EMBOUCHOIR POUR INSTRUMENT A ANCHE BATTANTE
La présente invention se rapporte aux instruments à anche simple battante, en particulier aux clarinettes et aux saxophones, qui comportent une perce formant une colonne d'air mise en vibration par l'instrumentiste pour générer des sons. Elle concerne plus particulièrement la partie comportant un bec, une anche et une ligature destinée à être embouchée pour insuffler l'air dans l'instrument et mettre la colonne d'air en vibration. Dans le présent document, cette partie, est appelée embouchoir, pour éviter toute confusion avec le mot « embouchure », qui désigne ici exclusivement la manière de prendre l'instrument en bouche. Le bec comporte une table comprenant une portion incurvée et une portion sensiblement plane, destinée à servir d'appui à l'anche. Le terme « table » utilisé sans autre précision désigne toujours la table du bec dans la suite de la description. Pour bien comprendre le fonctionnement de ce type d'instruments, on se référera avantageusement à l'ouvrage intitulé « Clarinette mon amie » Ernest Ferron, éditions IMD 1994.
Les clarinettistes se plaignent, depuis l'invention de leur instrument, il y a plus de trois siècles, de la difficulté à se procurer des anches répondant parfaitement à leur attente. Aussi, les facteurs d'instruments et les inventeurs se sont ingéniés à améliorer les performances des becs et des anches. Aujourd'hui, ce n'est pas tant la précision de la facture de l'anche, faite en roseau, qui est en cause, mais plutôt les irrégularités intrinsèques de la matière qui la compose. On peut considérer une anche comme un ressort dont les caractéristiques varient en fonction de sa forme, de la structure de la matière, de son taux d'humidité et de l'état de fatigue et de la transformation, chimique et structurelle des fibres qu'elle comporte, due au vieillissement et à la lumière.
Il arrive souvent que l'anche soit bonne en soi, mais qu'elle n'interagit pas de manière satisfaisante avec le bec sur lequel on la pose. Le clarinettiste en
prenα une autre ou la retravaille alors pour l'adapter plus intimement à ce bec, activité qui demande un savoir-faire important.
Il a également été proposé des dispositifs destinés à être associés à l'embouchoir, pour tirer le meilleur profit des anches disponibles, par exemple des modèles particuliers de ligatures. Une telle solution est décrite dans le document US 1 ,896,814. Dans l'instrument décrit, le bec comporte une gorge dans sa table, et la ligature est agencée de manière à pouvoir exercer une pression au niveau de la gorge, de façon à faire fléchir l'anche et à modifier ainsi l'ouverture. Le document US 3,791 ,253 décrit une ligature munie d'une pièce amovible et susceptible de venir prendre appui sur l'anche. En déplaçant cette pièce longitudinalement, il est possible de modifier les caractéristiques élastiques de l'anche.
Le document US 2,224,719 prévoit l'adjonction d'un ressort faisant pression sur la face intérieure de l'anche, la fixation et la pression étant assurées par une vis engagée dans un trou que comporte l'anche. Cette solution modifie également les caractéristiques élastiques de l'anche. En outre, le fait de la percer peut considérablement changer son comportement, et de manière difficilement prévisible. Les améliorations procurées par les solutions qui viennent d'être décrites sont limitées, car dans les trois cas, un seul paramètre est visé. Or, il apparaît qu'en plus de l'élasticité de l'anche, pouvant être modifiée par les dispositifs décrits dans les documents US 3,791,253 ou US 2,224,719, ou la dimension de l'ouverture comprise entre le bec et l'extrémité de l'anche, modifiable au moyen du dispositif décrit dans le document US 1 ,896,814, cinq paramètres relatifs à l'interaction du bec et de l'anche jouent un rôle essentiel. Trois concernent la portion incurvée de la table, soit sa longueur, sa courbure et son asymétrie latérale. A cela s'ajoutent les conditions d'interface entre l'anche et le bec, et l'inclinaison de l'anche en référence à la voûte de la chambre.
