DETECTEUR DE LOCALISATION DE PHOTONS, A REMPLISSAGE
GAZEUX
DESCRIPTION
DOMAINE TECHNIQUE
La présente invention concerne un détecteur de localisation de photons, à remplissage gazeux.
Ce détecteur, que l'on peut plus simplement appeler « photodétecteur gazeux », s'applique à l'obtention de photomultiplicateurs peu coûteux, susceptibles de couvrir de grandes surfaces.
Le détecteur objet de l'invention, associé à des scintillateurs lourds, trouve aussi des applications en médecine (notamment en radiographie, en radiothérapie et en mammographie) . L'invention est également utilisable dans le domaine de la physique des hautes énergies, pour détecter la lumière des calorimètres à cristaux scintillants ou la lumière ultraviolette du rayonnement Cerenkov.
ÉTAT DE LA TECHNIQUE ANTÉRIEURE
On connaît déjà des détecteurs de localisation de photons, à remplissage gazeux. A ce sujet, on consultera par exemple le document [1] qui, comme les autres documents cités par la suite, est mentionné à la fin de la présente description.
Ces détecteurs connus présentent des inconvénients .
Dans ceux-ci, le facteur de multiplication maximum est limité par l'effet de rétroaction des photons (« photons feed back ») avec la photocathode que comportent ces détecteurs. En effet, durant le processus de multiplication ou processus d'avalanche qui a lieu dans ces détecteurs, un nombre important de photons est émis par les mécanismes d'excitation des atomes ou des molécules du gaz. Les photons peuvent extraire des électrons par effet photoélectrique sur la photocathode, ces électrons produisent de nouvelles avalanches et ainsi de suite. On a donc un processus de multiplication divergent avec apparition de claquages qui limitent le gain à des valeurs très basses.
Dans ces photodétecteurs gazeux connus, un deuxième facteur de limitation du gain est dû aux ions positifs qui sont engendrés lors des processus d'avalanche, migrent vers la photocathode et peuvent y créer des électrons secondaires par un effet de recombinaison.
EXPOSÉ DE L'INVENTION
La présente invention a pour but de remédier aux inconvénients précédents.
Elle a pour objet un détecteur de photons, ce détecteur comprenant : - une enceinte à gaz, et
- des première et deuxième électrodes placées dans cette enceinte et maintenues parallèles l'une à l'autre, la première électrode étant percée de trous et constituant une cathode, la deuxième électrode constituant une anode et comprenant un ensemble d' anodes élémentaires électriquement isolées les unes
des autres, la distance D entre l'anode et la cathode étant inférieure à 500 μm, ce détecteur étant caractérisé en ce que la face externe de la cathode, face opposée à celle qui se trouve en regard de l'anode, est recouverte d'une couche photoionisable, maintenue au même potentiel que cette cathode et apte à fournir des électrons sous l'impact des photons, l'anode étant destinée à être portée à un potentiel suffisamment élevé par rapport à la cathode pour créer, dans l'espace compris entre cette dernière et l'anode, un champ électrique permettant l'attraction de la quasi-totalité des électrons dans cet espace, à travers les trous, puis la multiplication de ces électrons par un processus d'avalanche.
Lorsque l'anode est ainsi polarisée par rapport à la cathode, il règne, au niveau de la couche photoionisable recouvrant la cathode, un champ électrique superficiel suffisamment élevé pour permettre de collecter facilement chaque photoélectron engendré par cette couche photoionisable. Les photoélectrons ainsi créés donnent naissance à des avalanches électroniques de gain important sans que les photons alors engendrés puissent réagir avec la couche photoionisable qui leur est masquée par la cathode et sans que les ions positifs engendrés puissent produire, dans leur majorité, de nouveaux électrons secondaires.
De préférence, afin d'avoir une bonne résolution spatiale, la distance D entre la cathode et l'anode ne dépasse pas 200 μm.
De préférence également, l'intensité du champ électrique destiné à être créé dans l'espace d'amplification, c'est-à-dire l'espace compris entre la
cathode et l'anode, est au moins égale à 30 kV/cm. Ceci permet de détecter des flux élevés de photons en assurant une collection rapide des ions produits lors de l'avalanche. Selon un mode de réalisation préféré du détecteur objet de l'invention, l'épaisseur E de la cathode est inférieure à D/10.
