Modulateur à guide d'onde et procédé de modulation associé
L'invention concerne un modulateur comprenant un guide d'onde, par exemple un modulateur optique, et un procédé de modulation associé.
Les modulateurs sont des dispositifs qui ont pour objet de contrôler la transmission d'une onde, par exemple la transmission de lumière dans le cas des modulateurs optiques. Cette notion recouvre donc les dispositifs qui peuvent faire varier l'intensité de l'onde transmise de manière continue, ou discontinue, par exemple en tout ou rien dans le cas des commutateurs.
On cherche de nos jours à concevoir ces modulateurs avec une structure telle qu'ils puissent être intégrés aux composants fabriqués dans la filière silicium en vue d'une simplification de la fabrication de l'ensemble et d'une réduction de la taille de celui-ci.
Dans ce contexte, il a déjà été proposé de modifier l'indice de réfraction d'un matériau par injection ou déplétion de porteurs de charge, comme décrit par exemple dans le document EP 1 403 684. Une telle modification de l'indice peut entraîner le déplacement spectral d'une résonance du guide d'onde ou un déphasage de l'onde, que l'on fait alors généralement interférer avec une onde non déphasée (dispositif de Mach-Zehnder).
Un tel dispositif de Mach-Zehnder est par exemple décrit dans la demande de brevet US 2003/161565 selon lequel on fait varier la vitesse de groupe dans une branche du dispositif afin d'obtenir un déphasage du signal dans cette branche par rapport au signal qui parcourt l'autre branche du dispositif.
Dans les deux cas (déplacement d'une résonance ou interférence d'ondes déphasées), l'onde résultante, et notamment son intensité, varie en fonction de la densité des porteurs de charge, qui peut elle-même être commandée par une tension électrique. Toutefois, du fait des phénomènes physiques utilisés, les modulations ne sont obtenues dans ces dispositifs que sur une bande étroite de fréquence. Par ailleurs, les dispositifs de Mach-Zehnder ont une structure relativement complexe
du fait qu'ils utilisent deux branches qui doivent de plus être couplées au guide principal de l'onde électromagnétique.
Il a également été proposé de moduler l'absorption d'un matériau de façon à moduler directement l'intensité de l'onde qui le traverse. De telles solutions ont été proposées par exemple dans les articles "Current induced intersubband absorption in GaAs/GaAIAs quantum wells", de A. Fenigstein et al. in PPL. Phys. Lett. 66 (19) du 8 mai 1995 et "Electromodulation of the interband and intraband absorption of Ge/Si cells assembled islands", de M. Elkurdi et al. in Physica E16 (2003) 450/454. Toutefois, la faible absorption des matériaux de la filière silicium ne permet pas de générer une modulation forte de l'intensité de l'onde transmise grâce aux techniques connues, qui ne rendent donc pas possible la réalisation d'un modulateur efficace et compact.
Afin notamment de surmonter ces problèmes, l'invention propose un modulateur comprenant un guide d'onde propageant une onde électromagnétique de longueur d'onde donnée avec absorption, caractérisé par des moyens aptes à modifier le temps de présence de l'onde électromagnétique dans le guide.
On peut ainsi amplifier le phénomène d'absorption de l'onde électromagnétique en augmentant le temps de présence de celle-ci dans le guide et obtenir ainsi une absorption résultante relativement importante, même lorsque l'absorption intrinsèque du matériau du guide est relativement faible.
Le guide d'onde est réalisé par exemple dans un matériau absorbant à la longueur d'onde donnée.
Le guide d'onde peut également comporter par exemple des nanostructures, qui peuvent être des boîtes quantiques ou des puits quantiques de matériau semi-conducteur.
Ces deux techniques, éventuellement compatibles, permettent d'obtenir un guide d'onde avec une absorption intrinsèque non négligeable, qui peut toutefois être relativement faible comme déjà indiqué. Le guide d'onde peut présenter une variation périodique de la permittivité diélectrique, ce qui permet de bénéficier des propriétés physiques d'une structure dispersive, en particulier de l'existence de modes de propagation lents en limite ou centre de zone de Brillouin.
Selon un mode possible de mise en œuvre, le guide d'onde est un guide à cristal photonique. Un tel guide peut par exemple être réalisé par les procédés de la filière silicium, ce qui simplifie l'intégration du modulateur à un composant.
Il peut également s'agir d'un guide de type "rib" ou "ridge" dont les bords présentent une forme sinusoïdale.