D'autres modifications plus importantes ont- été proposées, nécessitant d'aménager la structure du bec de l'instrument de manière importante. Par exemple, le brevet US 2 495 484 décrit un embouchoir muni d'un cadre fixé au moyen de vis et tenant lieu de table du bec. Une fourchette, fixée à l'embouchoir, est disposée de manière à prendre appui contre la face du cadre opposée à la table. Ce genre d'amélioration présente un inconvénient rédhibitoire : celui de ne pas s'adapter sans autre à l'instrument du musicien. En effet, celui-ci doit, soit remplacer le bec auquel il est habitué, soit faire modifier son instrument par un professionnel. Le but de la présente invention est de pallier ces inconvénients, en permettant une meilleure maîtrise de tous les paramètres influençant l'interaction entre le bec et l'anche et s'adaptant sur un bec standard - ne nécessitant aucune modification de sa structure. Selon l'invention, l'embouchoir comporte :
- un bec muni - d'une chambre, comprenant une voûte, une paroi opposée à la voûte et deux parois latérales, et une perce, destinées à permettre l'écoulement de l'air et la circulation des ondes sonores vers le tube de l'instrument, et
- d'une première table, originelle, comprenant une portion incurvée, disposée latéralement de part et d'autre de la chambre et formant l'extrémité des parois, et une portion sensiblement plane disposée au-dessus de la chambre et de la perce, dans le prolongement de la portion incurvée,
- une anche comportant - un talon, destiné à être fixé au bec,
- un biseau destiné à vibrer, et
- une deuxième table, s'étendant sur toute sa longueur et formant l'une des faces du talon et du biseau, agencée pour prendre appui, par la partie de sa table associée au talon contre la portion plane de la première table, et
- une ligature, pour assurer l'assemblage de l'anche sur le bec.
Dans cet embouchoir, -le bec .et- -'anche définissent entre eux une ouverture destinée à laisser pénétrer l'air, pour engendrer des vibrations sonores. L'air s'écoule ensuite dans la chambre et dans la perce, selon une direction générale dite longitudinale. L'embouchoir est caractérisé en ce que qu'il comporte, en outre, présent lors de la production sonore, un intercalaire amovible se présentant sous la forme d'un patch, enserré entre les tables du bec et de l'anche, et agencé de manière à définir, avec la première table, une troisième table, virtuelle, fonction des formes de la première table, de l'intercalaire et de la position dudit intercalaire sur la première table. On définira, dans la présente description, un patch comme étant une pièce souple, avantageusement de forme générale rectangulaire ou trapézoïdale, et dont l'épaisseur est variable et sensiblement plus faible que les autres dimensions.
Dans cet embouchoir, l'intercalaire peut couvrir une partie au moins de la portion incurvée de la première table. De la sorte, la longueur et/ou la courbure de la portion incurvée peut être modifiée, et un déplacement longitudinal permet de moduler finement ses caractéristiques.
La présente invention concerne également un intercalaire destiné à équiper un tel embouchoir. Cet intercalaire présente un chanfrein à l'une au moins de ses extrémités, destinée à être disposée en regard du biseau de l'anche. De manière avantageuse, l'épaisseur de l'extrémité du chanfrein est inférieure à 0.09 mm.
Avantageusement, l'épaisseur de l'intercalaire est constante latéralement et variable, selon la cote longitudinale, suivant une fonction continue définie par morceaux, lesdits morceaux, au nombre de trois, étant chacun formés d'un polynôme du quatrième degré, dont l'un, au moins, présente sur une longueur de plus de 2 millimètres, au moins deux coefficients non nuls.
De manière avantageuse, le film est constitué d'une superposition de feuilles minces fixées les unes aux autres, le nombre de feuilles superposées allant décroissant pour former le chanfrein.
Pour permettre une correction fine, il est nécessaire que l'angle au sommet du chanfrein soit faible, avantageusement inférieur à 3°.
La forme du chanfrein de l'intercalaire permet de modifier les caractéristiques de la portion incurvée de la table virtuelle. Plusieurs formes sont envisageables, choisies en fonction des modifications à apporter.
Afin d'éviter qu'une portion trop grande de la chambre ne soit masquée par l'intercalaire, son extrémité comportant le chanfrein est munie d'une découpe pratiquée dans toute son épaisseur et disposée latéralement dans sa partie médiane. Cette découpe définit deux doigts disposés de manière à prendre appui sur la portion incurvée de la table du bec, et une échancrure définie par ces doigts et destinée à bien dégager l'accès à la chambre.
