CONDITIONNEMENT DE BOUES AVEC DES COMPOSITIONS COMPRENANT UN TENSIO-ACTIF ANIONIQUE ET UN CATION MINERAL
La présente invention concerne l'utilisation de nouvelles compositions pour le conditionnement de boues préalablement à leur opération de déshydratation.
Le traitement des eaux résiduaires, urbaines ou industrielles, notamment par voie biologique, dans les stations d'épuration conduit notamment à la production de boues. Ces boues subissent ensuite en général une opération de déshydratation mécanique (en particulier filtration, centrifugation), puis sont transportées vers un site de décharge, d'épandage agricole ou d'incinération.
La présente invention a notamment pour but de fournir un composé utilisable efficacement dans le conditionnement de boues permettant d'augmenter leur siccité, c'est-à-dire d'accroître les extraits secs obtenus lors de l'opération subséquente de déshydratation (filtration).
Dans ce but, et ceci constitue l'objet principal de l'invention, celle-ci propose, pour le conditionnement de boues, l'utilisation d'ue composition, en particulier d'une solution, susceptible d'être obtenue par mélange (réaction), en général sous agitation, d'au moins une solution A d'au moins un tensio-actif anionique dont la partie non-ionique présente une valeur HLB ("Balance Hydrophiiie / Lipophilie") d'au plus 10 avec au moins une solution B d'au moins un cation minéral de charge supérieure ou égale à 2, dans une proportion supérieure à la stœchiométrie.
Par proportion supérieure à la stœchiométrie, on entend que le rapport molaire cation minéral de charge supérieure ou égale à 2 sur tensio-actif anionique est supérieur au rapport charge du tensio-actif anionique sur charge dudit cation minéral.
Tout tensio-actif anionique comporte une partie non-ionique et une partie polaire ionique.
Dans le cadre de l'invention, le tensio-actif anionique de la solution A est tel que sa partie non-ionique (qui est généralement constituée d'une chaîne hydrocarbonée à caractère hydrophobe et, éventuellement, d'une chaîne polyalcoxylée à caractère hydrophile, notamment polyéthoxylée) présente une valeur
HLB ("Balance Hydrophiiie / Lipophilie") d'au plus 10.
Cette partie non-ionique (qui correspond au tensio-actif non-ionique à partir duquel peut être préparé ledit tensio-actif anionique) peut présenter en particulier une valeur HLB d'au plus 8, par exemple d'au plus 4.
La partie polaire ionique du tensio-actif anionique de la solution A est habituellement un phosphate, un phosphonate, un carboxylate, un sulfonate, un sulfate ou un succinate de métal alcalin ou alcalino-terreux.
On peut notamment employer un tensio-actif anionique choisi parmi les alkylphosphates, les alkylarylphosphates, les étherphosphates, les alkylsulfonates, les alkylbenzènesulfonates, les alkylsulfates, les alkylarylsulfates, les alkyléthersulfates, les alkylaryléthersulfates ou les dialkylsulfosuccinates de métal alcalin, polyalcoxylés (notamment polyéthoxylés) ou non, dont la partie non-ionique présente une valeur HLB d'au plus 10, en particulier d'au plus 8, par exemple d'au plus 4.
De manière avantageuse, ledit tensio-actif anionique est un dodécyl sulfate de métal alcalin, de préférence de sodium. Le cation minéral de la solution B présente une charge supérieure ou égale à 2.
Il est habituellement choisi parmi Mg2+, Al3+, Fe3+, La3+, Zr4+. Ledit cation est, de préférence, Fe3+ ou, de manière encore plus préférée, Al3+.
De même, ledit cation minéral est présent dans la solution B en général sous forme d'un sel soluble. A titre de sel soluble, on peut utiliser les chlorures, les nitrates, les acétates. En général, on utilise un sel soluble exempt de l'élément azote, ce qui permet de s'affranchir des problèmes éventuels liés à sa présence. De manière très préférée, on emploie un chlorure.
La solution B est de préférence une solution de chlorure ferrique ou, de manière encore plus préférée, une solution de chlorure d'aluminium. De manière avantageuse, la solution A de tensio-actif anionique, par exemple dans le cas du dodécyl sulfate de métal alcalin, et la solution B de cation minéral de charge supérieure ou égale à 2, par exemple dans le cas du chlorure d'aluminium, sont mises en œuvre de telle manière que le rapport molaire (cation minéral de charge supérieure ou égale à 2) / (tensio-actif anionique) soit compris entre 1 et 20, en particulier entre 1 ,5 et 10 ; les solutions A et B sont par exemple mises en œuvre de telle manière que ce rapport molaire soit compris entre 2 et 5.
