PROCÉDÉ DE FABRICATION D ' UN RESSORT POUR PIÈCE D ' HORLOGERIE
La présente invention se rapporte à un procédé de fabrication d'un ressort pour pièce d'horlogerie qui comporte au moins un ruban monolithique en verre métallique comprenant au moins une courbure.
On a déjà proposé dans le document EP 0 942 337 une montre comprenant un ressort moteur en métal amorphe. En réalité, seule une lame formée d'un stratifié en métal amorphe assemblé avec de la résine époxy est décrite dans ce document. En variante, un assemblage de lames par soudage par points des deux extrémités et du point d' inflexion de la forme libre du ressort a été proposé.
Le problème majeur d'une telle lame est le risque élevé de délaminage du stratifié lors de sa mise en forme et suite aux armages et aux désarmages répétés auquel un tel ressort est soumis. Ce risque est d'autant plus accentué que la résine vieillit mal et perd ses propriétés.
Cette solution ne permet pas de garantir la fonctionnalité et le comportement en fatigue du ressort. En outre, la modélisation de la forme théorique du ressort proposée ne prend pas en compte le comportement d' un matériau stratifié .
L'utilisation de plusieurs lames minces assemblées est due à la difficulté d'obtenir des lames en verre métallique épaisses, les procédés que l'on connaît, développés dans les années 1970 pour des rubans amorphes utilisés pour leurs propriétés magnétiques, ne permettant de fabriquer que des rubans jusqu'à une trentaine de microns par trempe rapide.
La demande internationale publiée sous le numéro WO 2007/038882 décrit un matériau composite composé d'une matrice amorphe sensiblement continue comprenant des particules de graphite. Ce matériau composite est censé
pouvoir être utilisé pour fabriquer en particulier des ressorts, cependant, aucune indication n'est donnée quant au procédé de . fabrication de tels ressorts. De plus, la taille des particules dispersées dans la matrice du composite est du même ordre de grandeur que l'épaisseur typique de ressorts horlogers, ce qui soulève des doutes sur l'utilisation d'un tel composite pour cette application.
Le brevet étasunien n° US 5 772 803 concerne un objet comprenant un ressort de torsion pouvant être obtenu par refroidissement à une vitesse inférieure à 500°C/s d'un alliage métallique liquide afin d'obtenir un alliage métallique amorphe massif, puis mise en forme de cet alliage. La seule mise en forme mentionnée dans ce document est un coulage dans un moule. Il se trouve que le coulage d'un alliage à hautes performances mécaniques, notamment à haute limite élastique, produit des rubans qui sont fragiles en flexion dans les dimensions nécessaires pour réaliser un ressort de barillet.
Le brevet français n° FR 1 553 876 a pour objet un dispositif et un procédé pour la fabrication de spiraux d'horlogerie. La nature des bandes utilisées pour la fabrication de ces spiraux n'est pas indiquée dans ce document. Vu l'ancienneté du document, on peut supposer qu'il s'agit d'un alliage métallique polycristallin pour ressorts spiraux autocompensateurs de type Invar®, comme l'alliage Nivarox® (alliage de base FeNi) .
Le brevet américain n° US 3 624 883 a trait à un procédé de fabrication d'un ressort enroulé en spirale et fixé à une virole comprenant la fixation d'un ruban à une virole puis l'entraînement en rotation de cette dernière et la soumission de l'ensemble à un traitement thermique pour figer le ruban dans sa position enroulée. La nature du ruban n'est pas indiquée dans ce document. Ce brevet revendiquant une
priorité datée de 1968, et compte tenu de la description, il est vraisemblable que le ruban était en alliage métallique polycristallin pour ressorts spiraux (hair spring) du même type que celui décrit dans le brevet français n° FR 1 553 876 cité plus haut. Il est connu de l'homme du métier que le rôle et donc les propriétés du ressort spiral sont bien différents de celui du ressort moteur ou ressort de barillet.
L'application de la. technique précitée à des verres métalliques ne va donc pas de soi du fait des grandes différences existant entre un alliage métallique cristallin et un alliage métallique amorphe appelé « verre métallique ».