Le choix du matériau joue un rôle dans les conditions de travail de l'anche sur le bec. Il est aussi nécessaire que la matière utilisée permette de conférer la forme voulue à l'intercalaire et que sa structure soit telle qu'il ne vibre pas avec l'anche lors de la production sonore. Il est ainsi intéressant de faire appel à un matériau susceptible d'être travaillé par déformation plastique, par exemple un alliage d'aluminium.
Dans le cas où l'interface doit être en un matériau faiblement élastique, il est intéressant de réaliser l'intercalaire en une matière plastique. Si cette dernière est de type thermoformable, les formes souhaitées peuvent êtres obtenues par des moyens simples et peu coûteux, par échauffement et écrasement des parties à déformer, par injection ou par calandrage.
Il est apparu qu'en munissant l'intercalaire, sur une portion de l'une de ses faces, d'une couche adhésive de type repositionnable, il est possible d'assurer un positionnement sûr et facilement ajustable. Cette couche peut agir aussi sur les conditions d'interface entre l'anche et le bec. L'épaisseur et la surface peuvent donc être ajustées en conséquence. En général, toutefois, la couche ne couvre pas complètement l'intercalaire, de manière à pouvoir le décoller facilement.
D'autres avantages et caractéristiques de l'invention ressortiront de la description qui va suivre, faite en regard du dessin annexé, dans lequel:
- les figures 1 et 2 montrent un embouchoir de clarinette selon l'invention respectivement vu en perspective et de son côté destiné à recevoir une anche, défini comme « dessus » dans la présente description,
- les figures 3 et 4 illustrent respectivement vus de dessus et de côté, différents types d'intercalaires susceptibles d'équiper l'embouchoir selon l'invention, - la figure 5 représente une vue de profil d'un bec de clarinette sans intercalaire. Elle illustre le système d'axes Ox et Oz défini lorsqu'une anche est assujettie sur la portion sensiblement plane de la table du bec, et
- la figure 6 est un graphique qui montre comment se calcule un intercalaire mince.
Sur les figures 1 , 4 et 6, les échelles ne sont pas respectées. Plus précisément, les épaisseurs des intercalaires ont été fortement exagérées, de manière à ce que leur forme soit visible.
L'embouchoir représenté aux figures 1 et 2 est du type destiné à équiper une clarinette. Un modèle similaire peut être adapté à un saxophone ou à tout autre instrument à anche simple battante. Il comporte un bec 10, une anche 12 et une ligature qui n'a pas été représentée au dessin, pour rendre plus visibles les pièces intervenant dans l'invention. Comme on le constatera dans la description qui va suivre, ces éléments sont ceux qui équipent classiquement l'instrument, sans avoir subi de transformation, ni d'adaptation structurelle. L'embouchoir comprend, en outre, un intercalaire 14, disposé entre le bec 10 et l'anche 12, et dont la structure et la fonction seront précisées ci-après.
De manière classique, le bec 10 est réalisé en une seule pièce. Il présente une forme oblongue, avec une partie avant 16 destinée à être embouchée, et une partie arrière cylindrique, formant un tenon 18, et agencée pour être fixée
au baril de la clarinette. La partie avant 16 est issue d'une forme sensiblement conique, tronqué par deux surfaces 20 et 22. La surface 20 forme une table, appelée ici originelle, comportant deux portions dont l'une 20a, sensiblement plane, est voisine du tenon 18, et l'autre 20b, incurvée, occupe l'avant du bec 10.
Le tenon 18 est de forme générale cylindrique et porte, à sa périphérie et dans un évidement concentrique ad hoc, un joint 24 en liège, destiné à assurer une liaison étanche avec le baril.
La surface 22 constitue la partie du bec appelée mentonnière et forme, avec la surface 20, un angle aigu, qui définit la forme en sifflet de l'extrémité du bec, également nommée pointe du bec, dans sa partie devant être embouchée.
Le bec 10 est traversé par un canal, reliant la surface 20 à la partie centrale du tenon 18, et destiné à assurer le passage de l'air de la bouche vers le corps de l'instrument. Il est formé d'une chambre 26 - délimitée par une voûte 26a, une paroi opposée à la voûte et masquée sur le dessin, et deux parois latérales 26b - s'ouvrant dans la portion 20b pour définir la partie du bec habituellement appelée lumière, et d'une perce 27, de forme légèrement conique, concentrique au tenon, débouchant dans la chambre et se prolongeant dans le baril puis dans le tube de la clarinette, non représentés au dessin. La perce 27 délimite une colonne d'air mise en vibration sous l'effet des oscillations de l'anche et dont la fréquence définit le son émis.
