou non des
réactifs chlorés. Des exemples de telles étapes sont les
suivantes : étapes à l'oxygène gazeux ou à l'ozone, étapes au
peroxyde d'hydrogène alcalin en présence ou non d'oxygène gazeux,
étapes au dioxyde de chlore ou à l'hypochlorite de sodium,
extractions alcalines à la soude caustique.
Les exemples qui suivent sont donnés dans le but d'illustrer
l'invention, sans pour autant en limiter sa portée.
Exemples :
Les mesures effectuées dans les exemples décrits ci-après
ont été effectuées selon les normes qui suivent :
- Indice kappa : TAPPI Method T236, CM85.
- Viscosité : TAPPI Method T230, OM89.
Un échantillon de pâte kraft de pin Ponderosa d'indice kappa
de 28,4 et de viscosité de 32,1 mPs a été soumis à une étape de
délignification au moyen d'une solution aqueuse d'acide
peracétique suivie d'une étape d'extraction alcaline en présence
de peroxyde d'hydrogène (séquence Paa Ep).
Quatre essais ont été réalisés, deux dans les conditions de
température et durée de l'art antérieur, notes exemples 1R et 2R,
et deux dans les conditions de l'invention (notés exemples 3 et
4). L'exemple 1R, contrairement aux trois autres exemples, n'a
pas comporté de lavage à l'eau de la pâte entre l'étape de
traitement à l'acide peracétique et l'étape d'extraction
alcaline. Le peroxyde d'hydrogène présent dans l'étape
d'extraction alcaline de l'exemple 1R provient par ailleurs du
peroxyde d'hydrogène résiduaire de l'étape à l'acide peracétique
qui a précédé. Dans l'exemple 4, on a, selon l'invention, fait
précéder l'étape à l'acide peracétique par un prétraitement acide
au moyen d'acide diéthylènetriaminepentaacétique ou DTPA
(étape Q).
Dans chacun de ces essais, on a mis en oeuvre 2,0 g d'acide
peracétique pour 100 g de pâte sèche. L'acide peracétique
employé était une solution aqueuse de qualité commerciale et
contenait du peroxyde d'hydrogène à l'équilibre avec l'acide
peracétique (2,6 g d'H2O2 pour 100 g de pâte sèche).
Les conditions opératoires et les résultats obtenus figurent
au tableau qui suit.
Ex. No | Etape | Réactifs chimiques, % | Durée min | Température °C | Indice kappa | Viscosité mPs |
| | PAA | H2O2 | NaOH | DTPA |
1R | Paa | 2,0 | 2,6 | | | 60 | 70 | 24,0 |
Ep | | 2,0 | 5,4 | | 60 | 60 | 17,8 | 19,5 |
2R | Paa | 2,0 | 2,6 | | | 60 | 70 | 24,0 |
Ep | | 0,5 | 3,0 | | 60 | 75 | 16,5 | 19,4 |
3 | Paa | 2,0 | 2,6 | | | 240 | 38 | 22,9 |
Ep | | 0,5 | 3,0 | | 60 | 75 | 16,4 | 24,4 |
4 | Q | | | | 0,3 | 15 | 45 |
Paa | 2,0 | 2,6 | | | 120 | 45 | 25,3 |
Ep | | 0,5 | 2,0 | | 60 | 75 | 15,2 | 29,3 |
Par rapport à la pâte écrue, les résultats de délignification
et de perte de viscosité après l'étape d'extraction
alcaline sont les suivants :
Exemple | Délignification, % | Perte de viscosité, % |
1R | 37,3 | 39,2 |
2R | 41,9 | 39,6 |
3 | 42,2 | 24,0 |
4 | 46,5 | 8,7 |