CAPTEUR DE CHAMP MAGNETIQUE ET PROCEDE DE FABRICATION
DE CE CAPTEUR
L'invention concerne un capteur de champ magnétique et un procédé de fabrication d'un tel capteur.
Un tel capteur peut être appliqué à la lecture d'enregistrements magnétiques tels que bandes magnétiques ou disques magnétiques ou pour la réalisation de mémoire magnétique à lecture intégrée (Magnetic Random
Access Memory) et de façon générale pour la détection de champs magnétiques faibles avec une résolution spatiale et angulaire élevée.
Il est connu que la résistance d'une jonction tunnel composée d'une couche très mince d'isolant entre deux électrodes de métal ferromagnétique dépend de l'orientation relative de l'aimantation dans les deux électrodes. Cet effet a été découvert par Jullière en 1975 (voir document [1 ] en fin de description), mais ce n'est que récemment que des valeurs de magnétorésistance élevées (jusqu'à 30 %) et assez reproductibles ont été obtenues (voir, par exemple, document [2] en fin de description). Nous appellerons « jonction planaire » ce type de jonction. Typiquement, dans les jonctions planaires étudiées par Moodera et al [2], une couche de 1 ,5 à 2,5 mm d'isolant (AI2O3 par exemple) sépare deux électrodes de Cobalt ou alliage de Cobalt. Le dépôt à travers des masques permet de réaliser la géométrie classique de jonction en croix où le croisement des deux électrodes séparées par la couche isolante définit la zone d'effet tunnel. Par rapport aux muiticouches magnétiques à magnétorésistance géante (voir document [5]), les jonctions tunnel ont l'avantage d'une résistance beaucoup plus élevée, intéressante pour un certain nombre d'applications. Leur inconvénient est leur difficulté de fabrication rugosité, porosité (« pinhole » en anglais) et autres imperfections de la couche isolante ultra-mince établissent des contacts directs entre électrodes qui court-circuitent la jonction, et obtenir des résultats reproductibles est en général difficile. La très faible épaisseur des couches isolantes rend également les jonctions planaires sensibles aux effets de claquage.
Un effet de magnétorésistance résultant d'effet tunnel entre métaux ferromagnétiques peut également être obtenu dans des matériaux granulaires constitués par des petites particules (agrégats) de métal
ferromagnétique enrobées dans une matrice isolante (voir documents [3] et [4]). La conduction se fait par passage tunnel d'électrons d'un agrégat à l'agrégat voisin, et la résistance du matériau varie quand un champ magnétique modifie l'orientation relative des moments magnétiques des agrégats. Ces matériaux sont plus faciles à fabriquer que les jonctions planaires, sont robustes et peuvent présenter des variations de résistance importantes [3 et 4]. Cependant, leur désavantage vient du champ élevé nécessaire pour orienter les moments de petites particules et obtenir l'effet de magnétorésistance. Ce champ est particulièrement élevé dans le régime superparamagnetique, c'est-à-dire quand la température est supérieure à la température de blocage (Tβ) des fluctuations thermiques des moments.
L'invention concerne une jonction qui combine les propriétés des jonctions planaires (réponse à champ faible) et celles des matériaux granulaires (facilité de réalisation et robustesse). L'invention concerne donc un capteur magnétique comportant deux couches conductrices dont l'une au moins est un matériau ferromagnétique, ces deux couches étant séparées par une couche d'un matériau isolant non magnétique d'épaisseur quasiment uniforme et contenant des particules de matériau ferromagnétique situées dans un plan parallèle à la couche en matériau ferromagnétique, les caractéristiques d'aimantation de la couche conductrice ferromagnétique et des particules ferromagnétiques étant différentes.
L'invention concerne également un procédé de réalisation d'un capteur caractérisé en ce qu'il comporte les étapes suivantes : • réalisation sur une face d'un substrat de la couche conductrice ferromagnétique ;
• réalisation d'une première couche d'isolant non magnétique ;
• réalisation par pulvérisation cathodique d'une fine couche d'un matériau conducteur ferromagnétique de façon à ce que ledit matériau s'agrège en particules d'agrégat ;
• réalisation d'une deuxième couche d'isolant non magnétique ;
• réalisation de la couche d'un matériau conducteur ferromagnétique.
Les différents objets et caractéristiques de l'invention apparaîtront plus clairement dans la description qui va suivre et dans les figures annexées qui représentent :
- les figures 1a à 1c, un exemple de réalisation simplifié du capteur de l'invention ;
- la figure 2, un exemple de réalisation plus complet du capteur de l'invention ;
- la figure 3, un capteur comportant plusieurs couches de particules ferromagnétiques ; - la figure 4, une variante de réalisation du capteur de l'invention.
En se reportant aux figures 1a à 1c, on va donc tout d'abord décrire un exemple de réalisation d'un capteur selon l'invention. Ce capteur comporte sur un substrat S, un empilement d'une électrode 1 , d'une couche d'isolant 2 et d'une autre électrode 2. La couche d'isolant 2 contient des particules d'un matériau conducteur ferromagnétique. Toutes ces particules sont situées sensiblement dans un même plan parallèle aux plans des électrodes. L'une des électrodes au moins est en matériau conducteur ferromagnétique. Dans la description qui va suivre, on considérera que les deux électrodes sont en matériau conducteur ferromagnétique.
