ELECTRODE POUR REACTION ELECTROCHIMIQUE, PROCEDE ET REACTEUR UTILISANT L'ELECTRODE.
La présente invention se rapporte au domaine de l'électrochimie, et concerne plus particulièrement une électrode utilisable dans un réacteur électrochimique.
Les électrodes pour réaction électrochimique sont généralement constituées de métal résistant ou traité en vue de résister au milieu à traiter. Des exemples d'électrodes sont donnés notamment dans les documents FR-A-2 518 583, FR-A-2459 298, FR-A-2 436 826.
Un domaine d'application particulier des processus électrochimiques est le traitement de l'eau par électrolyse ou microélectrolyse. Des anodes couramment utilisées dans le traitement de l'eau sont généralement à base de titane. Dans les conditions de l'électrolyse dans l'eau, il se forme à proximité des anodes un milieu corrosif dans lequel le titane se passive, en formant de l'oxyde de titane non conducteur qui limite la conduction du courant. C'est pourquoi il est protégé par une couche conductrice, généralement d'un oxyde conducteur, tel que de l'oxyde d'iridium ou de ruthénium.
Étant donné le coût important du titane, les électrodes sont généralement sous forme d'un maillage de titane déployé afin d'économiser ce matériau. Le déploiement du titane est réalisé après le dépôt d'oxyde d'iridium ou de ruthénium, généralement déposé par enduction à partir d'une composition liquide, ce qui se traduit par la création de nombreuses zones non recouvertes d'oxyde. À ces endroits, le titane se passive, conduisant à une perte locale de conductivité. L'efficacité de l'électrode est donc toujours nettement inférieure à l'efficacité théorique.
La présentation de l'électrode sous forme déployée a également l'inconvénient de manquer de rigidité : toute déformation entraînant un risque de court-circuit, ceci limite les efforts supportés par l'électrode, notamment lors de manipulations liées au montage et/ou à l'entretien du procédé électrolytique. Cela limite également les possibilités de conception des réacteurs électrochimiques.
La présente invention a pour but d'obvier aux inconvénients précités.
Ce but, ainsi que d'autres qui apparaîtront par la suite, a été atteint avec une électrode comprenant un substrat inerte, tel que en verre ou en plastique, comportant au moins un revêtement conducteur en couche mince résistant à ou protégé de la passivation. Selon l'invention, on entend par « substrat inerte » un corps fait d'un matériau chimiquement inerte (c'est-à-dire non réactif) vis-à-vis du milieu à traiter dans le processus électrochimique. De préférence, le substrat est en un matériau non métallique.
En tant que substrat, le verre ou le plastique sont des matériaux très économiques, qui peuvent être mis sous forme d'objets très rigides (plaques ou autres formes pleines) ou au moins résistants à de fortes sollicitations mécaniques même s'ils sont sous une forme souple ou flexible (fibres et produits dérivés, films).
Le verre en particulier est bien connu pour son inertie chimique. Son faible coefficient de dilatation thermique, par rapport aux métaux, le rend particulièrement intéressant dans des réactions mettant en œuvre des échanges thermiques importants.
Le conducteur électrique en couche mince sur le substrat, peut être déposé par toute méthode connue, de préférence par dépôt sous vide, par exemple pulvérisation cathodique, le cas échéant assisté par champ magnétique (magnétron), dépôt chimique en phase vapeur, dépôt électrolytique, autocatalytique, sol-gel.... A cet égard, on rappelle que l'expression « couche mince » désigne de manière bien connue des revêtements homogènes et réguliers d'épaisseur d'ordre de grandeur nanométrique à micrométrique. Les revêtements conducteurs appliqués en couche mince selon l'invention sont généralement de même nature que le matériau de référence titane, c'est-à- dire très coûteux, et les procédés de dépôt en couche mince permettent une fonctionnalisation économique du substrat.
La faible quantité de métal présent dans une telle couche mince, diminue les risques vis-à-vis du milieu traité par électrochimie, notamment elle garantit, en cas de problème électrique, une dissolution d'une très faible quantité de métal, avec un intérêt notamment dans le traitement de l'eau potable .
Un substrat en verre peut affecter des formes diverses, notamment en plaque, fibre(s), tissu, mat, ou autres, à adapter à la conception du réacteur dans lequel l'électrode sera intégrée.
Un substrat en plastique peut aussi affecter diverses formes sensiblement planes en films, plaques, mais aussi tridimensionnelles en fibre, ou produit dérivé, notamment tissé, ou moulé... Pour former une électrode, un substrat en film muni d'une couche conductrice selon l'invention peut être roulé, notamment sous forme de feston ou de colimaçon.
