PERFECTIONNEMENT PANS LA SEPARATION D'UN LISIER EN UN SOLIDE ET
UN FILTRAT
La présente invention a trait au domaine du traitement des déjections animales produites dans les élevages hors sol, et plus particulièrement des lisiers.
C'est un perfectionnement au traitement des lisiers produits en abondance par les installations d'élevage intensif, en particulier des porcs et des canards, l'évacuation desquels constituent un problème d'autant plus préoccupant que les terres agricoles environnantes sont devenues incapables de les recevoir comme engrais ou amendement sans risque de pollution important pour l'environnement.
Les lisiers sont composés de matières solides et colloïdales fermentescibies en suspension dans une solution aqueuse diluée de sels minéraux et de composés organiques dont le traitement passe avantageusement, dans une première étape, par la séparation de la phase solide de la fraction liquide. Divers matériels de filtra- tion ont été utilisés à cette fin, pour la plupart des filtres à bandes ou des filtres à pression. A cette dernière catégorie appartient le système Ecoliz®, un dispositif de filtration semi-continue, dont les principes de fonctionnement et de réalisation ont été décrits dans les demandes de brevets français publiées sous les No. FR-A-2718054 et FR -A-2755034. On en rappelle brièvement les grands traits. Une installation mettant en œuvre le système Ecoliz® comprend (voir figure
1) :
- un bac d'homogénéisation <D alimenté en lisier brut à traiter à partir des cuves de stockage ® de l'exploitation d'élevage,
- un réacteur de floculation © et ses annexes, - une chambre de filtration-compression ®.
Les gâteaux de filtration sont évacués © vers une aire de stockage couverte pour séchage naturel et/ou compostage avant exportation hors de la zone d'élevage, et le filtrat est stocké dans une ou plusieurs lagunes © en vue de son utilisation ultérieure en irrigation fertilisante sur les terres agricoles situées à proximité de l'exploi- tation d'élevage.
La chambre de filtration-compression est équipée d'un dispositif original dit piston-filtre, opérant dans une double configuration : une configuration filtration dans laquelle le lisier floculé est soumis à légère compression entre deux pistons équipés de toiles filtrantes ; une configuration évacuation dans laquelle le gâteau de filtration est éjecté et les parties filtrantes nettoyées par raclage. Pour les détails d'un tel dispositif, on renvoie à FR-A-2755034.
Compte tenu de la présence de matières colloïdales, en quantité plus ou moins importantes selon l'origine et le degré de vieillissement du lisier, et de la
finesse de la majeure partie des particules solides, un pré-traitement de floculation s'avère indispensable pour accroître la taille moyenne et la vitesse de sédimentation des particules en suspension dans la phase liquide et faciliter ainsi la séparation des phases lors de l'étape de filtration. Dans les cas les plus favorables, notamment lorsqu'on traite un lisier frais non additivé d'agents liquéfiants et comportant une proportion suffisante de matières solides fibreuses, l'ajout d'un agent floculant à base de polyacrylamides, de cationi- cité moyenne ou faible et de poids moléculaire moyen, s'avère suffisant pour obtenir une floculation de bonne qualité propice à la filtration. En revanche, lorsque l'on est amené à traiter en direct des lisiers provenant d'ateliers d'élevage dont les conditions varient (par exemple, phases de maternité/post-sevrage/engraissement pour l'élevage des porcs, âge des volatiles, saison pour celui des canards), et/ou additivés d'agents liquéfiants (destinés à favoriser la désagrégation et la digestion par les micro-organismes des particules organiques grossières afin d'éviter leur décantation dans les fosses des bâtiments d'élevage), et/ou stockés dans des conditions plus ou moins bien contrôlées et pendant des délais plus ou moins prolongés, un