La quantité de tensio-actif anionique mise en œuvre est de préférence d'au plus 0,6 mole, en particulier d'au plus 0,4 mole, par exemple comprise entre 0,1 5 et 0,35 mole, par kg de mélange réactionnel (solutions A + B). La quantité de cation minéral de charge supérieure ou égale à 2 mise en œuvre est de préférence comprise entre 0,2 et 0,9 mole, en particulier entre 0,25 et 0,8 mole, par exemple entre 0,35 et 0,65 mole, par kg de mélange réactionnel (solutions A + B).
La solution A présente généralement une teneur en tensio-actif anionique supérieure à sa concentration micellaire critique : elle contient ainsi en général le tensio-actif anionique sous forme de micelles.
La solution B présente généralement une teneur en cation minéral (de charge supérieure ou égale à 2) inférieure à la solubilité du sel employé.
De manière préférée, le pH de la solution A de tensio-actif anionique est inférieur au pH de polymérisation dudit cation minéral : ainsi, de préférence, ce cation minéral ne se polymérise pas au cours de la préparation de la composition utilisée selon l'invention. II est souhaitable que le tensio-actif anionique se trouve sous forme dissoute dans la solution A.
De même, de manière préférée, le pH de la solution B de cation minéral de charge supérieure ou égale à 2 est inférieur au pH de polymérisation dudit cation : ce cation minéral est ainsi de préférence mis en œuvre sous forme non polymérisée. Le plus souvent, les solutions A et B à mélanger se trouvent à une température comprise entre 10 et 75 °C.
La température de la solution A de tensio-actif anionique est généralement supérieure à sa température de Kraft.
La composition utilisée dans la présente invention est en général préparée par addition de la solution A de tensio-actif anionique dans la solution B de cation minéral de charge supérieure ou égale à 2. Selon une variante préférée, d'une part, cette addition est effectuée lentement, et, d'autre part, la solution A présente une température comprise entre 10 et 30 °C . Selon une autre variante encore plus préférée, d'une part, cette addition est effectuée rapidement, et, d'autre part, la solution A présente une température d'au moins 40 °C, par exemple comprise entre 40 et 75 °C.
La composition utilisée dans le cadre de L'invention se présente généralement sous la forme d'une solution. Les conditions de préparo on sont telles que cette solution est, de préférence, homogène, en particulier monophasique. Le pH de la composition employée dans l'invention est avantageusement inférieur à 2.
Elle trouve une application particulièrement intéressante dans le conditionnement chimique de boues, notamment de boues issues des stations d'épuration des eaux usées ou résiduaires, urbaines ou industrielles son incorporation dans les boues, que l'on peut soumettre préalablement à un traitement de digestion anaérobie, permet de les structurer de telle manière que l'eau contenue dans ces boues est mieux exsuder lors de l'opération de déshydratation qui suit. L'efficacité de l'opération de déshydratation mécanique comme la filtration ou la centrifugation peut ainsi être améliorée, les volumes produits après cette déshydratation étant réduits par l'obtention d'un gâteau de filtration de siccité élevée.
La quantité de cette composition utilisée lors du conditionnement d'une boue est telle qu'elle correspond en général entre 1 et 3 fois , de préférence à 2 fois, la
quantité de charge cationique théorique pour neutraliser la quantité de charge anionique de la boue à traiter ; en d'autres termes, la quantité de composition employée est, généralement, telle qu'elle présente en valeur absolue une cationicité égale en général à 1 à 3 fois, de préférence égale à 2 fois, l'anionicité de la boue à traiter.
Les exemples suivants illustrent l'invention sans toutefois en limiter la portée
EXEMPLE 1
On prépare une solution aqueuse A de dodécyl sulfate de sodium en introduisant, sous agitation, 1 1 2,5 g de dodécyl sulfate de sodium dans 937,5 g d'eau de pH égal à 10,0, puis en ajoutant 80 ml d'acide chlorhydrique 1 N pour ajuster le pH à 1 ,7 ; la solution est ensuite chauffée à 60 °C.
On prépare une solution B de chlorure d'aluminium en introduisant, sous agitation, 1 89 g d'AICI3, 6H20 dans 225 g d'eau.
On ajoute ensuite rapidement, sous agitation, la solution A chauffée à 60 °C à la solution B.
Le rapport molaire (Al3 + ) / (dodécyl sulfate de sodium) est égal à 2. La quantité de dodécyl sulfate de sodium mise en œuvre est de 0,25 mole par kg de mélange réactionnel ; la quantité d'aluminium mise en œuvre est de 0,5 mole par kg de mélange réactionnel.