Comme indiqué dans la partie « Backgroud of the invention » de la demande internationale précitée n° WO 2007/038882, les verres métalliques massifs sont fragiles et par conséquent, leur déformation plastique à température ambiante est fortement déconseillée.
De même, dans leur article intitulé "Déformation behavior of the Zr4i.2 ii3.8Cui2.5NiioBe22. 5 bulk metallic glass over a wide range of strain-rates and températures Acta Materialia 51, 3429-3443 (2003), les auteurs J. Lu et al. déclarent " In spite of their metallic bonding, ail the metallic glasses discovered so far exhibit shear localization at room température, leading to catastrophic shear failure immediately following yield" (cf. p. 3430, 2eme paragraphe) .
La déformation plastique d'un alliage métallique amorphe n'est possible que par la création de bandes de glissement. Ce mécanisme de déformation est totalement différent de celui des alliages métalliques cristallins. Une déformation plastique d'un alliage métallique amorphe est généralement non- désirée, car elle se traduit par une rupture rapide de la pièce sollicitée.
Il apparaît donc clairement à l'homme du métier que la limite élastique est une limite à ne pas franchir sous peine
d'endommager le matériau. Par conséquent, pour l'homme du métier, toute .déformation plastique d'un verre métallique massif est à proscrire.
Une autre différence fondamentale entre un alliage polycristallin multiphasé comme le Nivaflex® (alliage pour ressorts hautes performances de base CoNiCr) et un alliage métallique amorphe est que, pour pouvoir atteindre ses propriétés mécaniques maximales, l'alliage Nivaflex® doit être durci par écrouissage et par précipitation de phases lors d'un traitement thermique. Dans le cas d'un alliage métallique amorphe, on obtient ses caractéristiques mécaniques lors de la solidification et ses propriétés mécaniques ne peuvent pas être améliorées par une déformation plastique et/ou un traitement thermique subséquent. Ainsi, il est nécessaire d'appliquer un traitement thermique aux ressorts de barillet en Nivaflex® pour obtenir les propriétés mécaniques voulues, ce qui n'est pas le cas pour un ressort en verre métallique.
Exposé sommaire de l'invention
Les inventeurs ont découvert avec surprise qu' il était possible de faire subir une déformation plastique à un ruban de verre métallique, et de l'utiliser industriellement avec sa déformation plastique, notamment sous la forme d'un ressort sollicité mécaniquement de façon répétée dans le barillet d'un mouvement horloger.
Ils ont ensuite mis à profit cette découverte dans un procédé de fabrication d'un ressort pour pièce d'horlogerie selon la revendication 1.
Ce procédé permet donc de fabriquer des ressorts d'horlogerie fonctionnels en verre métallique, en particulier des ressorts de barillet, à une échelle industrielle.
Les caractéristiques et avantages du procédé objet de l'invention apparaîtront au cours de la description, qui suit, illustrée par différents diagrammes.
La figure 1 est un diagramme ductilité/fragilité en fonction des conditions de recuit;
la figure 2a est un diagramme de fixage à différentes températures ;
la figure 2b est un diagramme de déformation à la rupture en fonction de la durée de recuit à différentes températures ;
les figures 3a, 3b sont des diagrammes correspondants à ceux des figures 2a respectivement 2b pour un autre alliage; les figures 4a, 4b sont des diagrammes correspondants à ceux des figures 2a respectivement 2b pour un autre alliage; la figure 5a est une vue en plan de la forme libre d'un ressort ;
la figure 5b est une vue en plan de la forme libre de ce même ressort dont les courbures correspondent à 60% de la forme libre théorique; et
les figures 6a, 6b représentent les courbes d'armage/ désarmage d'un ressort de barillet dont une partie a été mise en forme à chaud et la partie interne a été mise en forme par déformation plastique, respectivement d'un ressort de barillet dont la mise en forme a été entièrement réalisée par déformation plastique (mise en forme à froid) , avec le couple en [mNm] en fonction du nombre de tours de développement.
Exposé détaillé de l'invention
Pour la mise en œuvre du procédé selon l'invention, il est avantageux d'utiliser un alliage métallique apte à former en refroidissant un alliage métallique amorphe ou essentiellement amorphe, appelé « verre métallique », en
raison des excellentes propriétés mécaniques découlant de leur structure particulière.