tel traitement reste nécessaire, mais il s'avère insuffisant pour garantir une bonne filtration. En effet, la faible quantité de matières solides de granulométrie grossière et, en corollaire, la forte proportion de matières colloïdales que l'on rencontre dans les lisiers ayant subi ce type de traitement ne permettent pas, par ce seul moyen, d'obtenir des flocs de bonne qualité, ce qui conduit, d'une part, à la formation d'un gâteau de filtration collant et difficile à essorer par compression mécanique et, d'autre part, à l'obtention d'un filtrat fortement chargé en matières colloïdales. La demanderesse a mis en évidence que les conséquences néfastes sur la productivité de l'étape de filtration engendrées par la forte variabilité des caractéristiques physico-chimiques des lisiers à traiter, à laquelle on se trouve fréquemment confronté dans les conditions réelles d'exploitation des élevages, pouvaient être corrigées moyennant la mise en œuvre combinée des moyens suivants : - addition de chlorure ferrique au lisier brut en provenance des fosses des bâtiments d'élevage, au fur et à mesure de son alimentation dans le bac d'homogénéisation ;
- mélange, de façon semi-continue, de floculant organique cationique au lisier additivé de chlorure ferrique dans un bac de pré-floculation placé entre le bac d'homogénéisation et le réacteur de floculation ;
- déversement discontinu du contenu du bac de pré-floculation dans le réacteur de floculation équipé d'un dispositif permettant l'incorporation, en proportion contrôlée, de matières fibreuses et l'incorporation homogène de la charge de lisier
pré-floculé et des matières fibreuses ajoutées à la masse du mélange en cours de floculation.
Le chlorure ferrique fonctionne comme coagulant. Il est utilisé sous la forme d'une solution aqueuse, à raison de 0,2 à 0,25 % C^Fe par rapport au lisier, préfé- rentiellement en solution aqueuse à environ 600 g par litre, soit approximativement 1 ,5 à 3 litres de solution par m3 de lisier brut à traiter. On a testé d'autres coagulants minéraux, parmi lesquels les produits habituellement utilisés pour le conditionnement des boues, sulfate d'aluminium, chlorosulfate ferrique, chlorure et polychlorures d'aluminium. Ces produits présentent tous un rapport efficacité / coût moins intéres- sant que le chlorure ferrique, lequel leur est de loin préféré.
En ce qui concerne les floculants organiques, les meilleurs résultats ont été obtenus en utilisant des copolymères d'acrylamide de cationicité moyenne et de poids moléculaire moyen, par exemple ceux de la gamme ZETAG®, produits commercialisés par la société Aliied Colioïds. Ce sont des copolymères d'acrylamide et d'un sel de (méth)acryloylalkylammonium, la cationicité des copolymères étant exprimée par la proportion pondérale de (méth)acryloylalkylammonium dans le copolymère. Au sens de la présente invention, poids moléculaire moyen s'entend de copolymères de masse moléculaire de 5 à 20.10^ daltons et cationicité moyenne d'une cationicité de 25 à 45 %. L'addition de floculant est effectuée sous la forme d'une solution aqueuse diluée, par exemple à 0,2 à 0,5 %, à raison d'environ 200 à 400 g de matière active par m3 de lisier à traiter.
On opère avantageusement le mélange du lisier additivé de chlorure ferrique et de solution de floculant dans une petite capacité de mélange (bac de pré-flocula- tion - ®, figure 1) surmontant la cuve de floculation et munie d'un système d'agitation lente, de type double tripale. Il est d'usage, dans le traitement des eaux, d'opérer une telle addition par injection directe de la solution floculante dans la ligne d'alimentation. Avec le lisier, une telle pratique aboutit immanquablement au bouchage de la canalisation. Le contenu du bac de pré-floculation est déversé brutalement dans le réacteur de floculation où, après quelques instants d'homogénéisation, on déverse de la matière fibreuse en pluie fine.
