Procédé de fabrication d'alliages contenant du chrome
La présente invention a pour objet un procédé de fabrication d'alliages contenant du chrome avec un ou plusieurs éléments du groupe du fer (fer, nickel, et cobalt) avec ou sans d'autres éléments, selon les techniques de la métallurgie des poudres.
Les avantages de la fabrication des alliages selon les procédés de métallurgie des poudres sont bien connus.
En particulier, on peut aisément en contrôler la composition chimique et les propriétés. Cependant, lorsque les alliages contiennent du chrome des difficultés apparaissent. Les poudres de chrome que l'on trouve dans le commerce sont toujours contaminées par de l'oxyde de chrome en surface, correspondant habituellement à 0,4 à 0,8 /o en poids d'oxygène, et les alliages obtenus à partir de mélanges de ces poudres avec d'autres poudres métalliques, par compression et par frittage, sont encore contaminées par l'oxyde de chrome. Des durées de frittage, trop longues pour être économiques, attribuables à cette contamination par l'oxyde, sont nécessaires pour l'obtention d'une composition d'alliage homogène par diffusion des particules.
De plus, la contamination par l'oxyde du produit final diminue ses propriétés mécaniques et sa résistance à la corrosion.
On a obtenu des améliorations des propriétés physiques grâce à un procédé appelé frittage activé . Selon ce procédé, on fritte des poudres comprimées dans des boîtes contenant un halogénure, par exemple du fluorure d'ammonium, qui se sublime lorsqu'on le chaufffe. On conduit le chauffage dans une atmosphère d'hydrogène dans la boîte. Ce procédé n'a pas été très utilisé. I1 est sujet à des difficultés, par exemple l'attaque des parties intérieures des fours à cause de l'utilisation des produits chimiques réactifs, la corrosion des métaux comprimés, un coût plus élevé dû à une étape d'oxydation préalable utilisée pour le traitement de la poudre, et la nécessité que les métaux comprimés soient mis en boîte pour le frittage. De plus, le carbone dans les produits comprimés a été considéré comme un poison empêchant d'obtenir les résultats désirés.
Selon la présente invention, on fritte un comprimé d'un mélange de poudres des métaux précités contenant du carbone en excès par rapport à la quantité nécessaire pour se combiner stoechiométriquement avec l'oxygène présent sous forme d'oxyde de chrome et contenant aussi un agent porogène qui se volatilise lors du chauffage en produisant une structure poreuse dans le comprimé, le frittage étant conduit dans un courant gazeux qui est réducteur pour l'oxyde de chrome, à une température d'au moins 10400 C. Le comprimé fritté est ensuite travaillé à chaud et peut être ainsi façonné en une bille ayant la densité vraie de l'alliage. Ce travail à chaud peut être par exemple un laminage ou une extrusion.
On constate qu'il est possible ainsi de produire un alliage pratiquement exempt d'oxyde de chrome selon un procédé plus simple que tous ceux proposés jusqu'à maintenant, et aussi que l'alliage obtenu a une résistance à la corrosion étonnamment bonne. Des produits de grande dimension, par exemple une billette ayant une section de 101,6 X 127 mm et pesant de 13,6 à 90,71ka, peuvent être obtenus pratiquement exempts d'oxyde dans toute leur section.
Le procédé de l'invention s'applique à la fabrication d'une large gamme d'alliages qui contiennent du chrome et au moins un des métaux du groupe du fer, y compris par exemple les alliages binaires de nickel et de chrome, les alliages de fer-nickel-chrome et des aciers inoxydables. Ainsi, dans le mélange de poudres peuvent se trouver de 5 o/o à 60 < )/o de poudre de chrome, de 0 à 90oxo de poudre de nickel, de 0 à 90 0/o de poudre de fer et de 0 à 20 /0 de poudre de cobalt.
D'autres éléments que l'on trouve souvent dans les alliages de nickel-chrome et de fer-chrome, par exemple 0 à 5 0/o de niobium, 0 à 4 0/0 de cuivre, 0 à 20 O/o de molybdène et O à 10 o/o de tungstène peuvent aussi être présents. De préférence
I'aluminium, le titane, le silicium et le manganèse ne sont pas présents, car ces éléments ou leurs oxydes gênent la réduction de l'oxyde de chrome. Si on désire un tel élément dans le produit, on peut d'abord revêtir de la poudre de oet élément avec du nickel, du fer ou du cobalt, par exemple par décomposition du métal carbonyle correspondant, puis l'introduire ainsi dans le mélange de poudres.
