PROCEDE DE COUPLAGE DE MOLECULES NON IMMU NOGEN ES, COMPOSE INTERMEDIAIRE, PRODUIT FINAL OBTENU ET UTILISATIONS
La présente invention concerne un procédé de couplage de petites molécules non immunogènes afin de les rendre immunogènes.
L'invention couvre également un composé intermédiaire intervenant dans ce procédé, le procédé d'obtention de ce produit intermédiaire, le produit final obtenu et ses utilisations.
Le développement et la production d'anticorps dirigés contre des molécules du vivant présente de nombreuses applications notamment dans le domaine des sciences biologiques et médicales.
On sait cependant que ce procédé n'est réalisable que si les molécules d'intérêt sont immunogènes, ou antigéniques, c'est à dire susceptibles d'être identifiées par des structures de reconnaissance du système immunitaire telles que des molécules anticorps ou des récepteurs des lymphocytes T, et de déclencher une réponse immunitaire.
Or toutes les molécules ne sont pas immunogènes par elles-mêmes. C'est le cas notamment de nombreuses molécules de petite taille qui ne possèdent pas d'encombrement stérique suffisant pour induire une réponse immunitaire. Parmi ces molécules, on peut citer à titre d'exemples, les acides gras, les acides aminés, les neuromédiateurs, ou encore les vitamines.
Aussi pour induire la production d'anticorps dirigés contre ces molécules, il est possible de les associer à des macromolécules grâce à des techniques de couplages chimiques, et de synthétiser ce qu'on appelle des conjugués. Les
petites molécules deviennent alors antigéniques tout en conservant leur structure et leur activité biologique propres.
On connaît différentes techniques de couplages permettant de rendre immunogéniques des petites molécules. La méthode la plus simple consiste à adsorber directement la petite molécule sur la protéine porteuse par simple contact.
Il existe un autre procédé, basé sur une réaction chimique de type Friedel et
Crafts entre la petite molécule et la protéine porteuse par l'intermédiaire d'un dérivé halogène iodé de type iodure de sodium, diodopropane ou diodopyridone. On connaît également une technique réalisée à partir d'un dérivé de la petite molécule, ce dérivé étant ensuite couplé sur la protéine porteuse par un agent chimique tel que le glutaraldéhyde.
Il existe aussi une autre méthode, plus stable que les précédentes, qui recourt à l'utilisation d'un composé chloré intermédiaire comme par exemple l'éthylchloroformate.
Bien que ces méthodes de couplage soient couramment utilisées pour de nombreuses applications, elles ne sont pas applicables à toutes les molécules.
En effet certaines catégories de petites molécules ne possèdent pas de groupements fonctionnels appropriés au couplage à une protéine porteuse, comme par exemple un groupement carboxyle. C'est le cas notamment des molécules de poids moléculaire inférieur à 1000 Daltons (Da), qui possèdent au moins un cycle aromatique ou un hétérocycle.
L'obtention d'anticorps dirigés contre de telles molécules représente un enjeu important notamment dans le domaine de l'immunologie appliquée aux sciences médicales.
Le but est donc de trouver une nouvelle méthode de couplage qui permette de greffer une petite molécule sur une protéine porteuse malgré l'absence de groupements fonctionnels appropriés.