En ce qui concerne la matière fibreuse introduite avec le lisier pré-floculé dans le réacteur de floculation, on peut utiliser de la paille hachée, des écorces de grains de blé, des rafles de maïs. Les résultats les plus probants ont été obtenus avec des sciures de bois de granulométrie comprise entre 100 et 500 μm, à raison de 10 à 30 kg de sciure par m3 de lisier.
On peut, en cas de pénurie momentanée de sciure, faire tourner l'installation en alimentant le bac de floculation par recyclage d'une partie de la matière solide
sortant de la chambre de filtration-compression. Il s'agit d'une action de courte durée, les filtres se colmatant après quelques dizaines de cycles de fonctionnement. Le réacteur de floculation est muni d'un agitateur dont la fonction est d'assurer la répartition homogène des réactifs sans détruire mécaniquement les flocs en formation, ni introduire d'air dans le mélange. Le moyen d'agitation à ce niveau est en effet un facteur important du procédé, une bonne structuration des flocs étant nécessaire au fonctionnement de la cellule de filtration compression sans incident de colmatage. Le dispositif préféré est un arbre équipé de plusieurs tripales (Figure 2), et animé d'une vitesse de rotation lente de l'ordre d'un demi-tour à un tour par seconde. Il a aussi l'avantage de permettre une incorporation intime de la sciure dans le mélange malgré sa très faible densité apparente.
La quantité de sciure à utiliser est ajustée en fonction de la teneur en matière sèche du lisier. On a observé que dans la majorité des cas, on pouvait prédire l'aptitude du lisier à la floculation et à la filtration par comparaison d'un indice égal au rapport de sa matière sèche grossière MSG, retenue au tamis de 100 μm, à l'extrait sec ou matière sèche totale MST. L'échelle MGT/MST fournie ci-après est un indicateur purement qualitatif.
II est étonnant que ce comportement soit quasi indépendant du taux de matière sèche lui-même : un lisier qui floculé correctement, continue à floculer après avoir été simplement dilué. Mais c'est aussi la raison pour laquelle une simple correction par addition de matière fibreuse est industriellement inapplicable, l'indice MSG/MST variant continuellement dans un élevage en fonction de l'alimentation du bétail, de son âge, de la saison.
C'est une sorte d'effet synergique qui se manifeste par la mise en œuvre des trois facteurs de contrôle de l'invention, chlorure ferrique, floculant organique et matière fibreuse (pratiquement sciure de bois), qui a pour effet de mettre l'installation dans des conditions stables et robustes de fonctionnement. Le bac d'homogénéisation, le bac de pré-floculation, le réacteur de floculation et la chambre de filtration-compression sont alimentés par des pompes doseu- ses en fonctionnement séquence. Les capacités et les flux sont tels que l'on ait des temps de séjour :
- supérieurs à 30 minutes pour la coagulation par le chlorure ferrique dans le bac d'homogénéisation,
- de 2 à 3 minutes dans le bac de pré-floculation, dont les premières 30 secondes sous agitation
- de 20 à 25 minutes dans le réacteur de floculation. Les exemples qui suivent feront mieux apprécier l'invention. Ils traitent de la séparation de lisier de porc, mais peuvent se transposer au lisier de canard, et de façon générale à tout autre lisier de consistance comparable, de mammifères ou de volailles, sans restriction de la portée de l'invention.
EXEMPLE 1
On reproduit ici les résultats d'une installation (voir figure 1) conçue pour le traitement de 10 000 m3 par an de lisier de porc.
Le bac d'homogénéisation Θ est un bac de 5 m3 alimenté en lisier à partir de la cuve de stockage ® de l'exploitation d'élevage à raison de 1 m3 toutes les heures. Chaque alimentation en lisier est suivie de l'introduction © de 2 litres de chlorure ferrique, sous forme d'une solution à 600 g/l. L'homogénéité du lisier et de son coagulant est assurée par un agitateur tripale en rotation lente (env. 66 tr./min.).
