COMPOSITION A BASE DE MONOXYDE D'AZOTE EN TANT QUE
MEDICAMENT
La présente invention se rapporte à l'utilisation d'une composition gazeuse stable à base de monoxyde d'azote (NO) et de dioxyde de carbone
(CO2) pour la fabrication d'un médicament gazeux destiné au traitement ou à la prophylaxie par voie intra-abdominale des hypoperfusions des organes abdominaux, en particulier lors d'une intervention en coelioscopie ou en coeliochirurgie.
Le monoxyde d'azote est produit naturellement chez le mammifère par une enzyme, la NO-synthase, laquelle est exprimée de façon constitutive dans les cellules endothéliales, dans les plaquettes et dans le système nerveux central et périphérique. Une autre forme de NO-synthase calcium-indépendante, peut être induite par différents stimuli (notamment des liposaccharides) dans de nombreuses cellules telles que les macrophages, les lymphocytes, les cellules myocardiques, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses. Le monoxyde d'azote est un messager biologique important chez les mammifères et cette molécule joue un rôle déterminant dans le contrôle local de 1'hémodynamique.
On a pu mettre en évidence la libération de NO par les cellules endothéliales en cas de variations du débit sanguin. Le monoxyde d'azote apparaît notamment comme une composante majeure de l'adaptation physiologique du diamètre vasculaire à la perfusion sanguine : ainsi au niveau coronaire, l'hypérémie réactive est atténuée de façon notoire. Inversement, une augmentation chronique du débit sanguin produite par une fistule artérioveineuse augmente les relaxations dépendantes de l'endothélium. La capacité du monoxyde d'azote produit au niveau de la paroi vasculaire et dans les tissus
avoisinants à réguler de façon précise le tonus vasculaire par adaptation du débit sanguin est remarquable. De même, on a émis l'hypothèse que le NO libéré lors de l'activité neuronale pourrait réguler le tonus de la microcirculation cérébrale, couplant ainsi l'activité et le débit sanguin cérébral. On rappellera également le rôle de NO dans la régulation de la prolifération du muscle lisse vasculaire laquelle est un facteur déterminant de la compliance vasculaire.
Le monoxyde d'azote contrôle par ailleurs la perméabilité veinulaire post-capillaire.
Le monoxyde d'azote participe aussi à des mécanismes de régulation hormonale, au niveau du rein en inhibant la libération de rénine, au niveau cardio-vasculaire, en antagonisant la libération du facteur natriurétique (ANF) .
Enfin, in vivo, l'activation plaquettaire est sous le contrôle permanent du monoxyde d'azote endothélial, et dans un moindre degré sous celui de la propre NO synthase plaquettaire. Lors de l'agrégation, les plaquettes libèrent des nucléotides (ATP, ADP) , de la sérotonine, du PAF, du thromboxane A2 et de la vasopressine; elles peuvent aussi initier la cascade de la coagulation en libérant de la thrombine. En réponse à l'ATP, l'ADP, la sérotonine, le PAF et la thrombine, les cellules endothéliales libèrent du NO et de la prostacycline qui agissent en synergie pour prévenir et contrer le processus d'agrégation plaquettaire.
La diminution anormale du taux de monoxyde d'azote observée dans le cas de nombreuses pathologies semble confirmer l'importance du rôle joué par celui-ci dans l'organisme. Une telle diminution est caractéristique de l'hypertension, de 1 'hypercholestérolémie, de l'athérosclérose et du
diabète.
De même, une réduction très précoce de la libération basale de NO serait à l'origine des troubles liés à la reperfusion de territoires ischémies, tels que la thrombose coronaire et le vasospasme.
Sur la base de ces diverses constatations, divers agents vasodilatateurs ont été mis au point à ce jour : ces substances connues sous la désignation de nitrovasodilatateurs produisent du NO in vivo et suppléent ainsi à un défaut de NO endogène. On peut citer, par exemple, la molsidomine ou le nitroprussiate de sodium, lesquels permettent de prévenir les phénomènes d'adhésion et d'agrégation plaquettaire.
De façon à pallier une production insuffisante de NO, on a, de même, proposé l'administration de L- arginine ou d'analogues de la L-arginine, la L- arginine intervenant directement dans la biosynthèse du monoxyde d'azote, en tant que substrat de la NO- synthase.