Il est particulièrement avantageux d'utiliser des verres métalliques dont les propriétés mécaniques sont supérieures à celles des alliages traditionnels polycristallins utilisés dans l'art antérieur, comme par exemple l'alliage Nivaflex®. De ce fait, l'invention présentée ci-après concerne plus particulièrement les verres métalliques dont la limite élastique est supérieure à 2400MPa.
Comme exemples de tels alliages métalliques amorphes, on peut citer les alliages à base de Ni, Co et/ou Fe .
Au cours de leurs recherches, les inventeurs ont également constaté que pour réaliser un ressort fonctionnel, c'est-à-dire garantissant un certain couple de rappel et une bonne fiabilité lors d'une utilisation dans une pièce d'horlogerie, le ruban doit de préférence être réalisé dans un alliage amorphe ou essentiellement amorphe avec l'épaisseur requise pour atteindre les propriétés fonctionnelles et pour être initialement ductile en flexion. En effet, au-delà d'une certaine épaisseur, le ruban peut montrer un comportement fragile en flexion, ce qui dégraderait la fiabilité du ressort.
Pour obtenir un ressort horloger à hautes performances, comme un ressort de barillet, l'épaisseur du ruban sera avantageusement d'au moins 50μπι, car des épaisseurs plus faibles ne permettent pas d'obtenir un couple de rappel suffisant. De même, l'épaisseur sera avantageusement d'au
Selon un mode de réalisation avantageux de l'invention, on obtient à la fois une faible épaisseur et un caractère amorphe par hypertrempe, soit en projetant l'alliage métallique liquide apte à former le verre métallique sur un
substrat froid et en mouvement, tel qu'un cylindre tournant, éventuellement un cylindre tournant refroidi à l'eau.
Une telle projection peut être réalisée par exemple en mettant en œuvre une méthode telle que le « Planar flow casting », le « Melt-spinning » et le « Twin roll casting ».
De préférence, les paramètres de la projection et du refroidissement sont choisis de façon à obtenir une vitesse de refroidissement de l'alliage métallique liquide supérieure à 10000°C/s. Une telle vitesse de refroidissement, obtenue par hypertrempe, favorise en effet la ductilité par la formation de « volume libre » dans la structure du verre métallique .
Les vitesses de refroidissement obtenues en utilisant une technique de moulage, comme par exemple l'injection de l'alliage métallique liquide dans un moule de cuivre, sont nettement plus faibles et ne permettent pas, pour les verres métalliques à haute limite élastique dont nous avons connaissance, d'obtenir à la fois une épaisseur et une ductilité suffisantes à la bonne fonction d'un ressort horloger hautes performances.
De plus, il est souhaitable que la projection soit effectuée de façon à obtenir un ruban monolithique ayant une épaisseur comprise entre 50 et 150 μπι, préférablement entre 50 et 120μιτι, et plus préférablement entre 50 et 100 μπι. Le verre métallique obtenu dans ces conditions est alors clairement différent du verre métallique massif (« Bulk metallic glass (BMG) ») dont l'épaisseur est supérieur à 1 mm.
Dans le cas du ressort de barillet, le ressort ne peut pas être utilisé directement après la coulée sous forme de ruban rectiligne, mais doit être mis en forme pour pouvoir développer le couple désiré, comme décrit dans le document WO 2010/000081A1. Il faut donc pourvoir mettre en forme le ruban
afin qu'il prenne une forme libre donnée, avant les étapes d' estrapadage et d' armage dans un barillet.
En ce qui concerne la mise en forme du ruban monolithique en verre métallique, la déformation plastique est avantageusement réalisée à température ambiante et sous atmosphère ambiante. Cette déformation plastique ne doit pas dégrader les propriétés mécaniques du ruban, de façon à permettre sa sollicitation mécanique répétée, par exemple dans un barillet.