En connectant un générateur de courant I aux électrodes 1 et 3, on va obtenir la circulation d'un courant par effet tunnel entre l'électrode 3 et chacune des particules et entre chacune des particules et l'électrode 1.
Sur la figure 1 b, on a représenté le cas où les directions d'aimantations dans les particules ferromagnétiques 4 et dans les électrodes 1 et 3 sont parallèles. Dans ce cas la résistance de la structure est minimale et on mesure un courant maximal.
Par contre, sur la figure 1 c, les aimantations des particules et des électrodes sont antiparallèles. La résistance de la structure est maximale et le courant mesuré sera minimal.
A titre d'exemple pour des particules en matériau du type Cobalt, des électrodes en Cobalt et des particules situées à t' = 1 ,5 nm de l'électrode 3 et t = 2,7 nm de l'électrode 1 , le champ magnétique de retournement de l'aimantation des électrodes qui produit la variation de résistance a été mesurée à environ 90 Oersted.
En se reportant à la figure 2, on va maintenant décrire un exemple de réalisation plus détaillé du capteur de l'invention. Il comporte, sur le substrat S, une couche tampon 6, une couche d'électrode conductrice 1 ferromagnétique, une couche d'isolant 2 comportant des particules ferromagnétiques, une couche d'électrode conductrice 3 ferromagnétique et une couche de protection 7.
La couche d'électrode conductrice 1 est en matériau magnétique doux tel que du Permalloy. Son épaisseur n'est pas critique et peut être comprise entre 10 nm et 1 μm. La couche d'isolant 2 est en AI2O3. Les particules 4 sont en
Cobalt, en FeNi ou en CoFe. La dimension des particules est comprise entre 2 et 4 nm. L'épaisseur de la couche d'isolant 2 est telle que les bords extérieurs des particules soient distants des électrodes 1 et 3 d'une distance comprise entre 1 ,5 et 3 nm. La couche d'électrode 3 est similaire à la couche 1. La couche de protection peut être en métal tel que l'or.
L'exemple de réalisation de la figure 3 comporte, dans la couche d'isolant 2, plusieurs plans de particules ferromagnétique 4. Sur la figure 3, on a représenté trois plans de particules.
On va maintenant décrire un procédé de réalisation d'un capteur selon l'invention.
Sur une face d'un substrat S on réalise une couche d'électrode 1 , une couche d'un matériau isolant de préférence par exemple par pulvérisation cathodique de l'isolant, ou encore par dépôt d'un métal en atmosphère oxydante pour obtenir un oxyde isolant, ou encore par dépôt d'un métal et oxydation puis, de préférence par pulvérisation cathodique, par le même procédé on réalise une couche ultra-fine d'un matériau ferromagnétique (métal, alliage ou oxyde tel que Fe3θ4).
En fait, en raison de la faible épaisseur de cette couche, le matériau va avoir tendance à former des agrégats de façon à fournir une répartition uniforme de particules. La quantité de matériau déposé permet de contrôler la taille et la concentration des agrégats. Ensuite, on réalise le dépôt d'une nouvelle couche d'isolant puis le dépôt d'une couche d'électrode 3. On obtient ainsi la structure de la figure 1.
Pour réaliser une structure comportant plusieurs couches de particules telle que représentée en figure 3, on dépose alternativement des
couches d'isolant et des couches ultra-fines de matériau ferromagnétique. La quantité d'isolant déposée permet de fixer l'épaisseur moyenne t d'isolant entre couches de particules. Cette épaisseur ainsi que les épaisseurs moyennes d'isolant entre électrodes (1 et 3) et couches de particules sont comprises sensiblement entre 1 ,5 nm et quelques nm. De façon réaliste, le nombre de couches de particules peut atteindre la dizaine.
Les tricouches ou multicouches décrites ci-dessus peuvent être déposées à travers des masques pour réaliser, par exemple, la structure classique de jonction en croix (comme dans la référence [2]). D'autres types de géométrie pour les amenées de courant et les contacts de tension peuvent être également réalisés, soit en structurant la multicouche déposée par des méthodes de lithographie et gravure, soit en utilisant une technologie de jonction de type rampe.
