DISPOSITIF DE DETECTION DE RAYONNEMENT A FORTE DYNAMIQUE
DESCRIPTION
Domaine techniçrue
L'invention concerne un dispositif de détection de rayonnement à forte dynamique .
On entend par dispositif de détection à forte dynamique un dispositif capable de détecter un rayonnement aussi bien de faible flux que de fort flux.
Le rayonnement dont il est question peut être un rayonnement X ou γ, mais on pourrait utiliser d'autres types de rayonnement, de type corpusculaire par exemple, comme des faisceaux de protons. La seule contrainte est que ce rayonnement soit capable de créer des charges électriques au sein d'un matériau semiconducteur dans un volume de 1 ' ordre du millimètre cube . L'invention trouve des applications en particulier dans le domaine médical. Par exemple, pour une radiographie, le rayonnement X utilisé, avant d'arriver sur le dispositif détecteur, traverse le corps d'un patient où il est absorbé de façon inhomogène. Le flux ressortant peut donc localement varier considérablement (plusieurs décades) .
Un autre exemple peut être pris en radiothérapie : le patient sera très faiblement irradié dans un premier temps pour le positionnement, puis très fortement irradié dans un deuxième temps pour le traitement.
Un autre domaine est celui du contrôle non destructif par radiographie, par exemple de l'intérieur de containers (chargement des bateaux) qui peuvent présenter des absorptions très variées .
Etat de la technique antérieure
A l'heure actuelle, et en particulier dans le domaine médical, les détecteurs de rayonnement (par exemple X ou γ) sont généralement des détecteurs à scintillateurs fonctionnant sur un principe de détection indirecte : le photon incident interagit avec le matériau scintillateur en créant des photons d'un autre type, photons qui sont multipliés par un photomultiplicateur afin de fournir un signal électrique mesurable.
Ces détecteurs présentent une efficacité et une résolution qui peuvent être insuffisantes pour certaines applications.
Ces caractéristiques peuvent être améliorées en remplaçant les détecteurs à scintillateur par des détecteurs à semi-conducteur. La figure 1 annexée décrit schématiquement un détecteur de ce type.
Tel que représenté, le dispositif comprend un matériau semi-conducteur 2 encadré par deux électrodes 4 et 6, des moyens d'alimentation 8 aptes à porter l'électrode 6 à une tension appropriée (-V), des moyens pour mesurer le courant (i) délivré, comprenant, dans l'exemple illustré, un amplificateur 10 dont la sortie est rebouclée sur l'entrée par un condensateur 12, un interrupteur 14 étant en outre disposé aux bornes de ce condensateur. Le dispositif comprend enfin un appareil
de mesure du courant (ou de la tension 16) . • Le rayonnement que l'on veut détecter est référencé 20 et il traverse le matériau semi-conducteur 2.
Le fonctionnement de ce dispositif est le suivant. Le rayonnement 20 interagit avec le matériau semiconducteur 2 en créant des charges électriques . Pour un même rayonnement incident, le nombre de charges créées est d'un ordre de grandeur supérieur à celui qui est obtenu en détection indirecte par un détecteur à scintillateur. Le champ électrique créé dans le matériau par les électrodes permet de collecter ces charges sur les électrodes et notamment l'électrode 4. Ces charges sont ensuite stockées dans le condensateur 12 et traitées dans le circuit 16 qui délivre un signal représentatif du rayonnement.
Le condensateur d'intégration 12 est dimensionné de façon à pouvoir stocker la quantité de charges maximale que peut délivrer le matériau semi-conducteur. Cette quantité est fonction de la valeur du flux incident. Si le flux est très élevé, le nombre de charges à stocker sera élevé et les capacités nécessaires à leur stockage devront être grandes. Ces valeurs de capacité peuvent soit ne pas exister sur le marché des composants électroniques, soit impliquer des surfaces de capacité intégrée trop grandes pour la place disponible sur le circuit.
