MÉTHODE DE VALIDATION DE L’HISTOIRE THERMIQUE D’UN
LINGOT SEMI-CONDUCTEUR
DOMAINE TECHNIQUE
La présente invention est relative aux procédés de cristallisation de lingots semi- conducteurs et concerne plus particulièrement une méthode ou procédé pour valider expérimentalement l’histoire thermique d’un lingot semi-conducteur obtenue par simulation d’un procédé de cristallisation.
ÉTAT DE LA TECHNIQUE
Les cellules photovoltaïques à haut rendement sont pour la plupart fabriquées à partir de plaquettes issues d’un lingot de silicium monocristallin Czochralski (Cz). Bien que réputé pour ses performances électroniques élevées, notamment en termes de durée de vie des porteurs de charge, le silicium CZ n’est pas exempt de défauts et d’impuretés. L’oxygène constitue la principale impureté du silicium CZ et se présente sous la forme d’atomes en positions interstitielles dans le réseau cristallin. Parmi les défauts du silicium CZ, on peut notamment citer les précipités d’oxygène, les lacunes d’oxygène et les donneurs thermiques. Les donneurs thermiques sont des agglomérats (à base d’oxygène) qui se forment à des températures comprises entre 350 °C et 550 °C et qui affectent les propriétés électriques du matériau en créant des électrons libres.
Afin d’optimiser à la fois la cadence de production et la qualité des lingots de silicium CZ, les fabricants de lingots ont recours à des outils informatiques permettant de simuler le procédé de cristallisation Czochralski. Grâce à ces simulations, il est par exemple possible de connaître la température dans chaque portion du lingot à un instant donné de la cristallisation, ainsi que son évolution au cours de la cristallisation. Cette évolution, appelée communément « histoire thermique », a une grande influence sur la quantité des défauts formés au cours de la cristallisation dans la portion considérée du lingot. L’histoire thermique du lingot varie en fonction de nombreux
paramètres, tels que la hauteur relative (appelée aussi « fraction solidifiée ») à laquelle se situe la portion considérée du lingot, la géométrie et les matériaux des pièces qui constituent le four de cristallisation, la vitesse de tirage du lingot et la puissance délivrée par les résistances du four.
La simulation thermique d’un lingot fait appel à des modèles physiques complexes. Ces modèles peuvent conduire à des valeurs erronées de l’histoire thermique si, par exemple, l’algorithme de calcul ne converge pas suffisamment ou la définition du maillage est trop faible.
Pour s’assurer de la pertinence des résultats de simulation, et le cas échéant mesurer le degré de précision des modèles, il est nécessaire d’effectuer une validation expérimentale en confrontant l’histoire thermique calculée à des mesures de la température du lingot. Il est cependant difficile de mesurer l’histoire thermique d’un lingot en cours de fabrication, du fait de sa rotation, de son déplacement en translation ainsi que des très hautes températures qui régnent dans l’enceinte du four (>1400 °C).
Le document [« Thermal simulation of the Czochralski Silicon grow process by three different models and comparison with experimental results », E. Dornberger et al., Journal of Crystal Growth 180, pp.461 -467, 1997] décrit une méthode pour valider expérimentalement l’histoire thermique d’un lingot de silicium CZ. Plusieurs lingots de longueurs différentes sont d’abord tirés en suivant une recette de tirage donnée. Puis, les lingots sont équipés de thermocouples et montés successivement dans un four de cristallisation. Chaque lingot est mis en contact avec un bain de silicium en fusion après que le four ait atteint une température de consigne, à laquelle le tirage du lingot a habituellement lieu. La température dans le lingot est ensuite mesurée au moyen des thermocouples après qu’un état d’équilibre ait été atteint.
Cette méthode de validation de l’histoire thermique est fastidieuse car elle nécessite de pré-fabriquer, pour chaque recette de tirage, des lingots de longueurs différentes (ces longueurs correspondant à différents instants du procédé de cristallisation simulé). Elle n’est en outre pas représentative du procédé de cristallisation Czochralski, car le lingot n’est pas entraîné en rotation lors de l’étape de mesure des
températures (à cause du câblage des thermocouples). Enfin, comme aucune cristallisation n’a lieu lors de l’étape de mesure, le lingot ne dissipe pas de chaleur latente de solidification, ce qui peut grandement influencer les températures mesurées dans le lingot. L’histoire thermique calculée et les mesures de température sont alors difficilement comparables.