Selon un mode de réalisation avantageux de l'invention, en plus de la courbure réalisée par déformation plastique, une courbure supplémentaire est réalisée en déformant le ruban élastiquement , par exemple dans un posage, et en fixant la nouvelle forme obtenue avec un traitement thermique à une température et pendant une durée ne conduisant pas à une fragilisation du ressort. Cette courbure supplémentaire peut en particulier être réalisée sur les parties du ruban qui ne sont pas courbées par déformation plastique. Le traitement thermique peut être" réalisé avant ou après la déformation plastique, avantageusement avant la déformation plastique, en particulier si le traitement thermique affecte la zone déformée plastiquement .
Les température et durée de traitement (recuit) appropriées sont choisies dans une fenêtre de température et de durée dans laquelle l'alliage dudit verre métallique conserve son comportement ductile en flexion. Cette fenêtre correspond ainsi dans la pratique à une déformation à la rupture supérieure à 2%. Ces conditions permettent d'atteindre les objectifs suivants :
i) allonger la durée de traitement limite avant fra¬ gilisation, ii) fixer la forme, iii) maintenir les propriétés mécaniques obtenues après fabrication du ruban (dureté et ductilité) et iv) éviter la cristallisation.
Exemple 1
Des rubans de Ni53Nb2oZr8TiioCo6Cu3 (limite élastique : 2600MPa) ont été réalisés par «planar flow casting», qui consiste à former un écoulement de métal liquide sur une roue refroidie. De 10 à 20g d'alliage sont placés dans une buse de distribution chauffée entre 1050 et 1150°C. La largeur de fente de la buse se situe entre 0,2 et 0,8mm. La distance entre la buse et la roue est entre 0,1 et 0,3mm. La roue sur laquelle l'alliage en fusion est déposé est une roue en alliage de cuivre et entraînée à une vitesse de 5 à 20m/s. La pression exercée pour faire sortir l'alliage en fusion à travers la buse se situe entre 10 et 50kPa. Le tableau 1 suivant donne les caractéristiques de trois rubans obtenus.
Tableau 1 - Caractéristiques de trois rubans utilisés en alliage i53Nb2oZr8 iioCo6Cu3
Les propriétés thermiques ont été mesurées par DSC
( Differential Scanning Calorimetry) sur Setaram Setsys
Evolution 1700 à 10°C/min sous Ar 20ml/min :
· Tg = 558°C ± 2 °C
• ■ Tx = 606°C ± 1 °C
Tg et Tx sont peu influencées par les conditions d'élaboration des rubans.
Pour déterminer le coefficient de fixage de la forme du ressort, on enroule un ruban dans une bague de diamètre intérieur Do et on mesure le diamètre que prend le ruban après le traitement thermique dans son état libre, ou
diamètre « fixé » Df. Le coefficient de fixage est calculé par le rapport- entre le diamètre à l'état totalement relaxé, supposé égal au diamètre intérieur de la bague Do, et le diamètre de courbure du ruban fixé Df.
On a effectué des recuits de relaxation de fixage de la forme sur des rubans de 30mm de longueur, enroulés à l'intérieur de bagues en aluminium de diamètre intérieur égal à 7.8mm, ce qui est proche des diamètres de courbure typiques d'un ressort de barillet. Un four à résistance Logotherm® en atmosphère ambiante a été utilisé. Les bagues sont déposées sur des plots en alumine thermostatisés , au centre du four, afin de garantir l'homogénéité de la température et la transmission rapide de la chaleur. La durée de traitement est décomptée depuis l'instant de fermeture de la porte du four. Une seconde avant la fin du compte à rebours, on prend la bague à l'aide d'une pince et on la trempe très rapidement dans environ 2 litres d'eau à température ambiante.
Une fois le ruban refroidi, le diamètre de courbure du ruban relaxé est mesuré avec un pied à coulisse avec une précision de 0.2mm.
Pour évaluer le caractère ductile ou fragile du ruban en flexion, on place le ruban fixé entre les deux surfaces parallèles du pied à coulisse comme dans un essai de flexion 2 points. L'écartement à rupture est noté en rapprochant lentement les deux surfaces parallèles du pied à coulisse.