L'anche 12 est constituée, de manière bien connue de l'homme du métier, d'une plaquette habituellement faite à partir d'une portion de roseau de l'espèce Arundo donax, présentant une face inférieure plane qui constitue une table 28, un talon 30, bombé du côté opposé à la table 28, qui sert d'appui à la ligature pour fixer l'anche 12 sur le bec 10, et d'un biseau 32, dont la structure amincie permet d'assurer sa mise en vibration. Sur la figure 1 , l'anche est représentée au-dessus du bec, de manière à laisser visible
l'intercalaire 14. La table 28 a toutefois été marquée en pointillés dans sa position de travail, identifiée par la référence 28'.
L'intercalaire 14 est formé d'un film en matériau stable et suffisamment souple de manière à adhérer sans difficulté à la table du bec malgré de fortes oscillations de l'anche, par exemple en aluminium ou en matière plastique. Comme on peut le voir sur les figures 3 et 4, il comporte une partie arrière 34, formant le corps de l'intercalaire et permettant, selon sa forme, de modifier la distance et l'inclinaison de l'anche 12 en référence au bec 10, une partie avant 36 destinée à ajuster les caractéristiques de la courbure de la portion 20b, et une partie médiane 38 reliant les parties avant 36 et arrière 34. Cette partie médiane 38 est appelée à prolonger la partie avant 36 ou la partie arrière 34, suivant la position longitudinale de l'intercalaire sur le bec 10. La distinction entre ces trois parties 34, 36 et 38 est donc avant tout fonctionnelle et non exclusivement morphologique, et elle dépend de la courbure de la portion incurvée 20b de la table du bec utilisé. Les limites entre les parties 34, 36 et 38 indiquées sur les figures 3 et 4 sont donc approximatives, car ladite courbure n'est pas connue a priori.
Dans le mode de réalisation représenté aux figures 3 et 4, l'épaisseur de la partie arrière 34 est constante. La partie avant présente un chanfrein 40, mieux visible sur la figure 4, allant en s'amincissant vers l'extrémité du bec 10 ainsi que deux doigts 42 et 44 s'étendant chacun sur l'un des côtés de la chambre 26 et recouvrant partiellement l'extrémité des parois latérales 26b et définissant une découpe 46 permettant d'éviter que la chambre 26 ne soit obstruée, même si l'intercalaire 14 est disposé très en avant sur le bec 10. L'épaisseur du chanfrein à son extrémité libre doit être aussi faible que possible, généralement inférieure à 0,09 mm, avec un angle au sommet plus petit ou égal à 3°.
Jusqu'ici, l'anche était plaquée directement par sa table 28, contre la portion plane 20a de la table originelle. A cause de la forme incurvée de la portion 20b, les parties avant du bec 10 et de l'anche 12 sont espacées l'une de l'autre et forment une ouverture 48 débouchant dans la chambre 26 et
permettant au clarinettiste de produire un son par battement de l'anche, en y insufflant de l'air. Relativement à l'anche, l'intercalaire 14, apposé sur la surface 20 et recouvrant partiellement la surface 20b, forme une nouvelle table, appelée ici virtuelle, ayant une autre courbure et/ou une autre longueur que la portion incurvée 20b, fonction de la forme de l'intercalaire 14.
La qualité des sons émis dépend de nombreux paramètres, notamment du corps de l'instrument, mais aussi de l'anche 12 et de la manière dont celle-ci vibre sur le bec 10. Or, cette partie de l'instrument est très sensible à des différences infimes de sa structure ainsi qu'aux conditions environnantes, thermiques, hygrométriques et barométriques. Chaque fois qu'un clarinettiste se produit, il doit choisir une anche adaptée à l'œuvre à exécuter, à la tonalité de l'instrument utilisé et à l'environnement acoustique. Pour augmenter la probabilité de disposer d'une anche optimale, le clarinettiste doit en faire « mûrir » un grand nombre, ce qui est coûteux et fastidieux. De plus, la période de fonctionnement optimale de chaque anche est assez brève.