RÉSUMÉ DE L’INVENTION
Il apparait ainsi le besoin d’une méthode simple et rapide à mettre en oeuvre pour valider (ou invalider) avec certitude une histoire thermique d’un lingot semi-conducteur, cette histoire thermique ayant été obtenue par simulation d’un procédé de cristallisation.
Selon l’invention, on tend à satisfaire ce besoin en prévoyant une méthode de validation comprenant les étapes suivantes :
a) mesurer la concentration en oxygène interstitiel dans une portion du lingot semi-conducteur ;
b) calculer une valeur théorique de la concentration en donneurs thermiques formés lors du procédé de cristallisation, à partir de la mesure de la concentration en oxygène interstitiel et à partir de l’histoire thermique dans la portion du lingot semi-conducteur ;
c) mesurer une valeur expérimentale de la concentration en donneurs thermiques dans la portion du lingot semi-conducteur ; et
d) comparer les valeurs théorique et expérimentale de la concentration en donneurs thermiques.
Les donneurs thermiques sont des défauts à base d’oxygène qui se forment entre 350 °C et 500 °C au cours de la cristallisation et dont la concentration constitue un marqueur de l’histoire thermique du lingot. Ainsi, plutôt que de confronter directement des valeurs de la température dans le lingot, la méthode de validation selon l’invention effectue une comparaison entre des valeurs théorique et expérimentale de la concentration en donneurs thermiques, la valeur théorique de la concentration en donneurs thermiques étant dérivée de l’histoire thermique simulée.
Contrairement à la méthode de l’art antérieur, la méthode de validation selon l’invention ne requiert pas de mesures in situ, i.e. à l’intérieur du four de cristallisation. La concentration en oxygène interstitiel et la concentration en donneurs thermiques peuvent en effet être mesurées après que le lingot ait été extrait du four, et donc bien plus simplement que la température au cours de la cristallisation. La fabrication du lingot n’est donc pas impactée par la méthode de validation selon l’invention, ce qui permet d’obtenir des résultats fidèles au procédé de cristallisation employé. Dans un mode de mise en oeuvre préférentiel de l’invention, le calcul de la valeur théorique de la concentration en donneurs thermiques comporte les opérations suivantes :
- établir au moins une expression empirique décrivant l’histoire thermique (ou représentative de l’histoire thermique) dans la portion du lingot semi- conducteur ;
- discrétiser en pas de temps successifs l’histoire thermique dans la portion du lingot semi-conducteur, en associant à chaque pas de temps une température calculée à l’aide de ladite au moins une expression empirique ;
- calculer pour chaque pas de temps dont la température associée est comprise entre 350 °C et 550 °C une teneur en donneurs thermiques formés pendant ledit pas de temps ; et
- calculer la valeur théorique de la concentration en donneurs thermiques à partir des teneurs en donneurs thermiques formés pendant les pas de temps successifs.
Ce mode de calcul permet de déterminer avec précision la concentration en donneurs thermiques formés lors du procédé de cristallisation (entre 350 °C et 550 °C), en tenant compte du profil exact de la température dans la portion du lingot semi-conducteur.
Selon un développement de ce mode de mise en oeuvre préférentiel, le calcul de la valeur théorique de la concentration en donneurs thermiques est réalisé par itérations et comporte, pour chaque pas de temps, les opérations suivantes :
- sommer la teneur en donneurs thermiques formés pendant ledit pas de temps et une teneur en donneurs thermiques présents dans le matériau semi-
conducteur au pas de temps précédent ;
- comparer ladite somme à une concentration maximale de donneurs thermiques à la température associée audit pas de temps ;
- fixer une teneur en donneurs thermiques présents dans le matériau semi- conducteur audit pas de temps égale à ladite somme lorsque celle-ci est inférieure à la concentration maximale de donneurs thermiques ; et
- fixer la teneur en donneurs thermiques présents dans le matériau semi- conducteur audit pas de temps égale à la concentration maximale de donneurs thermiques lorsque ladite somme est supérieure à la concentration maximale de donneurs thermiques.