Pour déterminer la déformation à rupture du ruban ou de la lame, il faut tenir compte du fait que la courbure d'une lame pliée à 180° entre deux surfaces parallèles à une distance B l'une de l'autre n'est pas de rayon constant. Elle passe par un maximum situé à l'apex. Le rayon de courbure à l'apex est lié à l'écartement par la relation suivante, et ne dépend pas des propriétés du matériau ni des dimensions du ruban :
Équation 1 avec α = 0.835
La déformation à l'apex s'exprime approximativement par e e
Équation 2 ε =
2R aB
Pour un ruban avec une courbure initiale K0 = 1/Ro non- nulle, la déformatio à la fibre externe devient :
Équation 3
On obtient la déformation maximale avant rupture εΓ avec l'écartement à rupture Br et la courbure initiale (0.5 Do) -1
Lorsque Br devient égal à 2*e, la déformation est limitée à 1.
L'échantillon est jugé fragile si la déformation à rup¬ ture est inférieure à 2% (sans aucune déformation plastique préalable) .
La figure 1 représente le comportement mécanique des rubans d'alliage Ni53Nb2oZr8Tii0Co6Cu3 d'une épaisseur de 81 microns aux différentes températures et durées de recuit auxquelles ils ont été soumis. On constate qu'il existe une fenêtre de paramètres de recuit ne fragilisant pas les rubans. Cette fenêtre est suffisamment grande pour permettre la mise en forme de façon reproductible. La durée limite augmente en diminuant la température. Pour un recuit dans un four, il faut se placer dans le cas de cet alliage à plus de 50°, avantageusement 100°C, en-dessous de Tg pour disposer d'un temps convenable du point de vue technologique, soit une durée de plusieurs minutes au moins. Avec un chauffage à air chaud suivi d'une trempe, le temps de traitement convenable du point de vue technologique est plus court (inférieur à la minute) et la température pourra être en conséquence plus élevée .
Comme la relaxation des contraintes suite au fixage de la forme n'est pas complète, .la forme après traitement de fixage est dilatée par rapport à la forme imposée lors du recuit. Il a été remarqué que les coefficients de fixage Do/Df pour une température donnée étaient alignés sur une courbe d'allure sigmoïde et que la courbe pouvait être modélisée par l'équation (4), qui est un modèle qui a été utilisé pour décrire certains aspects de la relaxation des verres métalliques, notamment par Fan et al (Acta Materialia 52 (2004) 667-674) :
Equation 4
où β et t0 sont des constantes.
La relaxation de la courbure est plus rapide pour un ruban fin que pour un ruban épais. On a constaté que l'évolu¬ tion de la courbure ne dépend pas du diamètre imposé, ce qui permet d'avoir un seul coefficient de fixage D0/Df pour la mise en forme d'un ressort à courbure variable. Les compor¬ tements représentés à la figure 2 (a) montrent que plus la température est élevée, plus la relaxation est rapide.
La nature essentiellement amorphe des rubans bruts et recuits a été confirmée par diffraction de rayons X. Deux recuits ont été analysés: le premier dans le domaine ductile (430°C/30min) et le second dans le domaine fragile ( 530 °C/10min) . Ainsi, on ne détecte pas de phase cristalline dans aucun des échantillons. Il faut cependant relever que cette technique de caractérisation ne permettrait pas de détecter avec certitude la présence de nanocristaux, qui n'est donc pas exclue. D'autre part ces nanocristaux peuvent parfois jouer un rôle favorable pour les propriétés mécaniques des verres métalliques.
Il ressort des figures 1 et 2a que plus la température est élevée, plus la transition ductile-fragile a lieu à des coefficients de fixage élevés. Ainsi, pour l'alliage Ni53 b2oZr8 iioCo6Cu3, seules des températures proches de la transition vitreuse permettent de fixer la forme à plus de 95% sans fragilisation.
Exemple 2
Les figures 3a, 3b représentent respectivement des cour- bes de fixage et de déformation à rupture pour un ruban de 68 μτα d'épaisseur en un alliage amorphe Nx6o a4o (at.%, limite élastique : 2900MPa) , dont la Tg=740°C et la Tx=768°C. Ces courbes résultant de tests à 520° et 570°C montrent que le comportement de fixage est similaire à celui de l'alliage Ni53Nb2oZr8TiioCo6Cu3 et qu'à 520°C, la fragilisation n'a pas été atteinte pour les durées testées (jusqu'à 30 minutes) .