En tant que matière plastique utilisable selon l'invention, on peut citer à titre d'illustration non limitative le polyéthylène, le poly(téréphtalate d'éthylène) (PET), le polycarbonate (PC), le poly(éthylène-acétate de vinyle) (EVA), le poly(méthacrylate de méthyle) (PMMA)...
Pour constituer le substrat, le verre peut être associé à un autre matériau, sous réserve de ne pas perturber l'amenée de courant, et que ce matériau soit résistant au milieu traité.
Le substrat peut être traité, le cas échéant par un revêtement, sur sa surface destinée à porter le revêtement conducteur, par exemple pour améliorer l'adhésion du revêtement sur le substrat.
Dans le cas d'une électrode pleine, par exemple sous forme d'une plaque de verre ou de plastique comme décrit ci-dessus, comme aucun formage ou déploiement n'est réalisé, la surface de l'électrode reste entièrement recouverte du ou des revêtements actifs.
Dans le cas d'une électrode de forme complexe, par exemple ajourée ou avec des reliefs (tissu, mat comme décrit ci-dessus), il est possible de réaliser le revêtement conducteur sur le substrat verrier ou plastique déjà mis en forme, c'est-à-dire sans qu'une opération ultérieure de formage tel que le déploiement ne soit susceptible de détériorer le revêtement .
Selon la géométrie du réacteur utilisant l'électrode, celle-ci peut comporter le revêtement conducteur sur tout ou partie de sa surface extérieure exposée au milieu traité. Dans le cas d'une électrode plate, le revêtement conducteur peut être déposé sur au moins une partie d'au moins une de ses faces, notamment sur une seule face principale (de plus grande étendue) ou les deux, par exemple sous
forme d'une ou plusieurs bandes juxtaposées ou d'un autre motif, par exemple analogue aux circuits imprimés. Le revêtement conducteur peut être à base d'un métal ou d'un oxyde métallique conducteur.
Dans un mode de réalisation, le revêtement conducteur est constitué d'un matériau résistant à la passivation. C'est le cas par exemple de métaux tels que l'iridium, le ruthénium, le platine..., dont à l'usage en milieu passivant ou corrosif, la surface peut se transformer en oxyde conducteur du courant. Un métal préféré est l'iridium qui offre un bon compromis entre coût et stabilité chimique. D'autres compromis ou autres propriétés fonctionnelles peuvent être atteints avec des mélanges de métaux.
Dans ce mode de réalisation, l'électrode peut être préalablement oxydée, c'est à dire que tout ou partie de l'épaisseur du revêtement conducteur peut être sous forme métallique ou sous forme d'oxyde avant installation dans le réacteur. La présence d'une certaine épaisseur de métal à proximité de la surface du substrat est cependant être avantageuse du point de vue de la conduction électrique.
Un tel revêtement conducteur est avantageusement d'une épaisseur de l'ordre de 5 à 500 nm., de préférence de 20 à 200 nm, par exemple de l'ordre de 50.. à 150 nm. Avantageusement, l'épaisseur est suffisante pour qu'il reste une certaine épaisseur de métal non oxydé dans la partie inférieure du revêtement conducteur pendant la durée de vie de l'électrode.
Dans ce mode de réalisation, le substrat peut comporter, en tant que traitement améliorant l'adhérence du métal, une couche mince d'oxyde : en effet, les oxydes manifestent généralement une bonne affinité à la fois pour le verre et pour le métal conducteur, de sorte qu'ils constituent une couche d'interface améliorant l'adhérence. L'oxyde peut être dérivé d'un métal, qui peut être identique ou différent du métal de la couche conductrice qui est déposée par dessus. Lorsque l'oxyde est dérivé d'un des métaux à oxyde conducteur cités ci- dessus, la couche d'interface combine alors une fonction de promoteur d'adhésion et de conduction électrique. L'oxyde peut également comprendre un métal choisi parmi l'étain, le zinc, le tantale, l'indium...
A titre d'exemple particulier, le substrat peut comporter un empilement de deux couches d'oxyde d'iridium encadrant une couche d'iridium métallique.