De préférence, la teneur A[DT]n en donneurs thermiques formés pendant ledit pas de temps DT n est calculée à l’aide de la relation suivante :
A[DT]n = ATn * a * DiÇT * [O,]4 * m{TnY2 où a est une constante, Tn la température associée audit pas de temps DTh, Di(Tn) le coefficient de diffusion de l’oxygène à la température Tn et m(Tn) la concentration en électrons libres à la température Tn.
L’histoire thermique dans la portion du lingot semi-conducteur est avantageusement décrite au moyen de deux polynômes du second degré.
Les étapes a) à d) de la méthode de validation selon l’invention peuvent être accomplies pour différentes portions réparties le long du lingot semi-conducteur, afin de vérifier la simulation thermique de l’ensemble du lingot, et pas seulement d’une portion. Ces différentes portions incluent de préférence l’extrémité haute, appelée tête, et l’extrémité basse, appelée queue, du lingot semi-conducteur. Elles sont avantageusement en nombre supérieur ou égal à 5.
BRÈVE DESCRIPTION DES FIGURES
D'autres caractéristiques et avantages de l'invention ressortiront clairement de la description qui en est donnée ci-dessous, à titre indicatif et nullement limitatif, en référence aux figures annexées, parmi lesquelles :
- la figure 1 représente des étapes S1 à S4 d’une méthode de validation d’une histoire thermique selon l’invention ; et
- la figure 2 montre un exemple d’histoire thermique d’une portion de lingot semi- conducteur, obtenu par simulation du procédé de cristallisation du lingot, ainsi que les résultats de l’étape l’ajustement de cette histoire thermique par deux fonctions polynomiales.
Pour plus de clarté, les éléments identiques ou similaires sont repérés par des signes de référence identiques sur l’ensemble des figures.
DESCRIPTION DÉTAILLÉE D’AU MOINS UN MODE DE RÉALISATION
Dans la description qui suit, on appelle « histoire thermique » l’évolution de la température d’une portion d’un lingot semi-conducteur au cours de la cristallisation du lingot. Une portion correspond de préférence à une tranche du lingot semi-conducteur orientée perpendiculairement à l’axe longitudinal (ou axe de tirage) du lingot et dont l’épaisseur peut être variable suivant sa position dans le lingot. La position d’une portion ou tranche du lingot est appelée « hauteur relative » et s’exprime généralement en un pourcentage de la hauteur totale du lingot.
Chacune des portions du lingot possède une histoire thermique spécifique, qu’il est possible de calculer par simulation du procédé de cristallisation. L’ensemble de ces histoires thermiques permet de reconstituer l’évolution du champ de températures dans le lingot semi-conducteur.
La méthode de validation décrite ci-dessous permet de savoir si le calcul de l’histoire thermique pour au moins une portion du lingot semi-conducteur est exact et, le cas échéant, de connaître son degré de précision. Grâce à cette information, il est ensuite possible d’optimiser le procédé de cristallisation en se fiant aux simulations thermiques, d’affiner le modèle physique utilisé lors de ces simulations pour améliorer la précision du calcul de l’histoire thermique ou, dans le cas d’une histoire thermique manifestement erronée, de modifier en profondeur le modèle physique voire de
changer de modèle.
Le lingot semi-conducteur est par exemple un lingot en silicium monocristallin obtenu par le procédé de cristallisation Czochralski (aussi appelé silicium CZ).
En référence à la figure 1 , la méthode de validation comporte tout d’abord une étape S1 de mesure de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] dans la portion du lingot dont on souhaite valider l’histoire thermique. La mesure de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] peut être effectuée en un point, par exemple par spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) sur une plaquette épaisse (typiquement entre 1 mm et 2 mm d’épaisseur) prélevée dans la portion du lingot et dont la surface a été polie. Dans un mode de mise en oeuvre particulier de l’étape S1 , la concentration en oxygène interstitiel [Oi] est mesurée sur le lingot entier, c’est-à-dire sans découpe préalable de plaquettes. La concentration [Oi] peut être mesurée à l’échelle du lingot par une technique de spectroscopie infrarouge appelée communément « Whole-rod FTIR ». Cette technique, dérivée de la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR), comporte l’exposition de la portion du lingot à un faisceau infrarouge. L’absorption du faisceau infrarouge par la portion du lingot permet de déterminer une concentration en oxygène interstitiel moyennée sur le diamètre du lingot.