Le revêtement diminue l'effet gênant du métal pendant le frittage, mais tout oxyde présent sur la poudre métallique avant qu'elle soit revêtue ne sera pas réduit et restera dans le produit final, avec des effets défavorables en ce qui concerne la résistance à la corrosion.
Habituellement les poudres de chrome que l'on trouve dans le commerce ont une dimension particulaire de 1 à 60 microns. Afin d'assurer une bonne diffusion pendant le frittage, il est avantageux que la dimension particulaire de toute poudre dans le mélange de poudres ne dépasse pas 40 microns.
La poudre de chrome ne contient de préférence pas plus que 0,025 /o de soufre, plus que 0,05 0!o de magnésium, plus que 0,31O/o de silicium, ni plus que 0,1 0/o d'aluminium. Les teneurs en magnésium, en silicium et en aluminium doivent être aussi basses que possible, puisque les oxydes de ces éléments forment avec l'oxyde de chrome des spinelles difficilement réductibles. Ainsi la poudre de chrome électrolytique, qui a une teneur très basse en silicium, en aluminium et en magnésium est très satisfaisante. On peut utiliser des poudres d'alliages contenant du chrome, par exemple des poudres d'aciers inoxydables et d'autres poudres d'alliages.
Il est avantageux d'utiliser des poudres de nickel carbonyle et des poudres de fer carbonyle, ayant généralement des dimensions particulaires comprises entre 3 et 10 microns.
Lorsqu'on détermine la quantité de carbone dans le mélange, il est nécessaire de tenir compte non seulement de la quantité stoechiométriquement nécessaire pour se combiner avec l'oxygène présent dans le mélange sous forme d'oxyde de chrome, mais aussi des pertes en carbone par un mécanisme tel que la méthanation et de la combinaison avec des gaz teIs que l'anhydride carboni que chimiquement absorbé dans certaines poudres, ainsi que du carbone éventuellement désiré dans l'alliage final. Généralement parlant, on trouve qu'une quantité de carbone représentant un excès de 20 à l000/o par rapport à la quantité stoechiométrique est appropriée.
Normalement il est nécessaire d'ajouter du carbone dans les poudres métalliques, mais le carbone nécessaire peut être introduit dans la poudre métallique si on utilise une poudre contenant du carbone, par exemple une poudre de nickel ex-carbonyle contenant jusqu'à 1 /o de carbone. Le carbone peut être introduit dans le mélange sous forme de poudre ou sous forme de composé contenant du carbone, décomposable par la chaleur, par exemple un hydrocarbure ou un hydrate de carbone liquide ou solide. I1 est préférable d'introduire le carbone dans le mélange sous forme de poudre fine de carbone, par exemple du noir de carbone, ou de poudre de graphite ayant une dimension particulaire d'environ 0.5 à 50 microns.
En général, la teneur en carbone du mélange est au moins 0,1 0/o mais ne dépasse pas 0,8 /o, car si cela
était, normalement la teneur en carbone du produit final serait supérieure à celle permise ou désirée. Normale
ment le mélange de poudres contient de 0,15 oxo à 0,25 9/o de carbone, une telle quantité étant normalement suffisante pour réduire l'oxyde de chrome et fournir la teneur finale en carbone désirée.
L'agent porogène se volatilise de préférence à une temparature inférieure à 6500 C, avantageusement c'est un halogénure d'ammonium, par exemple du chlorure d'ammonium, puisque ces sels se volatilisent à des températures inférieures à 6500 C en fournissant des produits gazeux que l'on ne trouve pas dans le métal fritté.
De préférence, la quantité d'agent porogène est d'au moins 0,10/0 en poids du mélange initial de poudres, pour obtenir le minimum nécessaire de formation de pores pendant le frittage, mais ne dépasse pas O,50/o en poids parce que la fissuration du comprimé pourrait se produire au cours du frittage. Avantageusement, la quantité d'agent porogène est de 0,05 /o à O,20/o en poids du mélange initial.
Les poudres sont de préférence mélangées à fond puis comprimées, de préférence hydrostatiquement, en un comprimé ayant une porosité comprise entre 25 et 45 0/o en volume.