Dans un autre mode de réalisation, le revêtement conducteur est constitué d'un conducteur quelconque protégé de la passivation par une couche spécifique. Par exemple, le conducteur peut comprendre un métal ordinaire tel que le cuivre, l'argent, le molybdène, l'aluminium, le zinc, l'étain, mais aussi un métal plus résistant chimiquement tel que le titane, le platine, l'iridium..., et/ou un oxyde conducteur tel que l'oxyde d'étain dopé au fluor, l'oxyde mixte d'indium et d'étain, de l'oxyde de zinc dopé à l'aluminium, éventuellement en couches superposées, le conducteur étant revêtu d'une couche de protection. Cette couche de protection peut être à base d'oxyde conducteur tel que l'oxyde d'iridium, de platine ou de ruthénium, éventuellement allié avec un autre oxyde isolant, de préférence peu corrodable tel que l'oxyde de tantale Ta2θ5.
La couche conductrice peut avoir une épaisseur de l'ordre de 50 nm à 1 ,5 μm, notamment de 50 nm à 1 μm, en particulier de 50 à 500 nm. La couche de protection peut avoir une épaisseur de l'ordre de 5 à 500 nm, de préférence de 20 à 200 nm, par exemple de l'ordre de 50 à 150 nm.
Dans ce mode de réalisation également, le substrat peut comporter, en tant que traitement améliorant l'adhérence du métal, une couche mince d'oxyde conducteur ou non, tel que décrit ci-dessus.
Les revêtements sont avantageusement réalisés par une technique de dépôt sous vide qui est une technique permettant de réaliser des couches très homogènes et régulières sous de faibles épaisseurs, même de quelques nanomètres, avec une préférence pour la pulvérisation cathodique magnétron. Le procédé de dépôt sous vide s'applique aussi bien à des substrats en verre et en plastique. On peut citer à cet égard le procédé de revêtement d'un film de plastique défilant entre deux rouleaux dans une enceinte de dépôt (« roll- coating »).
Ces électrodes peuvent être utilisées avantageusement comme anodes dans un procédé de traitement électrolytique de l'eau, par exemple dans un traitement d'adoucissement ou de décarbonatation. Un tel procédé est décrit dans le document FR-A-2 552 420 : on effectue la décarbonatation de l'eau par
électrolyse au moyen d'un signal de forme rectangulaire, produisant une densité de courant élevée permettant d'obtenir à la cathode une concentration en ions OH- telle qu'elle entraîne la formation de microcristaux de carbonate de calcium, avec précipitation subséquente de carbonate de calcium et élimination dans des capacités annexes à la capacité de traitement électrolytique.
Dans une variante décrite dans FR-A-2 731 420, on réalise la précipitation immédiate du carbonate de calcium dans l'enceinte de traitement électrolytique : on effectue l'électrolyse entre une anode et une cathode au sein de l'eau à traiter qui constitue l'électrolyte, en constituant à la cathode un revêtement mince poreux comprenant du carbonate de calcium. On produit périodiquement un flux de gaz à travers les porosités de la cathode (par insufflation de gaz ou par génération d'hydrogène in situ par réduction électrolytique de l'eau) de façon que les cristaux qui se forment sur ledit revêtement poreux soient décollés de celui-ci sous l'action du flux de gaz. Ce procédé est mis en œuvre dans un réacteur comprenant une cuve et deux séries de plaques parallèles formant anodes et cathodes, que le liquide à traiter longe en flux ascendant.
Un autre dispositif pour le traitement de l'eau apte à intégrer des électrodes selon l'invention est décrit dans WO-A-87 01 108.
L'invention a également pour objet un procédé de traitement électrochimique de l'eau, notamment pour l'adoucissement de l'eau ou la séparation des éléments tels que le carbonate de calcium, le fer ou autres, dans lequel on utilise une électrode selon l'invention, notamment pour jouer le rôle d'anode.
L'invention a encore pour objet un réacteur électrochimique comprenant au moins une électrode selon l'invention, notamment pour jouer le rôle d'anode.
Dans ce réacteur, au moins une électrode selon l'invention est avantageusement sous forme de plaque pleine. Dans une réalisation particulière, une électrode en forme de plaque coopère avec d'autres éléments du réacteur pour forcer le passage liquide dans un trajet déterminé. Dans un mode particulier de réalisation, le réacteur comprend une pluralité d'anodes en verre, intercalée entre une pluralité de cathodes en plaques, pour constituer des chicanes sur le trajet du liquide à traiter.
Suivant une réalisation particulière, au moins une partie des parois du réacteur est formée d'une électrode selon l'invention.
L'invention va maintenant être décrite de manière non limitative en regard des dessins annexés sur lesquels - La figure 1 représente un réacteur électrochimique selon l'invention ;
- La figure 2 représente une vue en coupe d'une anode du réacteur de la figure 1.