Pour pallier ce problème la présente invention vise à réaliser, par oxydation de la petite molécule, un produit intermédiaire qui possède les groupements fonctionnels appropriés au couplage sur une protéine porteuse. On connaît des techniques d'oxydation in vivo décrites dans un grand nombre de publications. Ces procédés connus concernent l'oxydation de neurotransmetteurs qui deviennent alors réactifs envers certaines molécules. C'est le cas des catécholamines et en particulier de la dopamine qui est très oxydable et qui en présence de cystéine (par exemple par liaison avec une N-acétyl-cystéine), génère la dopamine cystéinylée. Si l'on connaît bien les mécanismes d'oxydation des neurotransmetteurs pour modifier leurs propriétés, on ne connaît pas l'intérêt de ces neurotransmetteurs modifiés pour obtenir des anticorps dirigés contre eux après couplage. La présente invention vise donc l'obtention d'un conjugué immunogénique à partir de petites molécules ne possédant pas de groupements fonctionnels associés au couplage. Plus particulièrement, la présente invention propose une méthode de couplage reproductible et facilement mesurable comprenant une étape faisant appel à un mécanisme d'oxydoréduction. Le composé intermédiaire obtenu est ensuite couplé à une protéine porteuse. L'invention est maintenant décrite en détail. Dans la présente description, on désigne par « petites molécules » (A), des petites molécules de poids moléculaire inférieur à 1000Da, possédant au moins un cycle aromatique ou un hétérocycle, et au moins un site permettant une attaque nucléophile. A titre d'exemples, on peut citer comme molécules entrant dans cette catégorie l'acide folique, la thiamine, la riboflavine, la nicotinamide, les hydrocarbures aromatiques polycycliques ou encore le roténone.
De même, on désigne par « protéines porteuses » (D), des macromolécules de poids moléculaire supérieur à 10 000Da.
1/ PROCEDE D>E COUPLAGE
Le procédé de couplage comprend deux étapes.
lère étape : Attaque nucléophile sur A et liaison au site le plus réactif La première étape du procédé de couplage consiste à recourir à un composé aliphatique (B) possédant au moins un groupement thiol et au moins un groupement carboxyle, pour former un composé intermédiaire (CI), à partir de A.
Parmi les composés B on peut citer à titre d'exemples la thiol cystéine, la N-
Acétyl-Cystéine (NAC) ou le glutathion. Cette étape préliminaire a lieu en milieu basique.
La liaison entre la petite molécule A et le composé B se fait par mécanisme d'oxydoréduction par attaque nucléophile au niveau de sites réactifs très oxydables de A.
Le groupement thiol du composé B se lie au site le plus réactif de la petite molécule A.
La réaction qui se produit est la suivante :
R COOH
2ème étape : Couplage du composé intermédiaire à la protéine porteuse par amidification
Le composé intermédiaire CI obtenu peut ensuite être couplé à une protéine porteuse D par réaction d'amidif ication.
Cette réaction consiste à remplacer l'hydroxyle du groupement carboxyle par une aminé appartenant à la protéine porteuse D. La réaction qui se produit est la suivante :
+ HR'N - Protéine
R1
La formation d'une liaison amide entre le groupement carboxyle du composé intermédiaire CL et l'aminé de la protéine porteuse D ne se fait pas directement et nécessite le passage par une ou plusieurs réaction(s) intermédiaire(s). Parmi les nombreux moyens permettant l'amidification de CL1 on peut citer à titre d'exemple plusieurs variantes :
1) Amidif ication de CL par intervention d'un chlorof ormiate
Cette réaction se déroule en deux temps. Dans un premier temps, le chlore du chloroformiate réagit avec l'hydrogène du groupement carboxyle du composé intermédiaire CL pour former de l'acide chlorhydrique. Le chloroformiate et le composé intermédiaire CL peuvent ainsi s'associer pour former un produit de réaction (PR).
Le produit de réaction PR est ensuite capable de réagir avec la protéine porteuse D pour terminer la réaction d'amidif ication.
La réaction qui se produit est la suivante
R C N Protéine
R1
2) Amidif ication de CL par intervention d'une carbodiimide Cette réaction se déroule en trois temps.
Dans un premier temps, la carbodiimide active le groupement carboxyle du composé intermédiaire CL pour former un premier produit de réaction (PRl). On ajoute ensuite à PRl un N-hydroxysuccinimide (NHS) pour obtenir un second produit de réaction (PR2).
Le second produit de réaction PR2 est ensuite capable de réagir avec la protéine porteuse D pour terminer la réaction d'amidif ication.
3) Amidif icαtion de CI par intervention d'un halogénure d'acyle Cette réaction comprend deux étapes.
La première consiste à faire réagir un ion issu de l'halogénure d'acyle (le brome, le chlore, le fer, l'iode, etc.) avec l'hydrogène du groupement carboxyle du
composé intermédiaire CL. Ainsi l'halogénure d'acyle peut s'associer à CL pour donner un produit de réaction (PR1).