De préférence, I'atmosphère dans laquelle on conduit le frittage est de l'hydrogène sec ou de l'ammoniac dissocié sec. On trouve qu'afin d'assurer la réduction de l'oxyde de chrome par le carbone dans une atmosphère d'hydrogène sec, il faut une température d'au moins 10400 C. Avantageusement on conduit le frittage dans des limites de température comprises entre environ 10950 C et 12600 C pendant au moins 4 heures, en maintenant un courant gazeux, par exemple d'hydrogène sec, le long de la billette, d'environ 21 à 62 litres par heure par kg de métal (pression atmosphérique et 210 C).
Il est avantageux de chauffer rapidement le comprimé jusqu'à la température de frittage dans une atmosphère non oxydante, qui peut consister par exemple. en 900/o d'azote et 100/o d'hydrogène (en volume).
Si on utilise une telle atmosphère, on la remplace par un courant d'hydrogène sec ou autre gaz réducteur du moment, ou avant d'atteindre la température de 10400 C. Tout chauffage au-dessus de 1095O C doit être conduit lentement, par exemple 270 C par heure.
Lorsque le frittage est terminé, le corps fritté a géné
ralement une porosité de 250/o à l50/o. On peut le transporter directement jusque dans un laminoir à chaud ou l'extruder à chaud dans une presse à extruder usuelle pour former des produits tout à fait denses tels que des barres, des baguettes, des tôles et des tubes. Le travail que l'on préfère est l'extrusion à chaud dans le cas des alliages frittés à forte teneur en chrome.
Exemple I
On prépare un mélange de poudres en mélangeant 76"/0 de poudre de nickel ex-carbonyle ayant une dimension particulaire d'environ 5 microns, 70/0 de poudre de fer ex-carbonyle ayant une dimension particulaire d'environ 5 microns et 160/0 de poudre de chrome électrolytique contenant O,70/o d'oxygène avec environ 0,1 0/o de chlorure d'ammonium. La poudre de chrome passe par un tamis Tyler ayant des ouvertures de 43 microns, ainsi pratiquement toute cette poudre a une dimension particulaire inférieure à 40 microns.
La teneur en carbone de ce mélange est 0,05 /o. On ajoute de la poudre de carbone à une partie du mélange pour
augmenter la teneur en carbone jusqu'à 0,180/0. On fabrique des comprimés avec les mélanges avec et sans carbone additionnel, par compression hydrostatique à
21 kg/mm2 puis on les fritte à différentes températures
pendant 8 heures dans un courant d'hydrogène sec. Les comprimés ont une section carrée de 6,25 om X 6,25 cm et chacune pèse 18 kg. Dans chaque cas on effectue le chauffage jusqu'à la température de frittage aussi rapidement que possible. Le tableau I ci-dessous indique les teneurs en oxyde et en carbone des produits frittés obtenus.
Tableau I
Carbone initial *, 0,05 o/o Carbone initial 0,18 "/o
Température Teneur en oxygène Teneur en carbone Teneur en oxygène Teneur en carbone
de frittage
OC O/o 0/o O/o 0/o
760 0,17 0,03 0,16 0,14
980 0,13 0,012 0,09 0,10
1095 0,08 0,005 0,013 0,03
1205 0,09 0,003 0,012 0,04 * A titre comparatif
On voit qu'avec seulement 0,05 /0 de carbone la teneur en oxygène n'est jamais abaissée en dessous de 0,08 /o. Avec une teneur en carbone de 0,18 lu/, et des températures de frittage supérieures à 10400 C la teneur en oxygène est abaissée jusqu'à des valeurs si basses que le produit est pratiquement exempt d'inclusions d'oxyde.
Exemple Il
On prépare un mélange de poudres contenant 0,18 oxo de carbone comme dans l'exemple I, on comprime le mélange hydrostatiquement jusqu'à la grandeur voulue sous une pression de 7 kg/mm2 puis le chauffe rapidement jusqu'à 1095oC et le filtre à 12300 C pendant 12 heures. Pendant le chauffage jusqu'à 6200 C on utilise une atmosphère comprenant 90"/0 d'azote et 100/o d'hydrogène, puis on introduit un courant d'hydrogène sec et maintient cette atmosphère jusqu'à 12050 C. On introduit environ les six dernières heures de frittage dans un courant gazeux obtenu par la dissociation de l'ammoniac. Le comprimé fritté est travaillé à chaud en une barre plate, et on trouve qu'il contient 0,001 O/o d'oxygène et 0,05 oxo de carbone.
