Procédé pour atténuer le virus rabique virulent en une forme non pathogène
sans perte appréciable de ses propriétés antigènes
La présente invention a pour objet un procédé pour atténuer le virus rabique virulent en une forme non pathogène sans perte appréciable de ses propriétés antigènes.
La rage est une maladie déjà connue depuis les temps anciens, et les manifestations cliniques, la pathologie, l'épidémiologie, ainsi que d'autres caractéristiques de la maladie, ont été bien cataloguées et sont maintenant bien connues de l'homme de l'art. Actuellement la rage est toujours une menace sérieuse pour les animaux, y compris l'homme, dans beaucoup de parties du monde, et aux Etats-Unis, par exemple, on signale que des années 1938 à 1945, une moyenne d'environ 8000 chiens par an sont morts de la rage.
Depuis de longues années, des tentatives ont été faites pour créer un vaccin sûr et efficace pour la prévention de la rage, et en fait, de grands succès ont été signalés ces dernières années avec des vaccins antirabiques phénolisés ou carbolisés. Toutefois, il est bien reconnu que ces vaccins souffrent de divers défauts. En premier lieu, comme avec tous les vaccins de virus tués, la protection obtenue avec le vaccin antirabique phénolisé n'est pas durable, et la vaccination annuelle est généralement recommandée. Un deuxième inconvénient de ces vaccins, est qu'ils sont habituellement préparés à partir de tissus cérébraux du lapin, et que l'usage de ces tissus dans un vaccin ne peut être considéré comme offrant toute sécurité, étant donné les constatations croissantes d'accidents neuroparalytiques consécutifs à leur usage.
Un troisième inconvénient de ces vaccins est leur prix de revient élevé, dû au processus compliqué nécessaire à leur préparation.
Comme on pouvait s'y attendre, étant donné les désavantages et les limitations dont souffrent les vaccins antirabiques de virus tués, on a fait de nombreuses tentatives pour créer un vaccin antirabique à base de virus, qui soit sûr et véritablement atténué. Mais ces tentatives se sont heurtées à un échec, ou tout au plus, elles ont eu un succès limité, à cause de la tendance que présente le virus rabique à garder des caractéristiques fixes après un nombre de passages relativement réduit dans un sujet donné. Autrement dit, quand le virus rabique a passé, en série, par un sujet donné, il subit généralement un certain degré d'atténuation pendant les premiers passages, et atteint ensuite un point où de nouveaux passages en série ne modifient pas les caractéristiques du virus dans une mesure importante.
Par exemple, on a fait passer dans des lapins en plus de 2000 passages en série, des souches de virus provenant de Pasteur et aptes à se développer chez le lapin, sans que les carac téristiques de la souche primitive de Pasteur soient notablement modifiées.
Malgré la tendance générale que présente le virus rabique à se fixer après quelques passages en série seulement, on a trouvé maintetenant que l'on peut obtenir un virus rabique vivant véritablement atténué, apte à fournir un vaccin sûr.
Le procédé selon l'invention est caractérisé par le fait qu'on cultive un virus rabique virulent dans des oeufs en incubation, en faisant passer le même virus initial dans une série successive d'oeufs en incubation, suffisante pour qu'il perde son caractère pathogène mais au moins dans 150 oeufs en incubation.
Les vaccins préparés à partir d'un virus rabique entièrement atténué, obtenu conformément à l'invention, sont relativement peu coûteux, produisent une immunité relativement durable, et sont pratiquement exempts de tissus nerveux centraux, de sorte que l'on ne rencontre pas de difficultés avec les réactions neuroparalytiques. Ces vaccins ont l'avantage supplémentaire que leur fabrication est grandement simplifiée, par suite principalement du fait que le virus employé dans leur préparation se propage dans des embryons d'oeuf et non dans des lapins comme dans la technique antérieure.
Toutefois, l'avantage le plus important desdits vaccins est que le degré d'atténuation du virus est si grand que l'on peut les employer avec une sécurité à peu près complète.