Les moyens aptes à modifier le temps de présence peuvent comprendre en pratique des moyens aptes à modifier l'indice de réfraction de l'onde électromagnétique dans le guide. Cette solution permet de réduire la vitesse de groupe par la modification de l'indice, et ce de manière très importante lorsque l'on se place dans le cas des modes de propagation lents évoqués ci-dessus.
Selon un mode possible de réalisation, les moyens aptes à modifier l'indice de réfraction peuvent comprendre une jonction électrique. Cette solution est également avantageuse en vue de l'intégration dans un composant.
L'invention propose également un procédé de modulation d'une onde électromagnétique ayant une longueur d'onde donnée et se propageant dans un guide d'onde avec absorption, caractérisé en ce qu'il comprend une étape de modification du temps de présence de l'onde électromagnétique dans le guide.
L'étape de modification du temps de présence est par exemple obtenue par modification de l'indice de réfraction de l'onde électromagnétique dans le guide d'onde.
Un tel procédé possède éventuellement les caractéristiques et les avantages déjà évoqués plus haut à propos du modulateur.
D'autres caractéristiques et avantages de la présente invention apparaîtront à la lumière de description qui suit, faites en référence aux dessins annexés dans lesquels :
- la figure 1 représente un modulateur réalisé conformément aux enseignements de l'invention ;
- la figure 2 représente une vue en coupe du modulateur de la figure 1 ;
- la figure 3 présente des courbes de dispersion illustrant le fonctionnement du dispositif de la figure 1.
Le modulateur représenté à la figure 1 est un modulateur optique qui comprend une région d'entrée 2, un guide d'onde (ici un guide optique) 4 et une région de sortie 6.
Le guide 4 est formé dans un cristal photonique 8 (réalisé par exemple par des trous périodiques au sein d'un matériau semi-conducteur) et possède ainsi une variation périodique de la permittivité diélectrique.
Le guide d'onde 4 comporte des nanostructures, par exemple des boîtes quantiques de germanium sur silicium (Ge/Si) 5 (voir figure 2), qui permettent une absorption de l'onde électromagnétique à transmettre. En variante, cette absorption pourrait être obtenue par le choix d'un matériau absorbant pour réaliser le guide.
En technologie silicium, l'absorption intrinsèque des matériaux est typiquement de l'ordre de 1 cm'1 à 10 cm"1. Le cristal photonique 8 est placé au sein d'une jonction électrique 11 à laquelle une tension électrique peut être appliquée au moyen de deux contacts 10, 12 situés de part et d'autre du cristal photonique 8.
La figure 2 représente une vue en coupe du modulateur qui vient d'être décrit dans laquelle apparaît clairement la structure de la jonction électrique 11. La jonction électrique 11 est par exemple déposée sur un substrat 20 avec interposition d'une couche d'indice optique plus faible que le matériau de la jonction électrique, par exemple une couche d'oxyde 22, en particulier d'oxyde de silicium. La jonction électrique est formée d'une première couche 18 réalisée en semi-conducteur dopé (ici en Si-p) et déposée sur la couche d'oxyde 22 et en contact électrique avec le contact 12, d'une seconde couche réalisée en matériau semi-conducteur (ici en Si) et déposée sur la première couche 18, sans contact toutefois avec le contact 12, et d'une troisième couche 14 semi-conducteur dopé (ici en Si-n) et déposée sur la seconde couche 16 sans entrer non plus en contact avec le contact 12. En revanche, le contact 10 est déposé directement sur la troisième couche 14, pour jonction de cette couche à la masse selon l'exemple représenté à la figure 1.
Une seconde couche d'oxyde 24 recouvre éventuellement la troisième couche 14.
Comme visible sur la figure 2, la première couche 18, la seconde couche 16 et la troisième couche 14 (et éventuellement la seconde couche d'oxyde 24) sont traversées à intervalle régulier par des évidements qui forment les trous du cristal photonique 8 déjà mentionné.
Par ailleurs, au niveau du guide optique 4, la seconde couche 16 en matériau semi-conducteur comporte des nanostructure (ici des boîtes quantiques 5) qui génèrent une absorption dans le guide comme déjà mentionné.
Une onde électromagnétique (par exemple lumineuse) quasi- monochromatique de longueur d'onde λ pénètre dans le guide 4 par la région d'entrée 2, est transmise à travers le cristal photonique 8 par le guide 4 avec absorption et émerge du cristal photonique 8 par la région de sortie 6.
La propagation de l'onde électromagnétique dans le guide à cristal photonique 4 a lieu avec une vitesse de groupe déterminée par la pente en un point d'une courbe de dispersion telle que représentée à la figure 3.