De préférence, les trous de la cathode ont une répartition régulière de pas P, la taille T de ces trous étant inférieure à D et supérieure à l'épaisseur E de la cathode et le pas P étant supérieur à T et inférieur à la distance D. Ceci conduit à un champ électrique ayant une bonne uniformité dans l'espace d'amplification et contribue donc également a une bonne uniformité du gain dans cet espace.
Selon un premier mode de réalisation particulier du détecteur objet de l'invention, les anodes élémentaires sont des pistes électriquement conductrices parallèles les unes aux autres. Selon un deuxième mode de réalisation particulier, les anodes élémentaires sont des éléments électriquement conducteurs formant un réseau bidimensionnel .
De préférence, la taille des anodes élémentaires est sensiblement égale au pas P des trous de la cathode ou inférieure à ce pas. Ceci permet d'atteindre une très haute résolution spatiale.
Pour maintenir parallèles l'une à l'autre l'anode et la cathode, on peut utiliser des espaceurs électriquement isolants qui sont linéaires ou, de préférence, ponctuels.
BREVE DESCRIPTION DES DESSINS
La présente invention sera mieux comprise à la lecture de la description d'exemples de réalisation donnés ci-après, à titre purement indicatif et nullement limitatif, en faisant référence aux dessins annexés sur lesquels :
• la figure 1 est une vue en coupe schématique d'un mode de réalisation particulier du détecteur objet de l'invention, et • la figure 2 illustre schématiquement le fonctionnement de ce détecteur.
EXPOSÉ DÉTAILLÉ DE MODES DE RÉALISATION PARTICULIERS
Le détecteur conforme à l'invention, qui est schématiquement représenté sur la figure 1, comprend une enceinte à gaz 2 qui est remplie, à la pression atmosphérique (environ 105 Pa) ou à basse pression (inférieure à 103 Pa) , d'un mélange gazeux approprié, permettant l'amplification d'électrons par un processus d'avalanche. Ce mélange gazeux peut rester confiné dans l'enceinte (à condition que celle-ci ne pollue pas ce mélange) ou circuler à travers un purificateur (non représenté) par l'intermédiaire de canalisations 4.
Cette enceinte est fermée de façon étanche par une fenêtre 6 qui est transparente aux photons visibles ou ultraviolets 8 que l'on veut détecter.
Le détecteur de la figure 1 comprend aussi une plaque électriquement isolante 10 de très bonne planéité, sur laquelle sont formées des anodes élémentaires 12 qui peuvent être des pistes métalliques
parallèles ou des éléments métalliques que l'on peut appeler des « pixels » et qui forment un réseau bidimensionnel sur la plaque (voir aussi document [2] ) .
L'ensemble des pistes ou des pixels constitue l'anode 14 du détecteur.
La taille des pistes (largeur des pistes) ou des pixels (dimensions de ces pixels) ainsi que le pas de ces pistes ou de ces pixels peuvent varier suivant la précision spatiale souhaitée pour le détecteur.
Chaque piste ou chaque pixel est mis à la masse pour une réalisation pratique de l'électronique.
De plus, ces pistes ou ces pixels sont reliés à des moyens électroniques appropriés 16 prévus pour amplifier puis traiter les signaux électriques provenant de ces pistes ou ces pixels.
Le détecteur de la figure 1 comprend aussi, en regard de la fenêtre 6, une cathode 18 constituée par une feuille métallique percée de trous 20, cette feuille formant ainsi une grille.
Ces trous 20 peuvent être obtenus par perçage de la feuille au moyen d'un laser ou par électroformage ou par un autre type de gravure.
Dans l'exemple représenté, l'épaisseur E de la grille 18 est inférieure à 10 μm, les trous ont une taille T comprise entre 10 μm et 35 μm et sont espacés d'un pas P de l'ordre de 50 μm.
L'anode 14 et la grille 18 sont maintenues parallèles l'une à l'autre grâce à des espaceurs 22 électriquement isolants qui reposent sur l'anode.
La distance D entre cette anode et la cathode est de l'ordre de 100 μm.
Les espaceurs 22 peuvent être des éléments linéaires comme par exemple des fibres de quartz de diamètre D (voir à ce sujet le document [2]) ou des éléments ponctuels de hauteur D que l'on forme par gravure d'une couche de résine photosensible à la surface des pistes ou des pixels métalliques (voir à ce sujet le document [3]).