Lorsqu'on le soumet aux essais à la température ordinaire, on trouve que le produit usiné a une tension de fluage (0,20/0 de déformation permanente) de 36 kg/mm2, une résistance à la traction de 69,6k:g/,mme et un allongement à la rupture de 3820/o et une striction à la rupture de 640/o.
Au contraire, le produit décrit dans l'exemple I, produit sans carbone additionnel (lorsqu'il est travaillé jusqu'à sa densité vraie) a une tension de fluage (à la tempera- ture ordinaire) de 32 kg/mlma (0,2 O/o de déformation permanente), une résistance à la traction de 64 kg/mm2, un allongement à ila rupture de 289/o et une striction de 240/o. Lorsqu'on examine la microstructure de ce produit travaillé, des inclusions d'oxyde importantes apparaissent.
Des produits travaillés selon l'exemple II ont été soumis aux essais de résistance à la corrosion par immersion dans l'acide nitrique à 650/o bouillant pendant 24 heures. Certains des produits ont été soumis aux essais après avoir été chauffés à 12050 C pendant une heure puis trempés à l'eau, et d'autres après le même traitement avec un chauffage additionnel pendant 8 heures à 5950 C, suivi d'une trempe à l'eau. La vitesse de corrosion, mesurée en mm par mois, est indiquée dans le tableau 2, qui inclut aussi des résultats comparatifs obtenus avec un alliage de même composition fabriqué par fusion.
Tableau 2
Données sur la corrosion - 24 heures d'immersion
dans l'acide nitrique à 65 % bouillant
Vitesse de corrosion
mm par mois
Vitesse de corrosion Alliage fondu
Conditions mm par mois (comparatif) 12050 C, 1 heure trempe à l'eau 0,0183 0,53 12050 C, 1 heure trempe à l'eau
puis
5950 C, 8 heures trempe à l'eau 2,62 53,4
Exemple 111
On fabrique des comprimés ayant une section carrée de 6,25 cm X 6;
;25 cl et pesant chacun 9 kg, à partir d'un mélange de poudres contenant environ 77 /o de nickel, 16 0/o de chrome, 710/o de fer et 0,186/o de carbone total, avec des quantités variées de chlorure d'ammonium, c'est-à-dire 0,05, 0,1 et 0,2O/o. On fritte ces comprimés dans un courant d'hydrogène sec à 12600 C pendant neuf heures, le temps total à une température supérieure à 10950 C étant de 14 heures. Tous les produits sont travaillés à chaud en billettes ayant la densité vraie.
Dans chaque produit usiné la microsection au centre ne présente pas d'inclusion d'oxyde et la teneur en oxygène est environ 0,016 0/o. Dans un autre produit préparé de manière identique, avec 0,10/0 de chlorure d'ammonium, on trouve que la teneur en oxygène n'est que de 0,0050/o et la microstructure est très propre.
Lorsqu'on le soumet aux iessais à la température ordinaire, ce produit présente à la rupture un allongement de 41 0/o et une striction de 66 0/o. Au contraire, on trouve qu'un produit fabriqué sans agent porogène du tout, mais identique par ailleurs contient 0,03 /o d'oxygène et présente un grand nombre d'inclusions d'oxyde dans sa microstructure. Lorsqu'on le soumet aux essais à la température ordinaire, ce produit a présenté à la rupture un allongement de 33O/o seulement et une striction de 47 0/o. Cela montre l'importance de la présence d'un agent porogène lorsque du carbone est présent en quantité suffisante pour se combiner avec tout l'oxygène présent dans l'oxyde de chrome.
La raison théorique des excellents résultats obtenus n'est pas entièrement comprise, mais il paraît probable que lors du frittage des comprimés, la volatilisation de l'agent porogène crée des passages à travers les comprimés, qui permettent la penétration de l'atmosphère d'hydrogène et l'élimination par entraînement des produits gazeux du comprimé. De toute manière, le procédé selon l'invention fournit des alliages contenant du chrome, propres métallurgiquement, à partir de matières de départ comprenant de la poudre de chrome contaminée par un oxyde.