La conduction électrique entre électrodes 1 et 3, dans le type de jonction décrit ci-dessus, est par effet tunnel d'électrode 1 à particule puis de particule à particule si le nombre de couches de particules est supérieur à 1 , et finalement de particule à électrode 3. Le caractère multi-canal et multi- étape dans chaque canal pour la conduction tunnel permet d'éviter un court- circuit éventuel par porosité (« pinhole » en anglais) qui est fréquent dans les jonctions planaires. En effet, dans une jonction planaire composée de 2 électrodes séparées par une couche isolante ultra-fine, un tout petit nombre de contacts entre électrodes par pinhole court-circuite la résistance tunnel. La nécessité d'éviter tout pinhole dans une couche isolante de quelques nanomètres d'épaisseur rend alors la préparation de jonction planaire extrêmement délicate. Au contraire, dans la structure selon l'invention, un court-circuit est improbable car il ne pourrait se produire que par la succession de pinholes sur toutes les étapes tunnel d'un canal donné. Ce qui entraîne une fabrication moins délicate que celle des jonctions planaires connues ainsi qu'une plus grande robustesse aux effets de claquage. La dépendance en champ magnétique de la résistance tunnel de la structure proposée est liée à l'orientation relative des aimantations à l'entrée et à la sortie de chaque étape tunnel. Cependant, en exploitant l'augmentation très rapide de la résistance tunnel avec l'épaisseur d'isolant, on peut fixer les épaisseurs d'isolants séparant les électrodes 1 et 3 des couches de particules légèrement supérieurs à t, pour que la résistance
totale de la jonction soit essentiellement contrôlée par les résistances tunnel entre électrodes et particules et donc contrôlée par l'orientation relative de l'aimantation dans les électrodes et les agrégats. Electrodes planes et agrégats ont des coercivités très différentes. Dans un balayage en champ faible, l'aimantation des électrodes varie très rapidement cependant que l'aimantation des agrégats va garder sa valeur dite rémanente (induite par une polarisation initiale). La variation de la résistance tunnel va donc suivre la variation de l'aimantation des électrodes, comme dans une jonction planaire. Un choix pour les électrodes d'un matériau magnétique très doux,
Permalloy ou matériau monocristallin, par exemple, doit permettre d'obtenir les effets de magnétorésistance recherchés dans quelques gauss. Pour les agrégats (particules) on choisit alors par exemple du Cobalt, du CoFe, du FeNi, ... On trouve alors les performances de sensibilité en champ faible des jonctions planaires tout en gardant la facilité d'élaboration et la robustesse des matériaux granulaires.
Une condition est cependant nécessaire : l'existence d'une aimantation rémanente des agrégats non nulle, c'est-à-dire d'une température Tβ de blocage de fluctuations (introduite plus haut) supérieure à la température de fonctionnement. La température Tβ est liée à la taille des agrégats et à leurs interactivités. Pour obtenir une valeur Tβ suffisamment élevée (par exemple Tβ > 300° K, on peut :
- soit augmenter la taille des particules par les conditions de dépôt. Dans ce cas là, on prévoit des particules de dimensions comprises entre 4 et 10 nm ;
- soit augmenter les interactions entre moments de particules dans une couche en augmentant leur densité (en déposant une plus grande quantité de métal) ;
- soit utiliser un isolant ferromagnétique ou antiferromagnétique ou ferrimagnétique (ferrite par exemple) dont l'interaction avec les agrégats va augmenter Tβ. Le matériau déposé dans la partie de la couche isolante contenant les agrégats sera donc un isolant magnétique ; en revanche, un isolant non magnétique devra subsister entre agrégats et électrodes pour les découpler magnétiquement. Une telle structure est
représentée en figure 4. Dans cette structure, la couche isolante 2 contient une couche isolante magnétique 5
(ferromagnétique, anti-ferromagnétique ou ferrimagnétique), laquelle contient les particules 4 (son épaisseur doit être très légèrement supérieure à la dimension verticale des particules).
Finalement, un autre avantage de la structure proposée par rapport aux jonctions planaires vient de la possibilité d'utiliser les effets de biocage de Coulomb [6]. Les effets liés à l'énergie de charge de petits agrégats peuvent augmenter la résistance tunnel d'un facteur important. Pour des particules nanométriques, cette augmentation reste significative à température ambiante. Cette augmentation de résistance due au blocage de
Coulomb peut être intéressante pour obtenir des résistances élevées et donc des signaux magnétorésistifs importants.
De façon générale, le capteur selon l'invention utilise le passage d'électrons par effet tunnel entre deux électrodes de matériau ferromagnétique à travers une couche mince isolante contenant des particules de matériau ferromagnétique (agrégats). La résistance tunnel dépend de l'orientation de l'aimantation des électrodes et varie donc en présence d'un champ magnétique. Par rapport aux jonctions de type habituel (sans agrégats), le caractère multi-canal et multi-étape de la conduction tunnel élimine les problèmes de court-circuit par porosité, amenant ainsi une fabrication moins délicate et une robustesse améliorée vis-à-vis des claquages. Les éventuelles fluctuations thermiques des moments magnétiques des agrégats peuvent être supprimées par le choix d'un matériau magnétique pour la partie de la couche isolante qui contient les agrégats.
Références
[1] M. Jullière, Phys. Lett. A 54, 225 (1975) [2] J.S. Moodera, L.R. Kinder, T.M. Wrong, R. Meservey, Phys. Rev. Lett. 74, 3273 (1995) [3] H. Fujimori, S. Mitani, S. Ohnuma, Mat. Science and Engineering B 31 ,
219 (1995) [4] A. Miiner et al, Phys. Rev. Lett. 1996 [5] M.N. Baibich et al, Phys. Rev. Lett. 61 , 2472, 1988
[6] M.H. Devoret, D. Estève, C. Urbina, Nature 360, 547 (1992)