La distance entre deux éléments linéaires ou ponctuels adjacents est une fonction croissante de D et cette distance est par exemple de l'ordre de 2 mm pour une distance D de l'ordre de 100 μm.
Des moyens de polarisation 24 sont prévus pour porter la grille 18 (c'est-à-dire la cathode) à une tension fortement négative par rapport à l'anode 14 (cette tension dépendant du mélange gazeux utilisé) .
L'anode, qui est ainsi portée à un potentiel élevé par rapport à la cathode, constitue avec cette dernière un détecteur à électrodes parallèles, capable d'amplifier des électrons par un processus d'avalanche qui se développe entre ces électrodes .
Une telle structure peut être comparée au détecteur décrit dans le document [2] .
Dans l'exemple représenté, la haute tension est choisie pour créer dans l'espace A compris entre l'anode 14 et la cathode 18, ou espace d'amplification, un champ électrique EA dont l'intensité est supérieure ou égale à 50 kV/cm.
Le détecteur conforme à l'invention de la figure 1 comprend aussi une fine couche 26 (ayant par exemple une épaisseur suffisante pour permettre l'absorption des photons que l'on souhaite détecter, de l'ordre de 1 μm) d'une substance photoionisable.
Cette couche 26 est formée, par exemple par evaporation sous vide, sur la face externe de la grille 18, c'est-à-dire la face opposée à celle qui se trouve en regard des pistes ou des pixels métalliques 12, cette face externe 12 (et donc la couche 26) se trouvant en regard de la fenêtre 6.
Cette couche 26, maintenue au même potentiel que la cathode 18, constitue une photocathode destinée à convertir en électrons les photons incidents 8 que l'on veut détecter et qui ont traversé la fenêtre
6.
Dans l'exemple représenté sur la figure 1, on peut par exemple utiliser un mélange gazeux constitué par de l'hélium auquel on ajoute 10% d' isobutane et la couche 26 peut être une couche de Csl ou SbC ou toute autre couche photosensible.
Au sujet des mélanges gazeux et des substances photoionisables que l'on peut utiliser dans la présente invention, on pourra d'ailleurs se reporter aux documents [4] et [5] .
Les électrons sont extraits de la photocathode 26 par un effet photoélectrique, comme dans les photomultiplicateurs.
Plus précisément, on exploite le fait que l'intensité du champ électrique régnant à la surface de la grille, surface qui est extérieure à l'espace d'amplification ou espace de multiplication A, est élevée (supérieure à 1 kV/cm) , ce qui est favorable à l'extraction d'électrons de la couche photoionisable 26.
Une telle structure de détection des électrons libérés du côté de la face externe de la cathode est favorable à l'obtention des hauts gains qui
sont nécessaires à la détection des électrons uniques, sans les inconvénients dus aux effets secondaires qui limitent le gain dans les détecteurs connus, mentionnés plus haut. La figure 2 illustre schématiquement le fonctionnement du détecteur de la figure 1.
On voit sur cette figure 2 un photon 8 de lumière visible ou ultraviolette qui provient de l'extérieur du détecteur et qui a traversé la fenêtre (non représentée sur la figure 2) de ce détecteur.
Ce photon 8 atteint la couche photoionisable 26 et extrait un électron 28
(photoélectron) par effet photoélectrique, la couche photoionisable fonctionnant en tant que photocathode réflective.
L'électron créé suit une ligne de champ qui l'amène vers le centre d'un trou 20 de la cathode 18 et cet électron est ensuite transféré dans l'espace A compris entre l'anode et la cathode puis amplifié sous l'action du champ électrique intense EA qui règne dans cet espace.
Cet électron donne ainsi lieu à un processus d'avalanche.
L'avalanche 30 correspondante a une taille de l'ordre de grandeur de la distance D entre l'anode et la cathode.
Les signaux électriques fournis par l'anode élémentaire ou les anodes élémentaires atteintes par cette avalanche 30 sont traités dans les moyens électroniques 16 pour détecter et localiser l'électron unique 28 engendré au niveau de la couche photoionisable 26 et donc pour détecter et localiser le photon 8 de lumière visible ou ultraviolette.