La solution consiste donc à diminuer la quantité de charges à stocker, uniquement lorsque le flux incident est trop élevé. Mais il est essentiel de conserver les qualités fondamentales du détecteur, à savoir une bonne résolution spatiale ou un bon
contraste. La résolution spatiale est la distance minimale qui doit séparer les points d'interaction avec le matériau de deux photons incidents pour que le détecteur puisse les différencier. La quantité de charges à stocker ne peut pas être diminuée par simple réduction du nombre de photons arrivant sur le détecteur. Cette méthode, valable pour les forts flux, ne conviendrait pas pour les faibles flux et le détecteur perdrait la dynamique nécessaire à l'application. De plus, le nombre de photons incidents doit rester conséquent car le bruit du signal électrique est proportionnel à 1/vN où N est le nombre de photons absorbés dans tout le volume du détecteur.
La présente invention a justement pour but de proposer un dispositif de détection de rayonnement à forte dynamique qui ne présente pas ces inconvénients et permet de satisfaire à ces exigences contradictoires .
Exposé de l'invention
A cette fin, l'invention propose un dispositif dont la caractéristique essentielle est que 1 ' électrode de polarisation, opposée à l'électrode de mesure est fragmentée en zones conductrices électriquement isolées les unes des autres, les moyens d'alimentation étant aptes à porter chacune de ces zones à une tension appropriée .
En fonctionnement, le rayonnement incident est injecté dans une direction perpendiculaire à la direction de fractionnement de l'électrode de polarisation.
Ces moyens permettent de faire fonctionner- le dispositif de deux manières différentes, selon les applications envisagées :
- soit qu'on travaille à faible tension, sur la totalité du matériau, auquel cas on obtient un faible bruit et on améliore le contraste,
- soit qu'on travaille sur une partie seulement du matériau mais avec une tension élevée, auquel cas on améliore la résolution spatiale.
De façon précise, l'invention a donc pour objet un dispositif de détection de rayonnement énergétique, comprenant un matériau semi-conducteur apte à convertir ce rayonnement en charges électriques, une électrode de mesure et un circuit de mesure pour mesurer le courant délivré par cette électrode, caractérisé en ce qu'il comprend en outre des électrodes de polarisation constituées de zones conductrices électriquement isolées les unes des autres, lesdites électrodes de polarisation et l'électrode de mesure encadrant le matériau et des moyens d'alimentation aptes à porter chacune de ces zones conductrices à une tension appropriée réglable.
De préférence, le matériau semi-conducteur présente une forme de barreau parallélépipédique avec une profondeur destinée à être orientée parallèlement à la direction du rayonnement, une largeur et une hauteur, ce barreau présentant deux faces parallèles séparées par ladite hauteur, l'électrode de mesure et les électrodes de polarisation étant disposées sur ces faces .
De préférence, dans cette variante, les zones conductrices de l'électrode de polarisation sont en forme de bandes rectangulaires ayant une longueur parallèle à la largeur du barreau et une largeur parallèle à la profondeur du barreau.
Dans une autre variante, l'électrode de mesure est constituée de bandes conductrices rectangulaires ayant une longueur parallèle à la profondeur du barreau et une largeur parallèle à la largeur du barreau. Les zones de fragmentation peuvent prendre diverses formes, notamment en bandes rectangulaires.
Brève description des dessins
- la figure 1, déjà décrite, illustre un détecteur de l'art antérieur ;
- la figure 2 représente l'évolution du nombre de charges collectées en fonction de la valeur de la polarisation des électrodes ;
- la figure 3 illustre schématiquement la fragmentation d'une électrode ;
- la figure 4 montre un mode particulier de réalisation avec des zones de largeurs croissantes ;
- la figure 5 montre un autre mode particulier de réalisation avec une succession de bandes de même largeur ;
- la figure 6 illustre un mode particulier de réalisation dans lequel les deux électrodes de polarisation et de mesure sont fragmentées dans deux directions orthogonales.
