COLLE LYOPHILISEE A BASE DE COLLAGENE ET SON UTILISATION POUR LA FABRICATION DE PROTHESES COLLANTES
La présente invention se situe dans le domaine des colles destinées à un usage chirurgical ou thérapeutique.
D'une manière plus précise, la présente invention a trait à une colle comprenant un mélange de collagène et d'un agent réticulant de type aldéhyde ou du collagène modifié portant des fonctions aldéhyde et se présentant sous forme lyophilisée. Elle concerne également un procédé de préparation d'une telle colle, ses applications, l'association de cette colle à un matériau prothétique permettant d'obtenir des prothèses collantes et la méthode de préparation desdites prothèses.
Cette colle est particulièrement adaptée pour le collage de deux tissus biologiques entre eux ou pour le collage d'une prothèse sur un tissu biologique. Elle peut également être appliquée directement sur un tissu biologique. Dans ce dernier cas, elle peut notamment servir d'hémostatique local ou de support d'agents actifs à libération contrôlée.
Les colles biologiques présentes sur le marché sont essentiellement de deux types : les colles à base de fibrine et les colles à base de collagène.
Les colles à base de fibrine, telles que Tissucol, sont utilisées depuis les années 1970. Ces colles contiennent du fibrinogène dont la polymérisation est induite par une solution de thrombine en présence de facteur XIII et de fibronectine. Cette polymérisation conduit à la formation d'un caillot de fibrine qui réalise le collage. En fait, il s'agit de recréer in situ un phénomène de coagulation. Le problème lié à ces colles est l'utilisation de produits issus du plasma humain, avec les risques de contamination par des virus ou des agents transmissibles non conventionnels associés.
Le collagène est particulièrement bien adapté à une utilisation dans une colle puisque ce biomatériau, capable de se solidifier puis de se résorber, est biocompatible. Cependant, le collagène en tant que tel présente un faible pouvoir collant.
Ainsi, une composition à base de collagène, résorcinol et formaldéhyde a été développée dans les années 1960 (colle GRF ou French glue). Le résorcinol combiné au formaldéhyde permet la réticulation du collagène et la formation d'un réseau de polymères solide. Des problèmes de toxicité essentiellement liés à l'ajout du formaldéhyde ont été observés (Braunwald et al., Surgery, 59 : 1024-1030 (1966) ; Bachet et al, J Thorac. Cardiovasc. Surg., 83 : 212-217 (1982)).
Le document EP 0 862 468 décrit, quant à lui, l'utilisation d'un polyaldéhyde macromoléculaire, tel que l'amidon oxydé, pour la réticulation d'un composant collagénique dans le cadre de colles biologiques biodégradables. En effet, il est montré que le mélange d'un tel aldéhyde et d'un composant collagénique, tous deux en solution aqueuse ou réhydratés après lyophilisation, sont aptes à former un matériau réticulé adhérent, sans phénomène de diffusion de l'aldéhyde.
Cependant, il s'avère qu'en pratique, le dispositif requis est complexe et d'une manipulation délicate pour l'utilisateur. Il nécessite : des moyens de stockage et de mise à disposition de deux compositions distinctes, - l'approvisionnement de ces compositions dans des seringues chauffantes, leur mélange extemporané au moyen d'un dispositif spécifique, - l'application du mélange, dans les meilleurs délais, au niveau de la plaie à traiter.
Il en résulte que ce type de colle n'est pas d'usage pratique.
Le document EP 0 913 162 envisage l'application d'un renfort associé à du collagène, par exemple du collagène bovin réticulé par le glutaraldéhyde, pour le traitement des hernies. Dans ce document, le collage est obtenu par application d'une énergie et d'une pression, l'énergie ayant pour effet de créer des extrémités libres au niveau des fibres de collagène et la pression ou force créant de nouvelles liaisons entre ces extrémités et les chaînes polymériques des autres surfaces en jeu.
Dans ce dernier cas, le produit est directement prêt à être utilisé et son stockage est facilité. Cependant, l'obtention de l'effet collant dépend de l'apport par le praticien d'une source d'énergie. Cette étape nécessite la présence d'un matériel spécifique et complique grandement la technique opératoire. Elle ne présente finalement pas beaucoup d'intérêt en termes de coût et de temps par rapport aux moyens de fixations habituels (agrafes et sutures).
Il existe donc un besoin évident de colles biologiques et de prothèses dérivées faciles à préparer, à stocker, à transporter et à appliquer.
Ainsi, le Demandeur a élaboré un produit, obtenu par lyophilisation d'un mélange de collagène et d'un aldéhyde, ou de collagène présentant des fonctions aldéhydes, et qui présente des propriétés collantes tout à fait intéressantes.