Le détecteur des figures 1 et 2 permet ainsi de détecter et de localiser des photons incidents ainsi que les électrons qui correspondent à ces photons et sont extraits de la couche photoionisable (qui peut avoir une grande surface) , chaque photon correspondant à un électron unique.
Ce détecteur permet de localiser les électrons avec une précision spatiale meilleure que 100 μm et avec une précision temporelle de l'ordre de 1 ns.
Le grand avantage du détecteur conforme à l'invention, décrit en faisant référence aux figures 1 et 2, repose sur trois effets principaux mentionnés ci- après . 1) Le petit espace d'amplification offre un effet très bénéfique (qu'on rencontre aussi dans les détecteurs décrits dans les documents [2] et [3]) : la valeur du champ électrique uniforme appliqué est telle que le coefficient d'amplification (coefficient de Townsend) est proche de sa saturation (point d' inflexion) .
Il en résulte que l'amplification obtenue est peu sensible aux variations de l'espace d'amplification (dues à des défauts mécaniques) ou de la pression du gaz ou encore de la température.
On bénéficie donc d'un effet qui maximise le facteur d'amplification et réduit ses fluctuations.
2) Dans ce détecteur conforme à l'invention, les avalanches créées ne sont pas en vue directe de la couche photoionisable qui est déposée sur la face externe de la cathode.
Donc le processus de multiplication divergent mentionné plus haut (voir Etat de la technique antérieure) est supprimé.
3) L'effet de recombinaison également mentionné plus haut est fortement réduit dans ce détecteur conforme à l'invention : les ions créés pendant le développement d'une avalanche, soumis à un processus de diffusion dans leur migration vers la grille que constitue la cathode, sont collectés, dans leur majorité, sur la partie interne de cette grille sans entrer en contact avec la couche photoionisable.
Un détecteur du genre de celui de l'invention a été testé en laboratoire ; des gains de l'ordre de 107 ont été obtenus avec un mélange gazeux d'hélium et de 10% d' isobutane ; la distribution des photoélectrons uniques présente un pic bien séparé du bruit de fond, ce qui est le signe d'une excellente homogénéité de l'amplification et d'une faible fluctuation de cette amplification (selon la position d'impact des photons) ; la fluctuation du temps de collection des électrons d'une avalanche est typiquement inférieure à 1 ns, d'où une excellente définition temporelle.
Dans l'invention, l'utilisation de pistes de lecture très fines ou de pixels de lecture est susceptible de conduire à une excellente définition spatiale (inférieure à 100 μm) , jamais obtenue avec les photomultiplicateurs classiques.
Le détecteur des figures 1 et 2 est destiné à détecter des photons de lumière visible ou ultraviolette.
Cependant, il peut être associé à un scintillateur de forme parallélépipèdique, ayant une
épaisseur de l'ordre de 1 cm, placé à l'extérieur de ce détecteur, en regard de la fenêtre 6 de celui-ci, pour détecter des photons X ou γ, le scintillateur, par exemple en BaF2, étant prévu pour convertir ces derniers en photons de lumière visible que le détecteur des figures 1 et 2 est alors capable de détecter. D'autres cristaux couramment utilisés en physique ou dans le domaine médical peuvent être utilisés.
Les documents cités dans la présente demande sont les suivants :
[1] V. Dangendorf et al., « Progress in ultrafast Csl- photocathode gaseous imaging photomultipliers », Nuclear Instruments and Methods in Physics Research A289 (1990) pages 322 et suivantes
[2] FR 2739941 A, « Détecteur de position, à haute résolution, de hauts flux de particules ionisantes », Invention de G. Charpak, I.
Giomataris, Ph. Rebourgard et J.P. Robert - voir aussi demande internationale WO 97/14173
[3] FR 2762096 A, « Détecteur de particules à électrodes parallèles multiples et procédé de fabrication de ce détecteur », Invention de G.
Charpak, I. Giomataris, Ph. Rebourgeard et J.P. Robert - voir aussi EP 0872874 A
[4] A. Breskin et al., « Towards gaseous detectors for visible photons », ICFA instrumentation bulletin (1997) pages 29 à 33
[5] J. Séguinot et al., « Réflective UV photocathodes with gas-phase électron extraction : solid, liquid,
and adsorbed thin films », Nuclear Instruments and Methods in Physics Research A297 (1990) pages 133 à 147.