L'intercalaire 14 permet d'apporter une solution simple, économique et originale au problème évoqué ci-dessus, notamment parce qu'il s'adapte à tout type de bec, sans nécessiter de modification préalable. Une telle solution permet, en outre, à un enseignant de diriger son élève vers des techniques d'embouchure et de soutien plus adaptées, en développant sa flexibilité et sa sensibilité aux variations de la sonorité.
Comme cela sera précisé plus loin, la présence de cet intercalaire 14 modifie les conditions de liaison de l'anche 12 au bec 10, et ainsi, la qualité du son, fonction de la forme, de la position et du matériau constituant l'intercalaire 14. Plus précisément, il a été constaté que, pour une anche donnée, la qualité des sons générés dépend, entre autre, de :
- la dimension de l'ouverture comprise entre le bec et l'extrémité de l'anche,
- la longueur, la courbure et l'asymétrie latérale de la portion incurvée de la table,
- les conditions d'interface entre l'anche, et le bec (en_particulier l'élasticité, l'inertie ainsi que l'état de surface), et
- l'inclinaison de l'anche en référence à la voûte de la chambre.
Tous ces paramètres peuvent être ajustés par un choix adéquat de l'intercalaire, plus particulièrement de sa forme, de son état de surface, du matériau le constituant, et de son emplacement sur le bec 10. Son déplacement peut être important, comme on peut le voir sur la figure 2, où l'intercalaire 14 a été représenté en position médiane, en trait plein, et en position reculée, en pointillés, le déplacement étant indiqué par une double flèche.
Les figures 3 et 4 représentent une gamme d'intercalaires, permettant d'assurer de tels ajustements, respectivement vus de dessus et de côté. Sur ces figures, les références n'ont été mises que sur une partie d'entre eux, afin d'éviter de surcharger le dessin. Ils présentent, vus de dessus, une forme générale rectangulaire. Ils pourraient tout aussi bien être de forme trapézoïdale, de manière à épouser au mieux la forme de la surface 20.
L'intercalaire 14 représenté en a est de forme rectangulaire, découpé dans un film d'épaisseur constante. Il est destiné à être interposé entre la portion plane 20a du bec et la table 28 de l'anche 12. Le matériau choisi définira les qualités d'interface, alors que l'épaisseur assurera l'ajustement de l'ouverture 48. Cet intercalaire peut aussi comporter un chanfrein, comme représenté sur la figure 4, vu de côté, en h ou en . Dans ce cas, il pourra légèrement déborder sur la portion incurvée 20b, suffisamment peu toutefois pour ne pas trop obstruer la chambre 26. Les intercalaires représentés en b, ç, d, e, et f permettent un fort engagement sur la portion incurvée 20b, grâce à la découpe 46 dont ils sont munis, définie par les doigts 42 et 44. Cette découpe 46 peut avoir plusieurs formes. Ainsi, elle est en demi-ellipse en b et trapézoïdale en ç. En d, on retrouve la forme trapézoïdale, complétée par une structure triangulaire. Les intercalaires
représentés en e et f ne comportent que deux doigts 42 et 44 très courts, de sorte que la découpe 46 est petite.
L'intercalaire 14, représenté en perspective en g sur la figure 4, a une forme très simple avec des parties arrière 34 et médiane 38 d'épaisseur constante, alors que la partie avant 36 forme le chanfrein 40. Il peut être réalisé par superposition de feuilles minces, de quelques μm à quelques centièmes de millimètres d'épaisseur, par exemple en plastique thermo-adhésif, les feuilles étant fixées les unes aux autres par chauffage. Remarquons que la partie arrière de l'intercalaire peut être réalisée à l'aide de feuilles plus épaisses que les autres parties, comme celle-ci supporte le talon de l'anche dont l'oscillation lors de la production sonore est négligeable. L'intercalaire a avantageusement une épaisseur comprise entre 0,01 et 1mm.
Le mode de réalisation illustré en h est similaire à g. dans sa structure, le chanfrein 40 étant toutefois régulier et sans escalier. Une telle structure peut être réalisée au moyen d'une feuille en alliage d'aluminium, dont les bords seraient aplatis dans un laminoir. En i, l'angle du chanfrein 40 est plus grand qu'en h. La pratique montre que cet angle est avantageusement inférieur à 3°, typiquement de 0,1 à 0,3°.