Dans un premier mode de réalisation, la colle ainsi obtenue est uniquement constituée de collagène et de l'agent réticulant comportant au moins une fonction aldéhyde ou du collagène modifié de manière à présenter au moins une fonction aldéhyde.
Il est cependant envisageable que d'autres constituants soient ajoutés au mélange collagène/aldéhyde, tels que des additifs augmentant le pouvoir mouillant de la colle. Ces additifs peuvent, par exemple, être des polymères de sucres (dextrine et amidon).
Avantageusement, la colle selon l'invention contient en outre des éléments capables de polymériser avec l'aldéhyde pour augmenter la réticulation, comme par exemple des phénols, et plus particulièrement du résorcinol.
Ces additifs sont avantageusement ajoutés avant lyophilisation.
On entend par "collagène" du collagène natif, partiellement dénaturé, voire totalement dénaturé (gélatine). Ceci inclut en particulier le collagène de type I et/ou III, d'origine animale (par exemple bovine), fibreux ou pepsine. Le collagène se présente alors sous forme de suspension ou de solution (également appelée gel), respectivement, en fonction de la solubilité dudit collagène.
A priori, la réticulation peut être réalisée à l'aide de toute molécule portant au moins une fonction aldéhyde apte à réagir avec le collagène.
Selon la présente invention, des petites molécules, telles que le glutaraldéhyde, jouent le rôle d'agent réticulant et sont à cet effet mélangées avec le collagène.
Dans le contexte biologique, il peut être avantageux que l'agent de réticulation ait un poids moléculaire suffisant pour éviter les phénomènes de diffusion après son relargage du complexe avec le collagène ayant inévitablement lieu in vivo.
De ce fait et de manière alternative, l'agent réticulant est un polysaccharide ou mucopolysaccharide oxydé polyaldéhydique macromoléculaire biodégradable d'origine naturelle, tels que amidon, dextrane, agarose, cellulose, chitosane, acide alginique, glycosaminoglycanes, acide hyaluronique, chondroïtine sulfate ou leurs dérivés.
Selon l'invention, un polyaldéhyde macro moléculaire biodégradable d'origine naturelle tel que l'amidon oxydé est avantageusement utilisé.
Alternativement, les fonctions aldéhydes sont apportées par le collagène lui-même. Dans ce but, le collagène est modifié pour créer des fonctions aldéhydes. Il existe différents protocoles pour modifier le collagène de manière à ce qu'il présente au moins une fonction aldéhyde.
Dans un premier cas de figure, les fonctions aldéhydes sont introduites sur le collagène soit par greffage desdites fonctions, soit par réaction enzymatique. Dans ces deux cas, seuls les résidus lysine du collagène sont modifiés pour la création des fonctions aldéhydes.
Alternativement, et selon un second mode de réalisation de l'invention, le collagène est modifié par coupure oxydative, tel que décrit dans le document FR 2 715 309, ce qui aboutit à la création de fonctions aldéhydes à la fois au niveau des résidus lysine et des sucres du collagène.
Avantageusement, une solution acide de collagène est incubée à température ambiante, en présence d'une solution d'acide périodique, ou un de ses sels, à une concentration comprise entre 1 et 10"5 M.
En pratique, la préparation d'une telle colle s'effectue par mélange de solutions (ou suspensions) de collagène d'une part, et d'aldéhyde d'autre part. Le mélange est réalisé à pH acide, en particulier à un pH compris entre 3 et 5,5 de manière à ce que la réticulation n'ait pas lieu ou que cette dernière soit incomplète. De manière adaptée, on met en présence 5 à 2000 μmol de fonction aldéhyde par gramme de collagène.
De la même manière, lorsque le collagène lui-même sert de source de fonctions aldéhydes, il est modifié de manière à créer 5 à 2000 μmol de fonctions aldéhydes par gramme de collagène et est maintenu à pH compris entre 3 et 5,5.
On entend par "réticulation incomplète du collagène" le fait qu'il reste des fonctions aldéhydes libres prêtes à réagir in situ. Celles-ci réagiront une fois les conditions de pH redevenues favorables, au moyen du pouvoir tampon des fluides biologiques.
Ensuite, le mélange collagène/aldéhyde et/ou le collagène modifié en solution est soumis à lyophilisation. La lyophilisation se caractérise par un séchage sous-vide du mélange congelé. Dans le contexte de l'invention, la lyophilisation présente de nombreux avantages. Elle permet en particulier de stopper la réaction de réticulation non achevée et ainsi de stabiliser le produit avant utilisation. Cette stabilité sous forme sèche à température ambiante est une amélioration notable par rapport aux colles biologiques qui classiquement doivent être conservées à 40C. Le produit obtenu est riche en collagène, comparé aux produits en solution qui sont limités par leur viscosité excessive. Le produit sous forme lyophilisée présente surtout l'atout d'être facilement manipulable par le praticien, comparé aux formulations liquides. Ainsi il est possible d'utiliser la colle lyophilisée par coelioscopie.