Une autre technique, basée sur la formation de donneurs thermiques, permet de déterminer la concentration en oxygène [Oi] dans le silicium CZ. Cette technique a été décrite en détail dans les brevets FR2964459 et FR3009380 pour le cas d’une plaquette de silicium. Elle peut aussi être appliquée à l’échelle du lingot. Le contenu des brevets FR2964459 et FR3009380 est incorporé par référence à la présente demande de brevet.
La résistivité électrique initiale est d’abord mesurée dans la portion du lingot afin de déterminer les concentrations en dopants accepteurs et/ou donneurs. Le lingot est ensuite soumis à un recuit de manière à créer de nouveaux donneurs thermiques,
différents de ceux formés lors de la cristallisation. La température de ce recuit est de préférence constante et comprise entre 350 °C et 550 °C. Puis, la résistivité électrique après recuit est mesurée dans la même zone du lingot. À partir de cette deuxième valeur de résistivité et des concentrations en dopants, il est possible de calculer la concentration en donneurs thermiques formés par le recuit. Enfin, la concentration en oxygène interstitiel [Oi] dans la portion du lingot est déterminée à partir de la concentration de donneurs thermiques nouvellement créés et de la durée du recuit entre 350 °C et 550 °C, par exemple au moyen d’un abaque.
Cette dernière technique est précise et particulièrement simple à mettre en oeuvre. Elle est avantageuse même lorsqu’elle est appliquée à une plaquette prélevée dans le lingot car, contrairement à la technique FTIR, elle ne requiert pas le polissage de la plaquette et n’est pas limitée en termes d’épaisseur.
La méthode de validation de la figure 1 comporte ensuite une étape S2 permettant de déterminer une valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques formés dans la portion du lingot, au cours de la cristallisation. Cette valeur théorique [DT]th est calculée à partir de l'histoire thermique de la portion du lingot et à partir de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] mesurée à l’étape S1 , en utilisant un modèle mathématique qui décrit la cinétique de formation des donneurs thermiques.
Dans un mode de mise en oeuvre préférentiel de la méthode de validation, le calcul de la concentration en donneurs thermiques [DT]th se compose des opérations suivantes.
Tout d’abord, l’histoire thermique de la portion du lingot, représentée graphiquement par une courbe de la température T en fonction de la durée de cristallisation t, est décrite analytiquement à l’aide d’une ou plusieurs expressions empiriques. Cette première opération, appelée « ajustement » (ou « fit » en anglais), consiste à déterminer au moins une fonction T(t) dont la courbe reproduit l’histoire thermique (i.e. le profil de température) simulée.
Les expressions empiriques décrivant ou représentant l’histoire thermique sont
avantageusement choisies parmi des polynômes de degré n (n étant un entier naturel non nul), car les fonctions polynomiales permettent un ajustement précis des courbes d’histoire thermique d’un lingot semi-conducteur. Pour améliorer la précision du calcul de la concentration en donneurs thermiques, il est préférable que la courbe d’histoire thermique comporte un nombre élevé de points, par exemple entre 300 et 600 points répartis sur une large plage de température (typiquement de 1400°C à 200 °C) dont au moins 20 points situés dans la plage de températures 350°C-550°C.
La figure 2 montre à titre d’exemple l’histoire thermique d’une portion d’un lingot de silicium CZ située à une hauteur relative de 1 %. Cet exemple d’histoire thermique a été obtenu par simulation du procédé de cristallisation Czochralski, à l’aide de l’outil de simulation ANSYS® Fluent®. Il permet de distinguer deux phases successives du procédé Czochralski : la phase de solidification du lingot et la phase de refroidissement du lingot. La fin de la phase de solidification, à t « 35 h sur le graphe de la figure 2, est marquée par le retrait du lingot du bain de silicium en fusion. Le début de la phase de refroidissement est marqué par une diminution plus rapide de la température. L’histoire thermique est ici décrite au moyen de deux polynômes du second degré (r(t) = A * t2 + B * t + C, avec A, B et C des paramètres d’ajustement constants), l’un pour la phase de solidification, l’autre pour la phase de refroidissement. L’utilisation de deux polynômes de second degré permet de limiter le temps et les moyens de calcul nécessaires à l’opération d’ajustement et s’avère particulièrement adaptée à ce type d’histoire thermique en deux parties.