Au vu de la contribution significative du monoxyde d'azote au maintien d'une basse pression au niveau de la circulation pulmonaire et de l'importance de l'effet vasodilatateur local résultant, on a, par ailleurs, suggéré l'administration directe de NO par voie inhalée dans le traitement de l'hypertension artérielle pulmonaire aiguë. Les nombreuses recherches réalisées en ce sens ont démontré l'efficacité thérapeutique d'un mélange gazeux de monoxyde d'azote et d'azote inhalé à des doses comprises entre 1 et 20 ppm de NO sur des patients souffrant de détresse respiratoire aiguë : une réduction de l'hypertension artérielle pulmonaire éventuellement accompagnée d'une amélioration des rapports ventilation-perfusion par baisse du shunt
intrapulmonaire sont en effet observées.
Les interventions chirurgicales par coelioscopie sont de plus en plus pratiquées car elles permettent, par rapport aux techniques conventionnelles de laparotomies ouvertes, de réduire non seulement la durée d'hospitalisation, mais aussi le temps de cicatrisation et par là même les douleurs post¬ opératoires.
Cependant, bien que cette technique de coelioscopie présente de nombreux avantages, elle présente également un inconvénient majeur.
En effet, la technique de coelioscopie s'accompagne habituellement d'une insufflation dans l'abdomen (insufflation intra ou extra-péritonéale) d'un gaz, tel le C02, laquelle insufflation provoque une augmentation de la pression s'exerçant à l'intérieur de l'abdomen.
De cette augmentation de pression intra- abdominale, il résulte une diminution, néfaste pour le patient, des débits sanguins des organes abdominaux, en particulier des reins et de l'intestin, et une affection des fonctions associées à ces organes abdominaux, tels que la diurèse et le transit intestinal. Ces perturbations sont dues essentiellement à un phénomène d'hypoperfusion de ces organes, lié à l'augmentation de pression due à l'insufflation, et sont d'autant plus néfastes pour le patient que la durée d'intervention, c'est-à-dire de l'opération chirurgicale, est importante.
Les but de la présente invention eεt donc de pallier les problèmes ci-dessus exposés.
L'invention se rapporte alors à l'utilisation d'une composition gazeuse contenant du monoxyde d'azote (NO) et du dioxyde de carbone (C02) pour la fabrication d'un médicament gazeux destiné au
traitement ou à la prophylaxie par voie intra- abdominale des hypoperfusions des organes abdominaux. Par voie intra-abdominale, on entend voie intra ou extra-péritonéale. Le mélange médicamenteux NO/C02 de l'invention est particulièrement adapté à une administration par insufflation intra-abdominale lors d'une intervention en coelioscopie ou en coeliochirurgie; le péritoine désignant la membrane séreuse tapissant la cavité de l'abdomen.
Le médicament gazeux de l'invention est, de préférence, constitué du seul mélange de gaz carbonique et de monoxyde d'azote; toutefois, l'addition d'au moins un gaz choisi dans le groupe formé par le xénon, le krypton, le protoxyde d'azote et leurs mélanges, audit mélange de C02 et de NO est envisageable.
La concentration de NO dans le mélange gazeux NO + C02 est une concentration efficace, de préférence comprise entre 1 et 100 ppm. Une concentration inférieure à 1 ppm n'est pas souhaitable et une concentration supérieure à 100 ppm entraîne une disparition progressive de l'effet thérapeutique. Les raisons du peu d'activité observée à de telles concentrations sont encore inconnues, mais pourraient être liées à une toxicité locale ou éventuellement à la saturation des récepteurs du monoxyde d'azote.
Selon un mode de réalisation préféré, la concentration de NO dans le mélange médicamenteux est comprise entre 15 et 30 ppm.
La stabilité du médicament gazeux de l'invention permet son stockage sous pression dans des conditionnements classiques du type bouteilles en acier ou alliage léger à base d'aluminium. De façon à éviter tout risque de contamination, on optera avantageusement pour des bouteilles en
alliage léger à base d'aluminium. Les conditions de stockage préférées assurant une stabilité supérieure à 2 ans sont une température comprise entre 15 et 30°C, de préférence 20 et 25°C, et une pression comprise entre 20 et 30 bars.