Pour des applications cliniques, le collagène lyophilisé est ensuite stérilisé. La stérilisation représente l'étape ultime dans la préparation de la colle ou des prothèses selon l'invention. Elle peut être réalisée à l'aide d'agents physiques, tels que les rayons
γ) éthylène ou le peroxyde d'hydrogène.
II résulte de ce procédé de préparation une colle se présentant sous la forme d'un lyophilisât, solide et facilement manipulable. Une telle colle peut alors être conditionnée sous forme d'épongé ou de poudre. Son effet collant se développe pleinement une fois que la colle est introduite dans le corps humain, les conditions physiologiques renforçant la réticulation du collagène par solubilisation et augmentation du pH.
De plus, cette préparation présente l'avantage d'associer pouvoir collant et pouvoir hémostatique. En effet, contrairement aux colles à base de gélatine, le collagène en conservant sa structure favorise la coagulation. Cette colle est donc parfaitement adaptée au collage de tissus biologiques entre eux.
Alternativement, une colle selon l'invention peut être associée à un matériau prothétique pour assurer son collage au niveau d'un tissu biologique. Les matériaux prothétiques ont généralement un rôle de renfort et sont par exemple constitués de réseau tissé (par exemple fibres de polyester), non tissé, tricoté ou de polypropylène. Préférentiellement, le matériau prosthétique est un treillis en polyester, en polypropylène ou en cellulose.
L'invention concerne également une méthode de préparation privilégiée d'une telle prothèse lyophilisée collante.
Selon ce mode de réalisation, le matériau prosthétique est immergé dans la solution (ou suspension) obtenue par mélange du collagène avec l'agent réticulant et/ou contenant le collagène porteur de fonctions aldéhydes. En d'autres termes, on coule ladite préparation sur le matériau prosthétique.
Les modes de réalisation privilégiés concernant le mélange de collagène avec l'agent réticulant et/ou le collagène modifié, porteur de fonctions aldéhydes, sont les mêmes que ceux décrits ci-dessus en relation avec la colle lyophilisée, en particulier quant aux agents de réticulation utilisés, aux protocoles de modification du collagène ou la présence d'additifs.
L'ensemble est alors soumis à lyophilisation. Ceci donne lieu à une association intime entre le matériau et la colle. A nouveau, dans le contexte thérapeutique ou chirurgical, il est nécessaire de stériliser la prothèse, selon les protocoles décrits ci-dessus.
Cette colle peut être utilisée par exemple, lors d'interventions en chirurgie viscérale et pariétale où il est nécessaire de fixer la prothèse à un tissu. Par la suite, le renfort prosthétique est soumis à la recolonisation cellulaire et à l'intégration tissulaire, permettant de traiter, par exemple, éventrations ou hernies.
Par ailleurs, un effet anti-adhérant peut être créé sur l'une des faces de la prothèse ainsi obtenue, par coulage avant stérilisation d'un gel d'acide hyaluronique fonctionnalisé (avec des fonctions azote, amide, dihydrazide,...) et réticulé (par exemple au moyen d'amidon oxydé). Après enduction et séchage, et avant stérilisation, le produit obtenu peut éventuellement être soumis à nouveau à lyophilisation et/ou étuvage, afin de structurer davantage le film. En final, une prothèse dont l'une des faces est enduite d'acide hyaluronique fonctionnalisé et réticulé est obtenue.
L'invention et les avantages qui en découlent ressortiront mieux de l'exemple de réalisation suivant à l'appui des figures annexées. Ceux-ci ne sont cependant en aucun cas limitatifs.
Figures 1 et 2 : Force de collage (résistance en N) à 2 heures et à 20 heures de différentes colles : - échantillon 1 (collagène) ;
- échantillon 2 selon l'invention (collagène + glutaraldéhyde) ; échantillon 3 selon l'invention (collagène + amidon oxydé) ;
- échantillon 4 selon l'invention (collagène modifié par greffage) ; échantillon 5 selon l'invention (collagène modifié par greffage + résorcinol) ; - échantillon 6 selon l'invention (collagène modifié par oxydation + résorcinol) ; colle cyanoacrylate ;
- colle constituée d'une solution de collagène et d'amidon oxydé ; colle à base de fibrine.
Du collagène non dénaturé à 0,7%, extrait de peau de veau, est traité selon les indications suivantes : échantillon No. 1 : le collagène lyophilisé sans autre traitement est irradié par des rayons β à une dose de 20 kGy.