La deuxième opération du calcul de la valeur théorique [DTjth est une discrétisation de l’histoire thermique en pas de temps Atn successifs. Cette discrétisation peut être réalisée, par exemple à l’aide d’un tableur, en associant à chaque pas de temps Atn une valeur de température Tn calculée à l’aide de l’expression empirique déterminée lors de l’opération précédente. La durée des pas de temps Atn est choisie principalement en fonction de la longueur du lingot et de la vitesse de tirage lors du procédé de cristallisation. Elle est de préférence inférieure à 10 min, par exemple égale
à 1 min.
Lorsque l’histoire thermique est décrite par plusieurs expressions, chaque calcul de la température Tn est effectué avec l’expression empirique associée au pas de temps Dΐ considéré. Dans l’exemple de la figure 2, le premier polynôme (correspondant à la phase de solidification) est utilisé pour les 35*60/Atn(min) premiers pas de temps et le deuxième polynôme est utilisé pour tous les pas de temps suivants.
Ensuite, au moins pour chaque pas de temps Dΐ dont la température associée Tn est comprise entre 350 °C et 550 °C, on calcule une teneur (i.e. concentration) D[ϋT]h en donneurs thermiques formés pendant le pas de temps Dΐ . La teneur D[ϋT]h en donneurs thermiques est de préférence calculée à l’aide de la relation suivante :
A[DT]n = ATn * a * DiÇT * [O,]4 * pi{Th)~2 (1) où a est une constante, Tn la température associée au pas de temps DTh, Di(Tn) le coefficient de diffusion de l’oxygène à la température Tn et m(Tn) la concentration en électrons libres à la température Tn.
Cette relation (1 ) est tirée d’un article intitulé [« Unified model for formation kinetics of oxygen thermal donors in Silicon », K. Wada, Physical Review B, Vol.30, N.10, pp. 5885-5895, 1984], qui décrit un modèle pour calculer la cinétique de formation des donneurs thermiques dans le silicium CZ à une température constante, par exemple de 450 °C. Ce document, dont le contenu est incorporé ici à titre de référence, fournit également les valeurs des paramètres de la relation (1 ) ou les formules permettant de les calculer, à l’exception de la masse effective des trous. Cette dernière est d’après la littérature égale à 0,81 pour le silicium.
La discrétisation en pas de temps rend possible l’utilisation du modèle de Wada, car elle fournit une température Tn constante pour chaque pas de temps. En pratique, la teneur D[ϋT]h en donneurs thermiques peut être calculée pour tous les pas de temps de l’histoire thermique simulée, par exemple de 1414 °C à la température ambiante (i.e. 25 °C), mais la contribution des températures en dehors de la plage 350 °C-550 °C sur la formation des donneurs thermiques est négligeable.
Enfin, lors d’une dernière opération, on calcule la valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques à partir des teneurs A[DT]n en donneurs thermiques formés pendant les différents pas de temps.
Dans un mode de mise en oeuvre simplifié de l’étape S2, la somme de toutes les teneurs A[DT]
n calculées constitue la valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques formés au cours de la cristallisation :
Toutefois, d’après l’article susmentionné, la concentration en donneurs thermiques dans le lingot à une température donnée ne peut excéder une concentration maximale [DT]max de donneurs thermiques. Autrement dit, il existe une limite de « solubilité » des donneurs thermiques dans le silicium CZ, qui dépend de la température. Cette concentration maximale s’écrit de la façon suivante :
où b est une autre constante fournie par l’article de Wada.
Ainsi, dans un mode de mise en oeuvre particulier de l’étape S2, le calcul de valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques est réalisé par itérations, en tenant compte à chaque itération de la concentration maximale [DT]max de donneurs thermiques.