Exemple 3
Les figures 4a, 4b représentent respectivement des cour- bes de fixage et de déformation à rupture pour un ruban de 73 μηα d'épaisseur en un alliage NÎ6o bio a3o (limite élastique : 2700MPa), dont la Tg=721°C et la Tx=747°C. Ces courbes montrent également que le comportement est comparable à celui des deux précédents alliages.
Les résultats reportés sur ces différents diagrammes permettent de faire deux observations : i) il est possible de donner une courbure à un ruban en verre métallique par un fixage en-dessous de sa température de transition vitreuse et ii) il existe un domaine de température et de durée de traitement dans lequel l'alliage reste ductile.
Le comportement sigmoïde de la dilatation et de déformation à rupture en fonction du temps ou durée de recuit, observé sur les rubans en Ni53Nb2oZr8TiioCo6Cu3, est similaire à
celui des autres alliages testés. Ce comportement a aussi été observé sur des alliages à base Fe et/ou Co, dont certains ne montrent pas de Tg ou ont une Tg>Tx. On peut donc admettre que ce comportement est généralisable à d'autres alliages en verres métalliques, et n'est donc pas limité aux alliages à base Ni et/ou à ceux qui montrent une Tg<Tx.
En règle générale, un alliage doit répondre à une condition nécessaire pour que la mise en forme en-dessous de Tg, respectivement en-dessous de Tx pour un alliage ne montrent pas de Tg ou avec Tg>Tx, soit utilisable pour un ressort: la superposition des fenêtres de «fixage» et de «ductilité». Dans les cas présentés, le temps nécessaire pour fixer la forme est nettement inférieur au temps limite qui correspond au passage à un état fragile.
On a déjà mentionné que le coefficient de fixage dépendait de l'épaisseur du ruban mais pas de la courbure imposée. Les inventeurs ont vérifié qu'il est possible d'obtenir la forme libre théorique d'un ressort de barillet en utilisant un seul coefficient de fixage en réalisant un posage en cuivre. Une fente de 0.3 mm d'épaisseur a été électroérodée dans une plaque de cuivre de 1.5 mm d'épaisseur, avec un profil correspondant à la forme libre désirée du ressort mais avec les rayons de courbure contractés à 60% pour tenir compte de la dilatation Do/Df, tout en maintenant la longueur des différents segments de la forme libre à 100%.
On a mis un ruban en verre métallique dans la fente du posage en lui faisant subir une déformation élastique et on a procédé au traitement de fixage dans un four sous atmosphère ambiante entre deux plots en céramique thermostatisés à 430 °C, durant 3 min, suivi de la trempe du posage. Ce traitement correspond à un fixage à Do/Df=60% selon les abaques obtenus par fixage en bague. Le ruban, une fois sorti
de son posage, montre une forme libre correspondant presque parfaitement à la forme libre désirée. Les figures 5a, 5b représentent respectivement la forme libre désirée et la forme libre avec les courbures contractées à 60% du posage.
Selon un autre mode de mise en œuvre du procédé, le ressort est mis en forme non pas dans un four mais par jet de gaz chaud. Un appareil de type « Sylvania Heater SureHeat Jet 074719 » d'une puissance de 8kW est utilisé pour chauffer de l'air comprimé et le projeter contre le posage contenant le ruban. L'appareil permet de chauffer un gaz (air, ou un gaz neutre comme argon, azote ou hélium) jusqu'à 700°C, le ruban étant inséré dans la fente du posage de cuivre par déformation élastique comme précédemment.
Le posage en cuivre est placé perpendiculairement face au tube de distribution du gaz chaud. Il pourrait aussi être maintenu avec une certaine inclinaison, par exemple de 45°. Le posage est monté sur un système de guidage linéaire à trois positions permettant de i) placer le posage en cuivre en position haute, hors de portée du jet de gaz ii) le positionner dans le jet de gaz chaud et iii) le tremper immédiatement dans un liquide de refroidissement, comme de l'eau par exemple, en fin de traitement à chaud.