La mise en oeuvre du procédé selon la présente invention s'effectue avantageusement comme suit: on inocule avec le virus rabique des oeufs en incubation, en un point quelconque, de préférence la membrane vitelline ou la membrane allantoïde, au bout d'un temps d'incubation de cinq à neuf jours; on récolte le virus sur l'embryon de poussin cinq à douze jours après l'inoculation, utilise le virus ainsi récolté pour inoculer un deuxième embryon de poussin vieux de cinq à neuf jours, et continue le passage en série du virus rabique jusqu'à ce qu'on ait accompli au moins 150 passages dans des embryons de poussin.
Après environ 150 à 200 passages dans des embryons de poussin, on a constaté que le virus rabique subit une modification marquée et rapide de ses propriétés pathogènes, de sorte qu'il devient non virulent, même pour des souris de quatorze jours lorsqu'on l'injecte par voie intracérébrale.
La souris est bien connue pour être l'un des animaux les plus sujets à la rage, et on croit que c'est le premier exemple d'un virus atténué que l'on peut injecter par voie intracérébrale à haute concentration sans causer la mort. Mais il est encore plus surprenant que le virus garde le même pouvoir antigène qu'un virus qui a subi seulement quelques passages dans des oeufs. Autrement dit, les virus atténués donnent une excellente réaction immunologique, alors même qu'ils ont perdu leur faculté de provoquer la rage typique lorsqu'ils sont injectés par voie intracérébrale.
Contrairement à beaucoup d'autres virus, on éprouve très peu de difficulté à provoquer le développement dans les embryons d'oeuf, et ce, pour presque toutes les souches de virus rabique. Pratiquement toutes les souches de virus rabique peuvent être cultivées sur ce sujet, grâce éventuellement à quelques passages alternés d'embryon d'oeuf à souris ou autre sujet, et de nouveau à l'embryon d'oeuf; avec la plupart des souches de virus rabique toutefois, ces passages alternés ne sont pas nécessaires, et le virus s'adapte facilement à la culture dans l'embryon d'oeuf au bout de quelques passages en série.
Il est donc possible d'utiliser du virus courant, mais il est souvent avantageux d'utiliser une souche de virus qui a été fixée par des passages en série dans un sujet animal.
Quand on fait passer en série du virus courant dans des animaux tels que lapins ou cobayes, le virus subit d'abord des changements rapides, de sorte que sa période d'incubation raccourcit notablement, que son pouvoir infectieux croît et que d'autres modifications se produisent. Toutefois, après un certain nombre de passages, généralement de vingt à quatre-vingts environ, la souche se fixe relativement dans ses caractéristiques, de sorte que de nouveaux passages ne changent pas appréciablement la nature du virus. Il existe beaucoup de souches de virus fixés que l'on peut trouver aujourd'hui, et à peu près toutes conviennent pour l'exécution du procédé selon la présente invention.
Toutefois, il est généralement avantageux de choisir une souche connue pour avoir un faible caractère pathogène, et une souche qui est connue pour donner une forte réaction immunologique.
La souche Flury de virus fixé notamment est excellente. Cette souche de virus a été primitivement isolée et fixée par passage en série dans les tissus cérébraux de poussins. On le trouve à la Rockfeller Foundation,
New York City. Par exemple, la souche présente un faible pouvoir pathogène vis-à-vis des lapins, comme on l'a déterminé par inoculation intracérébrale au 50nie passage en oeuf, et s'il est vrai que le virus produit une rage mortelle si on l'injecte à des chiens par voie intracérébrale, les glandes salivaires des animaux atteints restent exemptes de virus. Malgré ces caractéristiques relativement faibles, la souche Flury de virus donne une réaction immunologique élevée, en comparaison d'autres souches de virus rabique fixé.
La souche Flury de virus rabique peut être transmise en série à des embryons de poussin, sans nécessité de passages alternés; toutefois, on a noté qu'il y a une chute appréciable dans la D. M. 50 chez les jeunes poussins et souris, pendant les premiers passages en oeuf. Au bout du dixième ou quinzième passage environ, on trouvera que la D. M. 50 du virus, tant chez les poussins que les souris, est à un niveau raisonnablement élevé, et reste relativement constante au cours de passages successifs, jusqu'à ce qu'on remarque un changement marqué, vers le l50rne ou 200me passage en oeuf.