Pour chaque pas de temps Atn, la teneur A[DT]n en donneurs thermiques formés pendant le pas de temps Atn est ajoutée à la teneur en donneurs thermiques présents dans le matériau semi-conducteur au pas de temps précédent, notée [DT]n-i . Puis, cette somme est comparée à la concentration maximale [DTjmax de donneurs thermiques à la température T n (associée au pas de temps Atn considéré). Si la somme [ DT] n-i +D[ DT] n est supérieure à la concentration maximale [DT]max, alors la teneur en donneurs thermiques au pas de temps Atn est considérée comme égale à la concentration maximale [DT]max des donneurs thermiques (à la température Tn) :
[DT]n = [DT]max(Tn)
Si au contraire la somme [DT]n-i+A[DT]n est inférieure à la concentration maximale [DT]max, alors cette somme devient la teneur en donneurs thermiques présents dans le matériau au pas de temps Dΐh, soit :
[DT]n = [DT]n-1 + A[DT]n
On procède ainsi pour tous les pas de temps (au moins ceux dont la température associée Tn est comprise entre 350 °C et 550 °C) et la valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques est égale à la teneur en donneurs thermiques du matériau au dernier pas de temps. La teneur initiale en donneurs thermiques du matériau (i.e. avant le premier pas de temps) est supposée nulle ([DT]o = 0).
Cette variante de calcul procure davantage de précision sur le calcul de la valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques. Le modèle de Wada n’est pas le seul modèle décrivant la cinétique de formation des donneurs thermiques et permettant de calculer la valeur théorique [DT]th de la concentration en donneurs thermiques formés au cours de la cristallisation. On peut notamment citer le modèle de Y. J. Lee et al., décrit dans l’article [« Simulation of the kinetics of oxygen complexes in crystalline Silicon », Physical Review B, Vol.66, 165221 , 2002]
L’équation du modèle de Y. J. Lee et al. qui donne la teneur A[DT]
n en donneurs thermiques pour chaque pas de temps est la suivante :
où [Ok] correspond à la concentration en donneurs thermiques de la famille k (0<k<16) et dont la dérivée temporelle s’écrit :
k^
] k 1
sont des constantes d’association et de dissociation pour la réaction de [Oj] et [Ok-j] en [Ok], dont les expressions sont fournis par l’article de Lee et al. ô
ki est le delta de Kronecker et permet d’éviter de compter deux fois une même réaction.
D’après des expériences menées par la demanderesse, il apparait que le modèle de Wada tend à surestimer la cinétique de formation des donneurs thermiques par rapport à d’autres modèles plus précis. Afin de prendre en compte cette tendance, les teneurs A[DT]n en donneurs thermiques calculées à l’étape S2 sont avantageusement multipliées par un coefficient réducteur, par exemple de 0,75. Cette pondération des teneurs A[DT]n améliore grandement la précision du calcul de la valeur théorique [DT]th.
Pour la même raison, lorsque la concentration en oxygène interstitiel [Oi] est mesurée par FTIR ou sa variante à l’échelle du lingot à l’étape S1 de la méthode, il est préférable de choisir la même norme de mesure que celle utilisé dans le modèle de formation des donneurs thermiques sélectionné. Sinon, un coefficient pondérateur est avantageusement appliqué à la mesure de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] avant qu’elle ne soit utilisée en entrée du modèle de Wada. Par exemple, si la technique de mesure obéit à la norme FTIR recommandée par SEMI avec un coefficient de calibration de 6,28 ppma.cm, la valeur mesurée de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] est multipliée par 5,5/6,28, car le modèle de Wada utilise un coefficient de calibration de 5,5 ppma.cm environ. Si le modèle de Lee (coefficient de calibration de 6,28 ppma.cm) est employé et que la concentration en oxygène interstitiel [Oi] est mesurée avec la norme FTIR SEMI, aucun coefficient pondérateur n’est utilisé.
L’étape S3 de la méthode de validation (cf. Fig.1 ) consiste à déterminer une valeur expérimentale [DT]exP de la concentration en donneurs thermiques formés lors de la cristallisation du lingot.
