ACTIVATION DU PEROXYDE D'HYDROGENE EN DELIGNIFICATION ET EN
BLANCHIMENT DES PATES CHIMIQUES A L'AIDE D'UN COMPLEXE
PHENANTROLINE-CUINRE
L'invention concerne un procédé de délignification et de blanchiment de pâtes à papier chimiques en présence de peroxyde d'hydrogène, d'oxygène et d'un complexe phénanthroline-cuivre.
La pâte chimique obtenue par cuisson est soumise à plusieurs étapes de traitement délignifiant et/ou de blanchiment. Les premières étapes consistent à parfaire la délignification résultant de la cuisson et les étapes suivantes sont des étapes de blanchiment.
Pendant longtemps, des composés à base de chlore tels que le chlore, le dioxyde de chlore (stade D) ou l'hypochlorite ont été utilisés pour le blanchiment et la délignification de la pâte. En raison de leur coût et de la toxicité des produits de réaction, tels que les composés organiques chlorés, on cherche à réduire leur mise en oeuvre. Des procédés utilisant comme agents l'oxygène (stade O), l'ozone ou de composés peroxyde (stade P) ont été mis au point ces dernières années. Il est également possible de mettre en œuvre l'oxygène en association avec du peroxyde (stade Op).
Certains procédés de délignification font également intervenir une étape d'extraction alcaline (désignée comme stade E et Eo si elle est renforcée à l'oxygène). Cependant, l'oxygène et le peroxyde d'hydrogène présentent un certain nombre d'inconvénients. Le peroxyde d'hydrogène, qui jouit d'une bonne flexibilité d'utilisation et qui ne nécessite pas d'investissements lourds, souffre de son manque d'efficacité en délignification. L'oxygène a un faible pouvoir de blanchiment. Par ailleurs, leur spécificité est inférieure à celle des composés chlorés. On observe ainsi une dégradation de la cellulose et une teneur en lignine plus élevée. Or la présence de lignine conduit au jaunissement et au vieillissement prématuré du papier. La dépolymérisation de la cellulose affaiblit les fibres et par la suite la résistance du papier obtenu à partir de la pâte.
La demande de brevet WO 97/39179 décrit un procédé de blanchiment de pâtes de fibres lignocellulosiques en solution aqueuse à l'aide d'un agent de blanchiment oxydant et d'au moins un additif d'activation parmi les phénanthrolines et les polypyridyles. Ce document ne fait pas mention de complexe phénanthroline-cuivre.
L'utilisation pour la délignification d'un complexe azoté à base de cuivre et d'une solution aqueuse de peroxyde est décrite dans la demande WO 99/09244.
Le complexe 1,10-phénathroline-cuivre est décrit pour la délignification au cours de la cuisson à l'aide d'oxygène dans un article par E.I. Germer, Proceedings of the Fifth European Workshop on Lignocellulosics and Pulp, University of Alveiro, 10/8-2/9/1998. Cependant, les résultats obtenus sont encore insatisfaisants.
L'invention propose un procédé de blanchiment et de délignification des pâtes chimiques comprenant au moins une étape de traitement au peroxyde d'hydrogène en présence d'oxygène et d'un complexe cuivre-phénanthroline.
Avantageusement, la concentration en phénanthroline est comprise entre 0,001 et 1 %, et de préférence entre 0,06 et 0,08 % en poids par rapport à la masse totale de la pâte.
La concentration en cuivre est de préférence comprise entre 1 et 250ppm, en particulier entre 1 et 50 ppm par rapport à la masse totale de la pâte.
La concentration en peroxyde d'hydrogène est de préférence comprise entre 1 et 10 %, et en particulier entre 1 et 2 % en poids par rapport à la masse totale de la pâte. La valeur du pH initial est avantageusement d'au moins 11. En effet, le pKa de la dissociation du peroxyde d'hydrogène en H et HOO", qui est l'espèce active dans l'oxydation, est situé à 11,6. On assure ainsi la présence d'une quantité optimale de cette espèce dans le mélange réactionnel.
La pression d'oxygène est de préférence comprise entre 1 et 20 et en particulier entre 2 et 3 bar.
La température établie pendant le procédé est de préférence comprise entre 10 et 120°C, et en particulier comprise entre 60 et 100°C.
Le temps de réaction est de préférence compris entre 1 et 180 minutes. La phénanthroline est de préférence choisie parmi la 1,10-phénanthroline, la 4,7- phénanthroline, la 1,7-phénanthroline ; la 1,10-phénanthroline est particulièrement préférée. Le complexe est ajouté de préférence sous forme préformée.