La figure 3 illustre le cas où l'on utilise la déplétion en porteurs de charge (obtenue grâce à la jonction électrique 11) de puits ou boîtes quantiques de germanium sur silicium, relativement rapide, auquel cas on utilise une partie de la courbe de dispersion à concavité tournée vers le bas. Toutefois, selon le matériau et le processus d'absorption utilisés, on pourrait utiliser une partie de courbe à concavité tournée vers le haut.
Le cristal photonique 8 étant une structure dispersive, la courbe de dispersion du guide d'onde 4 (qui représente l'énergie en fonction du vecteur d'onde du mode propagé) n'est pas une droite et présente donc une pente variable qui s'annule en au moins un point du fait de la présence de modes optiques du cristal photonique 8 couplés entre eux via le caractère périodique de la constante diélectrique de ce cristal photonique 8 (c'est-à-dire du fait de la structure en bandes d'énergie du diagramme de dispersion).
En appliquant une tension électrique au sein de la jonction 11 (au moyen des contacts 10, 12 comme représenté schématiquement sur la figure 1), on peut faire varier le peuplement du cristal photonique 8 en porteurs de charge et ainsi déplacer en énergie (c'est-à-dire par un décalage vertical sur la figure 3) la courbe de dispersion du guide 4, par exemple de la courbe C2 à la courbe C1 représentée en figure 2. On modifie ainsi l'indice de réfraction du mode optique au sein du guide d'onde 4, ce qui revient à modifier la vitesse de propagation de la lumière pour une longueur d'onde donnée.
Comme montré à la figure 3, le déplacement en énergie de la courbe de dispersion peut être tel que la pente de cette courbe au point correspondant à la longueur d'onde λ considérée devienne nulle ou quasi-nulle, et ce sans nécessiter l'application d'une tension élevée du fait de la courbure importante de la courbe de dispersion.
Ce phénomène permet de réduire de façon très conséquente (division par 100) la vitesse de groupe de l'onde propagée dans le guide. En pratique, la vitesse de groupe peut en effet être réduite de c/3 à c/100, voire c/1000 (où c est la célérité de la lumière). Le ralentissement très important de la lumière ainsi généré permet une augmentation correspondante du temps de présence de l'onde électromagnétique dans le guide, ce qui conduit à une augmentation très forte de l'absorption générée globalement par le passage de la lumière à travers le guide d'onde 4.
L'absorption globale Og est en effet liée à l'absorption intrinsèque a{ par la relation : c% = at/vg, où vg est Ia vitesse de groupe.
Cet effet s'applique également pour les longueurs d'onde voisines de la longueur d'onde λ, pour lesquelles la pente de la courbe de dispersion est quasi- nulle et la vitesse de groupe fortement diminuée.
En effet, comme déjà mentionné, pour un guide présentant une variation périodique de la permittivité diélectrique, Ia variation du temps de présence At dans le guide n'est pas proportionnelle à la variation d'indice An (comme c'est le cas dans un guide rectiligne), mais peut augmenter de manière plus importante encore, selon les relations mathématiques : dt 9(1/ v.) At ≈ An. — = An.l. — où / est la longueur du guide et vs la vitesse de dn dn
groupe, le terme — pouvant devenir très important du fait de la variation dn périodique de la permittivité diélectrique comme déjà expliqué.
La structure présentée à la figure 1 , qui comprend un seul guide d'onde, peut ainsi être utilisée comme modulateur optique sans nécessiter l'adjonction d'une structure résonante ni celle d'un guide parallèle comme dans les dispositifs du type Mach-Zehnder, ce qui évite des pertes par diffraction et élargit la gamme spectrale utilisable.
On remarque en outre que la modification de la densité des porteurs de charge dans la jonction 11 permet en elle-même de contrôler l'absorption de ce matériau, notamment au niveau du guide 4 grâce aux boîtes quantiques 5.
La disposition du guide 4 à cristal photonique 8 au sein de la jonction 11 permet donc de combiner les deux effets suivant afin de moduler la transmission par le guide lorsqu'une tension est appliquée à la jonction :
- la modulation de l'absorption intrinsèque du guide optique ;
- la modulation de la vitesse de propagation du mode optique guidé afin d'augmenter le temps de présence de l'onde et ainsi d'amplifier le phénomène d'absorption par le guide.
L'exemple donné ci-dessus ne représente naturellement qu'un mode possible de réalisation de l'invention.