La valeur expérimentale [DT]exP de la concentration en donneurs thermiques peut être obtenue à partir de la variation de résistivité ou de la variation de la concentration en
porteurs de charge, provoquée par un recuit à haute température (> 600 °C). Ce recuit à haute température (typiquement 30 minutes à 650 °C) permet de détruire les donneurs thermiques formés lors de la cristallisation du lingot. La résistivité électrique peut être mesurée (avant et après le recuit de destruction) par la méthode des quatre pointes, la méthode de Van der Pauw ou être dérivée de la mesure du courant de Foucault. Cette technique de mesure est décrite en détail dans le brevet FR3009380, dont le contenu est incorporé par référence. La concentration en porteurs de charge peut être mesurée par effet Hall ou déduite de mesures C-V.
Le lingot est de préférence dopé de façon à présenter une résistivité initiale (i.e. après la cristallisation et avant tout traitement thermique) supérieure à 1 Q.cm, de sorte que la variation de résistivité avant-après recuit de destruction des donneurs thermiques soit détectable avec précision.
L’étape S3 peut être mise en oeuvre après l’étape S1 même lorsque la technique des brevets FR2964459 et FR3009380 est utilisée pour mesurer la concentration en oxygène interstitiel [Oi]. Il suffit dans ce cas de considérer la résistivité électrique (ou la concentration en porteurs de charge) initiale du lingot. L’étape S3 peut aussi être mise en oeuvre avant l’étape S1 , auquel cas il n’y a plus de donneurs thermiques au moment de réaliser le recuit entre 350 °C et 550 °C.
En d’autres termes, la méthode de validation n’est limitée à aucun ordre des étapes S1 et S3. Le brevet FR3009380 donne plus de détails sur les façons d’articuler l’étape S1 de mesure de la concentration en oxygène interstitiel [Oi] et l’étape S3 de mesure de la concentration en donneurs thermiques [DT]exP.
Les étapes S1 et S3 peuvent être accomplies par un même équipement, par exemple l’équipement « OxyMap » commercialisé par la société « AET Solar Tech ».
Enfin, à l’étape S4 de la figure 1 , la valeur théorique [DT]th et la valeur expérimentale [DT]exP de la concentration en donneurs thermiques sont comparées. Si la valeur théorique [DT]th est proche de la valeur expérimentale [DT]ex , typiquement comprise entre 0,7*[DT]ex et 1 ,3*[DT]ex , l’histoire thermique de la portion du lingot est
considérée comme valide. Si au contraire la valeur théorique [DT]th est éloignée de la valeur expérimentale [DT]exP, typiquement > 1 ,3*[DT]exP, ou < 0,7*[DT]ex , alors l’histoire thermique de la portion du lingot n’est pas validée. Comme les mesures de la concentration en oxygène et de la concentration en donneurs thermiques [DT]ex sont effectuées après la cristallisation du lingot, la méthode de validation décrite ci-dessus est plus rapide et plus simple à mettre en œuvre que la méthode de l’art antérieur. Les résultats obtenus sont en outre fidèles au procédé de cristallisation employé, le procédé Czochralski dans cet exemple, car la méthode de validation n’interfère pas avec la cristallisation du lingot.
De préférence, les étapes S1 à S4 de la figure 2 sont accomplies pour différentes portions réparties le long du lingot (suivant l’axe longitudinal du lingot), afin de vérifier la validité de la simulation thermique dans sa globalité. La simulation thermique est considérée comme juste après que l’histoire thermique de chacune des portions sélectionnées ait été validée à l’étape S4 de la méthode.
Les différentes portions du lingot sont de préférence en nombre supérieur ou égal à 5. Elles incluent avantageusement l’extrémité haute et l’extrémité basse, appelées respectivement « tête » et « queue », car leurs histoires thermiques respectives sont très différentes. La concentration en oxygène interstitiel [Oi] et la concentration en donneurs thermiques [DT]ex sont de préférence mesurées au même endroit dans les différentes portions, par exemple sur un bord ou au centre des tranches issues du lingot.
Bien que la méthode de validation ait été décrite en relation avec un lingot en silicium monocristallin CZ, elle pourrait être appliquée à d’autres procédés de cristallisation et/ou matériaux semi-conducteurs (monocristallin ou polycristallin), dès lors que celui contient de l’oxygène. Le germanium et l’alliage silicium-germanium sont des candidats potentiels, car des donneurs thermiques à base d’oxygène sont également formés lors de leur cristallisation.