Les modes de réalisation représentés en j, k et I sont munis d'une partie avant 36 bombée. La partie arrière 34 est inclinée vers sa partie libre en j, va en décroissant vers la partie médiane 38 en k, alors qu'en I, l'intercalaire représenté ne comporte pas de partie arrière. Ces dernières structures permettent, par le bombé de la partie avant 36, une réduction de la longueur de la portion incurvée de la table virtuelle du bec. Les conditions d'appui de l'anche 12 sur la portion 20a de la table du bec, et donc de l'ouverture 48, peuvent être modifiées en fonction de la structure de la partie arrière 34.
L'intercalaire présenté en m comporte une partie arrière 34 épaisse et décroissant vers la partie médiane 38, modifiant ainsi considérablement les conditions d'appui de l'anche 12 sur la portion 20a de la table du bec 10. Sa partie avant 36, formant le chanfrein 40, présente une forme concave, qui ne
modifie que faiblement la forme de la portion 20b dans sa partie avant, alors qu'elle modifie fortement sa partie voisine de la portion 20a. De la sorte, la longueur de la table virtuelle est augmentée.
Il apparaît ainsi que, par l'adjonction d'un intercalaire entre l'anche et le bec d'un instrument à anche simple battante, il est possible de maîtriser de manière beaucoup plus efficace l'interaction entre l'anche et le bec, et ainsi tirer le meilleur profit des anches disponibles.
On peut aussi définir mathématiquement la forme des intercalaires, en modélisant le profil d'une majorité de tables originelles de becs que l'on trouve dans le commerce. Celles-ci ont, en effet, une forme qui correspond avec une précision de plus ou moins deux centièmes de millimètres à une fonction continue fr définie par morceaux :
où p.
a etp
6 sont deux polynômes du quatrième degré :
pr a : x \→ ar 0 + ar .x + ar 2x2 - a, ^ + arAx4 pr b : x ι→ br 0 + br x + br 2x2 + b 3x3 + br 4x4
les coefficients a
r,o>
a r ari>
et ©tant des constantes réelles.
Comme fr est continue, nous avons : ρr<β(kr) = pr b(kr) L'axe longitudinal Ox se définit comme étant la droite d'intersection entre le plan de la table d'une anche 12 assujettie à la table originelle et le plan de symétrie du bec. L'origine du système d'axes se trouve sur l'axe Ox à l'extrémité effilée de l'anche. Cette dernière est centrée latéralement et disposée de telle sorte que la pointe du bec ait également pour abscisse 0. L'axe latéral Oy perpendiculaire à l'axe Ox, est dans le plan de la table de l'anche, alors que l'axe Oz est perpendiculaire à ce dernier plan (Figure 5).
fr(x) définit l'ordonnée en z d'un point d'abscisse x de la table originelle d.u bec.
La constante k
r constitue la limite entre la portion incurvée 20b et la portion sensiblement plane 20a d'une table référencée par cette fonction. Si cette dernière portion était parfaitement plane, nous aurions donc br.o
° • En réalité, elle est généralement très légèrement concave.
De manière similaire à ff , nous définirons une fonction fv correspondant à une table virtuelle d'un bec auquel on a apposé un intercalaire :
r. : *-→H [Pv,*(I!) s siin"o≤nK
où pvo etpv6 sont deux polynômes du quatrième degré: pva : x i→ av 0 + av lx + av 2x2 + av 3xy + avAx4
Pv.i : x >→ ^v,o + K,x + .2χ2 + >χ3 + AX* les coefficients av 0, av , av 2. av 3,av 4,bvfi>bv l,bv 2,bv 3,bv 4 et kv étant des constantes réelles.
Comme fv est continue, nous avons : pv,a(kv) = pvj,(kv)
L'axe Ox' se définit comme étant la droite d'intersection entre le plan de la table 28 d'une anche assujettie à la table virtuelle et le plan de symétrie du bec. L'origine de ce nouveau système d'axes se trouve sur l'axe Ox', à l'extrémité effilée de l'anche. Cette dernière est centrée latéralement et disposée de telle sorte que la pointe du bec ait également pour abscisse 0. L'axe Oy', perpendiculaire à l'axe Ox', est dans le plan de la table de l'anche, alors que l'axe Oz' est perpendiculaire à ce dernier plan. fy(x') définit l'ordonnée z d'un point d'abscisse x' de la table virtuelle du bec. Les deux systèmes d'axes définis sont donc légèrement décalés l'un par rapport à l'autre. L'angle des deux axes étant très petit , nous considérerons qu'un point d'abscisse a la même abscisse par rapport aux deux axes.