C'est ce produit de réaction PR1 qui interagit avec la protéine porteuse D pour former le conjugué final.
L'amidif ication du composé intermédiaire CL permet donc d'obtenir un conjugué qui a conservé la structure et l'activité biologique de la molécule de départ.
2/ APPLICATIONS Les applications d'un tel procédé peuvent être très diverses.
D'une manière générale ce procédé permet la production d'anticorps polyclonaux ou monoclonaux idiotypes dirigés contre des molécules non immunogéniques par
elles-mêmes, ou αnti-idiotypes, images internes de molécules non immunogéniques par elles-mêmes.
Il pourra donc être avantageusement utilisé dans le domaine de l'immunologie en recherche fondamentale et appliquée aux sciences médicales. II peut par exemple permettre l'élaboration de nouveaux vaccins. On peut citer son utilisation en particulier pour la réalisation de vaccins expérimentaux pour les animaux à titre préventif contre les tumeurs.
Les anticorps anti-idiotypes produits peuvent également être utilisés en tant que marqueurs de molécules pour détecter certaines pathologies dans le sérum de patients. Ils peuvent notamment permettre la recherche d'anticorps circulant dans le sérum de personnes ou d'animaux porteurs de tumeurs.
Ce procédé pourra également trouver des applications intéressantes dans le domaine de l'environnement. En effet, le développement d'anticorps contre certaines molécules toxiques selon ce procédé permettra de doser ces molécules dans divers milieux, biologiques ou non.
La présente invention est illustrée ci-après par un exemple unique non limitatif.
3/ EXEMPLE : SYNTHÈSE D'UN CONJUGUE BENZO(AV/RENE
On solubilise 5mg de benzo(a)pyrène dans un volume de DMSO supérieur à 0,9ml. Parallèlement, 0,8mg de N-acétyl-Cystéine (NAC) sont repris dans ImI de soude
4N.
La solution de NAC est ensuite ajoutée à la solution de benzo(a)pyrène.
Après ajout de ImI de tampon phosphate, le milieu est ajusté à pH7 par ajout d'acide chlorhydrique puis lyophilisé. Le composé NAC-benzo(a)pyrène lyophilisé est solubilisé dans un volume supérieur à 3ml de DMSO anhydre. On lui adjoint ensuite 50 à 70 μl de triéthylamine anhydre (TEA). Après ajout de 400μl d'ECF diluée au 16ème dans du diméthylf ormamide, l'activation est effectuée sous agitation pendant 10 min à
40C. Le composé est alors ajouté goutte à goutte, à 5mg de protéine porteuse préalablement diluée dans un volume supérieur à 3ml d'eau UHP et 40 μl de TEA.
NH
COCH,
L'ensemble est ensuite dialyse contre différents bains.
La première dialyse est réalisée pendant une heure contre du DMSO pur de manière à éliminer le B(a)P en excès non fixé.
Le bain est ensuite remplacé par un mélange DMSO/Méthanol/Tampon phosphate CaCI 2 pour une durée de 24 heures.
Finalement, la dernière dialyse est réalisée contre un Tampon phosphate CaCI 2 pour éliminer les sels et les solvants organiques. Ce bain est renouvelé deux fois. En fin de dialyse, le conjugué est obtenu en suspension dans un milieu aqueux et peut être conservé à 40C à l'abri de la lumière pendant une courte période. Les conjugués obtenus sont stables au cours du temps pendant environ deux mois.
Le benzo(a)pyrène, hydrocarbure aromatique polycyclique relativement répandu dans l'environnement, est une petite molécule hydrophobe, carcinogénique. Son poids moléculaire est de 252,3Da. La production d'anticorps dirigés contre cette molécule permet de nombreuses applications dans le domaine de la cancérologie. Il a notamment été mis en évidence sur un modèle animal que le conjugué synthétisé selon l'invention à partir de benzo(a)pyrène a un effet préventif sur des tumeurs chimio-induites.