Selon encore d'autres modes de mise en œuvre du procédé, le posage contenant le ruban est placé dans un four sous vide, ou entre deux plaques de céramique chauffantes, ces modes étant donnés à titre d'exemples non limitatifs. La mise en forme peut également être réalisée en deux ou plusieurs étapes de traitement thermique.
Jusqu'ici, nous avons considéré uniquement le fait de fixer une forme désirée à un ruban initialement sensiblement droit, c'est-à-dire sans autre courbure que celle résultant
de la fabrication du ruban. La forme donnée correspond précisément à la forme des courbures négatives, respectivement positives d'un ressort de barillet autour d'un point d'inflexion. Cependant, les parties aux deux extrémités sont enroulées à l'intérieur d'évidements circulaires dans le posage rendus nécessaires par les limitations dues à l'épaisseur de la fente devenue supérieure à l'espace inter-spires de la forme libre désirée ; elles ne peuvent donc pas suivre la forme désirée sur toute la longueur du ressort.
Avec un ruban en alliage cristallin pour ressorts communément employé, comme par exemple le Nivaflex®, l'obtention de la forme désirée pourrait se faire par déformation plastique à froid. C'est notamment le cas pour l'extrémité interne du ressort (« coquillon », étape de « coquillonnage ») . Il est en effet nécessaire d'arrimer le ressort à l'arbre de barillet : comme la courbe théorique du ressort donne des rayons de courbure plus grands que celui de l'arbre, il devient nécessaire de lier la courbure que forme le ressort autour de l'arbre, à la courbure théorique, par une déformation à froid du ressort.
Cependant, cette étape ne peut pas être transposée directement aux rubans en verre métallique : comme indiqué plus haut, la déformation plastique des verres métalliques est fortement déconseillée.
Il a été constaté avec surprise qu'une mise en forme du ruban par déformation plastique était possible, pour les différents alliages testés, sans rupture fragile du ruban et sans qu' elle porte atteinte aux propriétés mécaniques du ruban mis en forme. Un tel ruban peut alors être utilisé comme ressort, en particulier comme ressort à hautes performances, plus particulièrement comme ressort de barillet .
Cette constatation inattendue permet ainsi de donner les formes définitives désirées par déformation plastique à froid, avant ou après un éventuel traitement thermique de fixage. Cette mise en forme par déformation plastique peut être limitée au coquillon (extrémité interne, voir ci- dessous) , mais peut aussi être réalisée sur une partie plus étendue du ressort, voire même sur l'entier de la forme donnée au ressort.
Notons ici que le pigeonneau (découpe à l'extrémité interne du ressort qui permet de l'accrocher à l'ergot de la bonde de l'arbre de barillet) est découpé par étampage de façon traditionnelle. D'autres modes d'attache du ressort à l'arbre de barillet peuvent bien entendu être utilisés, comme le soudage.
Une bride glissante destinée à être fixée à l'extrémité externe du ressort est réalisée dans une bande de 110 μιη d'épaisseur du même alliage que celui du ruban, obtenue par la même technique de « planar flow casting » et mise en forme par déformation plastique à froid (voir ci-dessous) afin de lui donner la courbure typique d'une bride glissante pour ressort de barillet à remontage automatique. Le soudage s'effectue par résistance (par point) comme habituellement. D'autres modes de fixage sont bien entendus aussi envisageables, comme le soudage laser par exemple.
La figure 6a montre la caractéristique d'armage et de désarmage d'un ressort en alliage Ni53Nb2oZr8TiioCo6Cu3 de 81μπι d'épaisseur mis en forme par déformation plastique à froid pour l'extrémité interne (coquillon), puis par chauffage par jet de gaz chaud dans un posage tel que décrit ci-dessus, avec des conditions correspondant à un coefficient de fixage de 60%. Le ressort donne un comportement entièrement satisfaisant, permettant d'atteindre le couple et le nombre de tours visés, et montre un bon comportement en fatigue.
Cependant, le ressort mesuré à la figure 6a comporte un coquillon formé par déformation plastique à froid sur une longueur plus ou moins grande (de typiquement 40mm dans le cas de la figure 6a) avec une bonne reproductibilité, et le ressort de barillet obtenu montre de bonnes performances. Les inventeurs ont donc voulu savoir si la méthode d' obtention de la courbure du coquillon par déformation plastique était applicable à l'ensemble du ressort.