- échantillon No. 2 : au collagène sous forme de suspension est ajouté sous agitation mécanique une solution de glutaraldéhyde à 20mmol/L de sorte à obtenir en final 3500 ppm de fonctions aldéhydes par rapport au collagène. Le mélange obtenu est coulé dans des alvéoles et lyophilisé pendant 48h à un vide final inférieur à 0,5 mbars. Le produit est enfin irradié par des rayons β à une dose de 20 kGy.
- échantillon No. 3 : au collagène sous forme de suspension est ajouté sous agitation mécanique une solution d'amidon oxydé à 3% (contenant environ 300 μmole de fonctions aldéhyde /g de solution) selon le ratio volumique collagène / amidon de 20 :1. Le mélange obtenu est coulé dans des alvéoles et lyophilisé pendant 48h à un vide final inférieur à 0,5 mbars. Le produit est enfin irradié par des rayons β à une dose de 20 kGy.
- échantillon No. 4 : Pour assurer le greffage, au collagène sous forme de suspension est ajouté, à pH neutre sous agitation mécanique, une solution de glutaraldéhyde préalablement protégée par couplage avec un aminoacétaldéhyde. Après homogénéisation pendant Ih et trois lavages successifs pour éliminer les réactifs résiduels, la solution est acidifiée à pH 3,5. Le mélange obtenu est coulé dans des alvéoles et lyophilisé pendant 48h à un vide final inférieur à 0,5 mbars. Le produit est enfin irradié par des rayons γ à une dose de 25 kGy.
échantillon No. 5 : semblable à l'essai 4, avec ajout de 0,07% de résorcinol en concentration finale, dans la solution avant lyophilisation. Le produit est irradié par des rayons γ à une dose de 25 kGy.
- échantillon No. 6 : le collagène à 2% est oxydé au moyen d'une solution d'acide périodique à 5mM pendant 3heures à 220C. Par la suite le collagène précipité en milieu salin est lavé pour éliminer l'acide périodique résiduel puis séché partiellement à l'acétone. Les fibres obtenues sont reprises de sorte à former un gel à 0,7% auquel est ajouté 0,07% de résorcinol en final. Le mélange ainsi obtenu est coulé dans des alvéoles et lyophilisé pendant 48h à un vide final inférieur à 0,5 mbars. Le produit est enfin irradié par des rayons γ à une dose de 25 kGy.
Lors de ces différents essais, la colle est associée, lors de l'étape de lyophilisation, à une prothèse en polyester utilisée en renfort de paroi. A noter que la stérilisation des échantillons contenant du collagène partiellement réticulé (échantillons 2 et 3), réalisée à 20 kGy ou 25 kGy, par rayonnement β ou γ, n'a pas d'impact sur les niveaux de collage obtenus.
De manière à évaluer l'efficacité de l'invention, cette dernière a été comparée à des colles implantables utilisées en chirurgie. Il a été choisi comme témoin trois colles représentatives de trois familles de colles différentes : colle à base de fibrine ; - colle constituée d'une solution collagène et d'une solution d'amidon oxydé ; colle cyanoacrylate non implantable.
Les produits sont soumis à un test de collage. Ce test consiste à placer la prothèse enduite de la colle entre deux morceaux de muscle imbibés de tampon pH 7. Ces derniers sont incubés à 370C en milieu humide pour recréer les conditions du dispositif implanté en interne.
Après 2 et 20 h d'incubation, les échantillons sont soumis à une traction transversale et la résistance maximale opposée par le collage est enregistrée au moyen d'un dynamomètre. Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau 1 ci-dessous et illustrés aux figures 1 et 2.
Tableau 1 : Force de collage du collagène traité
On constate que quelque soit l'alternative utilisée dans le cadre de l'invention (essai 2 à 6) la force de collage est supérieure à du collagène non modifié non réticulé (essai 1) même après stérilisation aux rayons γ.
Les forces de collage obtenues avec les dispositifs revendiqués sont identiques, voire meilleures que pour la colle fibrine et collagène/amidon. L'essai 6 présente la plus grande force de collage, même supérieure à la colle cyanoacrylate.
L'utilisation d'une forme lyophilisée est avantageuse si l'on compare la force de collage de l'essai 3, par rapport à une formulation liquide proche (témoin collagène/amidon). Elle permet aussi de renforcer la force d'adhésion au muscle dans les premiers temps. Ainsi, les essais lyophilisés montrent une force de collage supérieure aux témoins sous forme liquide, après 2h.
L'utilisation de résorcinol permet d'une part d'augmenter la force de collage, comme le montre la comparaison des essais 4 et 5. Elle permet surtout de stabiliser la force de collage dans le temps. Ainsi, contrairement aux essais 2 à 4, les forces obtenues à 2Oh pour les essais avec résorcinol (essais 5 et 6) sont supérieures ou égales à celles obtenues à 2h.