Description de modes particuliers de réalisation
Selon un premier mode de fonctionnement du dispositif de l'invention, on réduit le nombre de charges collectées en réduisant le champ électrique appliqué au matériau semi-conducteur, donc la tension appliquée aux électrodes. Ce mode de fonctionnement n'est jamais utilisé dans l'art antérieur, car on considère qu'en baissant la tension de fonctionnement, les porteurs de charge vont migrer moins vite et se faire piéger en partie. Suivant le lieu de l'interaction rayonnement-matière (au voisinage des électrodes ou au centre du barreau) , la quantité de charges stockées dans le condensateur sera très variable et le signal mesuré peu reproductible. Or, le Demandeur a montré qu'il n'en était rien pour les photons de haute énergie (de l'ordre du MeV) . En effet, de tels photons créent des paires électron-trou dans un volume important, dont la section droite typique est de l'ordre de 1 à quelques mm2. Il existe alors des charges dans tout le volume séparant les électrodes. Lorsque le nombre de photons incidents est important (ce qui est le cas lorsque le problème de l'excès de charges se pose) , on peut considérer que la répartition des charges dans le volume du semi-conducteur est uniforme (par moyennage) . C'est pourquoi, si le signal de sortie diminue avec la tension de polarisation, il reste néanmoins stable et reproductible. C'est ce que confirme la figure 2, qui montre la charge mesurée C (en unité arbitraire) en fonction de la tension de polarisation V, exprimée en volts. La courbe (exponentielle) est régulière et atteste d'une relation
simple entre la variation de tension et la variation de quantité de charges collectées.
Ce premier mode de fonctionnement permet donc de réduire la quantité de charges à traiter tout en préservant le contraste. Mais cela s'effectue au détriment de la résolution spatiale. Pour palier à cet inconvénient, l'invention propose un autre mode de fonctionnement (qui peut d'ailleurs être associé au premier) et qui exploite la fragmentation de l'électrode de polarisation opposée à l'électrode de mesure .
Les figures 3 , 4 et 5 illustrent des exemples de réalisation de cette fragmentation. Ces exemples se rapportent à un barreau parallèlépipédique, mais, naturellement, cette forme n'est pas la seule possible. Sur la figure 3, on voit un barreau 2 avec une grande dimension, appelée profondeur et repérée par la lettre p, parallèle à la direction du rayonnement 20 à détecter ; le barreau possède une largeur 1 et une hauteur h. Les faces séparées par la hauteur h portent les électrodes. Dans le cas illustré, on trouve trois électrodes de polarisation 6A, 633 et 6C, isolées électriquement les unes des autres et reliées à trois moyens d'alimentation 8A, 8B, lesquels sont aptes à appliquer à ces trois électrodes 6A, 6B, 6C trois tensions réglables indépendantes les unes des autres. Quant à l'électrode de mesure 4, elle est reliée à un circuit unique de mesure de courant, à savoir dans le cas illustré, un circuit comprenant un amplificateur
10, un condensateur 12, un interrupteur 14 et un circuit de mesure du courant 16.
On obtient ainsi un dispositif dont le volume d'interaction est réglable selon que l'on applique ou non des tensions sur les différentes électrodes de polarisation.
En fonction de la valeur du flux incident, une ou plusieurs zones peuvent être mises sous tension et sont donc actives pour la collection des charges ; d'autres zones peuvent avoir une polarisation nulle. Lorsque le flux incident sera faible, toutes les électrodes de polarisation pourront être connectées afin de collecter le maximum de charges ; lorsque le flux augmentera, une ou plusieurs électrodes seront désactivées, c'est-à- dire par exemple mises à la masse.
Dans ce mode de fonctionnement, seules les charges créées en regard des électrodes de polarisation alimentées sont collectées (par le circuit de mesure unique) . Le nombre de charges à collecter étant moins élevé, la tension peut être réglée à sa valeur optimale, c'est-à-dire à une valeur suffisamment élevée pour obtenir une résolution spatiale de qualité.
D'autre part, le volume de matériau impliqué étant plus petit, le nombre de photons participant à la création de charges est plus faible ce qui entraîne une augmentation de la valeur du bruit, ce qui détériore le contraste. Ce mode de fonctionnement permet donc de réduire la quantité de charges sans perdre la résolution spatiale mais au détriment du contraste. Dans certains cas, il pourra être opportun d'utiliser simultanément les deux modes de
fonctionnement décrits, en réduisant la surface des électrodes actives et leur appliquant une tension plus faible que la tension optimale.