A ce moment, le caractère pathogène de la souche, pour la souris comme pour d'autres animaux, diminue notablement, de sorte que des souris de quatorze jours et plus ne sont pas atteintes mortellement par la rage, même après injection intracérébrale du virus atténué.
Bien qu'il soit préférable que le virus soit atténué par passage direct en série dans le tissu embryonnaire de poussins en développement, on peut trouver désirable, aux fins d'essais ou pour préparer une masse de stockage, d'interrompre les passages en série en cultivant le virus sur d'autres sujets, tels que poussins d'un jour ou jeunes souris. Les passages en série peuvent alors être repris dans 1'Quf en incubation. Les oeufs de poule sont préférables, à cause de leur bas prix de revient, et de la possibilité de les trouver continuellement, mais l'usage d'oeufs d'autres oiseaux n'est pas exclu.
Pour démontrer de façon plus détaillée l'efficacité du procédé selon la présente invention, on réhydrate une suspension de cervelle de poussin représentant le 136me passage dans des poussins, de la souche Flury de virus rabique provenant de la Rockfeller Foundation, et on l'injecte par voie intracérébrale à des poussins d'un jour. On sacrifie les oiseaux le sixième jour après l'inoculation, et on fait un autre passage sur des poussins d'un jour. On sacrifie ceux-ci à leur tour le 6me jour, et on inocule 0,5 cm3 d'une suspension à 10 O/o de leurs tissus cérébraux, dans la membrane vitelline d'oeufs fécondés de 7 jours. Six jours après l'inoculation, on sacrifie les embryons et on prépare des suspensions des embryons homogénéisés.
On inocule alors dans les membranes vitellines d'oeufs fécondés de 7 jours, une suspension d'embryon à 20 O/o dans l'eau distillée, et 6 jours après l'inoculation, on sacrifie à nouveau les embryons, et on prépare des suspensions homogénéisées de la matière embryonnaire. On répète le processus sur un total de 12 passages en série sur des embryons de poussins vieux de 7 jours, en récoltant après le 6me jour, jusqu'à ce qu'on ait réalisé un total de 14 passages en série sur des embryons d'oeufs. Au 15me passage et aux suivants, on procède à la récolte le 8me ou lorne jour après l'inoculation, car on a trouvé que l'on obtenait ainsi de meilleurs résultats.
Au bout de 20 passages environ, le virus semble être relativement fixé, de sorte qu'il ne change pas appréciable ment au cours de nombreux passages successifs. Pendant ce laps de temps, le virus reste entièrement infectieux lorsqu'on l'injecte directement dans le système nerveux central de cobayes, hamsters et¯souris, et jusqu'au 180n'e passage inclus, on constate que le virus est mortel pour 6 souris sur 6, par injection intracérébrale.
Au 181 ne passage, on observe un changement marqué et rapide dans les propriétés pathogènes de la souche rabique, et quand on injecte par voie intracérébrale à des souris de 14 jours un virus de 182me passage aucun des animaux ne présente de signes de maladie, et ils sont invariablement immunisés contre les contacts ultérieurs avec le virus courant. Le virus garde ces caractéristiques faibles au cours des passages ultérieurs, et semble être entièrement atténué.
Pour vérifier le caractère reproductible des résultats, on répète les expériences ci-dessus en partant de matières de 170111e passage. A nouveau, on trouve que cette matière est entièrement virulente lorsqu'elle est injectée par voie intracérébrale à des souris, ainsi que la matière des 171mye et 172me passages. On trouve que la matière du 174me passage est entièrement dépourvue de virulence pour des souris de 14 jours, même par injection intracérébrale, exactement comme la matière de l'expérience précédente, et que les souris inoculées ne présen- tent aucun des symptômes de la rage
On répète encore les expériences ci-dessus en partant d'une matière de 1 70me passage.