La solution alors obtenue est dénommée S1 .
EXEMPLE 2
On prépare une solution aqueuse A de dodécyl sulfate de sodium en introduisant, sous agitation, 1 1 2,5 g de dodécyl sulfate de sodium dans 937,5 g d'eau de pH égal à 10,0, puis en ajoutant 69 ml d'acide chlorhydrique 1 N pour ajuster le pH à 1 ,7 ; la solution est ensuite chauffée à 60 °C. On prépare une solution B de chlorure d'aluminium en introduisant, sous agitation, 1 89 g d'AICI3, 6H20 dans 225 g d'eau.
On ajoute ensuite rapidement, sous agitation, la solution A chauffée à 60 °C à la solution B.
Le rapport molaire (Al3 + ) / (dodécyl sulfate de sodium) est égal à 2. La quantité de dodécyl sulfate de sodium mise en œuvre est de 0,25 mole par kg de mélange réactionnel ; la quantité d'aluminium mise en œuvre est de 0,5 mole par kg de mélange réactionnel.
La solution alors obtenue est dénommée S2.
EXEMPLE 3
On prépare une solution aqueuse A de dodécyl sulfate de sodium en introduisant, sous agitation, 380 g de dodécyl sulfate de sodium dans 500 g d'eau de pH égal à 10,0 ; le pH du mélange obtenu est ensuite ajusté à 1 ,5 ± 0,2 par ajout d'acide chlorhydrique 1 N ; la masse dudit mélange est ensuite complétée à
1 kg avec de l'eau.
On prépare une solution B de chlorure ferrique en introduisant, sous agitation, 357 g de FeCI3, 6H20 dans 643 g d'eau.
On ajoute ensuite, sous agitation, la solution A à la solution B, dans un rapport massique 50/50.
La solution alors obtenue de pH égal à 1 ,0 ± 0,2 est dénommée S3.
EXEMPLE 4
On considère une boue issue d'une station d'épuration d'eaux résiduaires urbaines, cette boue ayant subi un traitement de digestion anaérobie. Cette boue présente une anionicité de 0,1 23 mol /kg. On filtre ensuite séparément, dans les conditions indiquées ci-dessous :
- 100 g de cette boue
- 100 g de cette boue auxquels ont été ajoutés 1 ,795 ml d'Aquarhône 18 (polychlorure d'aluminium commercialisé par Rhodia, contenant 4,56 mol d'aluminium /kg) - 100 g de cette boue auxquels ont été ajoutés 1 6,4 ml de la solution S1
- 100 g de cette boue auxquels ont été ajoutés 1 6,4 ml de la solution S2
- 100 g de cette boue auxquels ont été ajoutés 13,5 ml de la solution S3.
Dans les quatre derniers cas, la quantité d'additif ajouté à la boue est telle qu'elle correspond à 2 fois la quantité de charge cationique théorique pour neutraliser la quantité de charge anionique de la boue à traiter.
Chaque filtration est effectuée selon les conditions de la norme expérimentale NF T 97-001 (1 979), points 4 et 5, en utilisant une toile filtrante en textile synthétique à la place du papier filtre et n'employant pas de toile support. Le gâteau de filtration est récupéré après avoir exercé une pression telle que la pression différentielle entre celle appliquée et la pression atmosphérique soit de 0 bar pendant 60 secondes, puis de 2 bars pendant 10 minutes et enfin de 10 bars pendant 5 minutes.
Pour chacun des quatre gâteaux de filtration récupérés, on donne ci-dessous :
- sa masse (M1 ),
- la siccité (ou teneur en matières solides totales dans le cas de la boue seule) : la siccité est égale au rapport M2/M1 (exprimé en %), dans lequel M2 est la masse du gâteau de filtration après séchage à l'étuve à 105 °C pendant 1 heure, jusqu'à masse constante,
- la teneur en matières volatiles solides (MVS) qui est égale au rapport (M2-M3)/M2, M3 étant la masse obtenue après calcination de M2 pendant 1 ,5 heure dans un four préalablement porté à 525 °C (on pourra se référer à la norme NF T 90-029 de juin 1 970 pour les mesures de M2 et M3).
Ces résultats illustrent le très bon comportement en conditionnement des boues des solutions S1 , S2 et S3. On note même une amélioration sensible par rapport à l'utilisation d'un polychlorure d'aluminium (en particulier avec un gain de 5 à 7 points en siccité).