Un réacteur 1 de décarbonatation d'eau par voie électrochimique se compose essentiellement d'une cuve 2 , dans laquelle sont disposée de manière alternée une série d'anodes 3 et une série de cathodes 4 sous forme de plaques parallèles.
Le bas de la cuve est équipé d'une conduite 5 d'amenée de liquide et le haut de la cuve est équipée d'une conduite 6 d'évacuation de liquide.
Des moyens non représentés forcent l'eau à traiter à circuler à travers le réacteur 1 , en entrant par la conduite 5 et en sortant par la conduite 6 suivant les flèches.
Des moyens d'alimentation électrique 7 appliquent entre les anodes et les cathodes une différence de potentiel, déterminée par un signal électrique approprié. Pour un procédé de décarbonatation, on cherche à former à la cathode du carbonate de calcium CaCO3. La cathode est généralement en acier inoxydable de qualité polie, afin que le carbonate de calcium n'adhère pas à la cathode et précipite au fond de la cuve.
Les anodes dont une est représentée en coupe transversale sur la figure 2, sont constituées de plaques de verre 8 recouvertes sur une face d'une couche mince 9 conductrice à base d'iridium.
Les exemples suivants illustrent diverses réalisation d'électrodes :
Exemple 1 :
Dans cet exemple, la couche conductrice 9 est en iridium métallique. On dépose sur une plaque de verre de quelques mm d'épaisseur une couche d'iridium de 50 nm d'épaisseur. Ce dépôt est effectué par pulvérisation cathodique
assisté par champ magnétique, à partir d'une cible en iridium dans une atmosphère d'argon à la pression de 2.10"3 mbar.
En fonctionnement dans le réacteur 1 , l'anode se passive par oxydation de l'iridium en une couche superficielle d'oxyde d'iridium conductrice dont l'épaisseur dépend des conditions et de la durée de l'électrolyse.
Exemple 2 :
Dans cet exemple, la couche conductrice est en oxyde d'étain dopé au fluor, protégé par de l'oxyde d'iridium. On dépose sur une plaque de verre de quelques mm d'épaisseur une couche 9a de 400 nm d'épaisseur de Sn02:F par dépôt chimique en phase vapeur (cette opération peut être effectuée lors de la fabrication du verre plat en sortie de la ligne « float »).On dépose ensuite une couche 9b de 50 nm d'oxyde d'iridium à partir d'une cible d'iridium dans une atmosphère d'argon et d'oxygène à une pression de 2.10"3 mbar à 10.10"3 mbar.
L'oxyde d'iridium a la propriété d'être conducteur de l'électricité. Il est par essence résistant à l'oxydation. Déposé en couche mince sur le verre revêtu de Sn02:F, il manifeste une très bonne adhérence sur ce substrat.
La couche de SnO2:F peut être utilisée dans une variante de l'exemple 1 comme promoteur d'adhérence de l'iridium.
Dans une autre variante, le substrat peut comporter une couche de SnO2:F, surmontée d'une couche d'iridium métallique et d'une couche d'oxyde d'iridium.
En fonctionnement, ces électrode supportent des densités de courant de l'ordre de 10 A/m2 jusqu'à 100 A/m2 pendant plusieurs semaines. Elles peuvent être extraites du réacteur pour nettoyage de celui-ci sans aucun endommagement.
En variante à la réalisation de la figure 2, les anodes peuvent être revêtues sur leurs deux faces : le cas échéant cette structure est obtenue par association de deux substrats verriers revêtus chacun sur une seule face, ou bien elle est obtenue par dépôt simultané ou en reprise des deux couches sur le même substrat.
En variante à la réalisation de la figure 1 , les cathodes 4 peuvent être posées sur le fond de la cuve 2 de façon à former des compartiments au milieu desquels plongent les anodes en verre 3.
Le liquide à traiter est alors forcé à cheminer comme dans un labyrinthe entre les parois verticales constituées par les électrodes, avec un temps de séjour plus long dans le réacteur.
Dans une autre variante, les électrodes en verre peuvent être elles-mêmes posées sur le fond de la cuve sans aucun risque pour le procédé, car les plaques de verre supportent parfaitement leur propre poids. L'invention a été décrite de façon détaillée dans le cas particulier de la décarbonatation de l'eau, mais il va de soi que le réacteur décrit peut effectuer d'autre types de traitement en adaptant les conditions d'électrolyse.
Les informations dans les exemples peuvent également être transposées à la réalisation d'électrodes sur d'autres substrats, par exemple, sur un film de polyéthylène.