Depuis ce bac d'homogénéisation, 40 litres de lisier coagulé sont envoyés dans un bac de pré-floculation © de 50 litres, en même temps que 4 litres de solution aqueuse préparée sur place ® à 2,5 g/l de floculant polyacrylamide. L'agitation en est assurée par un système tripale tournant à vitesse lente (50 à 80 tr/min). Après environ une demi-minute d'agitation et deux minutes de repos, le contenu de ce bac de pré-floculation est déversé brutalement dans le réacteur de floculation ©. Le réacteur de floculation a une capacité de 600 litres. Son agitation est réalisée par un dispositif à arbre muni de trois tripales (figure 2), le tripale supérieur étant de dimensions supérieures aux deux autres pour assurer l'incorporation homogène et immédiate de la sciure dans le lisier préfloculé. L'agitateur tourne en permanence à la vitesse lente de 20 à 40 tr/min. Il n'introduit pas d'air dans le mélange. Une trémie (figure 1 ®) y déverse, durant 5 secondes toutes les minutes, de la sciure fine dont les copeaux ont été éliminés par passage simplement sur une grille à mailles de 1 cm. Une pompe à rotation lente (toujours pour sauvegarder la structure des flocs formés) en prélève le contenu par fractions de 25 litres qui sont dirigés vers la chambre de filtration-compression. L'opération se répète toutes les minutes, ce qui correspond au cycle de fonctionnement de cette chambre.
Il sort de la chambre de compression un solide ayant une siccité moyenne de 30 % et qui contient environ 7 kg d'azote total (dont à peu près la moitié d'azote ammoniacal), 8 kg de P2O5 et 2 kg de K2O pour 100 kg de matière sèche. Le filtrat
est constitué d'une solution claire contenant environ 0,05 % en poids de P2O5, 0,2 % de K2O, ainsi que 0,2 % d'azote, sous forme essentiellement ammoniacale.
EXEMPLE 2 (contre-exemple) On tente de faire fonctionner l'installation sans alimentation du bac d'homogénéisation en chlorure ferrique. On observe que la floculation du lisier dans le bac de pré-floculation est peu satisfaisante : les flocs sont petits, la démixtion entre phase solide et liquide n'est pas nette. L'apport de sciure améliore l'aspect général, mais au prix d'un surdosage important (6 à 10 %), le filtrat recueilli à sortie de la chambre de filtration-compression est trouble et la siccité du gâteau est faible (20%).
EXEMPLE 3 (contre-exemple)
On tente, dans le cas d'une installation alimentée en lisier tantôt vieilli, tantôt ayant reçu un traitement liquéfiant de la faire fonctionner sans coagulation au chlorure ferrique ni ajout de sciure. L'aptitude du lisier à la floculation est très inconstante et les boues sont pratiquement infiltrables. On subit très souvent une montée en pression importante dans la chambre de filtration, alors que les volumes de filtrat recueillis sont très faibles. Les toiles de filtration se colmatent rapidement et le filtrat est très chargé en matières colloïdales.
EXEMPLE 4 (contre-exemple)
On tente de faire fonctionner l'installation sans alimenter le bac de floculation en sciure. L'aspect du lisier floculé est satisfaisant, c'est-à-dire que les flocs apparaissent de bonne taille et le surnageant est clair. En revanche, la filtration est insa- tisfaisante, les flocs ne résistent pas à la compression, de sorte que les matières solides adhèrent aux toiles et les colmatent rapidement. Si on réintroduit assez tôt de la sciure après un tel incident, la filtration s'améliore et les toiles se nettoient seules sans plus d'intervention.
EXEMPLE 5 (contre-exemple)
Le bac de floculation est équipé d'un système standard d'agitation constitué d'un agitateur à ancre II est pratiquement impossible d'incorporer la sciure de façon homogène dans la masse de lisier. Il a décantation des flocs. Le filtre se colmate, la pression monte dans la chambre de filtration et les sécurités mettent l'appareil hors circuit après quelques cycles.