La pâte chimique est avantageusement une pâte de résineux.
Selon un mode de réalisation, le procédé selon l'invention comprend en outre au moins une étape de traitement au dioxyde de chlore D. Avantageusement, on utilise une quantité de dioxyde de chlore inférieure à 1,5 % en poids par rapport à la masse totale de la pâte dans l'étape D lorsqu'elle est réalisée directement après l'étape de traitement au peroxyde d'hydrogène en présence d'oxygène et d'un complexe cuivre-phénanthroline.
Selon un autre mode de réalisation, le procédé selon l'invention comprend en outre au moins une étape d'extraction alcaline Eo. Les étapes D et/ou Eo peuvent avantageusement être réalisées en présence de magnésium, lequel est généralement ajouté sous forme de sel. Une concentration en magnésium comprise entre 50 et 1000, et en particulier entre 100 et 500 ppm par rapport à la masse totale de la pâte est convenable.
En effet, le magnésium semble avoir une fonction protectrice des chaînes de cellulose et permet de réduire la dégradation des chaînes de cellulose pendant les étapes subséquentes, notamment les étapes D.
L'amélioration de l'efficacité du procédé de délignification et de blanchiment grâce au complexe cuivre-phénanthroline semble due à la formation de complexes pâte-cuivre- phénathroline.
De préférence, le complexe est ajouté sous forme préformée, et non sous la forme de ces constituants. En effet, on constate alors que la sélectivité du système et la chute de la délignification sont supérieures. En outre, l'addition de la phénanthroline en absence de cuivre libre risque de conduire à une réaction de complexation concurrente avec d'autres espèces métalliques présentes dans la pâte, notamment avec le fer. Ces réactions sont indésirables car elles réduisent la quantité disponible en complexe phénanthroline-cuivre. Le procédé est efficace sur des pâtes chimiques, notamment des pâtes chimiques ayant subi une cuisson Kraft ou bisulfite. Le procédé proposé donne des résultats particulièrement avantageux sur des pâtes chimiques de résineux. Cependant, il est également possible de traiter des pâtes de feuillus de la manière décrite.
Dans ce qui suit, l'invention sera décrite plus en détail au moyen d'exemples. Sauf indication contraire, la phénanthroline utilisée dans les exemple est la 1,10-phénanthroline.
EXEMPLE 1 (stade O)
Une pâte chimique écrue de résineux après cuisson et ayant un indice kappa de 24,5, un degré de polymérisation de 1180 et un degré de blancheur de 26,5 est soumise à un traitement de délignification O. La pâte chimique ayant une consistance de 10 % est introduite dans un récipient et mise sous pression de 3 bar d'oxygène. Le pH initial du système est réglé à une valeur voisine de 12 par addition de NaOH. Le traitement est réalisé pendant une durée de 60 minutes à une température de 90°C. Un stade O réalisé dans ces conditions donne une pâte ayant un indice Kappa de 14,2, ce qui correspond à une délignification de 42 %. Le degré de blancheur est de 30,4 %. Les résultats sont résumés dans le tableau 1.
EXEMPLE 2 (stade Op)
La pâte de l'exemple 1 est soumise à un traitement de délignification Op dans les mêmes conditions que dans l'exemple 1, sauf que l'on ajoute en outre 1 % en poids de peroxyde d'hydrogène par rapport à la masse totale de pâte. Le pH initial est ensuite réglé à environ 12 par addition de NaOH. L'introduction des réactifs se fait de la manière suivante : ajout d'une quantité suffisante de NaOH pour gonfler les fibres ; ajout de H2O2 ; ajout de NaOH pour que le pH soit d'environ 12, puis mise sous pression de 3 bar. Un stade Op réalisé dans ces conditions donne une pâte ayant un indice Kappa de 13,5.
Le degré de blancheur est de 34,2 %. Les résultats sont indiqués dans le tableau 1.
EXEMPLE 3 (stade Op* sans cuivre)
La pâte de l'exemple 1 est soumise à un traitement de délignification Op* comme dans l'exemple 2, sauf que l'on ajoute avant le peroxyde d'hydrogène 0,07 % en poids de phénanthroline par rapport à la masse totale de pâte. Après addition du peroxyde d'hydrogène, le pH est réglé à une valeur voisine de 12. La consistance du stade est de 10 % et le récipient est mis sous pression de 3 bar d'oxygène. Le traitement est réalisé pendant une durée de 60 minutes à une température de 90°C. Un stade Op* réalisé dans ces conditions donne une pâte ayant un indice Kappa de 12,5. Le degré de blancheur est de 34,9 %. Les résultats sont résumés dans le tableau 1.