Remarquons, d'autre part, que l'anche en vibration peut se mouvoir au-delà de sa position de repos ; pVι(l(χ) peut donc présenter un maximum pour une abscisse x, légèrement inférieure à kv de manière à gouverner l'anche également dans cette partie de son oscillation, comme on peut le constater sur la figure 6.
Les intercalaires permettent d'obtenir virtuellement, à partir d'une table originelle donnée, une grande variété de formes de table en donnant des valeurs adéquates aux coefficients αv 0, αVιl , av 2, αv 3, av , bv 0, bv l , bv 2, bv 3, bv et kv .
Dans la pratique, les corrections utiles étant modestes et la différence angulaire de l'anche en référence à la voûte du bec induite par la présence de l'intercalaire étant faible, on peut déduire directement l'épaisseur de l'intercalaire en soustrayant une fonction de l'autre puis en ajoutant une fonction affine d (droite) : d : Ï H d0 + dtx
choisie de telle manière que la fonction s représentant son épaisseur s = fv- fr+ d soit toujours positive sur toute la longueur de la table et qu'elle tende vers zéro à la pointe du bec (plus ou moins une tolérance de l'ordre du centième de millimètre). Ces opérations sont illustrées graphiquement à la figure 6. Plus précisément, les fonctions f. , f„ , d et s ainsi que les abscisses des constantes kret kv sont représentées. On remarquera que la droite d coïncide avec l'axe Ox' lorsqu'on superpose l'intercalaire représenté par s sur la table originelle du bec représentée par fr . On peut constater que la table virtuelle fv par rapport à une anche posée sur l'axe Ox est bien équivalente à la table originelle plus l'intercalaire (f. + s) lorsqu'on pose une anche sur l'axe Ox' (en tenant dûment compte du fait que l'échelle de l'axe Oz est fortement agrandie, en l'occurrence de l'ordre de trente fois).
Résumons ce qui précède en tenant compte des propriétés mathématiques des polynômes : habituellement, l'épaisseur longitudinale de l'intercalaire suit
sensiblement une fonction continue- définie par morceaux, au moyen de trois polynômes du quatrième degré, délimités par les constantes kr et kv , ainsi que par l'épaisseur minimale et la longueur maximale que l'on souhaite lui donner. A l'extérieur de ces deux dernières bornes, l'épaisseur de l'intercalaire est nulle. Généralement, l'épaisseur est latéralement constante, à moins que l'on désire lui conférer une asymétrie latérale.
On relèvera que tous les modes de réalisations illustrés à la figure 4 répondent à la définition du paragraphe précédent, y compris l'intercalaire présenté en g pour autant que les feuilles qui le constituent soient suffisamment minces.
Pour mémoire, mentionnons que la prédiction du comportement d'une table de bec de fonction f donnée est difficile, tant du point de vue technique que musical. Elle devient un peu plus commode lorsqu'on effectue au préalable une transformation mathématique permettant de calculer la distance g(x) parcourue par l'extrémité amincie d'une anche entre sa position de repos et celle qu'elle aurait en épousant parfaitement la courbure de la table jusqu'à un point d'abscisse x . La table de l'anche se prolonge ensuite selon la tangente à ce point, de manière parfaitement rectiligne jusqu'à l'abscisse 0.
Ceci se traduit mathématiquement par l'équation différentielle suivante:
x) s. z
X où f'est la dérivée première de la fonction f. En admettant que la fonction g est un polynôme du quatrième degré, g : x i→ c0 + c.x + c2x2 + C3JC3 + c4x4 l'équation différentielle peut être résolue; on obtient : π» = c0 - c, ln( ) - c2 2 — c3x3 --c4x4 - fix
où la constante d'intégration h vaut :
χ0 étant un zéro réel de la fonction g de manière à ce que
g(x0) = f(xo) = 0.