Dans ce cas, on note un changement marqué au 172me passage, et on trouve que le 173me passage et les suivants sont entièrement atténués et dépourvus de virulence, lorsqu'on les injecte par voie intracérébrale à des poussins de 14 jours.
Les expériences ultérieures indiquent que le changement peut se faire à tout moment depuis le 150me passage jusqu'au 200nue passage environ.
On a vérifié les propriétés antigènes du virus, sur de nombreuses espèces d'animaux, parmi lesquels la souris, le cobaye, le chien, la vache et le chimpanzé. Dans chaque cas, le vaccin donne une excellente immunité contre les contacts ultérieurs avec le virus courant, ou bien on constate qu'il stimule une réaction d'anticorps élevée. Les chimpanzés n'ont pas été mis en contacts avec le virus courant, vu le caractère coûteux de ces animaux, mais la présence d'anticorps a pu être clairement démontrée.
On a fait de nombreux essais pour déterminer le caractère antigène du virus atténué chez les chiens, et dans chaque cas, on a obtenu d'excellents résultats. Dans ces expériences, chaque chien bâtard reçoit 5 cm3 d'une suspension à 20 o/o de matière rabique, par voie intramusculaire dans la patte de derrière.
Dans une série d'expériences portant sur un total de 44 chiens, on vaccine 25 animaux choisis, avec de la matière rabique, préparée comme décrit plus haut avec une matière de 187ll'e passage en oeuf, et on utilise 19 animaux comme témoins. Trente jours après l'inoculation, tous les animaux sont mis en contact avec le virus courant, par inoculation intramassétérienne avec du virus courant de New
York. Aucun des chiens vaccinés avec le vaccin résultant du virus atténué conformément à l'invention ne contracte la rage, mais 15 des 19 chiens non vaccinés contractent une rage aiguë et meurent. On a fait beaucoup d'autres expériences sur des chiens, et dans chaque cas on a obtenu d'excellents résultats, comparables à ceux ci-dessus.
Dans des essais comparables faits sur des cobayes qui reçoivent 0,25 cm3 d'une dilution donnée de vaccin injectée par voie intramusculaire dans la patte de derrière, et qui sont mis en contact avec le virus rabique courant 21 jours plus tard, le vaccin donne d'excellents résultats. En fait, même quand on utilise la matière embryonnaire de poussin à des dilutions de 1: 20, 1 : 80 et 1:320, on obtient une immunité excellente, et tous les animaux inoculés restent sains lorsqu'ils sont mis en contact avec le virus courant, de la manière usuelle. On a utilisé dans les expériences cidessus des matières de 178n'e et de 179me passages sur embryon de poussin, et les deux matières ont donné des résultats égaux et satisfaisants.
Par contre, 10 témoins sur 10 ont été tués lorsqu'on les mettait en contact avec le virus courant. Dans d'autres essais sur des cobayes, des vaccins préparés avec des matières de 184111e et de 187me passages sur embryon de poussin, donnent, dans chaque cas, une excellente immunité aux 6 cobayes essayés, et 8 témoins non vaccinés sur 9 sont tués par la rage lorsqu'ils sont mis en contact avec elle.
Dans d'autres essais sur des cobayes avec du vaccin préparé avec des virus de 190me, 196mye et 200le passage en oeuf, on trouve que, dans chaque cas, 6 animaux sont complètement protégés par les vaccins, tandis que 6 témoins sur 6 meurent lorsqu'ils sont mis en contact, 21 jours plus tard, avec le virus rabique courant.
Des essais comparés sur des vaches et des chimpanzés indiquent que les vaccins préparés avec des virus atténués conformément à la présente invention donnent également d'excellentes réactions immunologiques sur ces animaux. Des vaches ayant reçu de 3 à 15 cms du vaccin présentent une excellente réaction immunologique par la présence d'anticorps neutralisant le sérum, et aussi par leur faculté de survivre au contact avec le virus courant à diverses dilutions. Des chimpanzés présentent aussi une excellente réaction immunologique par la présence d'anticorps neutralisant le sérum 14 jours et même plus longtemps après l'inoculation avec le vaccin préparé avec une matière embryonnaire de 194me passage en oeuf de souche Flury.