La technique de coquillonnage consiste à déformer la lame par martelage. Le réglage de la courbure s'effectue par deux paramètres: le pas de déplacement du ruban entre deux coups de marteau et l'amplitude de la déformation, réglée par l'angle de rotation du marteau autour de son axe. Il est nécessaire d'adapter les paramètres en fonction de l'alliage et de l'épaisseur du ruban.
La mise en forme par déformation plastique à froid s'effectue en deux temps : d'abord, l'extrémité externe du ruban est introduite afin d'appliquer une courbure négative selon la courbure théorique désirée jusqu'au point d'inflexion. Puis l'extrémité interne est introduite afin d'appliquer une courbure positive selon la courbure théorique.
La figure 6b montre la caractéristique d' armage et de désarmage d'un ressort en alliage Ni53Nb2oZr8Tii0Co6Cu3 de 81μπι d'épaisseur mis en forme par déformation plastique à froid uniquement. Malgré l'absence de fixage par traitement thermique, le comportement du ressort est en tout point comparable à celui de la figure 6a.
La mise en forme de rubans d'alliages en verre métallique par déformation plastique n' est pas limitée au seul alliage Ni53Nb2oZr8 iioCo6Cu3. Par exemple, les alliages des figures 3 et 4 peuvent aussi être mis en forme par déformation plastique. D'autres alliages amorphes de base Ni,
Fe et/ou Co peuvent aussi être mis en forme avec au moins une étape de déformation plastique, et peuvent être soumis à un traitement thermique de fixage pour obtenir une courbure supplémentaire .
Comme on a pu le voir dans la description qui précède, il est possible de donner une courbure à un ruban d' alliage amorphe métallique à des températures bien inférieures à Tg, respectivement bien inférieures à Tx pour un alliage ne montrant pas de Tg ou avec Tg>Tx, ceci pour plusieurs familles d'alliages amorphes. Le "coefficient de fixage", c'est-à-dire le rapport entre la courbure imposée et la courbure obtenue après traitement thermique, dépend de l'épaisseur du ruban mais ne dépend pas de la courbure imposée, rendant ainsi possible la mise en forme d'un ressort de barillet à courbure variable. Ce coefficient dépend également du moyen de mise en forme utilisé (four, jet de gaz, etc) et des caractéristiques de l'équipement, car la température subie directement par le ruban est difficile à mesurer de façon précise.
De plus, le recuit de fixage ne doit pas rendre le ruban fragile et il doit donc se faire à une température et pendant une durée inférieures au point de fragilisation. Selon notre expérience, plusieurs alliages amorphes à base Ni comme mentionné ici, mais également à base Fe ou Co, montrent une résistance à la fragilisation au recuit suffisante pour leur appliquer une mise en forme à chaud.
Ce qui précède implique que pour un alliage possédant une bonne fenêtre de mise en forme, plusieurs traitements peuvent mener au même taux de fixage de la forme. On peut ainsi choisir les conditions de traitement de façon à maximiser les performances du ressort, voire cumuler les traitements ou les combiner avec une ou des déformations plastiques à froid ou à chaud.
Au final, il est possible de fixer la forme de rubans en divers alliages, dont Ni53 b2oZr8TiioCo6Cu3, en déformant plastiquement le ressort près de l'extrémité interne, voire sur toute sa longueur, en complétant le cas échéant la mise en forme par un traitement thermique dans une fenêtre de recuit à une température inférieure à Tg et/ou à Tx, avec un temps de traitement applicable industriellement. Les rubans restent ductiles, ne perdent pas leur résistance mécanique et conservent leur caractère amorphe ou essentiellement amorphe. Ce procédé permet d'obtenir entre autre des ressorts de barillets fonctionnels avec d'excellentes caractéristiques.
Le procédé décrit ci-dessus peut aussi être appliqué à la mise en forme d'autres ressorts que le ressort de barillet, que ce soit pour des composants du mouvement horloger (ressort de sautoir, ou bride glissante pour ressort de barillet, par exemple) ou de l'habillement horloger, boîtier, voire bracelet.