EXEMPLE 4 (stade Op*)
La pâte de l'exemple 1 est soumise à un traitement de blanchiment et de délignification Op* comme dans l'exemple 3, sauf que l'on ajoute avec la phénanthroline 5 ppm en poids de cuivre par rapport à la masse totale de pâte sous forme de complexe préformé. Le pH est ensuite réglé à une valeur voisine de 12. La consistance du stade est de 10 % et le récipient est mis sous pression de 3 bar d'oxygène. Le traitement est réalisé pendant une durée de 60 minutes à une température de 90°C. Un stade Op* réalisé dans ces conditions donne une pâte ayant un indice Kappa de 12, ce qui correspond à une délignification de 51 %. Le degré de blancheur est de 35,5 %. Les résultats sont résumés dans le tableau 1.
EXEMPLE 5
La pâte de l'exemple 1 est soumise à un traitement de blanchiment et de délignification Op* comme dans l'exemple 4, mais à la différence que la quantité de cuivre mise en œuvre est portée à 10 ppm en poids par rapport à la masse totale de pâte. Un stade Op* réalisé dans ces conditions donne une pâte ayant un indice Kappa de 11,3. Le degré de blancheur est de 35,8 %. Les résultats sont résumés dans le tableau 1.
Tableau 1
On constate à partir de ces éléments une nette amélioration du point de vue de la délignification entre le stade O et le stade Op* en présence de phénanthroline cuivre en ce que ce dernier permet de gagner deux points de l'indice Kappa. En effet, ce procédé permet d'atteindre une délignification de 51 % au lieu de 42 % pour un stade O non activé. On note en outre l'effet important de la présence de cuivre. En effet, en présence de 10 ppm de cuivre, le procédé permet l'obtention d'une délignification supérieure d'environ 4 % par rapport au procédé en absence de cuivre.
EXEMPLES 5A-5N Une série d'expériences a été conduite afin d'étudier l'influence de la nature et de la quantité des métaux utilisés avec la phénanthroline sur l'indice de kappa de la pâte obtenue.
Dans l'exemple 5 A, le procédé de blanchiment est conduit en absence de phénanthroline et de métal. Dans l'exemple 5B, on travaille en présence de phénanthroline, mais sans ajouter de métal. Dans les exemples 5C - 5N, on ajoute de la phénanthroline et des quantités variables de métaux choisis parmi le cuivre, le fer, le manganèse et le magnésium.
Les métaux sont ajoutés à la pâte par imprégnation de pâte d'une consistance de 10 % par une solution aqueuse contenant le métal pendant 24 heures à température ambiante.
L'imprégnation est suivie d'un pressage sous vide et de 4 lavages à la consistance de 2 % puis d'un filtrage afin d'éliminer tous les métaux en solution et ne retenir que les métaux complexés à la pâte.
Les tests de délignification ont été effectués de manière suivante. La pâte est introduite dans un récipient et mise sous pression de 3 bar d'oxygène. Le pH initial est réglé à une valeur voisine de 12 par addition de 2 % en poids de NaOH. On ajoute ensuite 2 % en poids par rapport à la totalité de pâte de H2O2, et complété de 0,15 % en poids de phénanthroline par rapport à la pâte. On laisse se poursuivre la réaction pendant 60 minutes à une température de 90°C.
Les conditions opératoires et des résultats obtenus sont résumées dans le tableau 2.
Tableau 2
On note que parmi les métaux étudiés, le cuivre présente un comportement particulier à double titre. D'une part, il est le seul à avoir un effet bénéfique sur l'indice de kappa en comparaison avec la mise en œuvre de la phénanthroline seule. D'autre part, on constate l'influence considérable de la concentration du cuivre qui permet encore d'améliorer ces résultats.