Le volume d'air v déplacé par l'anche entre la position g(0) et la position g( ) de son extrémité amincie peut se calculer par la fonction :
1 2 1 j 3 4 2 s v : x h→ — c.x + -c,x +-c,x +— cΛx 4 ' 3 8 3 5
Des essais empiriques nous ont montré qu'il est possible de négliger le coefficient c, , ce qui implique alors que f est un polynôme du quatrième degré et que g'(0) = 0.
A l'aide des équations ci-dessus et de la forme de l'anche, un ingénieur des matériaux peut estimer les contraintes que subit l'anche lors de la production sonore. Il est donc possible de créer une gamme d'intercalaires permettant de gérer à volonté l'intensité et l'emplacement des contraintes que l'on veut faire subir à l'anche de manière à optimiser sa longévité. Empiriquement, nous avons constaté que celle-ci peut être sérieusement prolongée en commençant par exploiter le potentiel élastique d'une anche neuve là où elle est très épaisse, à l'aide d'une table de bec réunissant les caractéristiques suivantes : faible ouverture, grande longueur et faible courbure. Au fur et à mesure de l'assouplissement de l'anche, il est possible de solliciter plus fortement les zones où l'anche est plus mince en augmentant l'ouverture et la courbure tout en diminuant la longueur. A l'aide d'un bec traditionnel sans utiliser d'intercalaire, l'instrumentiste serait obligé de comprimer l'anche à l'aide des lèvres et d'exploiter de ce fait une zone de l'anche moins épaisse. Une fois cette zone affaiblie, il n'est plus possible de tirer parti des zones plus épaisses avec un résultat musicalement satisfaisant, ce qui diminue notablement la longévité de l'anche.
Pour utiliser l'intercalaire et afin de faciliter sa mise en place tout en permettant son déplacement, sa face destinée à être mise en contact avec la table du bec 10 est avantageusement revêtue d'une couche de colle de type repositionnable telle que celles commercialisées par la maison 3M® (USA). Cette couche de matériau relativement mou modifie les conditions d'interface entre l'anche 12 et le bec 10, c'est pourquoi il peut être avantageux qu'elle ne soit appliquée que sur une faible portion de la longueur de l'intercalaire, choisie en fonction du but recherché. Dans tous les cas, il est préférable qu'elle ne couvre pas totalement la surface de l'intercalaire, afin de faciliter son décollement.
Il est évident que les modes de réalisation donnés ici ne représentent qu'un exemple des solutions possibles. D'autres matériaux pourraient ainsi être mis en œuvre, choisis pour leur rigidité, leur élasticité ou leur aptitude à amortir une vibration, ainsi que pour leur facilité de mise en œuvre. II est également possible de prévoir d'autres formes d'intercalaires, tant au niveau de sa partie avant 36, de sa partie arrière 34 que de sa partie médiane 38. Il est ainsi possible d'avoir une épaisseur variant latéralement, de telle sorte que l'intercalaire soit plus épais sur les bords, ou au contraire plus mince, ou encore présentant une dissymétrie latérale, de manière à ce que les courbures de la table virtuelle ne soient pas les mêmes de part et d'autre de la chambre 26. Une telle disposition permet de corriger l'effet de dissymétrie de la bouche du clarinettiste, ainsi que celle de l'anche, et un contrôle plus progressif de la puissance sonore.
Afin d'améliorer leur assujettissement au bec 10, il est aussi possible de réaliser des intercalaires munis de moyens de positionnement latéral, réalisés par un pliage de sa partie avant 36, s'engageant dans la chambre 26 et/ou épousant la forme de l'extérieur du bec 10.
La solution décrite en référence à un embouchoir pour clarinette est, bien sûr, également applicable aux autres instruments à anche simple battante,
notamment au saxophone. Les dimensions des intercalaires seront alors adaptées à celle de l'instrument.
Il est aussi possible de placer plusieurs intercalaires, superposés ou juxtaposés, pour obtenir l'effet souhaité. Généralement, l'intercalaire 14 est apposé sur la table du bec 10. Il peut toutefois aussi être imaginable de l'appliquer sur la table 28 de l'anche 12.
Afin de faciliter le réglage de la position de l'intercalaire, il est avantageux de le munir d'un index ou d'une graduation référençant sa position longitudinale que l'instrumentiste devra faire coïncider avec une marque sur le bec, comme par exemple, le premier anneau de centrage de la ligature.