La figure 4 illustre une variante du dispositif destinée à répondre à une très grande dynamique de flux. Dans cette variante, qui comprend encore trois électrodes de polarisation 6A, 6B et 6C, sous forme de bandes, la largeur des bandes conductrices (comptée parallèlement à la profondeur du barreau) change d'une bande à l'autre selon une progression géométrique de raison 10 (la largeur est 10 fois plus grande pour la zone 6B que pour la zone 6A et 10 plus grande pour la zone 6C que pour la zone 6B) . On peut ainsi obtenir deux décades. La longueur des bandes 6A, 6B, 6C comptée parallèlement à la largeur 1 du barreau est sensiblement égale à la largeur du barreau.
La première zone 6A, très étroite, sera utilisée avec une tension optimale et permettra d'obtenir des informations avec une grande résolution spatiale, tandis que la deuxième zone 6B et éventuellement la troisième 6C seront utilisées avec une faible tension et permettront d'obtenir des informations à fort contraste . Cette variante est intéressante dans le cas de faisceaux, qui diffusent dans le matériau dans un volume présentant une forme de poire, la profondeur de la partie étroite de la poire fixant la largeur de la première zone (6A) . Cette variante peut être utilisée aussi dans le cas d'un faisceau incident multiénergétique, par
exemple avec une énergie variant de 50keV à 20 MeV: La première électrode sera dimensionnée pour arrêter 99 % des photons de 50 keV (faible énergie), la deuxième pour arrêter 95 % des photons de quelques centaines de keV et la troisième pour arrêter le reste des photons de haute énergie (plus de 500 keV) . Les électrodes auront typiquement des largeurs respectivement de 50 à lOOμm, de 200 à 500μm et de 2 à 3 cm.
Ce système permet avec un seul détecteur et un seul circuit électronique de mesure de réaliser trois images à énergies différentes. Après traitement des images, il est possible de déduire la nature des matériaux qui ont atténué le faisceau.
La figure 5 illustre un autre cas où six électrodes 6A, 6B, 6C, 6D, 6E, 6F sont constituées de bandes de même largeur. On obtient ainsi une structure périodique. La largeur des bandes peut être, par exemple, de 10 mm.
Le dispositif de 1 ' invention est particulièrement avantageux lorsqu'il est répété un certain nombre de fois pour constituer une matrice. Le dispositif est alors capable de déterminer le lieu d'interaction d'un photon avec le matériau semi-conducteur : il permet alors de réaliser une image. La fragmentation des électrodes n'augmentant pas de façon significative l'encombrement du dispositif, ce dernier peut donc être juxtaposé à d'autres dispositifs de même type. De façon avantageuse, pour éviter la découpe de fins dispositifs ainsi que leur manipulation, le
matriçage peut être réalisé sur un même barreau mais de largeur plus conséquente, avec une fragmentation de l'électrode inférieure dans le sens de la profondeur. C'est ce qu'illustre la figure 6. On voit, sur cette figure, un dispositif qui comprend deux électrodes de polarisation 6A et 6B et six électrodes de mesure 4a, 4b, 4c, 4d, 4e, 4f constituant des bandes rectangulaires parallèles à la profondeur du barreau.
Le matériau semi-conducteur utilisable dans l'invention qui vient d'être décrite peut être quelconque et, de façon avantageuse, être choisi parmi les semi-conducteurs présentant une haute résistivité (typiquement supérieure à 107Ωcm) de façon à fournir un faible courant lorsqu'il est polarisé et non éclairé et parmi les semi-conducteurs présentant un facteur μτ (produit de la mobilité par la durée de vie des porteurs) suffisamment élevé pour que les charges créées et soumises à un champ électrique aient le temps d'atteindre les électrodes (typiquement pour un champ électrique de 0,1 V/cm, μ = 1000 cm2s"1V"1, τ = lμs).
En particulier, le matériau peut être choisi dans le groupe consistant en le CdTe, le CdZnTe, l'AsGa, le Pbl2, le Hgl2 et le Se. Dans le cas de la détection d'un rayonnement X de quelques MeV pour la radiographie, le dispositif de l'invention est avantageusement utilisé sous forme d'un parallélépipède de CdTe présentant une surface d'entrée de l'ordre de 1 mm2, la profondeur du barreau étant de 60 mm, pour présenter un pouvoir d'arrêt suffisant pour des photons d'une telle énergie.