Les compositions de l'invention sont administrables par insufflation intra-abdominale, et plus particulièrement par insufflation intra- péritonéale. Pour ce faire, on procédera d'une façon connue en soi. Après incision abdominale, la composition NO/C02 est insufflée dans la cavité abdominale au moyen d'une aiguille reliée à un insufflateur tel qu'un insufflateur de type MP vidéo Medicam 900. Pendant tout la durée de l'intervention une pression interne de 10 à 20 mm de Hg est maintenue dans le cavité abdominale. On notera que l'insufflation d'un mélange de C02 et de monoxyde d'azote n'est ni décrite ni suggérée dans la littérature. L'activité vasodilatatrice et antiagrégante plaquettaire du NO rend la composition de l'invention particulièrement adaptée au traitement des effets secondaires liés à une diminution de la vascularisation des organes intra-abdominaux pendant les interventions sous coelioscopie. La quantité de composition médicamenteuse devant être administrée dépend, quant à elle, de l'âge du patient, de la gravité de l'affection dont il souffre et de la concentration en NO de la composition gazeuse injectée. Les exemples 1 à 3 qui suivent illustrent la stabilité des compositions de l'invention, ainsi que leur utilité thérapeutique, en référence aux Figures 1 et 2 annexées.
EXEMPLE 1
Divers mélanges de monoxyde d'azote et de gaz carbonique ont été préparés et conditionnés dans des bouteilles de type B5 en alliage léger, à base d'aluminium, commercialisées par S.M. GERZAT sous une pression de 24 bars. Dans ces mélanges, la concentration initiale du monoxyde d'azote a été fixée à 20 ppm. La stabilité de la concentration en NO a été étudiée pour trois bouteilles conservées à température ambiante sur une période de 16 mois.
La valeur de la concentration en NO est mesurée par un analyseur à chimiluminescence danε la gamme de 0 à 100 ppm, calibré avant chaque mesure à l'aide d'un mélange étalon NO/N2 à 90 ppm. L'analyseur à chimiluminescence utilisé est le TOPAZE 2020 fabriqué par COSMA.
A l'issue d'une période de 16 mois, aucune décomposition du monoxyde d'azote dans les mélanges NO/C02 conservés à température ambiante n'a pu être détectée. De fait, les seules fluctuations mesurées dans la valeur de la concentration en NO restent inférieures à la précision de l'analyse.
Ces résultats confirment la stabilité des compositions médicamenteuses de l'invention.
EXEMPLE 2
Cet exemple vise à démontrer l'efficacité de la composition NO/C02 de l'invention, administrée par insufflation intra-péritonéale, dans la lutte contre 1'hypoperfusion des organes abdominaux, et en particulier des reins.
8 porcs d'environ 25 à 30 kg ont été anesthésiés par injection intramusculaire de kétamine (20 mg/kg) et de mizadolam (0,1 mg/kg) . Après intubation, l'anesthésie est maintenue par
injection de fentanyl (5 μg/kg/h) et de pancuronium (0,5 mg/kg/h) , et par inhalation d'un mélange de desflurane (5%), d'oxygène (50%) et de protoxyde d'azote (45%). On ajuste la ventilation mécanique pour maintenir une pression partielle télé-expiratoire de C02 inférieure à 40 mm Hg.
Des capteurs de type Doppler© sont implantés sur l'artère rénale de manière à mesurer le diamètre du vaisseau artériel et la vitesse du sang afin d'évaluer le débit sanguin rénal moyen.
D'autre part, une sonde urinaire est installée dans l'urètre afin de mesurer le débit urinaire.
Les 8 porcs sont divisés en 2 groupes de 4 porcs chacun. Ces 2 groupes de 4 porcs subissent une insufflation intra-péritonéale, pendant 2 heures et à une pression de 15 mm Hg, de:
- C02 gazeux pour le groupe 1;
- d'un mélange gazeux NO/C02 (dose de NO égale à 20 ppm) pour le groupe 2.
On observe une chute du débit sanguin et de la diurèse dans les 2 groupes de porcs, dès le début de l'insufflation. Toutefois, la chute est moindre pour le groupe 2 (NO/C02 insufflé) . En effet, après insufflation, les valeurs de débit sanguin et de diurèse obtenues pour le groupe 2 sont supérieures de 20% à 30% à celles obtenues pour le groupe 1.
La composition gazeuse de N0/C02 de l'invention permet bel et bien de lutter contre les hypoperfusions des organes abdominaux, lorsqu'elle est administrée par voie intra-abdominale, c'est-à- dire extra ou intra-péritonéale, en permettant en particulier une augmentation du débit sanguin au niveau des organes abdominaux.