EXEMPLES 6-8
Dans ces exemples sont étudiés les conditions de procédé de l'étape de blanchiment et de délignification Op* au regard des étapes subséquentes DEoDlD2. Les pâtes obtenues aux exemples 1, 2 et 5, ayant donc subies des traitements O, Op et Op* respectivement, sont soumises chacune à un stade D, Eo, Dl et D2 dont les conditions sont résumées ci-après :
Stade D ClO2 : 1,52 % H2SO4 : 0,31 % T : 60°C Durée : 100 minutes
Stade EQ NaOH : 1,3 % O2 : 2 bar T : 75°C Durée 90 minutes
Stade Dl ClO2 : 0,87 % NaOH : 0,35 %
T : 75°C Durée : 250 minutes
Stade D2 ClO2 : 0,23 % NaOH : 0,14 %
T : 80°C Durée : 250 minutes
La consistance de chaque stade est de 10 %. Les résultats après chaque stade sont résumés dans le tableau 3.
Tableau 3
Le tableau 3 démontre la supériorité des résultats obtenus avec le procédé décrit en présence du complexe phénanthroline-cuivre en termes de degré de blancheur comme au niveau de l'indice kappa.
EXEMPLE 9
La pâte de l'exemple 1 est soumise à un traitement stade D dans les conditions données dans l'exemple 6, sauf que le taux de ClO2 est abaissé de 1,52 % à 1,25 %. Les pâtes obtenues sont ensuite soumises à la séquence Eo, Dl et D2 dans les conditions identiques à celles données dans les exemples précédents. Les résultats sont portés dans le tableau 4.
EXEMPLE 10
La pâte obtenue selon l'exemple 1 a été soumise à un traitement D dans les conditions données dans l'exemple 6, sauf que le taux de ClO2 est abaissé de 1,52 % à 1,0 %. Les pâtes
obtenues sont ensuite soumises à la séquence Eo, Dl et D2 dans les conditions identiques à celles données dans les exemples précédents. Les résultats sont portés dans le tableau 4.
Tableau 4
Ces essais démontrent que la présence du complexe phénanthroline-cuivre permet de diminuer le taux de dioxyde de chlore dans l'étape D de 1,52 % à 1,0 % pour l'obtention finale d'une pâte ayant un degré de blancheur équivalent. Le procédé permet ainsi une diminution des rejets nocifs dus à ce réactif.
EXEMPLE 11
La pâte de l'exemple 5, ayant subi un stade Op* est soumise à la séquence D, Eo, Di et D2 dans les conditions décrites à l'exemple 6, sauf que l'on injecte 250 ppm de Mg sous forme de sulfate dans la pâte au stade Eo- Les résultats sont consignés dans le tableau 5.
Le degré de polymérisation des chaînes de cellulose est, comme déjà indiqué, un facteur important influent sur la résistance des fibres et du papier. Une dégradation extensive se traduit par ailleurs par une baisse de viscosité qui peut se révéler gênante pendant le traitement ultérieur de la pâte.
Tableau 5
Il ressort des résultats précédents que le magnésium semble avoir une fonction protectrice des chaînes de cellulose. Il est possible que le magnésium forme des complexes avec des métaux de transition présents dans la pâte, qu'il stabilise les peroxydes intermédiaires formés au cours de l'oxydation ou encore qu'il bloque les sites sensibles de la cellulose. Ainsi, on observe une diminution de la dégradation des chaînes de cellulose pendant les étapes subséquentes, notamment les étapes D.
Les essais ci-dessus démontrent qu'une addition de magnésium pendant l'étape d'extraction alcaline Eo permet de limiter la dégradation des chaînes de cellulose et ainsi de stabiliser la viscosité. L'addition de magnésium est donc avantageuse, d'autant plus qu'elle permet d'atteindre un degré de blancheur de 86 %.
Pour résumer, le procédé décrit permet d'activer le processus de délignification et de blanchiment en présence de peroxyde d'hydrogène. En effet, on obtient des valeurs de l'indice kappa et du degré de blancheur supérieures à celles obtenues dans les mêmes conditions, mais en absence de ce complexe. Ce procédé, intégré dans une séquence de traitements telle que Op*/D/Eo/Dl/D2, permet également, à degré de blancheur final égal, de diminuer le taux des réactifs de blanchiments plus nocifs tels que le ClO2 mis en œuvre dans l'étape D.
Le procédé a également comme avantage le fait qu'il ne nécessite pas de changements de procédé. Un seul point d'injection est nécessaire pour ajouter le catalyseur préformé ou le cas échéant le cuivre et la phénanthroline séparément. En outre, le complexe utilisé est soluble dans l'eau, non volatil, inodore est stable.
Il est également possible d'envisager de mettre en œuvre ce complexe dans d'autres étapes telles que l'extraction alcaline EQ.